« Et rien ne vaut le sentiment de vivre sereinement »

Comment en étaient-ils arrivés là ? Hermione jeta un regard circulaire à la Grande Salle au-dessus de laquelle les bougies ne brillaient plus avec autant de force. La salle était totalement encombrée, des civières sur lesquelles se trouvaient des gens étaient disposées un peu partout, du matériel de soin au pied de chacun tandis qu'une équipe d'infirmiers improvisés prenaient soin des blessés, magiquement ou non.

Tellement de corps allongés, de personnes qui paniquaient, d'élèves qui pleuraient, d'amis qui souffraient. Et Hermione était au milieu de tout ça, la baguette abaissée mais qu'elle ne s'était pas résolue à ranger, le regard perdu et vide dans cette salle qu'elle n'avait connue que rayonnante et chaleureuse. Comment en étaient-ils arrivés là ?

- Ne reste pas seule, Hermy.

Hermione releva la tête vers Ron qui s'était doucement approché d'elle. Les yeux de son ami ne reflétaient rien, mis à part de la peine, et Hermione sentit son cœur se serrer un peu plus. Que faisait-il à ses côtés, Hermione avait envie de lui dire de retourner auprès de sa famille, ils avaient besoin de lui. Mais elle n'allait pas se mentir, elle avait également besoin de lui alors Hermione ne dit rien et prit place à côté de Ron quand il s'assit sur un banc et tapota la place à côté de lui.

- Comment tu vas, Hermy ? demanda Ron d'un ton doux.

- C'est à moi de te poser cette question.

Ron eut un sourire, mais Hermione sentait qu'il n'était pas pour elle. Appuyé sur ses mains, le regard perdu sur le plafond enchanté de la Grande Salle, Ron se perdit dans ses pensées. S'il prenait le courage de le faire, Ron serrerait Hermione dans ses bras. Simplement pour que le doute quitte le visage de son amie.

- Ca finira par aller, répondit Ron.

- Ce qui se passe est horrible.

- En effet, dit Ron en frottant ses mains pour essayer de retirer le sang qui se trouvait sur ses doigts, mais il faut passer par là pour mettre fin à tout ça.

- On voulait faire ça sans massacre, répondit Hermione, toujours peu convaincue.

- Tu as le droit d'avoir peur, Hermy, et tu as le droit de le reconnaître. Mais tu ne dois pas douter, ce n'est pas le moment.

Et ça, Hermione le savait. Et dans le fond, Hermione ne doutait pas que Harry gagnerait, elle ne doutait pas que le bien l'emporterait sur le mal, que leurs efforts aboutiraient. Ce dont elle doutait, c'était qu'ils réussissent à arrêter les dommages collatéraux. Tous ces blessés, ça brisait le cœur de Hermione.

Sur une envie de voir son visage, Hermione se tourna vers Ron. Le regard triste, la mine poussiéreuse et les vêtements déchirés, Ron n'avait pas quitté ses côtés depuis qu'ils étaient revenus à Poudlard. Il était venu s'assurer qu'elle allait bien, au lieu de rester auprès de sa famille. Et Hermione se sentit de lui devoir la vérité.

- J'ai peur, Ron.

- Et c'est normal, mais il ne faut pas laisser la peur nous arrêter.

- Voldemort aura fini par attaquer Poudlard, il a attaqué notre maison et a réussi à en abattre les défenses.

Hermione ne regardait plus Ron. De toute façon, il ne savait pas quoi répondre. Qu'il y avait-il à répondre ? La peur était justifiée, Hermione ne se sentait pas en sécurité. Ils avaient tous toujours pensé que Poudlard était immunisé contre les mauvais sorciers, qu'aucune attaque ne pourrait passer les murs de l'école. Et voilà que des mangemorts armés jusqu'aux dents réussissaient à pénétrer l'enceinte de l'école et tuaient tout ce qui bougeait. Comment réagissait-on quand l'endroit où l'on a grandi, où l'on n'aurait jamais pensé que la violence pouvait se trouver, devenait un champ de bataille, où des corps tombaient ? Et bien, on arrêtait de se sentir chez soi.

- Rejoins ta mère et tes frères, Ron, dit finalement Hermione. Reste avec ta famille.

- Je suis avec ma famille.

Hermione sentit son cœur se serrer alors qu'elle relevait la tête vers Ron, qui la regardait d'un air affectueux. Il n'avait peut-être pas les mots pour la réconforter, mais il avait toujours eu la présence et le regard qui fallait. Hermione aurait aimé le remercier, mais elle non plus n'avait pas les mots. Alors elle se contenta d'un câlin que Ron ne refusa pas. Ils restaient unis.

- Ils ont besoin de toi, Ron.

- J'y retourne. Je voulais juste te dire que…

Il semblait hésiter. Il voulait dire quelque chose mais semblait hésiter. Il se tourna un instant vers sa famille, qu'il voyait un peu plus loin, qui n'avait pas quitté les côtés du corps inanimé recouvert d'un drap blanc. Ron soupira, mais tout ce qu'il voulait faire, c'était pleurer.

- Tu n'es pas seule, dit finalement Ron en se tournant vers Hermione. Tu n'es pas arrivée dans cette histoire seule, et tu n'en ressortiras pas seule.

- Toi non plus, Ron, répondit Hermione alors qu'elle attrapait la main de Ron. On est arrivé ensemble, et on repartira ensemble.

Ron laissa son regard reposer quelques secondes sur leurs deux mains entrelacées, et Hermione sentit ses joues chauffer. Elle était gênée, mais elle n'aurait jamais pu retirer sa main. Tout ce qu'elle voulait, c'était montrer son soutien à son meilleur ami, à celui qui avait toujours tenu une place particulière dans sa vie et dans son cœur. Finalement, Ron releva la tête vers Hermione et lui fit un sourire. La jeune fille comprit et retira sa main alors qu'il se levait sans un mot et retournait auprès de sa famille pour s'asseoir à côté de Ginny, dont les larmes avaient arrêté de couler mais qui se trouvait dévastée. Elle leva la tête vers son frère et se jeta dans ses bras, et Hermione sentit son cœur se serrer à cette scène.

- Hermione ?

La petite voix paniquée qui s'adressait à elle fit sursauter la jeune fille. Elle tourna la tête pour voir deux petites filles de douze ans la regarder de leurs grands yeux terrifiés, et Hermione se demanda un instant ce que pouvaient ressentir les plus jeunes, eux qui ne pouvaient pas se défendre et qui restaient démunis face à tout ce qu'il se passait.

- Oui Caty ?

- Est-ce que tu aurais des nouvelles d'Adrien ? Les responsables des salles communes ont déclaré qu'il ne s'y trouvait pas, mais il n'est pas non plus ici et on est très inquiè…

Hermione attrapa la main de la jeune fille et l'intima à se calmer doucement. Elle avait vu la jeune fille commencer à hyper ventiler et parler de plus en plus rapidement, et le geste de Hermione sembla la calmer un petit instant.

- Calme-toi Caty, et dis-moi où vous étiez avant que les attaques ne commencent.

- Dans les cachots, on faisait un devoir et on a été évacués d'urgence et avec la foule affolée dans les couloirs, on l'a perdu de vue.

Hermione fronça les sourcils. Si personne n'avait entendu parler du Serpentard de deuxième année depuis le début des attaques, ça devenait inquiétant. La première réaction qu'eut Hermione fut de partir à la recherche du jeune homme, mais elle savait que ce n'était pas raisonnable. Des larmes commençaient à perler dans les yeux de Caty, et Hermione se sentit démunie un instant. Les deux Serpentards avaient été sous sa responsabilité l'année dernière et Hermione les appréciait beaucoup.

- Très bien, reprit Hermione, alors calme-toi et allez trouver un endroit où vous installer le temps que tout cela finisse. Moi je m'occupe d'Adrien.

- Ca va durer encore longtemps ? demanda la camarade de Caty d'un ton apeuré.

- On espère que ça se terminera bientôt, répondit Hermione dans un sourire rassurant.

L'heure n'était pas à inquiéter les plus jeunes. D'un geste, Hermione intima les deux pré-adolescentes à aller se rassurer dans un endroit alors qu'elle tournait les talons vers la sortie de la Grande Salle.

- Tu vas où, Hermione ? demanda Harry qui la vit quitter la salle.

- Je reviens.

- Attends, on a besoin de toi.

- Je sais Harry, mais là tu n'es pas le seul.

Hermione prit la main de son meilleur ami et lui fit un sourire doux. Harry, qui semblait comprendre qu'elle devait réellement régler quelque chose, lui fit un hochement de tête et lui demanda de revenir vite et sauve. Hermione sortit de la Grande Salle et prit la direction des cachots. Elle prit un couloir où deux aurors récupéraient deux corps inanimés, recouverts de draps blancs, et un haut-le-cœur prit Hermione. Elle avait envie de vomir, elle était réellement sur le point de vomir. Elle sentit les battements de son cœur s'accélérer et elle se demanda un instant comment elle réagirait si ça avait été un de ses proches. Et ça aurait pu être elle. Ca aurait pu.

Hermione atteignit un couloir, mais deux silhouettes l'empêchèrent de passer. Kingsley Shacklebot et un auror du Ministère se tenaient devant elle.

- Où allez-vous, mademoiselle Granger, demanda Kingsley.

- Je dois aller dans les cachots, un élève de deuxième année y a été vu pour la dernière fois, répondit Hermione.

- On ne peut pas vous laisser passer.

- Mais pour l'élè…

- Mademoiselle, l'interrompit l'auror dont elle ne connaissait pas le nom, il ne reste plus personne dans les cachots actuellement. Si l'élève n'est ni dans la Grande Salle, ni dans une salle commune, il n'est pas non plus là où il a été vu pour la dernière fois.

- Mais.

Hermione ne termina pas sa phrase. Donc le Serpentard de deuxième année était porté disparu. Peut-être qu'il s'était caché. Peut-être, se dit Hermione, et peut-être qu'il avait déjà été trouvé par les mauvaises personnes. Une nouvelle fois, un haut-le-cœur prit Hermione. Un adolescent de douze ans avait peut-être besoin d'aide, mais ils semblaient indifférents. Hermione ne pouvait pas l'être.

- Je vais quand m…

- Non Hermione, l'interrompit cette fois Kingsley Shacklebot, les cachots sont fermés d'accès au public. Vous retournez avec nous dans la Grande Salle.

Hermione se surprit elle-même à ne pas insister. Peut-être qu'inconsciemment, elle savait qu'elle ferait mieux de ne pas insister. Cette fois, Hermione se sentit réellement démunie. Elle aimerait partir à la recherche de cet enfant qui, si ça se trouvait, se cachait dans un coin de cet immense château, apeuré et seul. Combien d'autres élèves manquait-il ? Combien de morts y avait-il ? Combien y en aurait-il encore ? Hermione n'en savait rien. Et dire qu'elle ne pouvait rien faire actuellement pour aider qui que ce soit. Pour une des rares fois depuis qu'elle était devenue une sorcière, Hermione Granger se sentait sans pouvoirs.

Elle fut ramenée dans la Grande Salle, où des regards se posèrent sur elle. Hermione vit Harry la surveiller à distance alors qu'il parlait avec des membres de l'Ordre, et elle se rappela un instant que des gens comptaient sur elle. Harry, il avait besoin d'elle. Il avait besoin d'elle et de Ron. Il fallait qu'elle se reprenne et qu'elle remette en route son cerveau. Mais c'était tellement dur. Perdue, Hermione prit à nouveau place sur un banc et posa son menton sur ses poings.

- Hermione ? Tout va bien ?

Hermione se tourna vers Neville qui la regardait d'un air inquiet. Lui aussi était poussiéreux, tout comme elle, des combats qui venaient d'avoir lieu. Ça sauta aux yeux de Hermione à quel point les yeux de Neville étaient teintés de détermination. Il n'était plus l'enfant qui avait osé s'opposer à eux dans un élan de courage mais plein de peur, non il était devenu un adolescent prêt à risquer sa vie sans seconde pensée pour protéger ceux qu'il aimait.

- Un peu démunie, je suppose.

- Qui ne l'est pas ? répondit Neville avec gentillesse.

- J'ai l'impression de ne pas avoir le droit de l'être, confia Hermione.

- Et bien, tu fais partie de ces gens qui changeront réellement quelque chose. Et le survivant repose entièrement ses forces sur toi. Alors je suppose que tu as moins le droit de l'être que d'autres.

Il avait raison, Hermione le savait. Harry avait entièrement confiance en elle, et comptait entièrement sur elle pour l'aider à vaincre Voldemort. Ce n'était pas son intelligence qui la différenciait des autres élèves présents dans cette salle, mais sa position. Elle était une des forces de Harry, et elle avait déjà douté trop longtemps.

- Mais, demanda Neville, un peu inquiet, ça va aller ?

- Je vais bien Neville, juste eu un petit moment de doute.

Neville sourit à Hermione avec sympathie. Il pouvait bien comprendre l'état dans lequel elle était, il était passé par cet état. Tout comme Ginny. Tout comme Seamus. Tout comme Dean. Tout comme tous les élèves qui avaient décidé à un moment de rejoindre le camp de Harry. Et ça ne surprenait pas le jeune homme que ça n'arrive que maintenant à Hermione, forte comme elle était, elle n'avait pas dû se permettre le doute plus tôt.

- Le doute est toujours là ? demanda Neville.

- Oui. Tout comme la peur. Mais aucun de ces sentiments n'a le droit de nous arrêter, n'est-ce pas ?

La jeune fille chercha une réponse dans le regard de Neville, et la trouva dans son sourire. Elle avait raison

- Je suppose que non, répondit Neville. Après tout, nous sommes des Gryffondors !

En effet, sourit Hermione, ils étaient des Gryffondors, ils avaient du courage. Ils n'avaient peut-être pas l'intelligence des Serdaigles, quoique en effet, elle l'avait, ils n'avaient peut-être pas la gentillesse des Poufsouffles, quoique en effet, Neville l'avait, ils n'avaient peut-être pas l'esprit des Serpentards, quoique en effet, Harry l'avait. Hermione eut un nouveau sourire, ils n'étaient qu'un simple mélange de toutes les maisons, que ce soit Gryffondor ou Serpentard.

- Tu as rais… commença Hermione.

Serpentard. Dans son champ de vision, Hermione vit l'écusson des Serpentards sur la veste d'une élève, et quelque chose cliqua en elle alors qu'elle observait le serpent. Et elle comprit. De son regard, elle chercha Ron, qui sentit un regard sur lui et releva la tête pour rencontrer le regard de Hermione. Il comprit immédiatement qu'elle avait trouvé quelque chose, et s'excusa auprès de sa mère avant de se lever pour se diriger vers Hermione.

Puis Hermione tourna la tête et constata que Harry n'avait pas quitté ses yeux d'elle depuis une bonne dizaine de minutes. Il surveillait son état. Et lui aussi avait compris qu'elle avait trouvé quelque chose. Il s'excusa auprès des membres de l'Ordre et se dirigea vers elle alors qu'elle allait en direction de ses deux amis.

- Le serpent ! Le basilic !

Et alors que ses deux amis la regardaient avec perplexité le temps qu'elle explique sa pensée, Hermione eut un sourire. Debout tous les trois en plein milieu de la Grande Salle, elle eut le sentiment qu'elle pouvait aider à faire quelque chose pour arrêter cette horreur, et ce sentiment plus que n'importe lequel insuffla de la force à Hermione.