Coucou !
Ce projet trottait dans ma tête depuis un petit moment, alors je le mets en place, je ne peux plus attendre. Ne vous en faites pas, j'arriverai à gérer deux recueils, j'aime faire plusieurs choses en même temps.^^ Concernant ce premier texte, je tiens à préciser que ce n'est pas du Sherlolly. Je ne suis pas fan de ce couple, donc il n'y a quasiment aucune chance que vous le retrouviez dans une de mes fictions. Cependant, personne ne peut ignorer les sentiments que Molly éprouve à l'égard de Sherlock. Ah, deuxième précision, cet OS prend en compte la troisième saison, alors si vous ne l'avez pas vue, il est encore temps de fuir.^^
Enfin, j'aimerais remercier Aurolya, qui a pris le temps de lire ce texte et de me suggérer des améliorations. -)
Enjoy !
Molly Hooper se sentait fébrile, et elle se maudit intérieurement. Quand cesserait-elle de se comporter comme une adolescente, surtout dans les toilettes de la morgue ? Ce n'était vraiment pas l'endroit le plus approprié pour avoir ce genre de pensées. Pourtant, elle ne put s'empêcher de repasser une couche de rouge à lèvres. Il aimait ce rouge à lèvres, il disait toujours que ça lui donnait une plus jolie bouche. Alors, si sa bouche lui plaisait mieux peinte en rouge, elle la peindrait en rouge. Elle eut une pensée coupable à l'égard de son fiancé, Tom, pour qui elle ne prenait pas tant de précautions. Mais, elle avait beau essayer, elle ne parvenait pas à sortir ce satané détective consultant de sa tête. Son cerveau pernicieux en faisait toujours le centre de ses pensées, même lorsqu'elle passait du temps avec son « amoureux officiel », comme elle se disait. Quelle formule ridicule. La légiste se sentait ridicule. Des années qu'elle tentait de séduire Sherlock Holmes, des années qu'il l'ignorait, sauf… sauf depuis ces deux dernières années, quand il avait fait d'elle la complice de son faux suicide.
Il venait parfois dormir dans son petit appartement, aussi discret qu'un félin : la seule trace de son passage était une couverture froissée par un homme fantôme, et son odeur si particulière. Pas de petit mot, rien. Elle n'avait jamais parlé de cela à son fiancé : c'était son petit secret, elle aimait penser qu'elle lui avait été utile, qu'il s'était senti en sécurité chez elle. Molly s'était juré de l'aider depuis le jour où il lui avait demandé de fabriquer une poche de sang et de simuler une blessure à la tête. Molly Hooper en avait vu plus d'une, et, en tant que légiste, travaillait avec finesse. Elle se souvenait de ces deux ans où elle avait dû mentir à tout le monde, en particulier à John… cela lui avait brisé le cœur. Le rouge à lèvres ripa, et elle pesta. Si elle avait fait tout cela, c'était pour Sherlock, pour protéger Lestrade, John et Mrs Hudson… ce qu'elle avait fait était courageux, elle en était consciente, mais cette pointe de culpabilité ne voulait pas la quitter. Elle chercha un paquet de mouchoirs dans la poche de sa blouse, encombrée par les barres de céréales, les tickets de restaurant et le trousseau de clés de la morgue. Elle essuya la trace de rouge à lèvres, puis tenta un sourire. Le miroir lui renvoyait le reflet d'une femme plus sûre d'elle, mais elle ne parvenait pas à faire disparaître la pointe de tristesse de ses yeux noisette.
Elle allait se marier, pourtant, elle aurait dû être radieuse : mais elle ne se mariait pas avec le bon, et malgré son envie, elle ne parvenait pas vraiment à tourner la page. Son cœur battait toujours aussi vite en la présence de Sherlock, son langage devenait toujours aussi sommaire, elle avait toujours l'air aussi stupide. Rien de tout cela en présence de son futur époux, elle éprouvait simplement de l'affection et… il ne possédait pas les trois quarts de l'intelligence de Sherlock. Sa main se serra sur le rebord du lavabo, et elle s'efforça de se calmer. Il fallait qu'elle arrête de se faire des illusions, qu'elle grandisse. Molly n'était plus une adolescente… elle sortit des toilettes, et dévora une barre de céréales, se donnant l'impression d'être une hystérique. Son portable vibra : un message de Tom, qu'elle ignora.
Il inondait son smartphone, et elle n'avait pas le temps de répondre à tous ses textos. En plus, elle était en retard, Sherlock allait encore grogner. Alors qu'elle s'apprêtait à pousser la porte de la salle d'autopsie, elle s'avisa qu'elle tenait encore le rouge à lèvres. Elle le rangea bien vite, tout en pensant qu'il était heureux que le détective n'ait pas découvert sa réserve de maquillage… Molly se passerait de ses commentaires. Son cœur rata un battement dès qu'elle le vit, et elle jura intérieurement.
« Ne sois pas idiote, Molly Hooper, il t'a bien fait comprendre que vous n'étiez qu'amis lors de l'affaire du faux journal de Jack l'Eventreur… et en plus, il n'arrêtait pas de t'appeler « John » ! » se morigéna-t-elle mentalement.
Il était vêtu de son habituel trench noir, au col relevé, mais ne l'avait pas fermé. La légiste avait tout le loisir d'admirer sa chemise anthracite ajustée, légèrement ouverte sur le col, comme pour la torturer. Elle se demanda si un quelconque dieu de l'amour ne lui en voulait pas, avant de chasser cette pensée stupide qui ne l'aidait vraiment pas.
« Je ne savais pas que ma chemise était si fascinante, commenta Sherlock un peu sèchement, mais bien plus gentiment qu'avec d'autres employés de Barts. »
Les joues de la jeune femme devinrent instantanément rouges, et elle bégaya une réponse. Elle se serait giflée. Pourquoi était-elle si mal à l'aise en présence des hommes qui lui plaisaient ? Pourquoi ne pouvait-elle pas être comme toutes les charmantes jeunes femmes qu'elle voyait parfois à la terrasse des cafés ? Molly plongea dans les yeux gris de Sherlock, affrontant ce regard bouillonnant d'intelligence, mais légèrement adouci par sa présence. Le regard que le détective réservait aux amis, même s'il devenait presque vulnérable face à John Watson. Elle se rendit compte qu'il attendait, et décida enfin de mettre son cerveau en marche et de redevenir le médecin légiste qui s'était fait la malle depuis quelques minutes. Elle découvrit délicatement le corps, en un geste emprunt de respect. C'était une femme d'une quarantaine d'années, à la chevelure brune striée de mèches rousses, aux traits réguliers et un peu ronde.
La défunte s'appelait Laura Dennis, et avait été retrouvée la veille, poignardée… Molly n'avait pas eu le temps de l'autopsier, occupée par des corps similaires. Elle adressa un regard plein de pitié au cadavre, mais se reprit vite. La jeune femme n'oubliait jamais que tous ces défunts avaient été autrefois des êtres humains, que des personnes les avaient aimés. Elle devait prendre ses précautions lorsqu'elle les manipulait, même s'il lui arrivait de céder aux lubies de Sherlock, qui n'avait le droit de faire des expériences que sur les corps d'anonymes.
« Qu'est-ce que vous voulez ? demanda-t-elle d'une voix timide, sachant très bien qu'elle devait encore avoir l'air gêné.
-Il faut que je vérifie ses mollets, répondit le détective, son regard vif parcourant le corps de long en large. »
Pas de « s'il vous plaît », et il n'y aurait pas de « merci » non plus. Toutes ces petites choses qui ne changeaient pas. Elle découvrit les mollets, marqués d'une entaille en forme d'étoile. Cela lui rappela la fleur de lotus tatouée sous le pied des victimes d'une organisation de contrebandiers chinois. Sherlock marmonna des paroles inintelligibles, puis d'un geste impatient, lui signifia qu'il en avait assez vu. Molly recouvrit la victime, soustrayant le cadavre au regard des vivants.
« Qu'est-ce que cela signifie ? questionna-t-elle timidement.
-La marque de fabrique du tueur. Pas une organisation, ils utilisent plutôt les tatouages ou le fer rouge. Je dois trouver la signification… texto à John. »
Il sortit son portable à la vitesse éclair, et pianota presque aussi vite. Molly le regardait, silencieuse, en profitant pour observer ses mains gantées fines et élégantes, l'arrête régulière de son nez, ses boucles noires indomptables qu'elle rêvait de toucher… et voilà qu'elle fantasmait de nouveau comme une jeune fille en fleur. La légiste avait presque l'impression d'être une femme adultère de manière indirecte. Elle se retint d'agripper les bords de la table d'autopsie, ne voulant pas donner à Sherlock plus d'informations qu'il n'en avait déjà. Il n'avait certainement pas loupé le rouge à lèvres, le rougissement de ses joues et ses bégaiements. Même son ancienne voisine, May Garner, s'en serait mieux sortie… alors qu'elle ne sortait jamais de son appartement. Une paranoïaque. La voix grave et riche du détective effaça instantanément le visage maigre de May Garner, le remplaçant par un magma de pensées incohérentes tournées vers l'homme qui la fixait intensément –ne savait-il pas regarder autrement ?-. Elle soutint son regard, bien décidée à ne pas être timide. Elle avait tout de même été l'un des gardiens de son secret durant de longs mois, elle s'était rongé les sangs pour lui, soupirant de soulagement quand elle retrouvait la couverture froissée.
Elle en vint à se demander si cette « négligence » de sa part n'était pas délibérée. Anderson, un désagréable personnage, disait souvent qu'il était inhumain, un psychopathe : Molly savait qu'il avait changé d'avis, mais ne l'aimait pas plus pour autant. Anderson n'avait jamais eu de conversation réelle avec le détective, il avait été incapable de comprendre pourquoi son chef, Mrs Hudson, John et elle l'aimaient. Elle n'y avait jamais vraiment réfléchi : l'amour était irrationnel, inexplicable. Il apparaissait tout à coup, et il fallait faire avec. Elle voyait en Sherlock ce côté humain, elle ne se laissait pas tromper par le sarcasme et l'indifférence. Molly Hooper était la femme timide qu'on ignorait, qu'on pensait même un peu stupide parfois. Personne, hormis Sherlock, ne savait qu'elle était sortie major de sa promotion à l'université, personne ne soupçonnait ce qui se cachait derrière les traits de la femme à la bouche trop fine. Le détective lui avait dit qu'elle était celle que Moriarty avait oubliée, l'amie insoupçonnée. La femme de l'ombre, les petites mains, mais la femme indispensable.
« Joli rouge à lèvres, Molly, dit enfin Sherlock, brisant le silence gênant qui s'était installé.
-Ah euh merci, répondit-elle, tentant de ne pas montrer son ravissement. Vous voulez un café ?
-Oh, oui, répondit le jeune homme, un peu surpris, noir…
-Deux sucres, termina-t-elle avec un petit sourire. »
Sourire auquel il répondit. Il lui fallut un moment, et un haussement de sourcil de la part d'un détective impatient la ramena à la réalité. Elle se précipita hors de la salle d'autopsie, sa blouse formant comme une cape blanche derrière elle, et ne put s'empêcher de rajuster sa queue de cheval, un geste machinal dont elle ne réussissait pas à se débarrasser. Une brune aux grands yeux noirs, Bethany, l'interpela, sans doute pour lui parler de sa nouvelle conquête, espérant rendre Molly jalouse de son succès. L'auxiliaire du docteur Ogden lui rappelait souvent les reines du lycée qui riaient d'elle, le dégoût des cadavres en moins. Mais elle ne céda pas. Cette fois-ci, elle passa devant Bethany la tête haute, bien décidée à arriver à la salle de pause avant que Sherlock ne s'en aille. Le jeune homme capricieux détestait attendre, et elle tenait absolument à boire un café avec lui… entre amis. Si Molly savait qu'elle ne pouvait avoir son cœur, au moins aurait-elle son amitié, et elle était consciente que c'était bien plus que ce que la plupart des gens pouvaient espérer. Elle était une privilégiée… alors que les cafés chauffaient, elle sortit son tube de rouge, le fit glisser entre ses doigts en souriant. Elle se trouvait jolie avec une touche de maquillage. Pour elle, pour l'unique détective consultant au monde, elle honorerait ses lèvres d'une petite attention. Elle le rangea à nouveau dans sa poche, gardienne de tous les petits secrets de la légiste, et remplaça l'objet par deux sucres, qu'elle laissa tomber avec un double « plop », avant de se perdre dans la contemplation de leur fonte dans les ténèbres du café.
