Disclaimer: Les personnages de SK sont la propriété de Hiroyuki Takei, je ne fais que les lui emprunter de temps à autres...

On ne sait pas grand-chose de leur passé, à part qu'ils ont souffert... Alors j'ai voulu écrire sur eux, et raconter cette histoire :)


Icemen

1990

Froid. Un froid glacial qui s'immisçait jusque dans la moelle de ses os. Les rafales de vent giflaient sa peau avec violence et gelaient la maigre étincelle de vie qui se battait encore en lui. Chaque bourrasque était comme un coup de couteau entaillant sa chair. Mais il ne pouvait pas s'arrêter.

Le garçon se remit en route, les bras serrés autour de son torse. S'il s'arrêtait, il était mort. Il connaissait les règles du jeu.

"Continue. Il vaut mieux mourir à cent mètres d'ici, que de revenir en arrière."

Il secoua la tête. Jamais.

Le plus important, c'était de marcher sans s'arrêter, surtout sans s'arrêter. Et de frapper dans ses mains de temps en temps, pour réveiller ses doigts engourdis, malgré les gants. Sinon il les perdrait.

Autour de lui, l'immensité blanche s'étendait à des kilomètres. Le ciel avait la même teinte gris-blanc que la neige sur le sol, si bien qu'on ne voyait pratiquement pas la ligne d'horizon. Un monde d'irréelle blancheur.

S'il n'avait pas senti le sol sous ses pas, il aurait pensé qu'il était déjà mort, et qu'il flottait en apesanteur.

Marcher encore, se battre jusqu'au bout. Seul contre tous. Il n'était rien. Un enfant, un pauvre hère, un grain de poussière perdu dans un désert de glace. Et les dieux avaient lancé sur lui le froid.

Mais un jour il les vaincrait.

X X X

La nuit. Elle voyait la nuit glaciale fondre sur eux, et avec elle, les cauchemars.

Elle dormait très peu. Elle préférait rester éveillée, à écouter les bruits de ses camarades de dortoir. Ronflements, grognements, paroles échappées... des bruits anodins, rassurants.

Chaque nuit, elle tremblait de peur.

Ils pouvaient venir la chercher à tout moment. Elle se souvenait avec horreur de toutes ces nuits où elle avait été choisie...

Aussi quand l'homme en blouse blanche pénétra dans le dortoir avec son chariot, elle pria de toute ses forces pour qu'il prenne une autre de ses camarades.

Elle le voyait approcher à pas lents, mesurés, comme s'il faisait son marché.

Soudain il se pencha vers elle.

Elle pouvait sentir son odeur d'antiseptiques et de médicaments.

Elle le haïssait.

Sa main s'abattit sur la bouche d'Irina, qui dormait à côté d'elle. La petite fille se réveilla en sursaut mais ne put crier. L'homme planta une aiguille dans son bras droit et elle retomba sur le matelas comme une poupée de chiffon. Il la prit dans ses bras, la déposa sur le chariot métallique, et l'emmena avec lui, la petite fille savait très bien où.

Alors, silencieuse, elle se mit à pleurer dans ses draps. Elle se maudit, comme toutes les nuits où sa prière avait été exaucée, toutes les nuits où une autre avait été choisie à sa place.

Si Irina revenait, elle jurait de toujours être gentille avec elle!

A présent que l'homme était passé, elle pouvait essayer de trouver le sommeil. Jusqu'à ce que les cauchemars la rattrapent.

X X X

Un choc. Celui de l'eau glacée, enserrant sa poitrine. Au-dessus de sa tête, l'énorme vague fondit sur lui, et se fracassa sur son crâne. Ne pas avaler, bloquer sa respiration. Il refit surface, à bout de souffle et épuisé. Les cris de ses compagnons retentirent, quelque part derrière lui. Ils étaient quatre à la barre pour manœuvrer, tandis que les deux autres tentaient de maintenir les voiles malmenées par la tempête. Alors que les flots impatients l'engloutissaient à nouveau, il le vit se débattre un peu plus loin.

Il essayait de ne pas lutter contre le courant, c'était la dernière des choses à faire. En se laissant porter, il parvint à rejoindre son camarade, et l'empoigna par le cou.

Le jeune homme saisit la corde de sécurité d'une main ferme, et se sentit peu à peu entraîné par les autres, qui tiraient de toutes leurs forces.

Lorsqu'il furent en sécurité sur le pont, son ami le remercia de l'avoir sauvé, et le serra dans ses bras. Ils étaient toujours en vie.

Ce n'était pas la première fois que l'un d'eux tombait à l'eau au cours d'une tempête. Et ce ne serait pas la dernière.

Ce soir-là, le jeune homme participait à sa cinquième pêche en haute mer. Il espérait en revenir, comme il était revenu des quatre autres.

Et puis il y aurait la nuit fatale, celle où il ne rentrerait pas avec ses compagnons. Car on ne bravait pas la mer sans en payer le prix. Ils savaient tous qu'Elle serait leur fin. Elle les prendrait tous, un à un, et ils iraient pourrir sous les eaux, recouvrir les restes de leurs prédécesseurs. Tout ça n'était qu'une question de temps.

Même s'il avait les esprits pour le protéger.

Mais chaque fois qu'il ramenait ses filets, les mains tremblantes, en se demandant si ce soir il y aurait à manger pour lui, sa mère et ses sœurs, la même question revenait, inlassablement.

Et chaque jour où il traînait sa misérable carcasse, il y pensait. Cette vie en valait-elle la peine?

Puis il se reprenait en croisant le regard éperdu de Frida, la plus jeune de ses sœur.

Sans lui, aucune ne pouvait vivre. Après tout, ce n'était pas par choix que l'on prenait la mer.