Un immense merci à akasha54 qui a bien voulu devenir ma correctrice pour cette fanfiction.
Tous les premiers chapitres ( du 1 au 17 ) seront bientôt corrigés, n'hésitez pas à la remercier pour son travail avec une review parce que je sais qu'il est bien plus agréable de lire un texte sans fautes et malheureuse je n'ai pas le don divin de l'orthographe et de la grammaire. Donc, merci akasha54 ! :)
Chapitre 1
Un long bâillement étira les traits du visage fatigué de Kathe. Le corps tout engourdi par d'interminables heures de route, elle réajusta sa position sur son siège - ses fesses commençant vraiment à être douloureuses - et agrippa un peu plus fermement le volant de sa petite voiture citadine.
« Pas question de finir dans un arbre », se dit Kathe, en gardant désespérément les yeux ouverts. Perdue en pleine nuit sur une petite route de montagne, elle regrettait, de plus en plus, de s'être embarquée dans cette aventure.
« Encore un coup fumant de Pitt », fulmina-elle, en se concentrant à rouler le plus éloigné possible du ravin qui bordait la route. Les virages se faisaient de plus en plus serrés et l'idée de s'arrêter au bord de la route en attendant que le jour se lève traversa son esprit. Elle jeta un rapide coup d'œil sur le cadran au-dessus de l'autoradio : « 4h30». Elle prit encore quatre ou cinq virages de plus - à quoi bon compter, il lui semblait que cette montagne n'en finirait jamais - et décida de finalement s'arrêter, en repérant un recoin proche de la falaise, où sa petite citadine n'aurait aucun mal à se nicher.
Toujours prudente, Kathe enclencha les warnings afin d'être bien visible, au cas où d'autres automobilistes auraient décidé de se perdre dans ce trou paumé d'Alaska. Elle enfila sa grosse doudoune et son écharpe, et quitta avec plaisir le petit habitacle de l'auto pour se dégourdir les jambes. Elle fut immédiatement assaillie par un froid mordant, mais l'air pur qui emplit ses poumons était autrement plus agréable que l'ambiance chaude, mais étouffante, de la voiture.
Elle étira tous ses muscles, tendant les bras au ciel, et laissa échapper un soupir de contentement en sentant tous ses muscles s'étirer. Après quoi, elle sortit un paquet de cigarettes de sa poche. Et, tout en fumant allègrement, Kathe se demanda pour la millième fois de la journée ce qu'elle pouvait bien foutre ici. D'accord, Pitt avait été très convainquant en lui parlant de ce magnifique chalet sur Middle Mountain, un endroit coupé du monde, « un endroit parfait pour elle » qu'il avait dit. Mais franchement, s'éloigner du problème ne le ferait pas disparaître. Et ce n'est sûrement pas en disparaissant quelques semaines que tout redeviendrait parfait... Kathe tira plus fort sur sa cigarette, le regard perdu dans le ciel étoilé.
Cela faisait deux ans qu'ils étaient ensemble, Kathe se souvenait parfaitement du jour de leur rencontre, et comme il avait été charmant et délicat. Il lui avait fait la cour et elle était tombée sous le charme. Quand a-t-il commencé à devenir violent ? Ça, Kathe était bien incapable de se le rappeler, l'amour rend aveugle comme on dit. Il lui aura fallu du temps pour enfin comprendre sa vraie nature, cette nature qu'il savait si bien cacher aux autres, mais les bleus sur le corps de Kathe ne pouvaient, eux, cacher la violence de cet homme. Elle avait fini par comprendre - après beaucoup de souffrance - qu'il ne changerait jamais, mais même après avoir compris, elle n'avait pu se résoudre à passer à l'action. Que pouvait-elle faire ? Lui faire face ? Il la frapperait sûrement à mort si elle le quittait, ce type n'est pas du genre à se faire larguer !
Il ne lui était resté qu'une solution : la fuite.
Après des semaines de réflexions, et des coups en plus, Pitt lui avait enfin offert une porte de sortie. Après tout ce temps, Pitt a été le seul à sentir la détresse de la jeune femme, à voir les kilos en moins, les yeux rougis par les larmes. De toutes ses connaissances, et peut être même de sa famille, Pitt était le seul en qui elle avait vraiment confiance et c'est en pleurs qu'elle avait accepté sa proposition de partir se ressourcer quelques jours au chalet, pour prendre du recul.
Elle était partie à des centaines de kilomètres de leur appartement, à « lui » et à elle. Mais, apparemment, ce n'était toujours pas assez. Combien de distance, combien de temps avant qu'elle ne puisse enfin passer à autre chose ? Ce type la terrifiait tant maintenant, qu'elle se refusait même à prononcer son nom en pensée. Dans un accès de rage de se voir aussi faible, Kathe écrasa nerveusement sa cigarette sur le sol rocailleux. Elle se sentait bloquée. Dans une impasse totale, elle se voyait déjà finir dans la rubrique nécrologique du journal télévisé, faisant les gros titres: « Une jeune fille retrouvée morte, son corps balancé à la poubelle ».
Un élan incontrôlable de peur la submergea tout d'un coup et elle dut faire quelques pas pour tenter de faire disparaître cette idée de la tête; sans succès.
C'est à peu près arrivée face au ravin, qu'une autre idée émergea enfin dans sa tête, une idée toute aussi dangereuse et au même dénouement : la mort. Mais Kathe était trop fière pour être la victime de ce fou furieux, pas question qu'elle lui laisse le dernier mot. « Un jour je vais vraiment finir par te tuer...». C'est ce qu'il avait dit juste avant qu'elle ne parte pour l'Alaska. Ce fut le mot de trop, plus que les coups, c'est cette menace non dissimulée qui l'avait fait fuir. Elle avait quitté le salon comme un diable sort d'une boîte, avait attrapé son sac à main à la volé, tout en enfilant rapidement ses tennis. Dieu soit loué, Pitt lui avait donné les clefs du chalet en lui indiquant la route à suivre le matin même. Elle avait un but, un objectif maintenant : partir.
En entendant les pas lourds de colère de son petit-ami se rapprocher, elle s'était carrément propulsée à l'extérieur de l'appartement, puis de l'immeuble, pour se retrouver à courir sur le trottoir. C'est comme dans un état de transe qu'elle avait rejoint sa voiture, démarrant à toute vitesse, et totalement inconsciente des regards médusés des passants. Les pneus de sa petite citadine couinèrent affreusement sur le bitume quand elle fit accélérer le moteur pour disparaître au coin de la rue. Il lui avait semblé l'apercevoir dans son rétroviseur, debout - le corps tendu comme jamais -, ses yeux noirs la fixant avec rage. Elle était sûre qu'il avait compris: il était en train de la perdre. Kathe n'était plus sous son emprise et ça le mettait hors de lui. Il la retrouverait et il la tuerait, elle en était quasi sûre.
Face au ravin, c'est machinalement qu'elle extirpa son téléphone portable de la poche de sa doudoune, elle ne chercha même pas le nom dans le répertoire, composant le numéro mécaniquement. Il lui était totalement futile de se demander quelle heure il pouvait bien être au Nouveau-Mexique avec le décalage horaire. Kathe imagina un instant le paysage de son enfance chaud et agréable, en écoutant son portable sonner, cherchant à joindre son destinataire, quand un Clic se fit entendre.
- Bonjour, vous êtes bien sur la messagerie de Daniel Crowford, merci de laisser un message ...
Après avoir entendu le bip habituel, Kathe sortie de sa rêverie pour se retrouver dans la froide réalité. C'est, étonnée, qu'elle se mit à parler d'une voix calme et posée.
- Maman c'est moi, je suis en Alaska.
Elle ne put empêcher un petit rire crispé traverser ses lèvres.
- J'ai enfin compris que je ne pourrais pas m'en sortir, mais il ne faut pas que tu t'inquiètes, parce qu'à partir de maintenant, tout ira mieux pour moi. Je t'assure que j'ai bien réfléchi, alors ne soit pas trop triste, ok ? Ho ! Et, dit à Pitt qu'il n'a rien à se reprocher. Bye.
Au moment où Kathe s'apprêtait à raccrocher son téléphone une étrange lueur dans le ciel, encore étoilé, attira son regard.
« Une aurore boréale ? »
Kathe fut un instant ravi que l'univers lui envoie un dernier signe d'adieu lui aussi. Mais la seconde d'après, elle déchantait, le ciel semblait se tordre tandis qu'un éclair de lumière arc-en-ciel descendit à toute vitesse dans sa direction et frappa violemment la route en amont. La roche explosa à son contact, projetant de la caillasse dans les airs et retombant lourdement sur la voiture de la jeune femme. Le souffle de l'impact projeta violemment Kathe en arrière et dans un juron mal-contrôlé, elle tomba dans le ravin.
Elle maudit tous les dieux en cet instant précis. Elle avait eu ce qu'elle voulait, soit; mais ça ne devait pas se passer comme ça ! Au lieu de rencontrer un grand vide comme elle s'y attendait, Kathe heurta violemment la paroi rocheuse se prenant au passage toutes les branches dans sa chute. Sa dégringolade sembla durer mille ans et c'est douloureusement qu'elle finit par heurter un sol plat et rocailleux, stoppant net sa chute. Le souffle totalement coupé, elle mit du temps à recouvrer ses esprits, son corps se rappelant à elle par vagues de douleur de plus en plus fortes.
Elle était allongée de tout son long au milieu de la route, tout son corps la faisant atrocement souffrir. Mais elle savait reconnaître une douleur d'une autre - c'était une experte des coups et blessures de femme battue après tout ! – et à part quelques bleus et des écorchures sur à peu près tout son corps, on peut dire qu'elle s'en sortait plus ou moins bien.
« Je suis encore en vie. ...youhou...! »
Bien qu'elle n'ait fait que penser, son corps se souleva sous un spasme de douleur, comme pour la féliciter de cette bonne nouvelle. Il lui aura fallu tomber, pour de vrai, dans ce foutu ravin pour qu'elle se doute enfin qu'elle voulait vivre. Vivre à n'importe quel prix.
Le choc passé, elle ne se releva toujours pas. Son cerveau tournait maintenant à cent mille à l'heure et elle se posait un milliard de questions - l'adrénaline sûrement.
« Qu'est-ce que c'était que ça ? Un éclair ? Non, l'électricité ne tombe pas en faisant des explosions arc-en-ciel, je ne suis pas physicienne mais quand même ! »
Il lui fallut un certain temps pour retrouver une bonne vision dans le noir total d'une nuit « normale ». Pensant, au début, endurer le choc de sa dégringolade, elle dut bien s'avouer au bout d'un moment que le voile, qu'elle avait devant les yeux, ressemblait finalement bien plus à un aveuglement d'un flash d'appareil photo.
« Sauf que là, il aurait fallu un appareil super balèze, putain !»
Il lui fallut pas moins de cinq minutes pour retrouver la vue et tout autant pour se remettre debout. Avec toujours tout un tas de questions en tête, elle commença à remonter péniblement vers sa voiture, espérant secrètement, qu'elle n'ait pas été soufflée par cette explosion d'éclair atomique.
N'arrivant toujours pas à comprendre de quel genre d'effet atmosphérique cela pouvait bien être, elle abandonna toute chance de connaître un jour les réponses à ses questions tant la joie de retrouver sa petite voiture – presque - intacte, là où elle l'avait laissé, fut grande. Elle se rapprocha, à grands pas, des quelques mètres la séparant des feux de warning, quand un bruit l'alerta. Il semblait proche et sans trop savoir pourquoi Kathe se crispa, à l'affût du moindre signe suspect. Bizarrement, le fait d'être une femme seule sur une route perdue ne l'inquiétait pas trop, qui aurait-elle bien pu rencontrer ? Big foot ?
« Allons un peu de sérieux, il n'y a rien ici...»
Mais elle ne pouvait pas empêcher une peur instinctive lui tordre le ventre. Tentant de se convaincre qu'il n'y avait plus rien à craindre, elle fit cependant un tour sur elle-même pour inspecter les lieux. Le jour commençait tout doucement à se lever et au lieu d'être entourée par une noirceur à couper au couteau, Kathe pouvait enfin apercevoir les deux bords de la route, la paroi de la falaise, et même le prochain virage un peu plus haut sur la route. Elle ne vit rien d'autres que sa voiture, les warnings rougeoyants, et les nombreux débris rocheux au sol.
Toujours les nerfs à vifs, elle s'élança finalement sur les derniers mètres, cela lui sembla durer une éternité et quand, enfin, elle atteignit la poignée de la porte - espérant retrouver le confort et la sécurité de l'habitacle de la voiture - elle se figea sur place. Elle entendait une respiration juste derrière elle : une respiration calme mais assez forte pour chatouiller son oreille et sa joue. Un sursaut, suivi d'un cri aigu, la fit se retourner instantanément. La peur de découvrir un monstre aux crocs acérés, tapis dans son dos, prêt à la dévorer, rendit son corps incontrôlable. Cependant, au lieu de découvrir un monstrueux Big foot - comme elle s'y attendait - Kathe découvrit un homme, penché vers elle, qui recula rapidement en la voyant se retourner et s'agiter dans tous les sens, en criant.
Elle n'eut même pas le temps d'analyser cette nouvelle information que l'homme la plaqua lourdement contre la carrosserie cabossée de sa voiture. Elle sentit le véhicule bouger sous la pression de son corps plaqué par deux grandes mains, entravant totalement ses bras le long de son corps. Kathe eut la très désagréable impression de n'être qu'une poupée de chiffon qu'on secouait avec un peu trop de facilité. La carrosserie bosselée lui rentrait douloureusement dans le dos. Ses yeux déboussolés rencontrèrent alors un regard de glace. Deux orbes bleues glaces la sondaient de toutes leurs hauteurs, et elle était comme happée par son regard, comme une biche coincée dans les phares meurtriers d'une voiture. Elle retint - non sans mal - ses lèvres dessiner un rictus entre le sourire et la grimace. Et dire qu'elle avait pensé que son « futur » ex-copain puisse être dangereux...
Kathe se demandait déjà comment ce psychopathe allait en finir avec elle. Le plus étrange, se dit-elle, fut le calme avec lequel elle digéra cette information. Elle était totalement sous l'emprise de ses deux yeux bleus vifs et tranchants; complètement hypnotisée. Elle ne bougea pas d'un millimètre quand la pression sur son corps se fit moins forte. Les yeux inquisiteurs de l'homme lâchèrent leur proie, permettant enfin à la jeune femme de retrouver ses esprits. Elle profita qu'il regardait ailleurs pour le toiser à son tour - question de survie: il fallait qu'elle calcule ses chances de s'en sortir en un seul morceau -.
« Quelle soirée mes aïeux ! »
Kathe se gifla mentalement pour se donner un peu de courage et se fit un topo mental de la situation.
Primo, ce type est grand, bien trop grand pour elle et son malheureux mètre soixante-cinq.
Deuxio, il a l'air plutôt athlétique et bien portant, pour un psychopathe évadé d'Alcatraz.
Et enfin, ce type à une allure franchement bizarre.
Les vêtements de l'homme intriguèrent fortement la jeune femme, elle était à peu près sure que ces vêtements ne faisaient pas partis du patrimoine culturel de cette région du monde, n'ayant encore jamais rien vu de pareil; sauf peut-être dans un de ces films d'héroïque fantaisie qui passait au cinéma. Leurs couleurs sombres rendaient l'homme presque invisible mais c'était sans compter sur sa peau qui était étrangement pâle éclatante, même dans la pénombre du jour levant, tant elle était blanche. Son visage et ses mains démarquaient tellement du reste du décor que la jeune femme ne voyait maintenant plus que ça, oubliant totalement les vêtements presque médiévaux de son agresseur. La promiscuité de leurs deux corps n'aida pas. Elle imagina, un instant, ces deux mains pâles et puissantes, telles des lames aiguisées, qui la transperceraient au moindre mouvement suspect; cela était tout à fait probable d'après elle. Bien que totalement irréaliste dans l'esprit de la jeune femme, ces deux mains pouvaient la massacrer en une fraction de seconde. Kathe pouvait sentir la puissance contrôlée son agresseur. Elle savait reconnaître une force froide quand elle en voyait une, et cet homme la glaçait de la tête aux pieds. Une sueur froide commença doucement à perler le long de son dos.
« Enfin une réaction normale de quelqu'un qui veut vivre ! » ne put-elle s'empêcher d'ironiser. Moralité du diagnostic vitale de la situation : totalement nul.
L'homme tourna si vite son visage vers Kathe qu'elle ne put retenir un petit couinement de surprise. Leurs deux visages étaient si proches. Celui, dur et « en colère ?» - se demanda-t-elle - de l'homme toisait celui apeuré de la jeune femme. Elle fut tout aussi surprise de le voir ouvrir ses lèvres fines pour parler. Son ton était calme et sa voix profonde, cependant tout le corps extrêmement tendu de l'homme, pressé contre le sien, renseigna la jeune femme sur l'état d'esprit du type: il voulait des réponses et préférait, pour l'instant, demander calmement, plutôt que de se fatiguer à la torturer pour les obtenir.
- Vous êtes seule ?
Kathe répondit le plus vite possible - même si cet instant lui paraissait maintenant durer depuis plus d'une éternité -, il ne fallait surtout pas énerver encore plus ce psychopathe, sa survie était toujours en jeu ! C'est pourquoi elle ne peut empêcher sa petite voix de trembler.
- Ou... Oui.
Elle eut l'impression que le regard de l'homme se fit encore plus dur et glacial. Pendant une ou deux secondes, il sonda ses yeux écarquillés par la peur. Puis d'un coup, il arriva une chose incroyable : l'homme relâcha les bras de Kathe et fit un pas, lent et calme, en arrière. La différence de taille se fit bizarrement plus forte malgré l'éloignement. La carrure bien droite de l'homme et ses vêtements étranges venus tout droit d'un conte pour enfant, effrayaient grandement Kathe qui se tassa sur elle-même. Elle pouvait sentir de tout son être, l'étrangeté de cet homme et son côté... dangereux.
Il avait pris une position nonchalante face à elle, les bras maintenus dans son dos - comme pour lui montrer qu'il ne la touchera plus, mais ça, Kathe en doutait fortement. Il la regardait calmement, avec tout de même une légère pointe d'agacement qu'il n'arrivait pas à dissimuler. Toujours un peu hébétée, Kathe observa cet étrange apparition ouvrir la bouche et parler pour la deuxième fois de la soirée.
- Bien. Votre nom ?
Elle eut envie de reculer mais le véhicule dans son dos lui empêchait tout mouvement de fuite. Cet homme lui faisait vraiment peur. Ces intonations étaient presque trop mielleuses au goût de la jeune femme. Comme si il s'adressait à une gamine et qu'il voulait vite en finir. Mais elle ne pouvait que rester là, répondre aux questions, et attendre qu'il en ait fini avec elle.
- ...Kathe...Katherine Crowford...
Il sembla satisfait de la voir répondre aussi facilement à ses questions et enchaîna en se déplaçant légèrement de long en large, la fixant de temps en temps comme un chasseur garde un œil sur sa proie.
- Très bien Katherine.
Elle se renfrogna intérieurement, elle détestait qu'on l'appelle Katherine, seul sa très vieille grand-mère l'appelait comme ça. Cette vieille carne lui en aura fait baver jusqu'à la fin et son prénom prononcé dans son ensemble sonnait comme un affront pour la jeune femme.
« Je ne suis plus une gamine ! J'ai vingt-trois ans que diable ! Plus question de me laisser piétiner par une vieille folle décédée, un ex-copain à la con et un...un...Un mec là ! Sortit de nulle part, dans un costume à la con du Moyen Age !»
Sa colère mentale ne servit absolument à rien mais Kathe était contente, elle commençait à reprendre du poil de la bête et bizarrement, elle se sentait plus elle-même à cet instant, que depuis tous ces derniers mois.
L'homme sembla remarquer la petite étincelle de révolte dans les yeux sombres de la jeune femme, mais il ne s'en formalisa même pas et continua l'air de rien.
- Enlevez-moi un doute, cette planète sur laquelle nous nous trouvons se nomme bien la Terre ?
Les sourcils relevés, il regarda Kathe comme si il venait de lui demander s'il faisait beau demain. La jeune femme en resta coite; la bouche ouverte. Elle le regarda avec des yeux ronds et tout naturellement sa bouche parla avant qu'elle n'ait eu le temps de penser.
- De quoi ? Mais enf...
- N'essayez pas de penser petite créature ! Je vous pose une question, alors répondez !
Kathe sursauta tellement fort qu'elle fit un bond sur la place. L'homme avait parlé avec tellement de colère dans la voix qu'elle ne croyait pas que se fusse possible. D'un seul coup, il fondit de nouveau sur elle avec une rapidité effrayante, elle vit ses deux mains pâles traversées l'espace les séparant pour l'attraper par le col. Elle se crispa, pensant atterrir de nouveau contre sa petite voiture, mais il en fut tout autrement, à sa grande surprise. Il la souleva littéralement du sol pour la porter à sa hauteur, face à face.
Ayant enfin perdu son masque condescendant pour retrouver - celui plus naturel- de la colère, il toisait la jeune femme avec mépris. Ils étaient si proches que leur nez pouvait presque se toucher, il n'aurait fallu que de quelques millimètres. La jeune femme était stupéfaite, c'est qu'elle faisait son poids tout de même ! Bien qu'elle soit encore très loin de peser cent kilos, ce type l'avait soulevé du sol avec tellement de facilité qu'elle pouvait presque entendre toutes les coutures de sa doudoune craquer sous la pression.
- Répondez-moi !
« Voilà qu'il hurle maintenant », Kathe paniqua. Ce visage marqué par la colère, juste en face d'elle, la terrifiait. Elle ferma très fort les yeux et se mit à crier à peu près tout ce qui lui passait par la tête. Ce mec voulait juste des réponses à ses questions, et elle ferait à peu près tout pourvut qu'il la lâche.
Les paupières toujours soudées, elle cria pratiquement aussi fort que lui, bien que sa voix à elle n'ait pas autant de puissance, pour lui répondre tandis qu'il la secouait comme un prunier.
- Oui ! Oui nous sommes sur Terre ! En Alaska, sur le continent Nord-Américain ! On est sur la route vingt-six qui monte vers Middle Mountain ! Je ferai ce que vous voulez mais s'il vous plait, lâchez-moi ! Je vous dirai tout ! S'il vous plait !
Il la lâcha à peu près au moment où les coutures des vêtements de Kathe allaient craquer. Il n'y avait pas une très grande distance la séparant du sol pourtant, elle s'écrasa lourdement sur la caillasse, ses jambes pliants sous son poids et le souffle court. Imperturbable, l'homme se mit accroupi près de Kathe, qui tentait de retrouver son souffle, couchée sur le dos. Il se mit de telle sorte qu'elle ne voyait encore une fois que son visage la toisant, son horrible sourire mielleux retrouvé.
- Bien. Vous connaissez Clint Town ?
Kathe l'observa un instant et finit par lui répondre dans un soupir.
- Oui...C'est à deux cents bornes d'ici, plus bas dans les plaines.
Kathe se souvenait parfaitement de ce bled paumé. Drôle de coïncidence, elle y avait fait une halte plus tôt dans la nuit; il y avait un fast-food à Clint Town, un des rares à des kilomètres à la ronde dans ce coin paumé d'Alaska.
- Très bien. Katherine vous allez m'emmener à Clint Town dans votre véhicule. Il réfléchit une seconde avant d'ajouter, s'il-vous-plait.
Les derniers mots étaient comme un appel à la trêve. Elle faisait exactement ce qu'il attendait d'elle et il saurait rester poli. Bon deal, même si la jeune femme ne put retenir un « Pourquoi moi ? » dans un soupir presque inaudible.
L'homme se releva tranquillement et se détourna de sa proie pour s'avancer vers le véhicule qu'il contourna plusieurs fois tout en l'observant d'un air étrange. Kathe - tout en restant allongée au sol - le regardait faire du coin de l'œil, réfléchissant à toute vitesse. Il n'y avait pratiquement aucune chance pour elle de s'en sortir en fuyant dans les bois de la montagne, le jour se levait et la lumière se faisait de plus en plus vive, il la retrouverait en moins de deux minutes et lui ferait regretter très cher, sa petite fuite. De plus, tout le corps meurtri de la jeune femme l'appelait à retrouver l'habitacle accueillant de sa voiture, sans parler du taser qu'elle cachait dans son sac à main. Cette idée fit deux ou trois fois le tour de son cerveau avant qu'elle ne se décide enfin à bouger. Douloureusement, et non sans difficulté, Kathe se redressa; elle fit une pause de quelques secondes en position debout, histoire d'être bien sûr de n'avoir perdu aucun morceau important de son anatomie : « Deux jambes, deux bras, une tête ? Ok, tout va bien ». Il la regarda faire, un air impatient sur le visage, et Kathe sut qu'elle devait se résoudre à prendre une décision.
Elle avança lentement - mais sûrement - vers la portière côté conducteur, l'autre s'étant mis face au véhicule côté passager. Elle fouilla dans sa poche, cherchant ses clefs de voiture, et c'est à ce moment qu'elle repensa à son téléphone portable. Impossible de savoir à quel moment elle l'avait perdu, il pouvait être n'importe où entre le bord de la route jusqu'au contre-bas de sa dégringolade de tout à l'heure.
Un raclement de gorge la fit sortir de ses pensées. Elle sursauta et, croisant ce regard bleu vif, se hâta d'ouvrir les portes. Si elle avait eu l'idée d'être plus rapide que lui pour entrer dans le véhicule et s'y enfermer, c'était raté.
«Dieu qu'il est rapide !», pensa-t-elle en le voyant ouvrir souplement la portière et s'installer tout aussi souplement sur le siège avant.
Il referma la porte avec vivacité mais elle ne fit pratiquement aucun bruit en se refermant. Ce type était un vrai fantôme, le temps pour la jeune femme d'accomplir les mêmes gestes lui parut durer - encore une fois - une éternité. C'est d'une façon beaucoup plus bruyante qu'elle s'installa derrière le volant, la portière claqua dans un bruit sourd derrière elle et elle mit une bonne minute à se défaire de sa doudoune volumineuse.
« Mon Dieu ! Pourquoi je remarque seulement maintenant que le tissu de celle-ci est affreusement bruyant !» pensa Kathe. Son but était maintenant d'être la plus discrète possible tout en l'énervant le moins possible, et elle avait tout raté.
Le type la regardait encore une fois avec colère. C'était étrange pour la jeune femme qui avait l'impression de le voir pour la première fois dans l'éclairage artificiel et lumineux de la voiture. L'homme avait un visage à la fois terrifiant, tout en ayant un charme fou. Jamais elle n'avait rencontré de personne au physique aussi complexe que ce type, sans parler de ses vêtements qui le rendait totalement surréaliste dans le décor familier et tout à fait normal de sa voiture. Sans vraiment le quitter des yeux, elle déposa sa doudoune à l'arrière et fut rassurée en palpant son sac à main qu'elle cacha sous le vêtement. Il fallait qu'elle attende le bon moment pour se servir de son taser. Quand il baisserait enfin sa garde. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire; l'homme observait le moindre de ses gestes, le regard aiguisé et ses longs doigts comme des griffes acérées, à l'affût du moindre signe suspect.
Kathe inspira calmement avant de mettre la clef sur le contact et de démarrer le moteur. Elle poussa un long soupir de soulagement en entendant le moteur ronronner, sans le moindre pépin. À part la carrosserie qui lui coûterait sûrement une fortune à faire réparer, sa petite citadine avait très bien tenu le choc; un vrai miracle. La jeune femme eut un peu de mal à faire un demi-tour convenable tant les débris de roche jonchaient la route. Sa petite auto se faufila entre deux blocs de pierre et passa le premier virage, d'une longue suite, pour atteindre le bas de la montagne. Kathe avança le plus doucement possible dans les débuts de la descente, non pas pour esquiver les débris rocheux, elle espérait juste de toute son âme apercevoir son téléphone sur le bord de la route. Mais elle ne vit rien, et de toute façon l'autre ne l'aurait sûrement pas laissé descendre du véhicule pour récupérer un moyen d'appeler la police.
« Il a l'air fou, mais pas stupide », finit-elle par se dire.
Il ne lui restait maintenant que son taser et son courage pour se sortir de là.
Elle accéléra l'allure une fois tous les débris de cette étrange explosion loin derrière eux. Kathe n'arrêtait pas de se remémorer la tournure qu'avait pris les événements, cela lui permettait également de se concentrer sur autre chose que sur ce corps étranger installé sur son siège passager. Sans parler de ce regard qui ne la lâchait jamais, à chaque changement de vitesse, chaque fois qu'elle tournait le volant, il était comme prêt à bondir sur elle. A croire qu'il n'était encore jamais monté dans une voiture. N'y tenant plus, elle finit par oser ouvrir la bouche, il fallait qu'elle sache s'il avait aussi vu l'éclair arc-en-ciel. C'était tout à fait possible, il était apparu quelques minutes à peine après que l'éclair est frappé le sol, et Kathe était convaincue qu'il y avait une sorte de lien entre cet homme et l'éclair. Pas vraiment d'une grande intelligence, la jeune femme faisait néanmoins preuve d'un esprit vif et pragmatique, et elle décida d'utiliser la ruse pour découvrir le fin mot de l'histoire. Si monsieur veut bien coopérer... Elle aurait aimé pouvoir lui faire face pour une fois, mais elle devait rester concentrer sur la route, devant elle, qui défilait de plus en plus vite à mesure que les virages se faisaient moins serrés.
- Heu... Excusez-moi ?
Il la dévisagea avec surprise, ne s'attendant sûrement pas à la voir parler. Qu'est ce qui pouvait bien être si important pour qu'elle ose rompre le silence ? Il continua de la regarder, puis comprenant qu'elle n'irait pas plus loin sans un encouragement de sa part, il eut un petit sourire dédaigneux. Kathe déglutit péniblement, ayant soudainement du mal à enchaîner. C'était fou comme il pouvait la mettre mal à l'aise.
Tout, chez cet homme, puait l'hypocrisie, c'est comme s'il était dégoûté et blasé d'être en sa compagnie mais qu'il conservait tout de même une sorte de masque de politesse.
- Vous l'avez vu ? Je veux dire l'éclair de lumière arc-en-ciel vous l'avez vu, vous aussi ?, finit-elle par réussir à dire.
Elle attendit une réponse qui ne vint jamais. Elle observait les minutes défiler sur le petit cadran du tableau de bord mais l'homme restait totalement silencieux. Au bout d'un certain temps, elle se permit un léger coup d'œil dans sa direction pour le découvrir un peu plus crispé sur son siège. Mais pas question pour la jeune femme de se débiner, elle enchaîna d'une voix calme - parler avait toujours été un moyen de se détendre pour elle et dans une situation comme celle-ci elle ne pouvait tout simplement pas s'en empêcher.
- Vous ne l'avez pas vu alors ? C'est dommage... C'était très joli sur le moment... avant que ça ne devienne un peu trop explosif pour moi…
Elle le sentit bouger à côté d'elle, l'ambiance à couper au couteau était comme amplifiée dans l'espace réduit de la voiture, elle aurait presque pu dire à quel moment il clignait des yeux sans même avoir à le regarder. Il se plaça, tourné vers la jeune femme, en se calant un peu plus profondément dans son siège. Kathe ne sentant venir aucun signe de danger imminent - c'est que cette soirée toute entière était dangereuse - continua de parler.
- L'éclair a frappé tellement fort le sol que j'en suis tombée dans le ravin en contre-bas, vous y croyez-vous ? »
Question tout à fait rhétorique, de plus que son auto-stoppeur-psychopathe n'était pas très bavard.
- Je peux vous dire que ça fait une sacré chute, sans parler de la montagne qui a failli me tomber sur la tête ensuite. Cet éclair a été à deux doigts d'avoir ma peau !
« Même si finalement il m'aura sauvé la vie... Sans cet éclair, je me serais jetée dans le vide de toute façon et qui sait de quelle façon je serais tombée. », Kathe ne prononça pas ces derniers mots à voix haute, personne ne devait savoir quelle idiotie elle s'apprêtait à faire, pas même ce malade mental qui l'étriperait sûrement sur place, une fois arrivés à Clint Town. Personne ne devait savoir qu'elle avait voulu en finir.
L'homme la regardait intensément, les yeux plissés et le visage impassible, il semblait à Kathe qu'il traversait le moindre pore de sa peau pour la sonder de l'intérieur. Elle n'essaya même pas de retenir le long frisson qui lui parcourra l'échine: ce type l'effrayait d'une peur étrange qu'elle n'avait encore jamais ressentie. Il la détaillait de haut en bas et elle regarda à son tour son visage dans le rétroviseur, nerveuse comme si le regard de cette homme pouvait la transformer; mais elle ne vit rien à part son propre visage. Mâchoire crispée par la nervosité et sourcils froncés - elle ne se rendait même pas compte qu'elle fronçait des yeux -; les deux yeux noirs de la jeune femme remarquèrent ensuite sa chevelure châtain clair en bataille tout autour de son visage ainsi que les bleus, et autres griffures, qui lui parsemaient le visage. Elle avait de la poussière partout : dans les cheveux, le visage, le cou et franchement elle faisait plutôt peur à voir. Bien sûr, pour les bleus au visage, elle avait connu bien pire que ces quelques coups qui disparaîtront d'ici deux ou trois jours, mais jamais encore elle n'avait eu l'impression de revenir d'un champ de bataille. Elle avait aussi saigné du nez - ça non plus, elle ne s'en était pas rendu compte - laissant une traînée rouge de son petit nez retroussé jusqu'à ses lèvres rondes.
Kathe regarda l'heure sur le cadran - sans se soucier des minutes interminables qui s'étaient déjà écoulées : « 7h30 du matin ». Le ciel était bien clair maintenant et les étoiles disparaissaient tranquillement. La voiture arrivait tout juste en bas de la Middle Montaigne, plus que deux ou trois bornes avant d'arriver sur un grand axe, il était temps pour elle de passer à l'action. Son timing était parfait, jamais elle n'aurait pu espérer mieux. C'était sûr qu'il avait repéré sa façon de se regarder dans le miroir et son air étonné - et non contrôlé - qui avait suivi. C'était sa chance !
- Il faut que je m'arrête, dit-elle, haut et fort.
Il ne fallut même pas un millième de seconde à l'homme pour se redresser sur son siège, le corps tendu comme jamais. Kathe fut bouche bée de l'entendre reparler tout d'un coup.
- Pardon ?!
- Vraiment, il faut que je m'arrête. Regardez un peu la tête que j'ai !
La jeune femme ne se débinait pas. Il la regarda avec colère mais sans sembler comprendre où elle voulait en venir. Peu lui importait la tête qu'elle pouvait avoir, tout ce qu'il voulait c'est qu'elle conduise; alors pourquoi s'arrêter ?
- Écoutez, Kathe lâcha un soupir avant de continuer, on arrive bientôt sur une plus grande route et à cette heure-là, il y a du monde. Elle suivit le geste à la parole en pointant du doigt le cadran numérique sur le tableau de bord.
Il semblait s'énerver de plus en plus, mais de façon totalement silencieuse, seuls ses deux yeux bleus vifs et inquisiteurs, laissaient transpirer toute la haine et le dégoût qu'elle lui inspirait. Il sembla à Kathe voir ses mains trembler un instant, et elle enchaîna avec rapidité, la peur au ventre qu'il ne lui fracasse le crâne sur son volant ou ne l'étrangle avec sa ceinture de sécurité.
- Si jamais on croise d'autres voitures et que les gens voient ma tête, ils vont se demander ce qu'il s'est passé, ou pourquoi je ne vais pas à l'hôpital ! Ils vont nous poser tout un tas de questions !
De cela, elle n'en était vraiment pas sûre, la plus part des gens ne regarde même pas derrière eux en écrasant un piéton, il y a avait donc peu de chance qu'on s'intéresse au sort d'une pauvre fille paumée en Alaska dans une citadine bleu turquoise. Mais lui n'était pas censé le savoir - surtout pour un type pas foutu de savoir sur quelle planète on est.
- Tout ce que je demande, c'est quelques minutes pour changer de vêtements et enlever le sang que j'ai sur le visage. J'ai des lingettes dans mon sac à main, cela ne prendra pas beaucoup de temps... Seulement quelques minutes, insista-t-elle.
Comme à peu près pour tout ce qu'il faisait, il ne fallut à l'homme qu'une seconde pour qu'il prenne une décision. Ces fines lèvres bougeant elle aussi à toute vitesse, il fit sursauter Kathe, pour la cinquante-huitième fois de la nuit, en parlant d'une voix cependant plus calme que la précédente. Plus profonde aussi, chaque mots finissant dans les abîmes. La jeune ne se ferait jamais à cette voix, elle en était sûre.
- Très bien. Arrêtons-nous ici, dit-il en montrant un écart de terre battue, le long de la petite route. Vous avez trois minutes et personne ne sort du véhicule.
Kathe se rattrapa bien difficilement de rétorquer, mais déjà fière de cette petite victoire, elle ne pipa mot et se gara tranquillement sur la terre battue. Elle éteignit le contact et elle s'apprêtait à retirer les clefs quand une main étrangère attrapa la sienne, calmement mais avec une certaine poigne. Elle fit un bond sur son siège en s'étranglant presque tant elle eut du mal à retenir son cri d'effroi. Avait-il compris ses plans ? Impossible, personne ne savait qu'elle cachait un taser, une bombe lacrymogène et un couteau dans son sac à main. C'est qu'elle était devenu un peu paranoïaque ces derniers temps. Bien qu'elle soit trop flipette pour se servir du couteau à cran d'arrêt, il lui restait toujours le taser ou la bombe : objet de prédilection de toute femme en détresse. Et la détresse de Kathe fut immense quand elle vit le visage long et fin de cet homme s'approcher dangereusement d'elle.
Sa voix grave emplit l'habitacle, doucereuse.
- Nous allons laisser cette chose où elle se trouve. Ses yeux de glace se plantèrent dans ceux de Kathe. Nous n'aimerions pas les perdre et risquer que la route ne s'arrête ici.
Puis il se pencha un peu plus vers la jeune femme, si près qu'il dut bouger sa position pour lui souffler contre la joue.
- Ce serait dommage.
La jeune femme connaissait parfaitement ce ton, étant plutôt jolie fille - sans être un canon de beauté - et très naturelle, elle se faisait, sans cesse, alpaguer par les hommes. Son ex-copain en était malade de jalousie, et souvent après avoir cassé la gueule aux types malchanceux, venait son tour à elle. Mais ce ton dans la bouche de cet homme, si proche d'elle, sonnait comme une menace de mort. A prendre très au sérieux dans les oreilles de la jeune femme. Il était évident qu'il ne lui faisait pas la cour, il n'allait pas gentiment lui sourire et rire avec elle de cette petite blague. Non, il la menaçait de la tuer si elle tentait quoi que ce soit. N'ayant apparemment aucune confiance en elle, il serait prompt à réagir à tout mouvement suspect. La tache se compliquait pour Kathe. Il lui semblait que jamais elle ne sortirait de cette voiture et une soudaine montée de claustrophobie la pris subitement. Son souffle s'accéléra dangereusement tandis que son cœur battait la chamade.
Il ne fit aucun doute qu'elle avait très bien compris son message, l'homme se redressa tranquillement et - à la grande surprise de Kathe- se détourna d'elle et ferma les yeux, semblant dormir. Comme statufié, il ne semblait même plus respirer. La jeune femme n'osa pas aller vérifier - après tout s'il pouvait crever de mort subite, ce serait super, mais elle doutait que ce soit ça, elle n'osa pas non plus se dire qu'il le faisait par ... comment dirait-elle ? Par galanterie? Chose impossible à concevoir pour la jeune femme.
Se fichant tout d'un coup du bruit qu'elle pourrait faire, elle se faufila entre les deux sièges avant pour s'installer à l'arrière, prenant toutefois bien garde de ne surtout pas toucher son passager. Convaincue qu'il ne bougerait pas d'un pouce ni ouvrirait un œil avant qu'elle n'ait rejoint son siège avant - mais non sans continuer de le surveiller du coin de l'œil - Kathe déplaça sa doudoune et ouvrit son sac à main, qu'elle garda néanmoins caché derrière son siège. Elle attrapa un petit sachet de lingette pour la peau - c'est une jeune femme très prévoyante-, et s'appliqua à nettoyer chaque pores de son visage, s'aidant du miroir de son rétroviseur. Après avoir fait de même pour ses mains et ses avant-bras, elle passa un certain temps à démêler les feuilles, branches et autres résidus de terre dans ses cheveux. Désespérée, elle finit par se frotter vigoureusement la tête, avant de ramener ses cheveux en queue de cheval. S'appliquant à ne pas avoir de cheveux devant les yeux. S'il fallait qu'elle se batte, il fallait mettre toutes les chances de son côté.
Elle se retint d'expirer profondément pour se préparer, cela aurait pu l'alerter. Et elle perdrait alors son effet de surprise. Elle avait pourtant la désagréable impression d'avaler trop d'oxygène. Son cœur battait si fort contre sa cage thoracique qu'elle fut certaine qu'il l'entendait. Elle ne réfléchit pas plus longtemps.
En replaçant sa brosse à cheveux dans son sac à main, Kathe attrapa la petite housse en velours contenant son taser.
fin chapitre 1
