Lucius Malefoy apparut dans une rue déserte. Des poubelles étaient renversées en travers de la route et les lampadaires s'étaient écrasés sur les tuiles des toits. Derrière certaines fenêtres brisées, des flammes crépitaient, nimbant les alentours d'une lumière orangée et vibrante. Malgré l'aspect anarchique du lieu, le ciel avait une teinte bleue myosotis et les nuages, panaches blancs et cotonneux, se déplaçaient calmement dans le ciel, sans même se rendre compte de l'horreur qui se déroulait juste en dessous d'eux.

Lucius poussa du bout de sa botte en cuir noire le corps inerte d'un Moldu maigrichon que la mort avait rendu livide. Pas une seule seconde Lucius ne ressentit de remord en apercevant le visage qui exprimait pourtant une terreur profonde. Il savait qu'il n'avait pas causé sa mort. Seulement, il y en avait eut un bon nombre de ses sorts… un de plus ou de moins, cela ne faisait pas une grande différence. Et puis, ce n'était pas comme si les Moldus méritaient une quelconque attention.

« N'oublie pas pourquoi tu es venu », se répéta intérieurement Lucius.

Lui, et sept autres mangemorts, avaient été envoyés à la recherche de quelque chose. Lucius et ses collègues ne connaissaient pas grand-chose de ce qu'ils recherchaient. Le Seigneur des Ténèbres leur avait clairement précisé que, lorsqu'ils se retrouveraient en face de la chose, ils sauraient ce que c'est, mais cela n'aidait personne…

Tout ce qu'ils avaient, c'était une adresse : 4, Privet Drive. Rien de plus.

C'est un prisonnier qui a tout raconté au Seigneur des Ténèbres. Ce dernier n'avait rien voulu dire sur ce que le prisonnier lui avait révélé. Tout ce que Lucius avait comprit, c'est qu'il y avait un lien entre une lettre, Albus Dumbledore, Lily Evans. Et Harry Potter.

La capuche de sa cape noire toujours rabattue sur sa tête, son masque bien attaché sur son visage, Lucius observa le panneau Moldu qui indiquait « Privet Drive ». Avec un demi sourire satisfait, il s'avança plus profondément dans le quartier.

Tout le monde était mort. L'état des rues ne différait pas des autres, signe que l'un des sept autres mangemorts était déjà passé par là. Lucius fut amusé quand il comprit que ce dernier ne s'était pas arrêté. Sans doute n'avait-il pas vu les différents écriteaux… il était vrai que se déplacer dans le monde des Moldus n'était pas une mince affaire. Toujours est-il que c'était Lucius qui allait ramener à Lord Voldemort ce qu'il lui avait demandé. Lucius n'osait pas penser à la récompense que tout cela allait lui valoir…

Enfin, Malefoy trouva le numéro 4. L'herbe de la pelouse était cramée, mais c'était plus par le soleil que par la magie. Là aussi, les vitres avaient explosées, mais il n'y avait aucun feu visible. La porte tenait solidement sur ses gonds, mais il ne fallut qu'un « Expulso » pour dégager l'entrée.

Lucius entra dans la maison et visita les différentes salles. La cuisine était encombrée de différents ustensiles ménagers que le sorcier ne comprenait absolument pas. Dans le salon, Lucius s'attarda un instant devant un gros écran noir et brisé. « Pitoyable », songea-t-il en observant les différentes technologies qui remplaçaient la magie des sorciers.

À l'étage, Lucius entra tout d'abord dans une chambre vide, sans grand intérêt, une chambre d'adolescent mal organisée, une chambre d'adulte parfaitement rangée et… quelque chose, dans la dernière chambre, capta toute son attention. Il y avait, sur les murs, différents étendards de Gryffondor. Le lit croulait sous les livres de magie, et un Éclair de Feu traînait par terre. Une baguette couchait aux pieds du mangemort, et il la ramassa avant de la cacher dans une poche de sa cape.

Lucius entra dans la pièce. Une valise était ouverte sur des boxers et paires de chaussettes, et il y avait punaisé sur le mur un calendrier de fortune dessiné précairement sur une parchemin froissé. Lucius s'en approcha. Un titre se trouvait au dessus : JOURS AVANT POUDLARD. La dernière croix se trouvait au 7 juillet, pour autant nous étions le 25. Curieux, Lucius s'approcha du lit et s'empara d'un livre. Ce qu'il vit, sur la première page, le pétrifia, et le livre tomba sur le sol avec un bruit sourd.

« Ce livre appartient à Harry Potter. »

Il s'agissait donc de la maison des Moldus où vivait Potter.

Ce n'était pas quelque chose que Lord Voldemort voulait que les mangemorts aillent lui chercher. C'était quelqu'un. Le Survivant.

Aussitôt, Lucius resserra sa prise sur le pommeau en forme de serpent d'argent de sa baguette. Il plissa les yeux, cherchant du regard une preuve de la présence de Potter dans les environs.

« Homenum Revelio », dit-il d'une voix claire et précise.

Aussitôt, il aperçut juste en dessous de lui une petite lumière rouge. Lucius descendit silencieusement les escaliers, grimaçant à chaque fois que les marches en bois grinçaient. Une fois sur le perron, il tourna sur lui-même à la recherche de la lumière rouge. Il mit un certain temps avant d'accepter qu'elle puisse se trouver dans le placard à balais, juste en dessous de l'escalier.

Lentement, et avec précaution, Lucius ouvrit la porte du placard, qu'il pointait de sa baguette. La poignée tourna mais la porte refusa de s'ouvrir. Lucius prononça distinctement « Alohomora », et la porte s'ouvrit avec un petit claquement. Le mangemort avait déjà vu des choses terribles dans sa vie, mais rien ne l'avait jamais préparé à cela :

Une odeur nauséabonde émana du placard. Un mélange de pourriture et de décomposition. Lucius reconnut facilement les relents métalliques du sang, auxquels il était habitué, mais il y avait quelque chose d'abominable, rien que dans l'odeur. Lucius avait les yeux fermés, mais il avait beaucoup de difficultés à retenir les hauts-le-corps qui le secouaient. Lucius Malefoy, l'un des mangemorts les plus craints à la solde du plus grand mage noir de ce siècle, avait peur d'ouvrir les yeux. Lorsqu'il s'y résout, il regretta aussitôt de ne pas s'en être tenu à l'odeur :

Il y avait un corps, coincé dans une position burlesque et piteuse pour tenir dans le placard malgré sa taille. Pâle et maigre, il n'avait que la peau sur les os. Pour peu, Lucius l'aurait confondu avec un Inferius. C'était, de toute évidence, un garçon, mais l'âge était difficile à donner. Lucius, après un examen précaire et à vu d'œil, jugea qu'il devait avoir entre treize et dix-sept ans. Il ne pouvait avoir ni beaucoup moins, ni beaucoup plus. Ses cheveux en batailles partaient dans tous les sens et étaient inexistants par endroit – il manquait des touffes entières ! Sa peau était striée de marques rouges et violacées à de si nombreux endroits qu'aucun mangemort ne pouvait en être la cause… eux-même n'étaient pas aussi cruels (excepté, peut-être, la belle-sœur de Lucius, Bellatrix Lestrange). Le corps gisait dans un sorte de liquide qui semblait mêler du sang, de la sueur, de l'urine et d'autres substances qu'il valait mieux ne pas connaître. Mais lorsque Lucius aperçu la longue cicatrice qui entourait le cou du garçon, il comprit que peu importe qui il soit, Moldu ou non, il devait le sortir d'ici.

Il prit mille précautions pour ne pas blesser plus encore le garçon. Il ignorait s'il était toujours en vie, mais il ne voulait prendre aucun risque. Après de longues minutes où il jura de nombreuses fois, le corps se retrouva étendu le long du couloir, la peau a vif. La vu de cet adolescent, dont la peau disparaissait sous différentes croûtes et couches d'on-ne-sait quoi séché, était difficilement supportable à Lucius.

Après l'avoir regardé durant une longue seconde, un éclair traversa l'esprit du mangemort et la panique le submergea. Ce pouvait-il que…

« Non », murmura-t-il, stupéfait. « C'est impossible. Ce ne peut être… Potter. »

C'était bien lui. Lucius avait passé la main sur son front et avait poussé du doigt une mèche de cheveux qui tomba à coté de sa tête sans difficulté, comme si un simple filament avait tout retenu. Et les cheveux avaient laissés place à une petite cicatrice, disparaissant sous différentes marques vifs et sanguinolentes. L'éclair était encore difficile à voir, mais elle était bien là. Lucius eut l'impression, en regardant le front charcuté du garçon, que son geôlier avait essayé de la faire disparaître.

« Par le sang de Serpentard… », murmura-t-il de nouveau, incapable de savoir quelle réaction devait-il avoir.

Son épouse, Narcissa Malefoy, ne lui pardonnerait jamais si il l'abandonnait. Elle n'avait pas la marque des mangemorts mais était tout entière à leur cause. Pour autant, rien n'était plus fort que son instinct maternelle. Lucius savait qu'elle pourrait sans hésiter se jeter sur le Seigneur des Ténèbres en personne si elle savait que cela pouvait sauver Drago, leur fils. Si elle apprenait que Lucius avait laissé un adolescent sur le seuil de la mort, fusse-t-il Harry Potter, leur pire ennemi après Dumbledore, jamais elle ne le lui pardonnerait.

D'un autre coté, si Lucius ramenait Potter chez lui, le Seigneur des Ténèbres tomberait forcément sur lui. C'était sans doute cela qu'il avait demandé à ses fidèles de faire : ramener le garçon. Mais alors, que lui ferait-il ? Peut-être, songea Lucius, que la mort était un sort plus clément que ce qui pouvait l'attendre avec Lord Voldemort ?

Lucius réfléchit un long moment avant de prendre une décision. Et au final, ce fut le gémissement qui s'échappa des lèvres de Potter qui le décida. Il était faible, et véritablement pitoyable. Mais attendrissant. Lucius n'y croyait pas, mais ce simple son lui fit prendre la décision qui pouvait le couvrir de gloire autant que lui peser sur la conscience.

Se demandant vaguement si il pouvait soutenir le poids du transplanage, Lucius posa les mains sur l'abdomen de Harry et pensa très fortement au Manoir Malefoy, où Narcissa et Drago devaient l'attendre, inquiets, assis dans les confortables fauteuils du salon.

Le salon du Manoir Malefoy était richement décoré de tapisseries anciennes, de meubles luxueux et de tableaux aux cadres d'or et d'argent. Un grand tapis pourpre recouvrait une partie du plancher sombre. Un large lustre en cristal scintillant pendait du plafond, éclairant à l'unisson, avec les chandelles sur les tables, les murs d'une lumière claire et blanche.

Lucius Malefoy ne s'était pas trompé. À l'instant où il apparut dans le salon chaud et sombre du Manoir, il vit son épouse et son fils bondir des fauteuils dans lesquels ils étaient assis et accourir vers lui.

« Lucius, tu as mit un temps… Par la barbe de Merlin ! », s'écria Narcissa.

Son cris de surprise et d'effroi joignit celui, qui n'avait plus rien de masculin, de son fils. Tous deux s'immobilisèrent à quelques mètres du corps inerte de Harry, incapables de s'avancer plus encore. Narcissa paraissait véritablement choquée que son mari ait pu amener dans son salon quelque chose d'aussi épouvantable, et Drago était tout simplement dégoutté par ce qu'il avait sous les yeux.

« Lucius », dit Narcissa Malefoy d'une voix ferme et en colère. « Qui est-ce ? »

« Harry Potter », répondit Lucius.

Narcissa laissa échapper un nouveau cris, et Drago se pétrifia plus encore. « Comment ? », songea-t-il, sidéré. « Lui… Potter ? ». Il avait toutes les peines du monde à le croire.

« Narcissa », dit Lucius en claquant des doigts. « Chérie, tu peux aider les elfes à nettoyer Potter ? Je vais l'appeler. »

Sans un mot, Narcissa hocha la tête. Lucius claqua impatiemment des doigts et deux elfes de maison pauvrement vêtus apparurent devant lui. Il leur donna des instructions claires et précises, avant de s'avancer dans les couloirs. Derrière lui, Drago avait toujours l'aspect d'une statue de sel, mais Lucius ne s'en préoccupa pas. Contrairement à lorsqu'il était au 4, Privet Drive, il ne pouvait pas se permettre ici d'avoir l'air inquiet ou touché par ce qui était arrivé à Potter. Lorsqu'il était en présence de quelqu'un, fusse-t-il dans son Manoir, il ne pouvait être que froid et inaccessible.

À peine la porte de son bureau fut-elle fermée dans son dos que des flammes verdâtres apparurent dans la cheminée. Une forme sombre, enveloppée d'une cape noire fine et majestueuse, se forma dans les flammes froides. Bientôt, le visage blanc comme le marbre, aux pupilles rouges comme le sang et avec deux fentes de serpent en guise de narine, apparut. Lord Voldemort mit un pied dans le bureau de Lucius.

« Tu m'as appelé, Lucius ? », dit-il d'une voix sifflante et affable, tout en gardant une froideur dangereuse.

« Oui, maître », répondit Lucius en s'inclinant respectueusement devant lui.

« Pourquoi ? »

Lucius déglutit. Voldemort avait toujours eut un don pour le mettre mal à l'aise. Lui comme n'importe qui d'autre, d'ailleurs. Voldemort avait quelque chose de repoussant, mais de fascinant. Il se mouvait dans la pièce comme en glissant sur le sol. Lucius avait parfois la sensation qu'il ne touchait pas le sol – sa cape volait dans son sillage comme de larges ailes noires et fines.

« J'ai trouvé ce que vous cherchiez », répondit simplement Malefoy en essayant de chasser le tremolo qui perçait dans sa voix.

« Vraiment ? », demanda Voldemort avec un amusement ironique.

« Oui, maître. Harry Potter est ici. Sous ce toit. »

Aussitôt, la présence de Lord Voldemort se fit plus imposante. Lucius Malefoy était véritablement terrifié, et il avait de plus en plus de difficultés à le cacher.

« Amène-le moi », siffla Voldemort.

Lucius dut faire un effort surhumain pour ne pas fermer les yeux, et continuer à le regarder.

« Excusez-moi, m-maître… mais je ne crois pas qu'il soit en… en… état, de se déplacer. »

Voldemort resta de marbre. Mais après un lourd silence, sa voix résonna dans la pièce, aussi claire que si ses lèvres avaient été à quelques centimètres des oreilles de Lucius : « Je te suis ».

Les couloirs labyrinthiques du Manoir Malefoy n'étaient éclairés que par les torches flamboyantes, mais restaient incroyablement sombres. Des tableaux des différents membres de la famille Malefoy étaient accrochés aux murs, là où ils n'étaient pas déjà recouverts d'étagères de livres, d'armures, ou que des fenêtres ne donnaient pas sur le jour qui déclinait lentement.

La salle de bain dans laquelle les elfes de maison avaient emmenés Harry n'étaient pas très loin du bureau de Lucius, qui en fut très heureux. Moins de temps se trouverait-il seul avec le Seigneur des Ténèbres, mieux se porterait-il. De plus, il savait que Drago était resté dans le salon, et il ne désirait pas plus que lui que Voldemort le voie.

La salle de bain était plus grande à elle seule que toutes les chambres du 4, Privet Drive réunies. Harry était plongé dans une grande baignoire, et si ni Narcissa, ni les elfes ne l'avaient encore touchés, l'eau avait déjà prit une teinte noire d'encre. Lorsque Lord Voldemort aperçut le garçon, il se tourna vers Malefoy, le regard perçant d'une colère profonde.

« Qui t'as donné l'autorisation de toucher à ce garçon ! », hurla-t-il sans ouvrir les lèvres plus d'un centimètre.

Narcissa laissa échapper un hoquet de stupeur que ni Lucius, ni Voldemort, n'entendirent. Les elfes, terrifiés, reculaient vers le fond de la pièce.

« M-maître… je… je n'y suis pour rien », bégaya Lucius. « Ce doit être les Moldus… »

Aussitôt, Voldemort fit un geste brusque. Lucius crut que c'était pour le frapper, ou pour sortir sa baguette, mais au lieu de ça, Voldemort plaqua la main sur le front de Harry. Aussitôt, le garçon ouvrit des yeux injectés de sang et se mit à suffoquer. Il sortait à moitié de l'eau, comme aspiré par une force invisible. Les yeux de Voldemort se voilèrent un instant, puis un sourire se dessina sur ses lèvres.

« Lucius », dit-il en retirant sa main, laissant ainsi Harry tomber dans l'eau, qui était juste assez peu profonde pour laisser dépasser de la surface sa bouche et son nez, l'empêchant de se noyer. « Lucius. Il semblerait que tu me sois plus utile encore que ce que je pensais ».

Il sortit de la pièce d'un pas vif, sa longue cape noire voletant dans son sillage.

« Maître, maître, que voulez-vous dire ? »

Lucius se mit à suivre en courant Voldemort à travers les couloirs du Manoir. Narcissa les suivait d'un pas plus lent, hésitant entre assister à leur discussion où à rester avec Potter. C'était peut-être un effet de l'imagination de Lucius, mais il avait l'impression que les flammes, au passage du mage noir, prenaient une teinte verdâtre.

« Ta tâche, Lucius, et celle de ta famille, sera plus complexe qu'aucune autre. Tâches de ne pas me décevoir une fois de plus. »

Voldemort rejoignit le salon, où se trouvait encore Drago, assit sur le bras d'un fauteuil. Lorsqu'il le vit, Drago se releva vivement et sembla commencer à suffoquer. Voldemort ne lui adressa pas même un regard et rejoignit la cheminée.

« Quelle tâche ? », demanda Lucius, qui devait courir pour ne pas se laisser distancer.

Voldemort se mit dans la cheminée. Ses yeux rouges luisaient, et si Lucius savait qu'il n'avait pas besoin de poudre de cheminette, le voir disparaître comme ça comme bon lui semblait lui était toujours étrange lorsqu'il ne s'agissait pas de transplanage.

« Lucius, Potter est plus mal en point que tu ne le crois. Il serait idiot – et tu ne me sembles pas être plus idiot qu'un autre – de le tuer alors qu'il pourrait s'avérer plus utile encore que n'importe quoi d'autre. Son esprit est brisé, à l'instar de son corps, et toi Lucius, toi et ta famille, allez le reconstruire. Je compte sur toi, Malefoy, pour que Potter se joigne à nous. Il est désormais un digne membre de la famille Malefoy. Que Dumbledore soit d'accord, ou non. »

Et sur ces mots, le Seigneur des Ténèbres disparut dans une gerbe de flammes vertes.