"Je suis désolé bon sang okay? Je suis désolé ! » Sam criait en faisant de grands gestes des bras. « La couveuse était en surchauffe et les œufs ont éclos trop tôt ! »
Bobby lui jeta un regard furieux.
« Tu es meilleur que ça ! Ils n'auraient pas du naître avant encore deux jours ! Avec le processus de croissance accélérée c'est un miracle que ne serait ce que l'un d'eux soit encore en vie ! Ton inconséquence va coûter des centaines de milliers de dollars à la compagnie, tu en as conscience ? »
A présent, tout le laboratoire les regardait et Sam était plus que légèrement mal à l'aise.
« Tu peux vérifier mes rapports, j'ai réglé le thermostat exactement à la bonne température. Tu as de la chance que je sois arrivé plus tôt ce matin sinon tu pourrais te faire des œufs de dinos brouillés pour le petit déjeuner ! »
« Je le ferai quand même, on en a perdu quatre ! » Grogna le chef du laboratoire.
« Il en reste une de vivante, et elle va parfaitement bien ! » Argua Sam.
Bobby fronça les sourcils. « Parfaitement bien ? »
« Oui elle… »
« Est-ce que tu as… » La voix de Bobby venait de perdre plusieurs degrés. « Tu l'as testée ? »
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« Bref, pour faire court, un bébé brachiosaure s'est imprégné de moi. » Marmonna Sam avant de finir sa bière tiède.
Assis côte à côte sur des fauteuils pliants dans la lumière chaude de la fin d'après midi, Dean et Benny échangèrent un regard mi amusé mi perplexe.
« Imprégné comme dans .. le truc pense que tu es sa maman ou un truc comme ça? » Demanda Benny en réprimant à peine un sourire.
« Un truc comme ça oui. » Gromela Sam.
Une puis deux secondes passèrent et Dean et Benny éclatèrent de rire au même instant. Sam eut beau les fusiller du regard, aucun des deux hommes n'arrivait à s'arrêter de rire. Dean avait les mains crispées sur les cuisses et Benny avait rejeté la tête en arrière pour être plus à son aise.
« Dis toi qu'au moins, il aura la maman avec les plus beaux cheveux du Jurassique ! » Se moqua Dean avant de repartir dans son fou rire. Sam lui allongea un coup de pied qui faillit le faire tomber de sa chaise sans pour autant couper court à son hilarité.
« C'est pas drôle les mecs, je risque de me faire virer parce qu'un abruti n'a pas su régler la température de la couveuse ! »
« Non tu risques de te faire virer parce que tu as fait des tests sur un bébé dino avant qu'il ait vu sa maman ! » Corrigea Benny. « D'ailleurs, vous faites comment ? Techniquement c'est vous la maman de ces machins ! »
« On les fait éclore dans une boite sombre et on les laisse au milieu du troupeau avant d'ouvrir la boite. « Expliqua Sam, son irritation dissipée par sa passion. « Il y a plusieurs femelles qui ont une tendance naturelle à s'occuper des petits et en général ils s'imprègnent de celles là. On ne sait pas d'où ça vient donc on a prélevé des échantillons d'ADN pour pouvoir les cloner après leur mort et vérifier si le comportement a une composante génétique ou non. »
Dean fronça les sourcils. « Ça me met toujours mal à l'aise quand tu en parles comme ça. »
« Comme quoi ? »
« Comme si c'était juste des sujets d'expérience. »
« Ce SONT des sujets d'expériences Dean ! »
« Mais ils sont vivants ! Ils ont des émotions, des pensées... quand ton expérience commence à ressentir la faim et la douleur c'est plus une expérience, c'est une responsabilité! »
Sam sourit. « C'est pour ça qu'il y a des gens comme toi dans le parc. »
Dean soupira en hochant la tête. « On devrait écouter plus les gens comme moi si tu veux mon avis. »
Benny n'avait rien dit depuis un moment et Dean se tourna vers lui, à moitié convaincu que son ami s'était endormi au soleil. Le cajun semblait pensif.
« Je vais avoir l'air stupide mais... ces bestioles ont l'instinct maternel ? La semaine dernière on a du déblayer un nid dans la volière... je t'assure que ce qu'il restait des bébés c'était assez moche ! »
« Comment peux tu bosser dans ce parc depuis si longtemps et toujours rien connaître aux dinos ? » Grogna Dean.
« Mon truc c'est la sécu mon gars ! » Rétorqua Benny « la seule chose que je veux savoir sur ces bêtes là c'est comment s'en protéger et les empêcher de bouffer mon chat ! » Il se tourna vers Sam « Alors ? »
« C'est la théorie que soutient Kevin. » Répondit Sam. « Il pense que l'instinct maternel est corrélé à l'instinct de survie, que sans lui l'espèce ne survivrait pas. »
« L'espèce n'a pas survécu. » Pointa l'autre .
« Extinction brutale, leur disparition n'avait rien de naturel et les voir interagir maintenant nous permet d'en apprendre plus … mais pour l'instant on manque d'éléments pour étayer la théorie de Kevin. »
« Il a qu'à venir étudier les miens. » Rétorqua Dean. « Et changer de sujet d'étude pour leS changements opérés réciproquement sur l'humain et le dino quand ils passent trop de temps ensemble. »
Sam éclata de rire. « Kevin ? A moins d'un kilomètre d'un dino ? La seule façon que ça arrive c'est que tu le jettes dans l'enclos des raptors depuis un hélicoptère ! Et encore il trouverait moyen d'atterrir sur le mur ! »
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Jessica Moore dormait très mal depuis son arrivée à Jurassic Universe cinq mois plus tôt. Son travail de chef des patrouilleurs avait beau être épuisant, elle n'arrivait presque jamais à se détendre suffisamment pour plonger dans un vrai sommeil. Elle avait beau être logée à plus de quatre vingt kilomètres du secteur Nord où les dinosaures les plus dangereux étaient parqués depuis la débâcle de Jurassic World, elle n'arrivait pas à se sortir de la tête l'idée qu'un raptor ne mettrait qu'une heure à franchir cette distance. Quarante cinq minutes ou moins pour le T Rex.
Elle avait noté le jour précis de sa prochaine visite médical et planifié un week end sur le continent juste avant. Elle ne passerait jamais les tests exigés pour garder son poste dans un tel état de fatigue.
Un coup de tonnerre la réveilla d'un semi cauchemars en pleine nuit et elle enfonça la tête dans l'oreiller en grommelant. A coté d'elle, Sam se retourna, faisant bouger tout le lit et la réveillant complètement. Il avait toujours la peau chaude et même s'ils s'endormaient rituellement sous le même drap, Jessica se réveillait systématiquement à côté d'une pile de couverture qu'elle avait inconsciemment repoussé contre lui pour se protéger de sa chaleur. Elle acheva de se débarrasser du drap d'un dernier coup de pied et compta machinalement le temps qui séparait l'éclair qui venait d'illuminer la chambre du coup de tonnerre suivant. Elle calcula mentalement la réverbération du bruit pour savoir où la foudre était tombée. A peu près trois cent kilomètres au nord. Deux cent soixante dix à l'éclair suivant.
Inquiète, elle compta encore, deux cent soixante. Elle lacha un juron sonore et balança ses jambes hors du lit en cherchant son téléphone sur la table de chevet à la faveur des éclairs.
« Qu'est ce qu'il se passe ? » Ronchonna Sam réveillé en sursaut.
« BRADBURY ! » Hurla Jessica dans le combiné en enfilant un pantalon. « Il me faut une équipe, MAINTENANT dans le secteur nord ! Et un hélico ! Et un back up dans la salle de contrôle ! »
Sam la regarda s'habiller en vitesse, le téléphone coincé entre sa joue et son épaule.
« Je sais qu'on est au milieu de la nuit ! Il y a un orage dans le secteur nord ! JE SAIS QUE TU SAIS BOUGE TOI ! » Hurla-t-elle encore avant de couper la communication rageusement.
« C'est quoi ton problème avec le secteur nord ? » Demanda Sam en se passant une main sur le visage.
« Les carnivores y sont. »
« Oui, et ? »
« Et ils vont avoir peur de l'orage ! »
Elle s'était rassise sur le lit pour enfiler ses rangers.
« Jess, ce n'est pas leur premier orage, et depuis quand tu te soucies des carnivores ? »
Jessica devait admettre que ce n'était pas vraiment son affection pour les dinosaures qui l'avait poussée prendre ce poste quand les Novak l'avaient recrutée après avoir racheté le parc. Pour être honnête c'était tout l'inverse, et c'était exactement la raison pour laquelle il fallait qu'elle se rende immédiatement dans le secteur nord.
« S'ils ont peur ils vont chercher à fuir, s'ils y arrivent... Il y a 15 000 personnes sur cette île je te rappelle ! »
Sam leva les yeux au ciel. « Ils ne peuvent pas s'enfuir, ils sont cloîtres dans une île sur une île ! »
« Ils ne pouvaient pas passer les murs en béton armé ou les clôtures électrifiées non plus ! » Grogna-t-elle. « Tu te souviens de ce que ça a donné ? »
Sam soupira, profita de la lueur d'un nouvel éclair pour prendre son propre téléphone et regarder l'heure. « Tant qu'à faire, je suppose que je vais aller au labo, si le courant saute et que les circuits auxiliaires ne prennent pas le relais on va encore perdre des embryons. »
Mais Jessica ne l'écoutait déjà plus, elle essayait de joindre Benny au téléphone et claqua la porte derrière elle avant que Sam sache si elle avait obtenu sa communication ou pas. Il tenta d'appeler Dean, mais la ligne sonnait occupé. A contrecœur il s'habilla et emprunta le couloir souterrain qui reliait son bâtiment d'habitation aux laboratoires. Il était coutumier des crises d'inquiétude infondées de Jessica depuis quelques mois qu'ils se fréquentaient, c'était probablement ce qui faisait d'elle une bonne chef des rangers. Mais aucun dino ne pouvait franchir l'immense bras de mer artificiel que les Novak avaient fait creuser au nord de l'île pour isoler les espèces les plus dangereuses.
Elles représentaient un investissement colossal et des sujets de recherche précieux ce qui avait exclu de les abattre, mais aucun de ces animaux de plusieurs tonnes ne pouvait franchir les neuf kilomètres d'eau qui les séparaient de l'île. Aucun. Et Jess s'en faisait pour rien.
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Charlie Bradbury était trop intelligente pour ignorer l'appel de Jessica. Elle travaillait dans le parc depuis un peu plus longtemps que la chef des rangers mais elle avait vite appris à respecter sa capacité à ne jamais baisser sa garde.
Elle roula hors du lit et se traîna jusqu'à la salle de contrôle encore en pyjama et pieds nus. Personne, pas même un des Novak n'oserait lui faire de remarque sur sa tenue, Charlie était compétente et précieuse pour le parc qu'elle connaissait quasiment intimement à force de le scruter au travers des caméras de sécurité.
L'équipe de garde la salua d'un signe de tête.
« Un problème boss ? »
Charlie adorait qu'on l'appelle boss et son bureau commençai à être couvert d'objets divers portant ce mot offerts par ses collègues. Ils bataillaient pour se faire une place entre les figurines de super héros à coté de son écran de contrôle.
« Moore craint que la zone nord ne soit pas sécurisée, elle s'y rend et elle a besoin d'un soutien visuel. »
Quelqu'un eut la prévenance de lui apporter un café et elle fut tentée d'ignorer le froncement de sourcil du nouveau qui venait de lui parler. « Moore ne sous estime jamais les dinos, et moi je ne la sous estime jamais elle. »
Elle mit un casque à micro sur ses oreilles et régla l'écran pour qu'il affiche un pêle mèle des caméras depuis l'héliport où elle voyait Jessica courir sous la pluie jusqu'à la zone nord secouée par le vent.
« Moore ? Tu as un plan ? » Demanda -t-elle das le communicateur.
« Survoler la zone d'abord, aucun de mes gars ne descend avec ce temps! J'attends Lafitte pour qu'il me donne un avis sur le niveau de sécurité de la zone. »
La communication était légèrement brouillée par le bruit du vent dans le micro du casque de Jessica.
« Tu sais qu'il va te dire qu'aucun dino ne peut franchir la Passe ? »
« Je sais. »
« Alors tu crains quoi ? »
« Le pire, comme d'habitude ! »
Charlie sourit et prit une gorgée de son café en observant le pilote d'astreinte mettre les rotors de l'hélicoptère en marche. Trois rangers accompagnaient Jessica, tous lourdement armés de fusils à seringues tranquillisantes et aucun ne semblait comprendre la raison de leur expédition nocturne.
« Ils ne peuvent pas franchir la Passe ! » Grogna celui que Charlie décida d'appeler « Le Nouveau ». « Ils ne représentent aucun danger. »
Dans la salle de contrôle un grognement général se fit entendre.
« Quoi ? » Grogna le nouveau en fronçant les sourcils. Il se tourna vers Charlie. « J'ai pas raison ? »
Ce fut la voix de Benny, répercutée par les haut parleurs du casque de Charlie qui répondit.
« Dis moi gamin, t'étais au premier Jurassic Parc ? »
« Non » grogna l'autre.
« Et je suppose que tu n'étais pas à Jurassic World ce jour là ? »
« Non. »
« Dans les deux cas les dinos ne représentaient aucun danger. Alors tu la fermes, tu fais ton boulot, et tout le monde s'en sortira peut être vivant ! »
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Le laboratoire était à peine éclairé par les lumières de veille quand Sam entra. Les onduleurs des ordinateurs bipaient à intervalle régulier et la pluie battait aux carreaux. Il restait environ deux heures avant que le plus matinal des laborantins ne débarque et Sam parti se faire couler un café en baillant. Depuis la couveuse, un petit grognement l'interpella et il se pencha vers le bocal en plexiglas chauffé et humidifié pour sourire au bébé dinosaure qu'il avait quitté à peine quelques heures auparavant. L'animal se redressa sur ses grosses pattes maladroites et étendit son long cou fripé ver la paroi du bocal en baillant.
« Salut toi... »
« Tu lui as donné un nom ? »
Sam sursauta si fort qu'il lui sembla sortir hors de sa peau. Derrière lui, se servant un café dans un mug doré se tenait un homme qu'il n'avait absolument jamais vu de sa vie.
« Qu'est ce que vous faites là ? »
« Tout doux Big Sammy, je m'appelle Gabriel Novak, je suis le nouveau superviseur du labo ! »
Sam fronça les sourcils. « Votre arrivée n'était prévue que demain. »
« On est demain. » Gabriel désigna l'horloge murale d'un mouvement de son mug. « Café ? »
Sam hocha la tête et dévisagea son nouveau patron. Les Novak ne se ressemblaient pas entre eux, ce modèle ci avait les cheveux blonds, les yeux bleus et une intéressante capacité à se déplacer sans aucun bruit que Sam décida aussitôt de détester. Gabriel lui tendit une tasse et se pencha sur la couveuse.
« Alors ? Un nom ? »
« On n'est pas censés leur donner de noms, ce sont des sujets d'expérience, pas des animaux de compagnie. »
Gabriel haussa les sourcils et tapa de l'ongle sur le plexiglass attirant l'attention du bébé. Sam grimaça. Le bébé dinosaure avait beau avoir une ouie et une vue encore mal développées du fait de sa précocité, il était sur que c'était à peu près aussi agréable pour elle que pour un poisson dont on secouerait l'aquarium.
« Vous n'êtes pas censés les laisser s'imprégner de vous non plus mais ça ne marche pas toujours apparemment. »
« C'était un accident » Grogna Sam.
« Et pourtant vous êtes là deux heures avant tout le monde. » S'amusa Gabriel.
Sam se demanda quelles qualifications au juste avait ce type pour être aussi soudainement projeté directeur du laboratoire, mais les Novak travaillaient en famille, peu importe selon la légende leurs compétences respectives. Raphaël, l'ainé, gérai les comptes de la compagnie avec une telle compétence que tout ce qu'ils touchaient se transformait en or.
« Ma … Compagne est partie inspecter la zone Nord, je suis venu m'assurer que rien ne court circuitait ici. Une catastrophe par semaine c'est suffisant. »
« Certes. » Gabriel hocha la tête. « Et vous n'avez pas répondu pour le nom. »
« Non, elle n'a pas de nom, et elle n'en aura pas ! »
Gabriel fronça les sourcils ce qui lui retroussa le nez automatiquement.
« Je serais vous, je lui en donnerais un, vous allez passer les huit prochains mois ensemble jusqu' ce qu'elle soit autonome... »
Sam fronça les sourcils à son tour. « Non , dès que la portée aura éclos, elles partiront toutes dans le troupeau ! »
Gabriel secoua la tête. « Changement de plan Sammy Boy. On sait que les raptors peuvent s'imprégner des humains, maintenant je veux savoir si ça fonctionne avec d'autres espèces, les débouchés commerciaux seraient trop intéressants pour être écartés. Elle rejoindra le troupeau dans huit mois pas avant. »
« C'est ridicule dans huit mois elle fera... »
« Une tonne. » Acheva Gabriel soudain très sérieux. « Je sais. Mais ne croyez pas un seul instant que vos considérations personnelles puissent passer avant les intérêts de la firme Novak. Le Conseil a des projets si cette histoire d'imprégnation fonctionne, et personne ne vous demande votre avis. »
« Quels projets ? »
« Personne ne vous demande de poser de questions non plus. »
Sous son bocal de verre la petite créature couina quand un coup de foudre plus violent que les autres fit trembler le bâtiment.
« Donnez lui un nom. » Ordonna Gabriel. Puis il s'éclipsa sans bruit laissant Sam seul avec le bébé dinosaure et l'impression tenace d'être pris au piège.
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Le vent rendait le vol de l'hélicoptère plus difficile et seuls leurs casques empêchaient les six passagers d'être fouettés par la pluie. Le secteur Nord n'était pas éclairé à part de loin en loin par les spots des tours de surveillance le long de la plage du Jurassic Universe.
Plus d'un an auparavant, tout les dinosaures considérés comme « dangereux » pour le public avaient été parqués dans cette partie de l'île et isolés par la création d'un bras de mer artificiel. La Passe traversait l'île de part en part et mesurait neuf kilomètres de large. Les secteurs est et ouest étaient semi perméables à l'océan grâce à des digues qui elmpêchaient les prédateurs marins d'entrer et les dinosaures de sortir.
« Tu crains quoi au juste ? » Demanda Benny dans son casque à Jessica. Celle ci s'était penchée par la porte de l'hélicoptère et scrutait la végétation secouée par la tempête en contrebas. « Ils ne peuvent pas nager ! »
« Jusqu'à ce qu'ils apprennent. »
« Ils sont trop lourds pour ça ! »
« C'est bien ce qui m'inquiète » répondit la jeune femme. « Regarde » elle désigna du doigt la digue ouest qu'ils commençaient à survoler. « Elle n'a pas tenu. » même d'en haut, Benny voyait les morceaux de la digue qui s'effondraient lentement sous les vagues de plus en plus grandes. Il fronça les sourcils.
« Elle s'effondre tout les six mois ! » fit il remarquer tandis que l'hélicoptère amorçait un virage .
« Et les dinos apprennent vite. Il suffit qu'ils soient sur la plage quand une lame de fond arrive, et les plus légers ou les plus jeunes pourront atteindre l'autre rive. »
Le silence n'aurait pas du pouvoir être pesant dans un hélicoptère en mouvement, mais tout le monde regarda l'eau s'agiter en contre bas. En un an, les vagues avaient rongé les falaises artificielles créant de part et d'autre de la Passe une petite plage où les visiteurs pouvaient s'agglutiner et espérer voir un raptor ou deux passer sur l'autre rive au moyen de jumelles. Jessica ordonna au pilote de l'hélicoptère de survoler la plage du secteur Nord et ouvrit son sac pour faire le point sur les armes dont elle dispoait. Aucune n'était létale, les dinos représentaient un investissement trop important pour être tués, mais elle avait juste besoin de les tenir éloignés des vagues.
« Tu vas pas descendre ? » S'inquiéta Benny.
« Si. » Répondit elle. « Faites des ronds et suivez moi, j'en ai pour dix minutes ! »Dit elle au pilote en lui tapant sur l'épaule. L'autre hocha la tête mais Benny la retint par le bras tandis qu'elle lançait une corde par la porte de l'appareil.
« Si le bruit de l'hélico ne les effraie plus ils te boufferont en moins de temps que ça ! »
« La plage est vide et il faut qu'elle le reste. » Répliqua Jessica. Elle sauta en s'accrochant à la corde avant qu'il ne puisse l'en empêcher. C'était stupide et suicidaire mais dans l'urgence elle n'avait pas de meilleure idée et il n'était pas question qu'elle envoie un de ses hommes à sa place. La corde lui râpa les gants tandis qu'elle se laissait glisser douloureusement et sans grâce jusqu'au sable mouillé près de la digue. La visière de son casque dégoulinait déjà de pluie et elle n'y voyait pas à trente mètres. Elle avait chaud et si elle avait eut le temps d'interroger ses émotions elle aurait été terrifiée.
Elle disposait de six fusées assourdissantes à détection sensorielle, loin d'être assez pour couvrir toute la plage mais il fallait essayer. Ses rangers trempées s'enfonçaient dans le sable quand elle se mit à courir, vingt pas et elle se pencha pour planter une des fusées dans le sable, sautant dessus pour l'enfoncer et l'enclencher, vingt autres foulées, une nouvelle fusée. Soudain quelque chose surgit près d'elle et elle recula d'un bond, dégainant son arme dans un mouvement mille fois répété à l'entraînement. Benny leva les mains en l'air.
« Je suis humain ! » cria-t-il dans le casque. Au dessus d'eux l'hélicoptère les éclairait de son phare. « Je te couvre. »
Jessica se remit à courir, son souffle faisait de la buée sur sa visière qu'elle ouvrit. Vingt foulées, une fusée et ainsi de suite jusqu'à ce que Benny prenne le relais avec le contenu de son propre sac. Ils atteignaient la fin de la plage quand quelque chose de jeta sur Jessica en criant.
Elle glapit de terreur et tira au hasard, atteignant la créature au thorax. Le dinosaure recula de quelques mètres en projetant devant lui un venin qui empoissa immédiatement la manche de sa combinaison. Elle serra les dents en se remettant debout, tenant l'animal furieux en joue.
« Je hais ces saloperies ! » Grogna-t-elle en refermant sa visière. Si elle avait pu, elle aurait essuyé sa manche dans le sable, mais les dilophosaures ne chassaient jamais seuls. L'hélicoptère décrivait des cercles de plus en plus petits au dessus d'eux et rapidement les cris de leur équipe leur emplirent le casque jusqu'à ce qu'ils éteignent leurs radios. Jessica visa et atteignit de nouveau l'animal avec son pistolet tranquillisant. Il s'effondra au moment ou Benny tirait sur un second. Ils attendirent quelques secondes, les cordes leur permettant de remonter dans l'hélico à portée de main mais aucune autre menace n'envahit la plage. Il leur restait trois fusées qu'ils plantèrent à la hâte loin de la lisière des vagues qui grossissaient de minute en minute.
Jessica attrapa une corde, l'enroula autour de ses jambes et commença à grimper au moment au Benny lâchait un juron sonore. A la lisière des arbres, trois autres dilophosaures les observaient, leurs crêtes frémissant pour les impressionner. C'était extrêmement efficace et Benny agrippa la seconde corde. Il se senti hissé par ses compagnons et se rendit compte qu'il avait cessé de respirer quand il reprit une inspiration à quatre mètres du sol, hors de portée des carnivores sur la plage.
Puis les animaux se regardèrent, et se jetèrent en avant en direction des vagues.
« Putain qu'est ce ... »
« Ils comptent... » Souffla Jessica dans leur canal privé. « Ils comptent le temps entre les vagues ! »
« T'es... » La fin de sa phrase se perdit dans une explosion sonore violente qui lui fit presque lâcher prise. Un des dinos venait de marcher à proximité d'une bombe et de la déclencher. Les animaux se mirent à crier en choeur mais un seul, sonné, stoppa sa progression vers les vagues. Jessica était parano, forcément, les dinosaures ne savaient pas compter ne pouvaient pas …
Benny fut hissé dans l'hélicoptère et rouvrit les communications malgré ses oreilles qui sifflaient.
« Putain de merde ! » Grogna quelqu'un. Il regarda en contrebas la vague qui emportait deux des animaux. Ils se maintenaient à flot a l'aide de leurs collerettes, le cou dressé vers l'autre rive et se laissaient porter par les vagues.
« Ils pourront jamais atteindre l'autre côté ! » marmonna -t-il. Jessica lui jeta un regard froid.
« Ils ont appris à nager. Si ces deux là se noient il faudra combien de temps aux autres pour améliorer la technique ? »
« Putain de merde ! » Répéta le ranger dans leurs casques.
« Ouais. » Grogna Jessica.
Elle visa soigneusement et tira cinq fois, atteignant une fois chacun des reptiles qui coula presque aussitôt anesthésié.
« Que quelqu'un me récupère les corps dès que possible. » Puis elle rebrancha son communicateur sur la fréquence de la station de surveillance.
« Charlie tu as enregistré ça ? »
« Oui. » répondit la chef de la sécurité d'une voix blanche. « Je réveille Novak... »
« Non ça peut attendre demain, j'ai besoin d'une douche. »
Un grésillement lui indiqua que Charlie venait de passer sur un canal privé. « Sam est au labo, tu veux que je lui demande de te rejoindre ? »
« Non. » Fit Jessica. La dernière chose dont elle avait besoin avant l'aube c'était d'une nouvelle interaction humaine. Ou avec un quelconque être vivant.
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