CHAPITRE I

Là. Il était là debout à les regarder derrière la porte-fenêtre du salon du manoir. Blay et Saxton. Tous les deux, assis tranquillement sur l'un des canapés en train de discuter. Discuter de quoi ? Il aurait bien voulu le savoir. Par moment, la bouche parfaite de Blay s'étirait dans un sourire à faire pâlir le soleil lui-même. Il sentit même son corps réagir et s'enflammer rien qu'en le voyant sourire. Putain, il donnerait n'importe quoi pour le revoir sourire à ses blagues à lui. Pour revoir son magnifique regard bleu se poser de nouveau sur lui, comme par le passé. Mais non. Cela ne se fera plus. Parce qu'il était trop lâche. Oui, trop lâche pour avouer son amour à Blay. Trop lâche, mais surtout indigne de lui. Blay était la classe, la politesse, la perfection. L'honneur. Tout ce qu'il n'était pas. Lui, il n'était qu'un raté. Une imperfection. Une anomalie de la Glyméra. Il était tout ce qui pouvait faire souffrir Blay. S'il lui avouait son amour, il le mettrait sur banc de la société. Il serait rejeté par tout le monde. Peut-être pas par les frères, mais par toute la Glyméra entière et ses parents perdraient leur statue. Et il ne voulait pas de ça. Pas pour lui. Pas pour Blay.

Lorsque soudain il vit l'amour de sa vie, son fantasme ambulant se lever et s'approcher de la porte-fenêtre, il s'enfonça un peu plus dans l'ombre et remercia mentalement ses vêtements noirs de le camoufler à la vue de ces magnifiques prunelles bleues. Et il en profita pour le mâter autant qu'il le pouvait. Se délectant de ce qu'il voyait. Par la Vierge Scribe, plus les jours passaient et plus il le trouvait beau. Ses cheveux roux étaient un peu plus longs que dans son souvenir et cela lui donnait un air animal qu'il ne lui avait jamais vu auparavant. Et ce n'était pas pour lui déplaire. Oh que non. Sa bouche était toujours aussi pleine et sensuelle qu'à son souvenir. Sa bouche qu'il n'avait embrassé que deux fois, mais deux fois inoubliables. Il avait cru atteindre l'Au-delà. Il avait essayé de ne rien laisser paraître aux yeux de Blay, mais ces deux baisers l'avaient touché au plus profond de son âme, ébranlé tout ce en quoi il croyait. Son monde avait tourné sur lui-même avant de se fixer sur son meilleur pote. Le marquant au fer rouge pour le restant de sa putain de vie. Ouais, y a pas à dire, Blay était un vampire parfait. Qui méritait d'être aimé pour lui. Sauf qu'il aurait préféré que ce soit quelqu'un d'autre que sa pute de cousin.

« MOI » répondit sa conscience. Il devrait être aimé par « MOI ». Ta gueule, lui souffla-t-il mentalement. La ferme, connasse de conscience.

Mais quand son cousin s'approcha de Blay, il ne put retenir un grognement qui sortait de sa gorge. Non. De quel droit Saxton pouvait-il poser les mains sur ce qui lui appartenait. Il ne pouvait pas cautionner que sa pute de cousin puisse être celui qui l'effacerait des pensées de SON mâle. A MOI. Il est à moi. Pas le sien. Jamais. Et lorsqu'il passa les bras autour de Blay et qu'il lui embrassa le cou, se fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Le mâle dédié qu'il était explosa. Et dans la nuit fraiche, sa fragrance de mâle dédié s'éleva et chercha par tous les moyens à pénétrer dans le salon pour atteindre et se coller au mâle qu'il avait choisi.

Blay parvint-il à sentir la fragrance de mâle dédié. Il n'aurait su le dire. Mais il le vit froncer les sourcils et regarder pile poil dans sa direction. Ses yeux bleus se plongèrent directement dans les siens. Dans sa tare génétique. Et lorsqu'il le vit porter la main à la poignée de la porte et de la tourner pour l'ouvrir, il se dématérialisa directement dans sa chambre.

Une fois qu'il reprit forme dans sa chambre, il croisa son regard dans le miroir qui se trouvait devant lui. Putain, mais regarde-toi. Tu n'es rien. Absolument rien. Comment Blay pouvait-il aimer quelqu'un comme toi. Tu es pathétique. Une anomalie qu'il faut éradiquer de la terre. Tu n'aurais jamais dû venir au monde. Tu es la honte de ta famille et je comprends pourquoi elle t'a renié, lui révéla sa conscience.

- Lâche, LACHE, LACHE.

Puis, il laissa littéralement exploser sa colère. Il prit la première chose qui lui tombait sous la main, en l'occurrence une bouteille de téquila, et la balança à travers la pièce. Elle alla s'éclater directement sur le miroir qui explosa en mille morceaux sous l'impact. Putain de bordel de merde. Dans la croyance humaine, lorsque l'on brisait un miroir, cela ne voulait-il pas dire que c'était 7 ans de malheur ? Allait-il, comme ces crétins d'humains vivre 7 ans dans le malheur ? Non quand-même pas. Et cette perspective le rendit plus coléreux encore. L'éclatement de la bouteille et du miroir combiner aux soi-disant 7 ans de malheur ne calma en rien sa rage. Bien au contraire. Ça ne fit que la renforcer. Alors il se déchaîna comme jamais il ne s'était déchaîné. Il envoya valser tout ce qui se trouvait à portée de main. Bouteilles, vêtements... Tout. Et il s'en foutait royalement que tout le monde pouvait l'entendre. Il allait certainement se prendre une bonne soufflante de la part de Fritz, mais il s'en foutait. Pour le moment rien ne pouvait l'arrêter. Et le fait que dans moins de 24 heures il allait s'unir à Layla n'arrangeait pas les choses. Elles empiraient d'heures en heures.

Oui, lui, Qhuinn fils de Lohstrong (enfin ancien fils) allait s'unir à la blonde élue dans la plus traditionnelle des traditions de la Glyméra. Il allait avoir son nom gravé dans son dos et tout et tout. Alors qu'il n'avait qu'une seule envie, avoir celui de Blay à la place. Mais il était de son devoir de s'unir à la blonde élue alors que son cœur ne battait, n'appartenait et ne saignait que pour une seule personne. Mais elle attendait un jeune de ses œuvres. Il avait accepté de la servir pendant ses chaleurs et savait très bien qu'il y aurait des conséquences. Et bien que cela le tue à petit feu, il se devait de le faire. Même si cela devait le briser à tout jamais.

Soudain, une odeur de cannelle se fit sentir dans sa chambre. Elle était là. Il se retourna vers elle et la regarda. Oui, elle était tout ce qu'il avait désiré pendant toute sa vie. Mais plus maintenant. Quand elle venait le voir, elle le laissait de glace. C'était quelqu'un d'autre qui le faisait bouillir. Son ami d'enfance.

- Que se passe-t-il Qhuinn ? lui demanda-t-elle de sa voix fluette.

- Rien, lui répondit-il d'une voix cassante. Il n'y a absolument rien.

- Ça ne devait pas être rien. Tu as mis ta chambre sans-dessus dessous. Et tu as brisé ton miroir. Dis-moi ce qu'il t'arrive.

- Je viens de te le dire. Rien.

Du pas de la porte, Layla le regarda. Il lui mentait. Comme il lui mentait depuis qu'elle lui avait annoncé qu'elle attendait un jeune. Voire beaucoup plus longtemps. Ce n'était pas rien. Il avait encore dû voir son ami, le guerrier Blaylock avec son cousin Saxton. Chaque fois qu'il les voyait ensemble, il entrait dans une colère noire qui pouvait durer des jours entiers. Pourquoi s'accrochait-il encore au guerrier roux. Il avait fait une croix sur lui Qhuinn, et Qhuinn allait s'unir à elle. Son vœu le plus cher. Alors pourquoi s'obstinait-il dans son malheur. Ça le détruisait, alors qu'il aurait dû être heureux. Elle allait lui donner une jeune. Puis soudain, elle fronça les sourcils et renifla la légère odeur de mâle dédié qu'il dégageait. Mais cette odeur ne vint pas à elle. Ne l'atteignit pas. Bien au contraire. Elle avait l'impression qu'elle cherchait quelqu'un d'autre. Elle porta la main à sa bouche. Par la Vierge Scribe, elle venait de tout comprendre. Il s'était dédié...Il s'était dédié au guerrier Blaylock. Il était donc réellement amoureux de lui.

- Tu... Tu t'es dédié à ton ami Blaylock.

- Qu'est-ce-que ça peut te faire, cracha-t-il d'une voix tremblante.

- Qhuinn, regarde-moi s'il te plait.

Il se retourna et le splendide regard dépareillé de Qhuinn se posa sur elle. Et c'est à cet instant qu'elle remarqua les larmes silencieuses qui coulaient le long de ses joues. Et elle ressentit de la compassion pour lui. Le guerrier Blaylock savait-il le mal qui rongeait Qhuinn ?

- Le sait-il ? demanda-t-elle avec une détermination qu'elle ne s'était pas cru capable de ressentir.

- Il l'a senti. Donc je pense qu'il le sait.

Un petit sourire fleurit sur les lèvres de la bonde élue. Pour la première fois de toute sa vie, elle allait faire quelque-chose de bien. Quelque-chose pour Qhuinn. Car elle venait de comprendre en cette minute cruciale, que ce n'était pas de l'amour qu'elle ressentait pour lui, mais une simple affection purement amicale.