Et me revoilà avec un deuxième défi en une seule journée ! Cette fois c'est un défi lancé par Milou, avec un contrainte pas compliqué de base, faire du Vanixel qui finit bien. Et je dis « pas compliqué de base », par ce que j'ai trouvé masses de manière de tout faire foirer à la fin. Mais j'ai tenu bon. Donc promis, ça finit bien. (Et cette fois j'ai essayé de me placer du point de vue de Van, pour changer)
Et je m'excuse très platement parce que comme pour L'étoile d'araignée, y a moyen que tout ne soit pas posté aujourd'hui parce que moi et les limites de mots comme de temps, ça fait deux. Je tiens à préciser que j'ai TOUT écrit, c'est bon, c'est fini, juste j'en ai corrigé que la moitié. Et j'ai décidé de couper l'Os en deux pour poster quand même. Le temps que je reprenne un peu le reste – je peux décemment pas le poster comme ça, tellement de fautes qui crèvent les yeux quand je repasse vite fais dessus – la deuxième partie n'arrivera que demain (ou ce soir très tard, si je décide d'oublier de réviser mes partiels. Mais c'est pas bien.) Mais donc voilà, je jure qu'y aura pas plus d'un jour d'attente. Sauf qu'il se passe un truc méga grave, mais c'est pas prévu.
Sur ce, bonne lecture !
La mer au printemps
C'est froid, humide, envahissant. Le contacte le crispe et lui donne envie de reculer précipitamment, mais la fierté qui l'anime depuis son premier jour le maintien figé sur le sable granuleux. L'eau en emporte un peu, d'ailleurs, quand elle se recule enfin. Elle dessine une marque autour de son pied, imprécise, qu'elle viendra elle-même avaler à la prochaine vague. Une trace éphémère de son passage.
Van a cinq ans, et il découvre la mer pour la première fois.
Derrière lui, son père prend place sur une des terrasses, en face de sa mère, les deux assis autour d'une des tables qui leur laisse une vue appréciable sur l'étendue grise. Mesure de précaution, histoire de pouvoir surveiller leurs deux gamins. Sora, le plus âgé, s'est déjà enfoncé dans l'eau jusqu'aux genoux. Elle vient le chatouiller et lui arrache un rire sincère, il tend la main pour jouer avec ses bosses mouvants. Vanitas le regarde à peine. Il reste à la limite de la plage, là où les vagues meurent et relâchent leur écume. Certaines viennent se glisser entre ses orteils, d'autres enroulent leurs longs doigts autour de ses chevilles pour l'attirer dans le lac infini. Une invitation silencieuse.
C'est pas l'été, pourtant. Avril vient tout juste de commencer, le printemps s'installe – ou devrait s'installer, parce qu'aujourd'hui les nuages dévorent le ciel. Tous ses amis passent leurs vacances dans les rues du quartier, à la montagne chez leurs grands-parents ou encore dans leur chambre sous les draps. Et lui il est là, debout devant la mer parce que son père a décidé d'acheter une maison de vacances – un apparentement, en l'occurrence – quelques mois plus tôt. Il fait gris, le ciel menace de pluie, il n'y a ni glacier ni vendeur de chouchous, et Van a les pieds dans l'eau. Quelque chose cloche dans le tableau, le gamin en a vaguement conscience.
« -Van ! »
Un sourire mesquin. Et de l'eau sur ses vêtements, soudain. Sora vient de l'arroser généreusement, couvrant son tee-shirt de fragments de vagues froids et salés. Le chiot glapit furieusement, et il se tourne pour fuir son aîné sans écouter ses excuses et ses suppliques.
xoxoxox
Il pleut, et pas qu'un peu. Ses parents se précipitent vers un abri couvert. Sora cache sa tête sous son épaisse capuche protectrice. Les gouttes s'écrasent violemment sur le sol pour s'enfouir dessous la terre et rejoindre ses insondables profondeurs. Elles sont nombreuses. Enormes. Infatigables. Sur sa peau nue, elles font presque mal. Mais le noiraud ne bouge pas.
Van a neuf ans, et il admire la mer à la merci des cieux.
C'est un drôle de spectacle que celui de l'eau qui transperce l'eau. Il y a les puissantes vagues qui rugissent contre le rivage, et les milliers de dessins écumeux qui recouvrent la surface grise. Les éclats qui s'envolent haut pour s'écraser enfin sur la digue. Le vent qui guide la pluie, mesquin, et qui fait flotter son large tee-shirt. Et puis ce bruit, tout ce bruit contre ses oreilles, et la mer qui ne cesser de grogner comme une bête prête à l'éveil.
Il n'a jamais rien vu d'aussi violent. C'est magnifique.
« - Vanitas ! Viens ici tout de suite ! »
Parce que le gamin n'écoute pas, son père le saisit brusquement par le bras et le traine en arrière, loin de la muraille protectrice qui entoure le port. Van essaie de se dégager, mais la poigne est trop forte. Il jure. Son géniteur ne l'entend pas, trop de vent. Trop de bruit. Trop de violence.
Son frère lui jette un regard compatissant lorsqu'il s'approche pour glisser sa tendre main dans la sienne.
Même si c'est le printemps, l'hiver a laissé quelques miettes de temps.
xoxoxox
Cette fois il fait beau, le soleil lui brûle même le dos. Il n'est pas le seul gamin à jouer dans le coin, parce que ce sont les vacances d'Avril et que les gens profitent des congés pour venir lézarder. Avec sa famille, ils sont là depuis cinq jours, cinq jours de beau temps, cinq jours passés à tremper les pieds dans l'eau dormante. Cinq jours à trainer avec le fils du voisin, puisque Sora n'est pas venu avec eux – encore cette conasse de Kairi qui lui vole son frère.
Van a onze ans, c'est la première et la dernière semaine qu'il passera avec Ventus.
Les deux ébouriffés ont grimpé le long de la côte pour rejoindre une crique discrète. Assis sur le rebord de pierre, ils trempent leurs jambes à moitié nues dans l'eau fraîche. Vanitas trouve ça agréable. Ven grimace en voyant l'eau l'avaler jusqu'aux genoux, parce que c'est quand même vraiment froid comparé au soleil qui les câline.
« - Tu sautes ? » Le teigneux balance soudain, mesquin.
« - Non, trop froid.
- C'est que de l'eau. T'as la trouille ? »
Pour l'emmerder, le chiot noir pose sa main toute mouillée sur son dos, et l'autre écarquille les yeux en retenant un juron. Par intégrité, il refuse de lui rendre la pareille.
« - Parce que tu sauterais, toi ?
- Ouais.
- Menteur.
- T'en veux la preuve ? »
Le gamin hésite, puis il secoue la tête. A voir les grand yeux d'or et d'orgueil qui le fixent, avec ce bout de sourire hautain, il ne doute pas que Vanitas soit capable de plonger. Il en profiterait pour l'éclabousser, en plus. C'est un petit con.
« - T'as déjà vu un oursin ? » Le blond demande pour changer de sujet.
« - Y en a partout, t'es aveugle ?
- De près, je veux dire. »
Sentant la curiosité de son interlocuteur acquise, Ventus plonge ses mains sous la surface scintillante. Quelques secondes plus tard, il les remonte prudemment, une petite boule noire hérissée entre ses paumes. L'intrigué se penche pour voir, étonné de constater que la peau de son camarade est intacte. Son père lui répétait toujours de faire attention aux oursins, et sa mère avait même ajouté qu'ils pouvaient projeter leurs aiguilles quand un imprudent approchait ses mains. Il était jeune, à l'époque, il y avait cru.
Quelle naïveté.
Il s'approche un peu pour observer tous ces milliers de bras maigres et pointus qui bougent doucement, comme pour se débattre. Cette peau noire pleine de reflets violets. Cette petite bouche circulaire prête à avaler … Quoi, au juste ? Van n'est pas vraiment bien renseigné quant au régime du hérisson marin.
« - Ca crève pas hors de l'eau ?
- Je le reposerai. Profite, c'est pas tous les jours qu'on croise son sosie. »
C'est quand il l'entend lâcher ce genre de pique que le noiraud se rappelle pourquoi la compagnie de Ven lui plait. Tout le monde prend le blondin pour un ange, mais c'est un diablotin planqué sous une auréole en carton. Un diablotin qui clapit aigu quand son ami lui balance une grande giclée d'eau salée au visage, sans pitié. Sous le choc, le plaisantin lâche la curiosité qui s'en retourne vivre sa vie sous la mer. Il riposte immédiatement, et les deux idiots sont bientôt trempés jusqu'aux os, sans même avoir plongé.
Quelques minutes après, calmés, ils agitent leurs gambettes sous l'eau sans plus parler.
Quelques minutes encore, et leurs doigts se croisent sur le sol rocailleux.
Et Vanitas se dit qu'il n'aime peut-être pas juste la mesquinerie de Ven, ou son sourire en coin, ou ses épis qui menacent le ciel. Il sent quelque chose de plus profond qui le lie au garçon. Quelque chose qu'il ne comprend pas tout à fait.
Leurs doigts se serrent franchement.
xoxoxox
Dem s'est calé dans le salon, assis à même le tapis. Il a sa guitare – qui n'est pas vraiment une guitare, mais Vanitas n'a jamais retenu le nom de cet instrument – contre lui, et il caresse les cordes sans vraiment jouer, testant quelques accords quand l'envie lui prend. Les parents sont partis se balader, Sora est enfermé dans sa chambre, en plein Skype avec Kairi, l'appartement est quasiment à eux. C'est cool.
Van a quatorze ans, et c'est la première fois qu'il a un « vrai » petit copain.
« - File la bouteille. »
Le blond se redresse, penche la tête le temps de comprendre. Il attrape ladite bouteille pleine de coca pour la filer au noiraud, qui en diminue le reste de moitié avant de venir se poser près du musicien. Il ne comprend pas vraiment pourquoi l'autre s'installe sur un tapis plutôt que sur une chaise, un fauteuil ou même un canapé. Mais bon, c'est Demyx. Demyx est un peu bizarre sur les bords. Il réfléchit de travers et il fonctionne comme une horloge montée à l'envers. C'est particulier, mais ce côté décalé plait assez à Van.
« - Tu joues pas ?
- Si.
- Un vrai morceau, j'veux dire.
- Et qu'est-ce que t'appelles un vrai morceau ?
- Un truc qui dépasse les dix secondes. »
Le petit punk rit. Il s'étire et craque minutieusement chacun de ses doigts – même les pouces.
« - Tu veux un truc en particulier ?
- Je connais pas tout ton répertoire.
- Dis toujours. » Dem lâche en haussant les épaules.
- Scorpions ?
- Still loving you ?
- Non, In trance. »
Le chiot noir sait que son petit copain – dieu que ce terme sonne étrangement dans sa tête - affectionne le groupe autant que lui. Le sourire en coin sur ses lèvres pâles et abimées le prouve. Ils échangent un regard entendu, puis Demyx exécute la demande. C'est lent, languissant, maitrisé. Sa bouche articule doucement, sa voix vibre sous les notes tirées du plus profond de son thorax, ses mains grattent habilement les cordes qu'elles ont déjà pincées des milliers de fois. Ça n'est pas parfait, bien sûr, mais la démonstration suffit à fasciner le noiraud. Demyx a toujours quelque chose d'hypnotisant quand il joue, quand il chante, quand il fait ce qu'il aime tant. C'est comme s'il n'était pas seulement dans son corps mais aussi dans sa voix, dans son instrument. Dans la pièce entière.
Quand le musicien s'arrête enfin, Vanitas écarte sa non guitare et attrape son visage pour l'embrasser. Il sent qu'on rit contre ses lèvres.
« - Quoi ?
- On va avoir l'air fins si ton frère se pointe.
- Il parle avec Kairi, on aura du pot s'il quitte sa chambre avant la fin d'la journée.
- T'as pas peur qu'il te choppe en train d'embrasser un autre mec ?
- Bah écoute, ça m'évitera d'avoir à lui expliquer qu'on est gay. »
Le brun passe sa main sous le tee-shirt de son copain pour profiter de sa peau si chaude. Il n'aime pas se priver, alors il savoure, il l'embrasse encore puis il vient picorer au creux de son cou, là où il sait que Demyx est sensible. Il bande déjà. Putain d'hormones.
« - Que tu es gay. » La proie le corrige en passant ses bras autour de sa taille.
« - Genre, toi non ? » Van rit. « T'as pas l'impression que c'est quand même vachement gay ce qu'on fait, là ?
- J'aime pas que les mecs. »
L'affamé hausse les épaules. Là tout de suite, il se fiche pas mal des mots à coller sur leur orientation, il a juste envie de Demyx. Envie de lui enlever son haut, de défaire son pantalon, de savoir comment il gémit. Envie de voir s'il se mord la lèvre quand il jouit comme il le fait quand ses dents mordillent son cou. Le blond déborde d'émotion, de sensation, c'est amusant de le voir essayer de tout contenir. Et c'est grisant, ce contrôle qu'il a sur lui. Savoir qu'il peut lui donner envie aussi, choisir de contenter ou non, ça l'éclate.
Mais la main du sitariste – le sitar, ce foutu nom lui revient brusquement – l'arrête au bout de quelques secondes, sans lui laisser le temps d'enlever un seul vêtement. Vanitas comprend avant qu'il ne parle.
« - Van, je -
- Je sais.
- Désolé …
- Laisse. T'excuse pas pour ça. »
En vrai ça l'emmerde, mais il préfère le garder pour lui. Il sait que ce n'est pas un truc à dire à Dem, que ça le mettrait mal. C'est fou, il est tellement stressé que la teigne le sent juste à se tenir prêt de lui. Il est pas prêt, c'est comme ça. Tant pis, ça viendra bien à un moment. Il ne lui reste plus qu'à ravaler sa frustration et attendre sagement, même si « sagement » n'est pas vraiment le terme qui lui convient le mieux. Parce qu'il n'est pas sage. Et qu'il a vraiment envie.
Ils ne parlent plus. Le temps que l'angoisse s'en aille, Demyx caresse distraitement les cheveux de son copain, copain qui se contente de rester affaler contre lui, sa joue écrasée contre son épaule.
« - Van ? »
- Ouais ?
- Tu voulais vraiment faire ça en plein milieu du salon ? »
Ils pouffent en même temps.
« - Y a pire comme endroit.
- Genre ?
- Une usine désaffectée.
- Qui couche dans une usine désaffectée, sérieux ?
- Si j'te le disais, tu me croirais pas. »
Bien sûr Dem insiste, et bien sûr Van ne lui dit pas, pour le simple plaisir de le faire tourner en bourrique. Il regarde la mer par la fenêtre, en même temps, et il se dit que quitte à passer la journée à s'emballer sans franchir « la limite », autant de faire dehors pour emmerder les gens que ça emmerde.
xoxoxox
Il est furieux. Blessé. Hors de lui. Désespéré. A deux doigts d'exploser. Et pourtant, dieu sait qu'il est bien plus calme que Demyx. Il est deux heures du matin, la nuit déjà bien avancée s'est fondue dans la mer pour noyer l'horizon. Pas d'orage. Pas de pluie. Pas de vent. Mais dans le cœur du noiraud, c'est la tempête.
Pas pleurer. Il ne doit pas pleurer.
Van a seize ans, et il vient de se faire larguer pour la première fois.
Et il entend Dem chialer derrière lui, des putains de sanglots qu'il est pas foutu de retenir. Comme si c'était pas de sa faute.
Ca renifle sec. Il peut le voir essuyer son nez avec sa manche dans le reflet de la vitre. Ça l'écœure.
« - V-van … Je suis vraiment-
- Ta gueule. » Ça sort avant qu'il ait eu le temps de le penser, et il regrette même pas. « Si t'es vraiment désolé, Dem, ferme juste ta gueule. »
C'est méchant, et gratuit par-dessus le marché. Il lui fait mal et il le sait, mais il a le droit. Il a le droit parce Demyx vient de le jeter après deux ans de relation. Il a le droit parce qu'il ne supporte pas de le voir chialer comme si c'était lui qu'il fallait plaindre. Il a toujours été comme ça, le blond, trop plein d'émotion. Sûrement que c'était le genre de gosse à chouiner parce qu'il avait marché sur un escargot, là où Van se serait contenté d'achever la pauvre bête.
Deux ans. Merde, deux ans quoi. C'est pas souvent que ça arrive, à leur âge. Et bien sûr que ça devait finir un jour, Vanitas le savait. Mais ça fait mal quand même. Ça fait mal même s'il n'est plus si sûr d'être amoureux du sitariste, même s'il s'est lassé, même s'il a bien vu son mec passer du temps avec l'autre inadapté social – Zexion, bien sûr qu'il a retenu son nom. Ça fait mal parce que deux ans putain. Il va falloir perdre l'habitude de ses yeux qui brillent en le regardant, de ses lèvres qu'il bouffe avidement sans lui laisser le temps de parler. Ne plus lui dire « je t'aime », « bien sûr que je fais rien ce week-end », « et là, c'est bon ? », ne plus lui demander s'il peut jouer telle ou telle chanson, ne plus sourire parce qu'il a passé des heures pour apprendre une partition qui lui plait. Ne plus surveiller ses messages, ne plus le rembarrer quand il devient vraiment trop guimauve. Ne plus lui proposer de venir passer les vacances d'Avril avec lui, à la mer. Ne plus le regarder et se dire que ses cheveux ont poussé et que ça va finir par lui retomber dans les yeux. Ne plus les empoigner, ces cheveux, quand il a les jambes enroulées autour de son bassin. Ne plus s'envoyer en l'air, alors qu'ils se connaissent si bien là-dessus. Ne plus se sentir important dans son regard.
Ne plus se sentir important tout court. Pour personne.
Merde.
Ils ne parlent pas, parce qu'il n'y a rien à dire. Parce que Demyx qui chiale et qui essaye de s'arrêter, c'est déjà trop de bruit. Il a envie de le gifler pour le faire taire. Il serre les poings. Il voudrait pleurer, aussi, parce que la colère déborde et qu'elle lui brûle les yeux. Il le déteste, le blond, d'oser le toucher si loin jusque dans son orgueil.
Faut qu'il se casse.
« - Je sors.
- I-il est deux heures du m –
- Demyx, j'te jure que si tu la fermes pas c'est toi qui va finir dehors. »
Pas besoin de gifle, finalement, les mots font l'affaire. Avec, il peut lui faire mal. Assez pour contenter l'arrogance naturelle qui l'anime. Hors de question d'être le seul à bouffer dans cette histoire.
Demyx déglutit. Vanitas lui jette un regard cinglant. Il sort en claquant la porte. Dehors, la nuit est noire et froide.
Il marche le long de la route fraichement rénovée. Les crevasses de son enfance ont laissé place au goudron propre et net, la pente qu'il descendait en trottinette n'a plus rien de familier. C'était mieux quand c'était sale et abimé, la route éventrée avait un certain charme. Elle lui ressemblait.
Il shoot dans la canette la plus proche. Le bruit se répercute le long des rues vides. Le silence qu'il cherchait l'irrite finalement, ça le force à penser. Mais il se rend compte, tort tard, qu'il a laissé son téléphone dans la chambre qu'il vient de quitter. Sa paire d'écouteur ne lui sert à rien. Bordel.
Il continue tout droit en jurant, descend la côte où grimpent les maisons pour rejoindre le seul endroit à peu près plat de la ville : la plage. Elle est toute calme aujourd'hui. C'est à son tour de bouillonner. Quoi que je trajet l'a déjà un peu calmé ; au moins n'a-t-il plus envie de chialer. Il marche sur les galets, jusqu'à la digue arquée qui protège la plage en imitant la forme arrondie des criques. Mais le bruit de la ville est encore trop proche – c'est pas le temps des fêtes, mais les habitués et les rares vacanciers profitent du week-end. Alors Vanitas marche le long de l'eau, évitant les vagues qui menacent de flinguer ses basquets. Un groupe de jeunes déjà pas mal éméchés lui fait signe, sûrement pour lui proposer de se joindre à eux. Il leur répond avec son majeur. Pas besoin d'eux ni de personnes. Il en peut plus des autres.
Tout près de l'eau, ça sent le poisson crevé que les mouettes ont pas fini de manger. Crevé comme sa relation, il pense. Il rit, de ce rire amer et nauséeux.
C'est pas la faute de Dem, il sait. Il sait parce que ça allait pas durer toute la vie, leur amourette. Et même lui il aurait fini par voir que ça allait plus, qu'ils restaient ensemble par habitude. Mais ça fait mal, au cœur et à l'égo. On lui a jamais appris, à Van qu'on avait mal même quand on aimait plus vraiment. Plus tout à fait. Plus comme avant. Qu'apprendre à passer à autre chose, ça crevait le cœur. Il pense à ça et il va s'asseoir loin des lumières et des cafés, il grimpe sur le rebord rocheux. L'odeur du poisson mort laisse place à celle des algues. Il peut voir les crabes fuir de traviole quand il s'approche et qu'il se pose au sol, le dos contre la falaise déchirée. Seul.
Jusqu'à ce qu'un bruit aussi soudain qu'énorme vienne exploser le silence et la surface de l'eau. Ça, et la giclée salée qui lui arrive en plein dans la face.
« - Ah putain ! » Qu'il gueule dans la nuit noire.
Il a rien vu venir, ses vêtements sont à moitié trempés et il en a plein les yeux. Faute de larmes, ses mirettes dégoulinent de mer. Le ciel a vraiment décidé de le pourrir.
« - Merde ! Désolé, je t'ai pas pu depuis là-haut ! » Il entend quelqu'un qui nage. « Ça va ?
- Va te faire mettre.
- Avec plaisir, chez toi ou chez moi ? »
Là, Vanitas se demande qui est assez con pour sauter depuis le haut de la falaise en plein milieu de la nuit et répondre un truc pareil dans la même minute. Ses neurones se touchent sûrement autant que Sora et Kairi en trois ans de relation – et dieu sait qu'il a pas entendu grand-chose depuis la chambre de l'aîné malgré les murs en papiers. Le noiraud essuie ses yeux avec la partie sèche de sa manche avant de les ouvrir enfin.
C'est quoi ces cheveux ?
« - Casse-toi.
- Je suis vraiment désolé mec.
- Bah fous moi la paix et dégage, alors.
- Si tu veux. » Il s'éloigne un peu pour nager plus librement. « Mais j'ai une serviette en haut et ça te ferait pas de mal de l'emprunter, sans vouloir te vexer. »
Il a des tatouages sur les joues, aussi. Des triangles qui pointent vers le bas. Et des globes oculaires tellement pas normaux que la nuit ne suffit pas à effacer leur disque vert. Parce que la moitié basse de son corps est toujours cachée sous l'eau et qu'il a vraiment une tête tirée du pire des Rpg, Van se demande s'il n'a pas à faire au roi des sirènes ou une connerie du genre. Quoi qu'il lui manque le trident.
« - Par où on monte ?
- On peut grimper plus loin, y a des escaliers qui donnent sur un sentier.
- Ouais non, ça débouche sur le jardin des vieux cons du coin. On peut pas y aller comme ça, y vont faire chier. »
Non pas que ce genre de détail le dérange vraiment en temps normal. Mais il passe déjà une journée de merde – et il est même pas 3h -, pas envie d'y ajouter des emmerder avec la loi et les voisins.
« - Les vieux cons n'auront aucune raison de faire chier s'ils te voient avec leur fils. »
Le temps que Van percute, le plongeur inconnu est déjà sorti de l'eau. Il essore la masse roux feu qui lui tiens lieu de tignasse – c'est une teinture, où il est vraiment né avec une couleur pareille sur la tête ? – puis il s'avance sur le sol tout trempé de ses pas. Faute d'être à moitié poisson, il est incroyablement grand et franchement pas épais. Il y a un bug dans ratio taille / poids qui lui fait des jambes et des bras arachnéens, mais le tout s'accorde étrangement bien avec sa silhouette.
« - Alors ? »
Vanitas hésite un quart de seconde supplémentaire. Mais il n'a pas le moins du monde envie de laisser le sel sécher sur sa peau, la sensation étant plus qu'irritante. Il hoche la tête. Dix minutes passées, il se retrouve à étendre son sweet et son tee-shirt quelques mètres plus haut. Le rouquin lui envoie sa serviette. Elle est rouge, comme son short de bain. Il fait une fixette ?
« - Et du coup, ton nom ? » L'asperge demande en passant.
« - Vanitas.
- Sérieux ? Tes parents ont pioché ça au pif dans un dico français – latin ?
- J't'encule.
- T'y tiens à cette idée. » Il rit puis tapote sa tempe du bout de l'index. « Moi c'est Axel, c'est retenu ? »
Axel, trop banal pour qu'il s'en moque. Van hausse simplement les épaules. Il se dit qu'il est plus que tard, que Demyx doit s'inquiéter à mort et attendre sur le balcon de le voir débarquer au bout de la rue. Mais la compagnie de ce grand con n'est pas désagréable non plus, et qu'il en profiterait bien encore un peu. Et puis, une part de lui se complait à savoir qu'il est attendu. Il veut lui faire mal, au blond, encore un peu. Tant pis si c'est mauvais.
« - T'es du coin ?
- Non. Je suis monté pour le week-end, mes parents ont un appart de l'autre côté. » Il désigne la partie de la ville qui grimpe le long de la cote, tout à gauche.
« - Et ils te laissent sortir si tard ?
- Ils sont pas là.
- Ah, t'es venu avec ta copine ? »
Van ne comprend pas tout de suite, mais Axel désigne les restes de suçons dans son cou. Les derniers que le musicien lui fera.
« - Mon copain. Ex copain. » Va falloir s'habituer à le dire.
« - Ah merde. Désolé. »
Tout le monde a l'air terriblement désolé aujourd'hui, ça le fait chier. Il en a marre d'entendre tout un chacun s'excuser. Qu'on le laisse être furieux en paix. Vanitas ne veut pas de leurs regrets, il préfère s'octroyer le droit de détester. Se jucher sur son incroyable fierté pour tous les prendre de haut. Ça l'agace, de se dire que Dem' souffre peut-être autant que lui.
« - Et toi, tes parents te laissent plonger à deux-heures du mat' ?
- Je suis majeur, ça fait belle lurette que je demande plus l'avis de mes parents.
- Sérieux, t'es si vieux ?
- Dix-neuf ans depuis deux mois.
- T'étudies dans le coin ?
- Non, je bosse. »
Question stupide, il n'y a pas grand-chose à étudier ici en dehors de la biodiversité sous-marine. Et quoi qu'il aime plonger passé minuit, le grand dadais n'a pas l'air foutrement passionné par les petits poissons.
« - Donc, t'aimes te jeter du haut des falaises en plein milieu de la nuit.
- C'est un genre de rituel. Un truc qu'on a établi avec un pote.
- Et il saute pas, lui ?
- Ça fait longtemps qu'il est parti. »
Tout en parlant, Axel s'assoit par terre, les jambes croisées. Van l'imite. Il n'est pas pressé de toute façon. Quelqu'un l'attends, alors il a tout son temps.
Voilà pour la première partie ! Elle fait à peu près 4 000 mots, l'autre moitié en compte un peu plus de 7 000. (Et bon là le ship est pas flagrant, mais promis les 7 000 prochains mots sont concentrés sur les deux épouvantails.)
Et je profite de la note de fin pour dire merci à Milou, parce que mine de rien être deux à shiper le Vanixel ça motive au taquet pour en écrire. Je suis toujours ravi quand je vois que tu en postes, et ça me fait énormément plaisir quand tu me commentes. Donc considère que ce très gros Os coupé en deux partie t'es dédié, et pas juste parce que tu as proposé le défi.
