CHAPITRE I

Une lumière de fin de matinée filtrait à travers les rideaux et venait illuminer en partie son visage. Allongée dans son lit, ses beaux yeux verts brillants de larmes regardaient dans le vague. Candy pensait. Elle pensait à l'article qu'elle avait lu la veille dans un journal oublié par une collègue dans la salle de repos. C'était un journal à scandale et elle n'était habituellement pas attirée par ce genre de lecture mais la couverture de celui-là avait attirée son regard. Terry et Susanna étaient en photo et les gros titres annonçaient leur mariage. Elle n'avait pas pu résister. D'une main tremblante elle avait pris le journal et l'avait ouvert à la page où se trouvait l'article. Elle avait lu chaque mot deux fois. Terry et Susanna s'étaient unis un mois plus tôt, une cérémonie intime avec juste la famille proche et quelques amis dont le directeur de la troupe Stratford qui était un peu le protecteur de Terry. L'article disait que le jeune comédien avait réussi à persuader son épouse à porter une prothèse et la soutenait dans sa rééducation dans l'espoir qu'elle puisse bientôt remonter sur scène à ses côtés. Le journaliste souhaitait tous ses vœux de bonheur au jeune couple et également de fonder très bientôt une belle et grande famille.

- Mademoiselle Candy ? Mademoiselle Candy il est l'heure de se lever, disait la voix de Dorothée à travers la porte.

Ses larmes redoublaient. Terry marié. Fonder une famille. Terry et Susanna. Mariés. Famille. Epouse.

« Terry mon amour. Ca y est, c'est fini. Il n'y a plus d'espoirs pour nous. J'ai continué à espérer mais maintenant tout est fini… »

- Mademoiselle Candy il est presque midi et Monsieur André voudrait vous voir dans son bureau.

« … C'est comme si tu me quittais une nouvelle fois. Mais cette fois c'est pour de bon. Tu es à Susanna. Tu es son époux, tu ne seras jamais le mien. Maintenant tes nuits sont à elle, tu lui fais l'amour alors que tu ne m'as embrassé qu'une seule fois. Une seule fois et je t'ai giflé. Comme j'étais jeune, comme j'étais prude et naïve. Comme je regrette… »

Après quelques coups supplémentaires contre la porte, des pas précipités dans l'escalier se firent entendre.

« … Comme je regrette de ne pas avoir été plus souvent dans tes bras, de n'avoir pas eu plus souvent tes lèvres sur les miennes, de ne pas m'être donnée à toi mon amour. J'aurais aujourd'hui plus de souvenir que la frustration de ce si court mais si intense baiser… »

- Candy ouvre c'est moi Albert.

« … Terry que vais-je faire maintenant ? La vie vaut-elle la peine d'être vécue dans ces conditions ? Les autres me croient forte mais c'est en toi que je tirais ma force et tant qu'il y avait un espoir, je m'y accrochais. Mais en te mariant avec une autre c'est comme si tu mourais et avec toi ma force de vivre… »

- Candy si tu ne réponds pas je vais entrer, même si je dois employer la force…

« … Si je ne peux vivre avec toi pourquoi continuer à vivre ? »

La poignée de la porte s'animait, on entendait frapper des coups quand dans un bruit assourdissant, la porte céda. Albert apparu et se précipita vers le lit de Candy. Là il s'arrêta brusquement, un masque de terreur recouvrant son visage.

- Dorothée, appeler le médecin. VITE.

Devant lui, étendue sur le lit, s'adressant à quelqu'un qui n'était pas là, ce n'était pas Candy. Oh non, ces yeux fous, ce n'était pas les siens, c'était ceux d'une personne dont la raison avait quitté le corps.

O o O o O

- Comment va-t-elle Docteur ? Demanda Albert au médecin qui refermait la porte de la chambre de Candy.

Cela faisait une demi-heure qu'il avait été mis dehors par le médecin et faisait les cent pas devant la chambre.

- Venez Albert, allons dans votre bureau, nous serons mieux pour parler.

- Bien sûr Docteur, suivez-moi.

Arrivés dans le bureau, Albert se précipita vers le bar et se servit une double dose de whisky qu'il bu d'un trait, comme pour se préparer à entendre le pire.

- Voulez-vous boire quelque chose docteur ? Demanda-t-il en se resservant.

- Un doigt de Cognac fera l'affaire, merci, dit le médecin en allant s'asseoir dans un des fauteuils club qui se trouvaient devant la cheminée.

Venant s'asseoir en face de lui, Albert lui tendit son verre.

- Je ne vais pas vous cacher la vérité Albert, c'est grave.

Albert but à nouveau son verre d'un trait, le laissa tomber à terre et se pris la tête dans les mains.

- Elle est prostrée. Sous le choc. A-t-elle perdu quelqu'un de proche dernièrement ?

« L'article, elle a dû lire l'article. Elle sait que Terry est marié… »

- Quelque chose comme ça… dit simplement Albert d'une voix d'outre tombe. Que faut-il faire ? Elle va s'en remettre, n'est-ce pas Docteur ? Que dois-je faire ? Y-a-t-il des spécialistes pour son cas ? Je parcourrai le monde s'il le faut…

- Calmez-vous Albert. C'est grave, c'est vrai, mais il faut être patient. Le choc psychologique qu'elle a subi l'a enfermé dans un monde où ses problèmes n'existent pas. C'est de l'autodéfense. Son cerveau s'est protégé lui-même en la mettant dans cet état car la vérité était trop dure à supporter. Une fois qu'elle en sera sortie, elle sera sauvée.

- Mais comment en sort-on ?

- Il n'y a pas de remède miracle. Il lui faut du repos, du calme, une présence permanente à ses côtés. Elle peut revenir à elle aujourd'hui comme dans dix ans. Il n'y a pas de règles. Il se peut parfois qu'un deuxième choc vienne sortir les gens de cet état.

Le visage d'Albert perdit toute expression.

« Dix ans ? Non ce ne peut pas être possible. Oh Terry, toi qui était mon ami, comme je te hais aujourd'hui de lui faire encore endurer tant de souffrance. Pourquoi n'es-tu pas mort sous ce projecteur plutôt que de ruiner tant de vies autour de toi ? Je sais que tu es malheureux avec Susanna que tu ne rendras jamais heureuse. Candy est maintenant dans un coma éveillé et moi je ne peux vivre sans elle qui ne vit que pour toi. Tu es maudit Terrence Grandchester et tu étends ta malédiction à ceux qui te sont proches. »