Cette histoire est une traduction de Human Interest de Madlori. L'histoire et les personnages ne m'appartiennent pas.

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Rafael.


Bill regarda alors que la journaliste rangeait son astucieux petit enregistreur et son carnet de notes en cuir, les rangeant avec soin dans sa serviette.

- Vraiment, M. Rensselaer, ça ne me dérange pas d'appeler un taxi, dit-elle.

- Je ne veux pas en entendre parler, m'dame, dit-il.

- Je ne vous ai pas déjà dit de m'appeler Liz ?

- Je le ferai, dès que vous m'appellerez Bill. Je passe par là de toute façon, y'a pas de problème pour que je vous laisse à votre hôtel.

Il ne tenait pas en place, encore excité à l'idée que quelqu'un de la grande ville s'intéresse assez à sa localité pour venir jusqu'ici et lui parle de la façon dont il la dirigeait.

- J'espère que vous avez ce que dont vous aviez besoin, même si je ne comprend pas vraiment pourquoi vous en aviez besoin.

Elle rigola.

- Vous êtes le maire qui est resté le plus longtemps en service de tous les Etats-Unis, dit-elle. C'est d'intérêt humain. Les gens aiment lire des choses agréables après avoir eu leur dose quotidienne de morosité et d'échec.

- Je ne vois pas ce qui est si spécial. Tout ce que ça veut dire, c'est qu'il n'y a personne qui veut faire ce fichu travail.

- Personne d'autre en 35 ans ?

- Et bien, j'ai bien eu un adversaire une fois… Quand était-ce, Annie ?

- 1966, répondit sa femme. Mais cet homme n'avait pas toute sa tête.

- Voilà, vous voyez ? Si je ne continue pas à diriger, qui va faire tourner la boutique ?

Ils sortirent et allèrent jusqu'à son pick-up, nouveau, encore brillant, dont il était fier et qui lui avait valu quelques railleries de la part des garçons.

- Où allez-vous aujourd'hui alors ? demanda-t-elle alors qu'ils descendaient la longue allée vers County R.

- Je dois aller voir Ennis et Jack à propos du pique-nique du 4 Juillet. Nous tirons toujours les feux d'artifices de leur champ.

- Qui sont Ennis et Jack ?

- Ils tiennent le Brokeback Ranch, de l'autre côté de la ville. Grosse affaire. Il fournit pas mal de têtes aux fermes laitières dans tout l'état. J'ai entendu qu'ils pensaient construire leur propre ferme laitière. Bon Dieu, tout le monde en a une, ils ont raison.

Liz le regardait, et il sourit pour lui-même, se demandant si elle allait demander. C'était une blague locale de parier sur combien de temps les nouveaux arrivants à Farmingdale mettraient pour oser demander quelle était l'histoire d'Ennis et Jack. Il paria qu'elle ne perdrait pas de temps : les reporters étaient du genre indiscrets.

- Et ils sont … euh … sont-ils frères, ou quelque chose du genre ?

Il rigola.

– Non, ils sont pas frères.

Il attendit, sans lui venir en aide.

- Donc… ils sont … euh …

Elle avait des problèmes à formuler sa question, probablement de peur de l'offenser. Il secoua la tête.

- Je croyais que les reporters de la grande ville étaient sensés être intelligents. Ils sont homos, vous voyez ? Vous connaissez le concept ?

- Oh, sûr, répondit-elle précipitamment. Bien évidemment. Je suis juste… enfin… Ca arrive par ici ? Je veux dire, c'est pas comme la grande ville…

Il s'arrêta à un feu et la regarda.

- M'dame, c'est pas l'Age des Ténèbres, et nous ne vivons pas en Alabama. C'est le Vermont, et nous laissons les gens faire leur vie. Parce que nous vivons ici à la campagne ne veut pas dire que nous sommes tous des bouseux arriérés, d'accord ?

- Je suis désolée, je l'ai dit sans penser à mal mais… enfin, je suis intriguée. Je voudrais vraiment rencontrer ces hommes.

- Je sais pas. Si je pouvais être sûr qu'Ennis n'est pas chez lui, je le ferais. Jack est vraiment amical, mais je peux imaginer qu'Ennis ne sera pas très heureux que j'amène une reporter dans sa maison. Et vous ne voulez pas le mettre en colère.

Il jeta un coup d'œil à son visage, implorant silencieusement, et céda. Il ne pouvait rien refuser à une belle femme.

- Oh, bon, d'accord. Mais si Ennis me regarde bizarrement, je vous traîne de suite dehors.

La journaliste avait un grand sourire.

- Merci. Est ce que c'est loin ?

- A peu près 15 minutes de la ville.

- Quand se sont-ils installés ici ?

Bill essaya de se souvenir.

- Euh… Ca doit remonter à 7 ans. Ils ont déménagé du Wyoming justement pour les raisons que vous avez mentionnées. N'avaient pas tellement aimé l'hospitalité.

- Et ils n'ont jamais eu aucun problème avec personne ?

- Et bien, je ne dirais pas exactement ça. Je n'ai rien contre la façon dont ils vivent, mais je suis bien conscient qu'une partie de la paix qu'ils trouvent ici a moins à voir avec les gens étant tolérants et plus avec les gens voulant les laisser suffisamment seuls. Quand ils arrivèrent ici, ils s'avérèrent être des types droits, et ils tenaient une petite affaire solide et performante qui s'est agrandie très vite, et ils étaient justes avec tout ceux avec qui ils travaillaient, donc personne n'avait de raison pour se brouiller avec eux. Tout le monde savait qu'ils étaient homos, même s'ils ne l'avaient jamais dit, ou fait quelque chose qui puisse vous faire penser que c'était le cas, et vous ne l'auriez imaginé si vous aviez rencontré l'un d'entre eux dans la rue. Il y a un petit incident, ça d'vait être environ 1 an après qu'ils soient arrivés ici. J'y étais en fait. Je buvais une bière avec Carter, un ami, au White Horse. Jack buvait un coup avec un distributeur de bétail avec qui ils bossaient. Le gars est parti, Jack a fini sa bière et a commencé à partir aussi. Et puis, il y avait une table de mecs du coin … pas nos plus distingués citoyens… qui avaient un peu trop bu, et l'un d'eux hurla 'pédale' lorsqu'il passa près d'eux.

Bill soupira.

- Tout l'endroit devint silencieux. Jack s'est retourné et a dit 'Re-dit moi ça en face, mon gars'. Alors, ils se sont tous levés, et c'était cinq contre un. Je pensais que Jack allait laisser tomber, mais l'un d'eux s'est avancé lentement et l'a frappé en plein visage.

Les yeux de Liz s'élargirent.

- Oh non !

- Plus vite que vous pouvez cligner des yeux, ils étaient tous sur lui. Certains de nous allèrent prêter main forte à Jack, mais juste à cet instant, Ennis est entré et a vu ce qui se passait. Je ne l'avais jamais aussi furieux. Il s'est approché de suite, a dégagé Jack et en moins de 10 secondes, entre tous les deux, les cinq gars étaient étalés avec le nez sanglant et des cocards. Je dois dire, Ennis semblait s'y attendre, parce qu'il savait exactement ce qu'il allait dire… et Ennis n'est pas du genre à faire des discours.

- Qu'est ce qu'il a dit ?

- Il a juste regardé autour de lui, et a dit 'Moi et Jack on a pas eu de problème avec personne dans cette ville, et jusqu'à maintenant, personne n'a eu de problème avec nous. On veut pas d'histoires, mais je veux que tout le monde sache dès maintenant que si quelqu'un lève la main sur moi ou mon mec, j'en finirai avec vous' C'était bizarre parce que c'était la première fois que je l'entendais dire quelque chose qui pouvait faire penser qu'ils étaient plus que des associés d'élevage. Et ils sont juste sortis, et d'autant que je sache, ils n'ont pas eu d'autres ennuis depuis. C'est un fait bien connu qu'on ne rigole pas avec Ennis. Jack non plus, bien qu'il soit bien plus facile de s'entendre avec lui.

- Quel âge ont-ils ?

- Merde ! J'en sais rien. 40 peut être ? Je dirais qu'ils sont du même age.

- Quelle est leur histoire ?

- Qu'est ce que c'est, un interrogatoire ? Je suis pas le plus éminent expert du monde sur Ennis Del Mar et Jack Twist, vous savez. Nous sommes assez amis. Annie et moi sommes allés à des barbecues chez eux, avec quelques autres personnes de la ville.

Il tourna dans une allée en gravier qui menait jusqu'au ranch, la barrière archée en fer marquant l'entrée et écrivant en grosses lettres 'Brokeback Ranch'

- En plus, vous pourrez leur demander vous même dans une minute.


Liz se pencha en avant tandis que le pick-up du maire Rensselaer descendait le chemin en gravier. Le ranch avait l'air bien tenu. Elle pouvait voir les vaches dans les enclos, et une élégante grange rouge à droite. Il franchit la crête d'une colline et elle vit la maison, nichée confortablement dans une petite vallée avec plein d'arbres derrière, ce qui pouvait uniquement indiquer une rivière. C'était une grande maison, faite de bois et de briques, de la fumée s'élevant de la cheminée en pierre. Un garage se trouvait à côté du grand atelier, 3 portes ouvertes, des pick-up dans deux d'entre eux et une berline qui semblait neuve dans le troisième. Le maire fit un grognement évasif.

- Semblerait qu'ils soient tous les deux chez eux, dit-il, faisant un signe en direction du garage. Bien, ne vous sentez pas insultée si vous ne pouvez pas tirer plus de trois mots d'Ennis. Il n'est pas vraiment bavard.

Ils s'arrêtèrent près du garage et sortirent du pick-up. La maison avait un grand porche en façade, avec des poutres de cèdre teintées en rouge, mais il n'avait pas l'air d'être très utilisé. La maire frappa à la porte, et après une pause, elle entendit des bruits de pas approcher.

La porte fut ouverte par un homme qui, vu son sourire accueillant, devait être Jack. Il était séduisant, grand et élancé, avec des cheveux foncés hirsutes et des yeux bleus.

- Salut Bill !, dit-il, ouvrant la porte. J'me demandais si tu allais venir d'ici ce soir. Entre, dit-il, se décalant sur le côté. Qui est ta charmante amie ?

- Oh, voici Liz Forbes. Elle est journaliste pour le New York Post. Liz, voici Jack Twist.

- Ravi de vous rencontrer, dit Liz, en tendant la main.

Jack la serra avec un sourire charmeur.

- Salut, m'dame. Qu'est ce qui vous amène jusqu'à ce fichu endroit ?

- Et bien, je suis venu pour interviewer votre maire. Il a mentionné qu'il allait venir ici pour vous voir, et j'ai demandé à venir.

Jack croisa ses bras.

- Et bien, pourquoi feriez-vous une chose pareille ? Qu'est ce qui peut être aussi intéressant dans un vieux ranch ennuyeux ?

Il avait l'air sérieux, mais ses yeux pétillaient, et Liz pouvait voir qu'il savait exactement ce qui l'avait intéressée.

Elle fit la même expression que lui.

- Oh, sans raison.

Jack se tourna à moitié.

- Ennis ! Bill est ici !, cria-t-il par dessus son épaule.

- Okay ! fit une voix criant en retour, venant de quelque part vers le fond de la maison.

- Sortons derrière, dit Jack, les conduisant à travers la maison.

C'était accueillant et bien aménagé. Liz envia l'âtre en pierre sur pied qui se trouvait au centre de la pièce, et qui semblait assez grand pour rôtir un cochon. Elle vit de suite pourquoi le porche de devant avait l'air aussi négligé… on en avait à peine besoin avec un porche arrière comme celui auquel Jack les mena. Il était fait de grand troncs de séquoia, bordé par une balustrade, caché par les grands arbres et surplombant la pelouse jusqu'à la rivière. Le soleil brillait sur la façade, c'était parfait.

- C'est un beau porche, commenta-t-elle.

- Il a intérêt, répondit Jack. Je n'ai jamais eu autant d'échardes de ma vie que l'été où nous l'avons construit. Il ouvrit une glacière à l'ombre et en sortit deux bières, en tendant une à Bill.

- Une bière, m'dame ?

- Merci. Elle la prit et s'assit sur l'une des chaises longues qui étaient vaguement rangées autour d'un feu creusé dans la véranda. Bill s'assit à sa droite, et Jack à sa gauche. C'est un très bel endroit.

- Vous auriez dû le voir quand on l'a acheté. C'était pourri. Nous avons eu de la chance que ça ait marché assez vite pour engager un peu d'aide, ou sinon, on aurait pas pu y arriver.

La porte de derrière s'ouvrit et un autre homme sortit, essuyant ses mains sur sa chemise. Ce doit être le célèbre Ennis, pensa-t-elle. Il était mince et anguleux, nerveux, avec un visage hâlé et des cheveux châtain bouclés.

- Salut Bill dit-il, un sourire naissant, puis s'arrêtant quand il la vit.

- Ennis, voici Liz Forbes, dit Bill rapidement. C'est une journaliste venue de New York pour m'interviewer.

Ennis hocha la tête et s'assit à côté de Jack, qui lui tendit une bière sans un mot.

- Très bien. Il semblait déjà renfermé. Et bien, il n'y a rien à écrire sur cet endroit. Les mots semblaient irrévocables.

- Je ne pouvais pas m'empêcher d'être fascinée par votre situation, dit Liz, espérant le faire parler.

Il rencontra ses yeux, et elle y vit de la prudence.

- De quelle situation parlez-vous, m'dame ?

Elle se sentit presque apeurée de continuer, comme si dire la vérité tout haut allait mettre cet homme en colère. Mais elle n'avait pas beaucoup le choix. Ils ne pouvaient pas tourner autour du pot toute la nuit.

- Je n'avais jamais entendu parler d'un couple homosexuel tenant un ranch, comme vous, dit-elle. J'adorerai entendre votre histoire.

Elle vit les yeux de Jack regarder en direction du visage d'Ennis, gaugeant la réaction de son partenaire. Ennis n'en manifesta aucune.

- Vraiment ? répondit-il. Elle vit Jack se détendre un peu. Cela semblait être un signe encourageant.

- Les gens veulent savoir comment les hommes comme vous vivent, dit-elle.

- Les hommes comme nous, répondit Ennis calmement, tournant sa bouteille de bière dans tous les sens dans ses mains. Vous voulez dire des éleveurs ? Ou des cow-boys à la retraite ? Ou peut être des hommes du Wyoming ?

Liz ne savait comment répondre, mais alors Ennis leva la tête et elle aperçut un pétillement dans ses yeux et elle réalisa qu'il était en train de se moquer d'elle.

- M. Del Mar, commença-t-elle.

- C'est Ennis.

Elle hocha ma tête.

- Ennis, le monde change. Depuis Stonewall surtout. Les gens ont besoin de savoir qu'il y a différents types d'hommes gays, et que ce ne sont pas tous des travestis ou des drag-queens ou des chorégraphes ou un de ces stéréotypes.

Ennis fronça les sourcils.

- Drag-queens ? Qu'est ce que c'est ça, bordel, un genre de truc de course de voitures ?

Liz eut un petit rire.

- Vous voyez, le fait que vous devez poser cette question serait un choc pour un grand nombre de personnes avec beaucoup de notions préconçues.

- Je ne suis pas intéressé par leurs notions. Moi et Jack voulons juste vivre tranquillement. On veut pas attirer l'attention.

- Peut être qu'elle a raison Ennis, dit Jack. J'aime pas penser aux autres mecs traversant ce que nous avons traversé.

Liz dressa l'oreille.

- Qu'avez vous traversé exactement ?

Ennis jeta un regard à Jack.

- Je suis pas concerné par les autres mecs.

- Hey, si les choses changent et qu'on peut peut-être aider en parlant de ce qui nous est arrivé, je suis entièrement pour.

- Beaucoup de gens racontent leurs histoires, parce qu'ils ressentent le besoin d'aider la communauté gay, dit Liz, espérant plaire au sens civique d'Ennis.

C'était la mauvaise tactique.

- Ecoutez m'dame. Je sais que vous voulez bien faire, mais de la façon dont je vois ça, je ne fais partie d'aucune communauté, si ce n'est celle de cette ville, et les seules choses pour lesquelles j'ai envie d'être responsable sont mes filles, dans le Wyoming, ce ranch et ce mec à mes côtés. Alors venez pas me dire que je suis obligé d'aider un tas d'homos que j'ai jamais rencontré et que j'aimerai probablement pas si c'était le cas.

- Peut être que tu devrai, dit Jack, s'asseyant plus droit. Je n'arrête pas de dire que nous devrions rencontrer plus de mecs comme nous.

Ennis secoua la tête.

- Un tas d'homos avec des pantalons serrés qui parlent comme des petites filles ? J'm'en foutais avant de vous rencontrer et c'est toujours le cas.

Il rencontra les yeux de Liz.

- Ecoutez, je vais vous faire le topo. Je sais que les gens disent que je homo. Je sais pas trop ce que ça veut dire. Ptet ce que je suis. La vérité, c'est qu'une belle femme me fait toujours tourner la tête, et que j'ai jamais regardé un mec une seconde fois, sauf lui, dit-il, désignant avec sa tête Jack, qui roulait les yeux. Je sais pas ce qui m'a fait comme ça, mais je sais que j'ai pas le temps pour le genre d'homos qui manifestent dans les rues vêtus seulement de volants roses à propos du fait d'être homo. Je suis pas comme eux, et vivre avec lui me rend pas comme ça. Tous les hommes qui vivent avec des femmes ne sont pas pareils, n'est-ce pas ?

- Non, et c'est justement ma remarque, dit Liz. Vous êtes différents, et les gens devraient voir ça.

- Je veux que personne voit. Je suis content que ce soit le cas. J'ai le sentiment que vous voulez écrit un article sur nous, m'dame, et je suis ici pour vous dire que je ne le supporte pas. On veut juste être tranquille. Il se leva. Si vous voulez me pardonner, je dois aller vérifier les barrières.

Il posa sa bière et s'éloigna, sa main effleurant à peine l'épaule de Jack lorsqu'il passa. Une fois qu'il fut hors de portée de voix, Bill s'approcha d'elle.

- Ses barrières vont bien. C'est son excuse habituelle quand il ne veut plus parler.

- Vous devez excuser Ennis, dit Jack. Il est têtu comme une mule.

- Ca ne vous dérange pas ? demanda-t-elle, posant ses questions journalistiques à Jack.

- Quoi ?

- Qu'il ait honte de sa relation avec vous.

Elle vit le visage de Jack s'endurcir.

- Il n'a pas honte, m'dame. Et si vous ne voyez pas pourquoi il veux garder profil bas, peut être que vous devriez retournez dans votre grande ville, là où les choses sont beaucoup plus faciles à comprendre.


Ennis resta dehors jusqu'après le coucher du soleil, ce que Jack avait prédit. Ca ne l'ennuyait pas d'attendre, il s'occupait de ses affaires habituelles. Il se mit en pyjama et s'assit au bureau en chêne dans la chambre principale pour vérifier les comptes. Ce ne fut pas avant 22h qu'Ennis entra, l'air un peu endormi.

- Ils sont partis ?

- Oui, tu les a tellement bien accueillit.

Il enleva sa chemise et alla dans la salle de bain. Jack ferma les livres de comptes et bailla, s'étirant comme un chat. Il entendit Ennis se laver les dents. Jack monta sur le lit, planifiant sa route vers la persuasion, une qualité qu'il avait dû acquérir pendant sa vie avec Ennis.

- Ce n'est qu'ils n'étaient pas bienvenus, dit Ennis, apparaissant. Cette femme voulait nous transformer en phénomènes de foire.

- Dieu pardonne.

- Les gens ne peuvent pas nous laisser tranquille ? s'exclama Ennis, rentrant dans le lit. Ma vie n'est pas un putain d'article de fond pour le supplément du dimanche.

- Peut être que si plus de gens lisent nos vraies vies, ils seront moins haineux.

Ennis grogna.

- Tu penses ça si tu veux. Les gens ne changent pas, Jack. Il tourna sa tête sur son oreiller et le regarda. Nous avons une belle vie maintenant, dit-il calmement. Celle belle vie que tu as dit qu'on pourrait avoir ? Et bien on l'a. Je veux pas la perdre. Je veux juste…

- Je sais ce que tu veux. Tu veux t'accroupir et te cacher ici, dans le ranch et laisser le reste du monde tourner tout seul.

- C'est si mal que ça ?

- C'est bien pour nous, sûr. Mais qu'est ce qu'il en est pour toutes les autres personnes ailleurs qui ne peuvent pas être avec la personne qu'ils veulent, parce que le monde est toujours rempli d'idiots ? Ce fut nous à une époque, tu sais. Rien ne changera jamais sauf si les gens voyent que nous sommes juste comme eux.

Ennis se tourna de son côté et tendit le bras pour poser sa main sur la nuque de Jack.

- Je sais que c'est mal de ma part, mais la vérité c'est que… Je me fous des autres gens. C'est la seule chose qui importe, c'est toi. Et tant que nous restons à l'écart et ne faisons pas d'histoires, on est tranquille ici. Tu es tranquille ici.

Il soupira, tandis que Jack savourait ces trop rares moments où Ennis exprimait ses pensées et ses sentiments.

- J'ai peur Jack, murmura Ennis.

Le simple fait qu'il admette une telle chose à Jack était quasiment tout l'assurance dont Jack avait besoin pour connaître son importance pour Ennis.

- Si nous laissons cette femme écrire sur nous, ce sera comme un gros projecteur, et ça pourrai attirer le genre d'attention que nous voulons pas.

Il roula une nouvelle fois sur son dos, regardant le plafond.

- Je sais pas ce que je ferais s'il t'arrivai quelque chose, murmura-t-il.

Jack s'approcha plus près et posa sa tête sur l'épaule d'Ennis. A sa surprise, Ennis passa immédiatement ses bras autour de lui et l'enlaça.

- Rien n'arrivera, dit Jack. Et je veux parler un peu plus à cette femme.

Il sentit le torse d'Ennis se gonfler puis s'abaisser dans un soupir.

- Tu fais ce que tu veux Jack. Tu le feras de toute façon.

La main d'Ennis remonta et caressa les cheveux de Jack avant de se reposer sur son bras.

- Je t'aime, murmura Ennis.

Jack cligna des yeux, espérant avoir bien entendu. Le nombre de fois où Ennis lui avait dit ça en 20 ans se comptait sur les doigts d'une main. Il se mit en appui sur un coude et le regarda.

- T'essayes de brûler les étapes, cowboy ? dit-il en souriant.

Ennis sourit à son tour.

- J'savais pas que j'avais besoin d'essayer, rodéo.