Ayame, comme tous les enfants de Konoha, était passée par l'académie du village. A l'âge de sept ans, elle était entrée dans la classe de Miyu sensei, professeur doux mais ferme, femme généreuse âgée à l'époque de trente trois ans. Ayame y avait appris les fondamentaux de l'école, avait perfectionné sa lecture, avait appris le calcul mental, appris l'histoire du village, et la topographie du pays du feu. Ayame avait adoré son apprentissage à l'académie, et au bout d'un an, lorsque sa voix se dessina, plus claire que le cristal, la fillette l'accepta, comme tout citoyen de Konoha se devant d'en entretenir la flamme. Ayame fit partie de ces élèves dont le chakra ne s'éveilla jamais, et c'est avec le sourire que la fillette rejoint, à presque huit ans, la vie civile de l'un des plus grands villages ninjas du monde.
La vapeur s'échappait de dessous l'étoffe avec une grâce infinie. Perdue dans la contemplation des discrètes volutes immatérielles, Ayame ne réfléchissait plus à rien, ce qui ne l'empêcha pas de retourner au moment opportun les lamelles de porc sur la plaque. A point. Ayame n'oubliait jamais sa besogne. La jeune fille, à peine âgée de dix huit ans et en passe de devenir l'un des meilleurs artisans du village caché de la feuille, plongea distraitement un œuf dans une casserole d'eau bouillante, et se tourna vers son client.
"Et voilà!" Dit elle en terminant le dressage du bol de ramen avant de le déposer devant le ninja assis au bar. Celui ci, un jeune homme d'environ vingt sept ans, la remercia d'un plissement d'œil et abaissa le masque qui lui couvrait le bas du visage.
"N'empêche, qu'il est mignon!" Pensa la jeune fille en sentant ses joues rosir, consciente d'être l'une des rares personnes au village à avoir aperçu le visage du ninja copieur, et ce plus d'une fois. Timide comme elle l'était, Ayame n'avait pas pour habitude de reluquer les garçons, aussi beaux soient ils, mais elle avait toujours eu un petit faible qu'elle n'expliquait pas vraiment pour Kakashi. Son attitude détachée et sereine y était peut être pour quelque chose, tout comme l'aura qui émanait de lui, ne laissant personne indifférent. De plus, pour être honnête, son visage n'était vraiment pas désagréable à regarder.
Se concentrant de nouveau sur sa besogne, Ayame replaça une mèche de ses longs cheveux bruns dans son dos, et, d'un habile mouvement du poignet forgé par l'habitude, sortit sans même le regarder l'œuf, désormais dur, de la casserole. Du dehors de l'échoppe, l'on percevait distinctement les voix des premiers passants profitant de leur soirée. Sans se retourner, la commerçante s'enquit des besoins de son client:
"Vous faut-il autre chose Shinobi san?"
"Je veux bien un verre d'eau." Répondit aimablement le Jônin qui venait de finir son bol. Lorsque la jeune fille se retourna pour le servir, elle fut un peu déçue qu'il ait déjà remit son masque, mais comme le disait souvent son père: il ne fallait pas abuser des bonnes choses. Kakashi ajouta dans un plissement d'oeil:
"C'était délicieux Ayame san. Comme d'habitude."
à peine eu t elle le temps de répondre "Tout le plaisir était pour moi.", que trois personnes passèrent le rideau séparant le bar de la rue. Ayame les reconnut comme Sarutobi Asuma et Yuhi Kurenai, des Jônin eux aussi. Elle ne connaissait pas le troisième, mais la première chose qu'elle se demanda en le voyant fut s'il ne risquait pas de se couper les lèvres ou de s'abîmer les dents à force de mâchonner un senbon, avant d'accepter que, comme d'habitude, les ninjas étaient un peu excentrique, et que celui ci devait bien avoir une raison quelconque pour garder dans sa bouche une aiguille de combat. Les shinobis saluèrent leur collègue attablé, et s'assirent de part et d'autre de lui.
Asuma, en habitué des lieux écrasa sa cigarette par réflexe et la jeta dans le cendrier sur pied prévu à cet effet juste devant l'échoppe avant de revenir s'assoir, passant un bras affectueux autour des épaules de Kurenai. Ayame les trouvait adorables. Depuis son enfance, elle avait connu de nombreux couples et duos attendrissants, et dont certains étaient devenus clients réguliers du restaurant de rue de son père, séduits par l'ambiance simple et chaleureuse de l'établissement familial. Le couple de Jônin était l'un de ceux là. Aussi loin que remontaient les souvenirs d'enfance de l'adolescente, qui avait toujours aidé à l'Ichiraku, les premiers clients qu'elle avait apparenté à des amis étaient le quatrième Hokage et sa jeune compagne, friande de ramen, qui l'avait traîné de force dans ce qu'elle appelait "La meilleure échoppe de l'univers dattebayo!". Ayame, du haut de ses cinq ans, était restée muette devant la chevelure de blé et les yeux, si bleus, du jeune homme. Son silence avait déclenché le rougissement ce dernier et l'hilarité de Teuchi et Kushina, avant que Minato n'offre à la petite fille un sourire plus chaleureux que le soleil lui même, qu'Ayame lui rendit avec toute la bonhommie qui caractérise les jeunes enfants.
Interrompant d'un sourire franc le flot des souvenirs, la désormais plus si petite fille salua les nouveaux arrivants et s'enquit de leur commande. Tandis que les ninjas entamaient une conversation sur un évènement apparemment survenu dans une quelconque salle de réunion du village, Ayame s'activait pour préparer trois bols de ramen au bœuf.
Au dehors, l'artère principale de Konoha grouillait de lumières et d'odeurs variées, accueillant dans les bars et restaurants de rue civils et ninjas sortis savourer les premières nuits d'été du pays du feu. Quelques enfants traînaient encore dehors, insouciants et rassurés par l'aura familière et protectrice dégagée par les habitants du village. Ce moment de l'année était sans doute celui que la cuisinière préférait. l'été était long au pays du feu, et dans la région de Konoha, il durait une bonne partie de l'année, mais les hivers étaient si rudes que chaque habitant se lassait vite de la neige qui s'entassait pendant quatre longs mois, succédant à un automne très bref et laissant place à un printemps déjà clément, qui, à eux deux, ne duraient pas plus de deux mois. L'été était donc, en plus d'être d'un réconfort bienvenu, une saison à laquelle les habitants étaient acclimatés, largement mieux bâtis face à la chaleur qu'ils ne l'étaient pour supporter le froid.
Achevant le dressage des plats devant les clients comme elle avait l'habitude de le faire pour "éveiller l'appétit" disait elle, Ayame tendit leurs bols à Kurenai et Asuma avec un grand sourire. Sourire qui se figea lorsqu'elle arriva face au ninja au senbon, qui ne sembla pas comprendre le problème. Asuma toussota sans discrétion, et Kakashi sourit de son seul œil visible. Un ange passa au dessus du comptoir, faisant frémir la légère fumée s'élevant des repas.
"Quelque chose ne va pas?" Hasarda le jônin, un peu perdu. Kurenai vint doucement à sa rescousse:
"Genma... ton senbon..."
"Eh ben quoi mon senbon? qu'est ce qu'il a mon senbon?" Répondit il d'un ton bourru sans se départir du dit objet. Il s'appelait donc Genma. Ayame le plaça directement sur la liste des gens mal élevés et/ou un peu mous du bulbe.
"Votre senbon, au même titre que la cigarette que votre camarade a eu la présence d'esprit de jeter avant de s'assoir, n'est pas un objet approprié pour déguster l'un de mes plats. voilà ce qu'il a vôtre senbon." Lâcha calmement la vendeuse dont le sourire figé n'avait plus rien de sympathique, sans lui céder le bol de nouilles tant convoité. Le shinobi marqua un temps d'arrêt avant d'afficher un sourire narquois.
"Et donc vous me demandez de poser mon aiguille pour manger, c'est bien ça?"
"Tout à fait. Si cela vous pose un problème, vous connaissez le chemin." Répondit Ayame sans se départir de son sourire menaçant, ne prenant pas la peine de désigner la sortie. Genma, une lueur insolente dans le regard, fit vibrer ses lèvres.
"Et au nom de quoi le devrais-je, je vous prie?" Le sourire de la jeune femme s'agrandit. S'il espérait l'impressionner, c'était raté. Celui qui voulait intimider la commerçante pouvait se lever tôt.
"Au nom du cruel manque de savoir vivre que constitue le fait de gâcher le goût de l'un de mes plats avec celui de l'acier. Vous aurez tout loisir de manger avec vôtre senbon lorsque je vous servirait mes plats dans des bols en laiton et que vous les mangerez avec des baguettes d'aluminium. Apprenez, Shinobi san, qu'il y a une raison à la fabrication de baguettes de bambous et de bols de céramique, et que je ne suis pas adepte de l'auto-sabotage artisanal. Enfin, nous ne sommes pas assez proches, et nous ne le serons sans doute jamais assez pour que je vous permette une impolitesse pareille. Je vous serais gré maintenant de déposer votre senbon."
"Impolitesse... Tout de suite les grands mots..." Commença Genma avec détachement avant de se faire interrompre.
"Asuma san ne mange pas avec sa cigarette."
"Mâcher et fumer en même temps n'est pas la chose la plus facile ni la plus agréable à faire..."
"Kakashi san ne mange pas avec son masque."
"Manger le visage masqué ne doit pas être évident non plus, même pour un génie comme Kak..."
"Vous êtes un mauvais perdant puéril et orgueilleux." Trancha Ayame. Sa voix était tout ce qu'il y avait de plus calme, mais son sourire avait disparu. Les yeux de Genma s'étrécirent.
"Et vous vous êtes une puriste frustrée et effrontée." lâcha t il avec fermeté. Très bien. Ayame détestait gaspiller, et n'appréciait pas non plus de se donner en spectacle de la sorte, mais elle avait appris à ne pas se laisser marcher sur les pieds, et comptait bien appliquer ici et maintenant l'enseignement de son père. Calmement, elle sortit par derrière, sans poser le bol de ramen qu'elle tenait dans ses mains, et fit le tour de l'échoppe pour réapparaitre derrière les ninjas. Regardant Genma dans le blanc des yeux, elle dit avec un grand sourire:
"Je suppose qu'en plus de tous mes terribles défauts je suis lâche?" Et elle renversa le bol. Le temps sembla s'arrêter autour du comptoir. Kurenai retenait à grand peine un fou rire, Asuma se mordait l'index pour éviter de se moquer de son ami, et Kakashi tentait de ne pas rire trop fort sous son masque.
Genma, ahuri, n'en revenait pas de l'audace de la gamine. Non mais où se croyait elle?! Justement... chez elle, c'était bien ça le problème. La brune était repartie de l'autre côté du comptoir, et commença à faire la plonge comme si de rien n'était. C'est en regardant le plan de travail, bien moins trempé que lui et pourtant orné d'une jolie flaque de soupe et de nouilles, qu'il remarqua que son senbon était tombé dans la manœuvre. Lentement, il se pencha pour le ramasser, le mouvement faisant tomber une tranche de bavette de son oreille, et se redressa, pour finalement regarder ses amis d'un air penaud. Les amis en question ne purent contenir leur hilarité d'avantage, et explosèrent dans un fou rire monumental.
De l'autre côté du comptoir, Ayame affichait un sourire satisfait. Il restait, pour une raison obscure, terriblement énervant, mais la défaite lui donnait un air perdu terriblement mignon, et l'espace d'un instant, La jeune fille eut l'étrange impression que l'énervement qu'il lui inspirait mis à part, ils auraient pu bien s'entendre tous les deux. Et puis, après tout, il avait fini par lâcher son senbon, non?
"Mais... Mais..." Parvint seulement à bredouiller Genma. Ayame lui décocha un regard sévère, mais son sourire témoignait de son manque de rancune face à la déconfiture du ninja.
"Quoi? vous n'allez tout de même pas pinailler alors que je vous fais cadeau de l'addition!" Genma ne put que cligner des yeux, des gouttelettes de sauce tombant de ses cils, déclenchant une seconde vague de rire chez ses acolytes.
Sur le chemin du retour, Genma râlait avec le sourire. Il était en effet partagé entre l'énervement, il n'avait pas trente six uniformes et n'avait pas l'intention d'embaumer la sauce soja pendant un mois, et l'amusement. Cette joute avec la fille de l'Ichiraku lui avait fait un bien fou, il s'était amusé comme rarement.
D'ailleurs il semblait ne pas être le seul. Kakashi et Asuma riaient comme des bossus depuis plus d'un quart d'heure maintenant, et Kurenai était sur le point de replonger dès que l'un d'entre eux prenait la parole
Petit à petit, dans la nuit illuminée de Konoha, une idée étrange se fraya un chemin dans la tête du ninja dont le senbon avait désormais un agréable goût de bœuf mariné. Il avait envie de taquiner de nouveau la jeune fille. En fait, il était prêt à retourner autant de fois qu'il le faudrait déguster des ramen, tant qu'il pourrait revoir les prunelles d'obsidienne de la jeune vendeuse, dont il ne connaissait d'ailleurs pas le nom. Quitte à se prendre d'autres bols sur la tête. Après tout, ne disait on pas que la colère d'une femme valait d'avantage que son indifférence?
Coup de chance pour le Jônin, la colère allait définitivement bien au teint de cette petite vendeuse de nouilles.
Me voici avec une nouvelle histoire, cette fois prenant place dans l'univers de Naruto, que j'apprécie tout particulièrement.
Cette histoire est donc centrée sur le personnage d'Ayame, mais tournera également (comme vous l'avez sans doute compris) autour de Genma, ainsi que des autres jônins de Konoha.
Évidemment, tout ceci n'aura lieu et de sens que si vous le voulez bien, c'est pourquoi je vous encourage à me faire des retours, quels qu'ils soient, afin que je puisse savoir si vous souhaitez faire de cette nouvelle une histoire plus longue et plus aboutie.
Si tel était le cas, j'ai d'ores et déjà une question pour vous.
Souhaiteriez vous un format de chapitres plus dense? Ou plus court, et donc plus régulier?
J'espère que vos commentaires m'éclaireront sur la question! ;)
Sur ce, je vous remercie d'avoir lu jusqu'ici, et vous souhaite une bonne journée!
