Avant propos : en arrivant ce matin au ministère, je me suis sincèrement demandée comment toutes les personnes de l'accueil faisaient pour être à l'heure alors que tous les transports étaient au mieux ralentis (vive la neige parisienne). J'ai donc profité de ma pause déjeuner pour rédiger ce petit OS, j'espère qu'il vous plaira. Je suis un (tout petit) peu partie en roues libres ^^

Très librement inspiré de la série Sherlock de la BBC ...


Où Lestrade échafaude une théorie qui explique tout

Depuis le milieu de la nuit, une large vague de froid s'était abattue sur l'ensemble de l'Angleterre et Londres en ce plein milieu du mois de mars avait revêtu, pour la dernière fois espérait-on des habits blancs. Cette dernière offensive de l'hiver avait été rapide et imprévisible, menée par un général audacieux qui avait pris à revers et par surprise l'ensemble des services publiques de sa Gracieuse Majesté. Aussi, depuis le matin, la BBC ne cessait d'égrener la liste des transports publics interrompus et des voies de circulation fermées au trafic, recommandant à l'ensemble des londoniens de rester calfeutrés chez eux à boire du thé. Ou du café. Ou du chocolat. Ou n'importe quoi d'autre qui leur permettrait de passer agréablement leur temps en attendant que cette tempête daigne cesser.

Mais, évidemment, pour le Detective Inspectorate Lestrade, la question ne se posait pas. On, enfin le gouvernement britannique et plus précisément un Holmes, lui avait donné rendez-vous à 8h du matin frappante à Big Ben dans l'un des bureaux du Home Office. Aussi s'était-il levé tôt, très tôt, car malgré toute l'imprévisibilité du phénomène revendiquée par les services nationaux, l'un d'eux, le service de météorologie, avait tout de même vu clair dans la tactique de l'ennemi et avait tenté, en vain semble-t-il, d'obtenir un support des troupes. Et malgré toutes ses précautions, l'inspecteur avait rapidement compris qu'il serait en retard et cela le mit de mauvaise humeur. Puis il s'imagina son interlocuteur, assis derrière son bureau, son parapluie refermé et déjà sec posé négligemment contre le mur à la droite de la porte et le petit sourire de l'homme qui n'était-pas-en-retard-mais-qui-comprenait-qu'on-puisse-l'être. Le lieutenant Lestrade était de très mauvaise humeur.

Il finit tout de même par arriver, car en avançant, on arrive toujours fatalement quelque part même si ce n'est pas en temps voulu. Ses joues étaient rouges, ses mains glacées, son souffle court, sa parka humide. Il eut une légère satisfaction à constater le léger état de panique ambiant dès le seuil de la vénérable institution nichée dans son écrin moderne. Les sas d'entrée laissaient passer paresseusement les quelques courageux qui avaient bravés et vaincus la neige. A l'accueil, une fonctionnaire qui était probablement en charge en temps normal d'étudier des statistiques afin de piloter des services aux acronymes mystérieux tentait de suppléer à l'absence du personnel dédié. Lestrade tendit son badge et on le laissa passer sans plus de formalité. Les tempêtes de neige sont les alliées des terroristes mais de cela le lieutenant ne pouvait en douter : difficile de protéger le pays lorsque les forces vives incubent leur grippe sous une couette ou se rendent à l'hôpital pour soigner une jambe cassée.

Lestrade ne se perdit que deux fois dans les méandres des bureaux et des ascenseurs et parvint, avec une heure et trente quatre minutes de retard, autant être précis, devant le bureau de Mycroft Holmes. Il ne jeta pas même un regard à la plaque accrochée sur la porte fermée. A sa première venue, il avait secrètement espéré découvrir par ce biais la fonction exacte de son interlocuteur. Las, la mention, tout aussi énigmatique que celui auquel elle se référait, ne lui avait rien appris. Il passa la tête dans le bureau des secrétaires attenant et découvrit Anthea assise, le dos droit, la veste sèche de son tailleur impeccablement pliée sur l'un des fauteuils et un parapluie noir, probablement emprunté, sec lui aussi qui pendait sur le porte-manteau. Elle ne leva pas les yeux de son téléphone portable qu'elle utilisait de sa main droite, ou était-ce de son clavier d'ordinateur qu'elle martelait de sa main gauche. « M. Holmes arrive dans deux minutes » annonça-t-elle.

Deux vagues successives balayèrent le lieutenant de police : la première était une satisfaction intense à savoir qu'il ne serait pas, pour une fois, le dernier à arriver quelque part et la deuxième fut une appréhension sourde lorsque, cent vingt secondes exactement plus tard, Mycroft Holmes apparut au bout du couloir.

Lestrade regarda plus attentivement l'assistante du gouvernement britannique. Ses doigts de la main droite venaient de reprendre leur frappe frénétique sur l'écran du pauvre téléphone qui aurait pu attendre d'une femme si distinguée un traitement plus amicale. Elle appuya sur "Envoyer" et à cet exact instant, Mycroft Holmes tendit le bras. La coïncidence frappa le lieutenant. Il s'avança vers le nouvel arrivant et entendit simultanément le bip signalant l'envoi d'un message et les salutations du fonctionnaire.

Et soudain Lestrade eut une révélation qui le glaça : le gouvernement britannique était piloté par un téléphone portable. Les moindres faits et gestes de l'aîné des Holmes était téléguidé, dicté par des ordres brefs et précis envoyé dans le flot d'ondes qui traversait continuellement Londres. Sherlock était-il au courant ? Etait-il lui aussi manipulé ou était-il lui-même un cyborg, une intelligence artificielle (ce qui en fait expliquerai bien des choses) ? Une cyborg forcément. Qui aurait pu arriver si tôt par un temps pareil ? Dans ce bâtiment moderne, il n'y avait aucune place pour un quelconque appartement mais un robot n'avait ni besoin de dormir, ni de manger ni même de se laver. Ou alors, c'est qu'il y en avait plusieurs. Plusieurs Anthea. Des images de Battle Star Galactica lui revinrent en mémoire tandis qu'il rendait machinalement ses salutations à son interlocuteur. Mais il conserva la menace dans son champs de vision. Question de survie.

De quel cerveau fou était né cette Anthea cyborg ? Le complot se dessina bientôt dans le cerveau de l'inspecteur et il sut qu'il avait touché juste : un plan pareil ne pouvait provenir que de Sherlock Holmes dans le but d'abord de contrôler son frère et par là même la Grande Bretagne et le monde. « And they have a plan ».

Mycroft avait ouvert la porte et s'assit confortablement à son bureau tout en invitant Lestrade à entrer et de fait à laisser derrière lui le bureau de son assistante. Un sourire se dessina sur ses lèvres tandis qu'il étudiait les pensées qui se matérialisaient presque au-dessus de l'inspecteur. L'armée de robots. Même sous la torture, il nierait avoir jamais eu cette théorie là lui aussi. Il fit signe au lieutenant de prendre un siège.

« Ne vous inquiétez pas, moi même je n'ai pas encore compris comment elle faisait. Il faut bien que le gouvernement britannique ait quelques mystères à résoudre.

Lestrade se figea sur son siège.

- Vous auriez pu demander à un détective consultant, fit-il remarquer d'une voix légèrement trop tremblante pour être décontractée.

Mycroft marqua une pause et dans un soupir, lâcha, sur le ton de la confidence :

- Je crains qu'il n'ait beaucoup trop parti lié à cette affaire ».

Puis, imperturbable, Mycroft, sorti le dossier sur lequel ils devaient travailler, feignant ne pas voir le visage horrifié de son subordonné.

Quand Anthea apporta le thé, plus tard dans la matinée, le Detective Inspectorate, dans un dernier frisson, enregistra la concomitance de l'envoi d'un message et de l'arrêt de la tempête de neige.

« Il s'arrête de neiger », nota la jeune femme. Et dans un sourire que Lestrade qualifiera plus tard de carnassier, elle ajouta : « Vous allez pouvoir rentrer chez vous, à l'heure ».