Chapitre 1

«-Voilà qui est bien, dit Aragorn en se levant. Je suis heureux que nous soyons enfin parvenus à un accord.

-Je m'en réjouis également, répondit Borlad, le chef de la délégation du Harad. Une nouvelle ère de paix s'ouvre entre nos deux peuples, à présent. »

Aragorn et lui se donnèrent l'accolade en souriant. Les autres personnes qui avaient participé aux pourparlers de ces trois derniers jours -les Haradrims, l'Intendant, le Roi du Rohan et quelques conseillers du Grand Roi- arboraient eux aussi une expression de joie et de soulagement. Les pourparlers avaient été délicats, mais Aragorn, avec toute sa sagesse et sa diplomatie, ainsi que l'aide de ses assistants, avait réussi à satisfaire les deux partis. Même Ulfang, le second de Borlad, qui s'était fréquemment opposé aux concessions que son maître était prêt à faire pour assurer la paix, s'était finalement soumis à ses décisions, quoique pas de gaité de coeur, à ce qu'il semblait.

« -Je vais donner des ordres pour qu'on prépare vos montures, dit Aragorn.

-Je vous remercie, roi Elessar, répondit Borlad. J'aurais aimé demeurer plus longuement ici pour mieux connaître le Gondor, mais le voyage de retour sera long, et il me tarde d'envoyer les premières caravanes de marchands jusqu'à cette cité. On m'a dit que vous-même vous mettriez bientôt en route vers l'Ithilien?

-Oui, en effet: je projette de partir peu de temps après vous, et je séjournerai quelques temps chez l'Intendant. Eomer-roi viendra également avec nous pour visiter sa soeur. »

Aragorn n'en dit rien au Haradrim, mais il attendait avec impatience de chevaucher tranquillement en compagnie de ses amis, puis de profiter du calme de l'Ithilien, loin du protocole et des charges qui le pressaient à Minas Tirith. Cette pause ne durerait qu'une dizaine de jours, mais elle serait la très bienvenue!

Tandis que les Haradrims regagnaient leurs quartiers, Eomer saisit le bras d'Aragorn.

« -En attendant que nos hôtes soient prêts à partir, viendriez-vous avec moi, pour vous changer un peu les idées?

-Je suppose que vous allez me proposer un petit galop dans le Pelennor, répondit Aragorn en souriant. C'est une excellent idée. Mais il me semble que vous me dissimulez quelque chose…

-Descendons, et vous comprendrez, dit Eomer d'un air mystérieux.

-Je vais rester ici, et je vous ferai prévenir quand Kahn et son escorte seront prêts, dit Faramir. Il se trouve qu'Eomer-roi m'a déjà mis dans la confidence, se hâta-t-il d'ajouter avec un sourire quand Aragorn commença à protester. Cela devrait vous plaire! »

Non loin des écuries, l'écuyer d'Eomer les attendait avec Piedardent, et un cheval bai. Et quel cheval! Sa riche robe sombre, moirée de pourpre, semblait miroiter dans les premières lueurs matinales comme une braise prête à s'enflammer. Il semblait jeune encore, mais portait haut sa tête, déjà empli de la vigueur et de la fougue qui caractérisaient les chevaux du Rohan.

Eomer s'approcha, prit les rênes et les tendit à Aragorn.

« Il est à vous, mon ami, dit-il. J'ai fini de le débourrer le mois dernier, et je l'ai amené avec moi depuis Edoras. Si vous avez l'intention de voyager aux quatre coins de votre royaume, il vous faut une monture rompue aux longues pistes! »

Saisi de surprise et d'émotion, Aragorn se rapprocha du cheval en balbutiant tant bien que mal des remerciements à Eomer. Il n'arrivait pas à détacher les yeux de sa nouvelle monture: bien découplée, les membres fins et le regard expressif, elle se laissa inspecter et flatter l'encolure, faisant tranquillement connaissance avec Aragorn à la manière des chevaux.

«-Il ne lui manque qu'un nom, dit Eomer. Je souhaitais vous laisser le soin de le choisir.

-Rohmeldo, répondit Aragorn, presque sans réfléchir. Le-cheval-de-l'ami. »

A suivre