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Je me tiens devant l'entrée du bar où mes amis m'attendent. Je viens d'appuyer mon deux roues contre un réverbère. Je prends le temps de bien attacher mon cadenas. Mon vélo ne ressemble à rien, mais c'est le meilleur moyen de locomotion pour cette ville, avec lui, pas d'embouteillage, pas de grève des transports . . . et par le même coup, pas de pollution.
Angela et Ben devaient être au fond de la salle, comme à leur habitude. Je les connais depuis le bac à sable et nous nous voyons ce soir pour notre sortie mensuelle.
Elle, grande, brune et mince, presque maigre, malgré un appétit d'ogre, travaille dans une agence de pub et lui, un peu plus petit qu'elle, tout aussi brun, mais tout en muscle, est prof de fitness. C'est deux-là ont toujours été ensemble et se sont mariés à la fin de leur études, il y a près de 5 ans.
Je jette mon mégot dans le cendrier au coin de la porte et je rentre à l'intérieur. Je suis submergée par le bruit, l'odeur et la chaleur. J'ai un léger étourdissement. J'aurais dû manger un truc ce midi, mais pas eu le temps.
Je cherche des yeux où sont mes amis, faisant un rapide topo sur la population qui occupe les lieux. Entre blonde à fortes poitrines prêtes à tout et mec entreprenant, presque collant ou totalement irritant, je sens que je vais encore une fois y avoir droit. Alors que je les vois au fond de l'établissement, comme je m'en doutais, je suis bousculée par un groupe de mecs éméchés.
- Hey, bonsoir mademoiselle, me lance l'un d'eux.
- T'es trop bonne toi, ajoute un autre.
Je sens mes joues se colorer. Ce n'est pas qu'il est réussi à me troubler, loin de là, je crois simplement, que comme plan drague, il y a mieux et la fatigue de la journée aidant, je sens que la colère et l'irritation ne sont pas loin. Je commence à m'inquiéter sérieusement quand je vois que le groupe de gars qui m'entoure commence à s'agrandir. Je ne sais pas quoi faire, n'y quoi dire. J'ai toujours eu du mal avec les hommes, surtout quand ils sont bourrés. J'ai tendance à ne pas faire le bon choix et à faire quelques choses de stupide. Comme m'enfuir, au lieu de chercher des explications, mais bon laissons le passé de côté, et reconcentrons nous sur le moment présent, pure merveille de sociabilité et de courtoisie. Mon œil. Je suis plus tôt de nature réservée, mais avec un brin d'impulsivité quand même.
Je fais un tour sur ma moi-même, pour voir à quoi j'ai à faire et je découvre que je suis entourée de sept gaillards gigantesques. Je m'avance vers l'un d'eux pour sortir du cercle qu'il forme autour de moi.
- tu vas où ma belle, on voudrait t'offrir un verre, me dit-il en m'empêchant de passer, posant sa main sur mon épaule. Je lui lance un regard, tout sauf sympathique, et il la retire.
- non merci, je ne suis pas intéressée.
- allé, ne fais pas ta chienne.
- pardon !
Il me regarde, pour lui, rien de plus normal que de traiter une femme de chienne quand elle ne veut pas répondre favorablement à ses attentes.
- oui, sois une bonne fifille, on veut juste t'offrir un verre, ajoute un de ses copains.
- j'ai dit non, maintenant vous me laissez passer.
- Sinon quoi, tu vas crier ? ajoute-t-il
Je commence à sentir la colère gagnait tout mon être, je ne sais pas quoi faire, je tourne ma tête vers la droite, puis la gauche, dans l'espoir de trouver un moyen de me sortir de ce mauvais pas. Je la baisse quand je sens des larmes de dépit me monter aux yeux. Je suis une vrai passoire en matière d'émotions, ou plus tôt une vrai éponge, je ne sais pas ce qui est le plus proche de mon sentiment présent.
- Putain de journée de merde, crachai-je.
- Tu dis quoi chérie.
- je dis que tu me fais chier, toi et tes potes de merde.
Et voilà, je suis grossière, ce n'est pas ce qui va arranger mes affaires. Mais je suis furieuse et je ne peux retenir les mots qui coulent entre mes lèvres.
- hey, reste gentille.
- tu dégage et tu me fous la paix.
- mais t'es une vrai tigresse, j'adore ça.
Il s'approche de moi et passe un bras autour de ma taille. Je ne peux retenir un cri de surprise. Alors sans rien préméditer, je lui assène un coup de poing dans la mâchoire. Il me regarde avec surprise. Je lui mais mon genou en plein dans son service trois pièce. Et je m'éloigne, le laissant tomber au sol. J'entends ses copains rires et l'un d'eux lui dire.
- . . . elle ne voulait pas de ton verre mon pote.
- c'est une garce, elle va me le payer.
Je cherche à nouveau mes amis du regard, je tombe sur eux. Ils sont dans leur monde, les yeux plongés dans la contemplation de l'autre. J'éprouve un sincère soulagement de les voir se sourire et se tenir la main.
Ben me voit approcher. Je pose un doigt en travers de mes lèvres, pour lui signifier de garder le silence. Je m'approche d'Angie, elle me tourne le dos, je lui pose mes mains sur les yeux.
- Coucou ma grande.
- oh Bella, j'ai cru que tu ne viendrais plus.
Elle se tourne vers moi et me sers contre elle.
- Tu m'as manqué, tu ne donnes jamais de nouvelles de toi.
- Oui, ajoute Ben, si je ne vous avez pas proposé de nous rencontrer le premier week-end de chaque mois on ne se verrait pas.
Je m'approche de lui et lui dépose un baiser bruyant sur la joue.
- tu as entièrement raison, mon cher, mais pour ma défense, ça fait un moment que je suis là, mais je suis tombée sur une bande de cons bourrés.
- Pourquoi ne pas nous avoir appelés.
- oublions, c'est du passé, alors que vous est-il arrivé depuis le mois dernier.
Ben regarde sa compagne et lui sourit. Il hoche la tête et elle lui répond de la même manière. Je bois une gorgée du verre de mon amie et attends la formidable nouvelle qu'ils vont m'annoncer.
- Voilà, commença-t-il, Angie et moi avons une grande nouvelle à t'annoncer.
- Oui ? Dis-je faussement surexcitée
- On va avoir un bébé.
- un bébé, mais comment. (Un peu sur les fesses quand même)
- Bella ! Rigola ma copine.
- non mais je sais comment on les fait, mais tu m'as toujours dit que tu ne pouvais pas.
- Oui, d'après le médecin de famille, me dit-elle. Mais tu sais, j'ai tenté des FIV, des traitements hormonaux, même Benjamin a passé des tests pour savoir si le problème venait de lui.
- et ?
- et, on n'a décidé de passer à l'adoption, ajouta son mari.
- oh.
- Bella, tu as vu le poids que j'ai pris, je suis énorme.
- tu es magnifique, nous écriâmes de concert Ben et moi.
- vous avez répété avant qu'on se rencontre.
- même pas mon ange, et avoue que tu n'avais que la peau sur les os.
Je détourne les yeux, le sourire aux lèvres, alors que mes deux amis s'embrassent langoureusement.
- on a déposé notre dossier ce matin.
- c'est super, euh, et c'est pour quand ?
- Tu sais, le temps qu'ils traitent notre dossier, il faut environ 3 ans, dans le meilleur des cas.
- Tant que ça ?
- Oui, sauf si je tombe enceinte entre temps.
- donc vous allez continuer les FIV et ton traitement aux hormones.
- J'ai fait une FIV ce matin. Et, nous attendons de voir si ça a pris.
- N'en parle pas comme d'une recette de cuisine ma chérie, la coupa Ben, faussement choqué.
- pardon mon amour.
- et tu bois quand même, lui demandai-je.
- cocktail sans alcool, ma grande.
- ah bon, je n'ai même pas fait gaffe en le goutant.
- Sam est le dieu des breuvages sans alcool ma grande.
- Sam ?
- le barmaid Bella! On vient ici depuis trois ans et tu ne sais même pas comment s'appelle le patron de cet établissement.
- oui, mais bon, c'est vous que je viens voir pas le décor, ni le décorateur.
- Bella, on est amis, tous les trois depuis la maternelle. On a 26 ans tous les trois. Et depuis qu'on est installé à Seattle, soit depuis 6 ans cette année, je ne t'ai pas vu une seule fois avec un mec.
- Ah non, tu ne vas pas remettre ça sur le tapis.
- Bell's, je t'ai présenté Jared, originaire de la Push.
- un idiot égocentrique.
- Jerry Simms.
- pervers sexuel.
- Jasper Withlock.
- Alice !
- oui, bon pour lui je suis d'accord, ta sœur a flashé sur lui.
- Ils sont mariés depuis 2 ans et ont un petit garçon.
- Oui, Malcom est un très beau petit gars, et pour Jacob ?
- C'est mon meilleur et je te signale qu'il est en couple avec Leah, tu sais, la Leah.
- Bella tu es aussi jolie qu'elle, voire plus.
- Arrêtes ton char, elle est mannequin Elite, elle défile à Paris, Rome et Londres.
- C'est toi qui l'as largué Bella, enfin tu as tout fais pour qu'il te quitte.
- rappelle-moi pourquoi on en est arrivé à parler de ma plus grosse erreur ?
- non, tu mélange tout ma chérie, on ne parle pas de lui, mais de ton désert sentimental. Depuis Emmett Cullen, je n'ai vu personne dans ta vie.
- Bon, c'est ma fête, c'est pour ça que j'ai droit à la mé-chan-te ANGUELA.
- Arrêtes avec ce surnom débile.
- Hey les filles, vous n'allez pas remettre ça. La dernière fois j'ai dû vous séparer à grand coup d'eau fraiche, Sam n'a pas apprécié.
- Non mon cher, je ne m'en prendrais pas à une futur maman.
- Trouillarde, me taquina sa belle.
Je lui tire la langue, elle me rend la pareil.
- Je t'aime tu sais, lui dis-je.
- Idem, Bella, idem.
- bon, eh bien, il se fait tard, je bosse tôt demain . . ., commençai-je
- Bella, il n'est que 21h.
- Oui, je sais, mais j'ai un boulot pas possible en ce moment.
- Bella te fous pas de nous, tu bosses à la morgue.
- Hey, ne juge pas mon boulot, tu sais le nombre de clients que j'ai.
- ils sont mort ma caille, ils ne t'en voudront pas si tu es en retard et puis tu arrives juste.
- oui, c'est sûre, mais demain j'ai une autopsie, pour une agression sexuelle, avec homicide, sinon elle ne serait pas dans mon service, tu t'en doute. J'ai mes exam', mon mémoire, le dernier oral. Je vous promets, la prochaine fois vous venez à la maison et je me ferais pardonner. Ok.
Mes deux compagnons me regardent avec surprise et je me rends compte que je ris et qu'un léger bruit nasal accompagne mon rire.
Et oui quand je ris, je fais le petit cochon, et ce n'est même pas volontaire. C'est surtout très . . . mortifiant.
- Bon, ne m'en voulez pas, je vous rappelle, ou mieux Ben tu me rappelle, tu sais que l'une comme l'autre on oublie toujours, tu es notre planche de salut.
- Bella, je n'oublierai pas ta proposition, mais tu peux rester 5 minutes de plus.
- Angela, ce ne serait pas bon pour ma carrière, si je vomissais sur le corps d'une pauvre innocente.
- lâcheuse.
J'embrasse mes deux amis et me dirige vers la sortie. Je regarde autour de moi, je ne sais pas, une impression peut être. Je sers mon écharpe autour de mon cou, il fait froid. Encore un regard en arrière, je jurerais que je ne suis pas seule dans la rue. Je m'allume une clope, la dernière de ma journée, et j'enfourche mon vélo.
Je me sens mal à l'aise tout le long de la route qui me ramène chez moi, je suis tellement sur d'être suivie que je fais des détours, je m'arrête devant la Space Needle et j'en profite pour souffler. J'ai roulé très vite, à plein gaz.
Je fais semblant de regarder la tour qui me fait face, me rapprochant d'un groupe de jeunes qui se prennent en photos. Je jette un coup d'œil à droite et à gauche, avec le plus de discrétion possible. Alors que je me dis « tu pètes un câble Swan », je vois un pick-up bleu passé derrière moi. Rien de surprenant me direz-vous, sauf qu'il roule au pas.
Après être resté un cours instant à mon niveau, il démarre en grande vitesse, grillant le feu rouge et tournant sur la droite. Tant mieux, moi, je vis à gauche. Je n'aurais pas eu le courage de me rendre chez moi alors qu'il aurait pu me tomber dessus ce malade.
Je remets en place mon blouson, tire sur mes gants et voilà que je reprends ma route, il est 22h et demain je me lève tôt.
