Les personnages appartiennent à Himaruya Hidekaz. Et j'ai rien touché non-plus pour écrire. Bonne lecture.
Seul. Il était seul. Petit à petit, tous le quittaient. Tous… L'abandonnaient. Un par un. Etait-il si mauvais que ça ? Déjà ce père trop distant qui s'évanouit, puis Antonio qui passe dans le camp adverse. Puis le jeune Ludwig qui part, sans qu'on puisse l'arrêter. Ce petit enfant blond qui part à la guerre quand les enfants de son âge jouent aux soldats de plomb. Et qui n'en reviendra jamais…
Etait-il si mauvais tuteur pour que le garçonnet ne parte sans rien dire, laissant juste une lettre ?
Il avait failli. Il avait beau se vanter d'avoir la plus belle culture du monde, d'avoir connu les plus grands virtuoses, d'avoir tenu sous sa coupe tant de pays mais… Aujourd'hui ?
Tous l'avaient quitté. Son grand manoir était silencieux. Trop silencieux. Un silence de mort, comme si la mort du petit Ludwig sur le champ de bataille avait commencé par ici. Comme s'il était dans la chambre funéraire, silencieuse, à veiller le petit corps pâle et inerte.
Mais non, il n'avait même pas cette consolation. C'était Gilbert qui avait récupéré le corps, qui voulait et réussissait à en faire une nation nouvelle. Il avait vu l'enfant rire, grandir et… Ne plus se souvenir. Il était même abandonné par la mémoire de l'enfant.
Et là… Il l'avait aussi senti, cet abandon. Cette petite servante, ce petit garçon longtemps habillé comme une fille, qui, après que Ludwig ait quitté la maison, vivait par intermittence chez lui, passant le reste de son temps chez Francis. Là… Il lui avait dit « au revoir ». Il lui avait dit qu'elle allait vivre avec son frère, dans leur maison à eux. Cela c'était passé ce matin, mais c'était comme si des siècles s'étaient déjà écoulés.
Il était abandonné. Tout le monde le lâchait. Tout le monde l'oubliait, oubliait tous les sacrifices qu'il avait fait pour eux, tous les bons moments passés ensemble, tout.
Il avait l'impression d'avoir tout gâché, d'être un incapable, d'être un bourreau, un tuteur indigne…
Il regardait, sans la voir, à travers les grandes fenêtres, la pluie qui tombait. Il la regarda tomber toute la journée. Cela ressemblait tellement à l'état de son cœur, cette pluie qui tombe sans s'arrêter, ce ciel morne, gris, froid. Et la nuit tombée, il n'avait toujours pas bougé. Il écoutait la pluie se déverser sur la cour de gravier.
Comme une statue, figée pour l'éternité.
La statue redevint humaine quand une frêle silhouette vêtue de blanc, bougeoir à la main, lui posa ses petites mains sur son bras. Et à la voir, il ne put retenir ses larmes.
Alors en silence, elle posa le bougeoir sur une table, enveloppa l'homme de son châle, puis le prit tendrement dans ses bras. Il étouffait ses sanglots dans la longue chevelure châtain de la jeune femme. Et elle, lui caressait doucement le dos, patiemment, attendant que son chagrin se calme. Lui qui était si fort n'était plus qu'un enfant qu'une femme consolait avec amour.
« Vous ne m'abandonnerez pas, Elizaveta ? Je vous en prie… Ne m'abandonnez pas… »
Ses sanglots, ses murmures à mi-voix étaient aussi désespérés que celui d'un enfant terrorisé à l'idée de perdre sa mère. Mais elle, doucement, elle lui caressait les cheveux et le dos, le rassurant de sa voix douce et tendre que non, jamais, elle ne l'abandonnerait. Jamais.
