Rating : T
Genres : Humour/Général
Disclaimer : Les personnages et l'univers de Naruto ne m'appartiennent pas.
Note : Texte écrit dans le cadre du Défi "Des Mots et des Idées" proposé par le FoF, Forum Francophone, situé à l'adresse suivante : myforums/Forum_francophone/577456/
Le principe : écrire un One-Shot sur un délai imparti, comprenant certains mots déterminés devant apparaître en gras dans le texte. Les mots pour ce défi étaient : Peine, Auberge, Annonce, Ticket, Palmier, Pigeonnier, Exsangue. Je me suis beaucoup amusée à réaliser ce défi, et ça a été pour moi l'occasion et le prétexte pour me remettre à l'écriture. C'est mon premier texte après deux ans de vide total pendant lesquels je n'ai pas écrit une seule ligne (Soyez indulgents, je suis peut-être un peu rouillée). En espérant que ça vous plaise !
La Journée d'Umino Iruka
VENDREDI - 7h16
Un palmier.
Enfin, il suspectait que c'était un palmier. Mais il n'était pas totalement sûr. Sa mère avait bien eu une certaine passion pour les plantes, dans le temps, mais les contraintes de la vie de shinobi et la taille restreinte du jardin familial ne lui avaient jamais réellement permis d'œuvrer sa main verte. Et puis, le Pays du Feu n'avait pas vraiment un climat propice aux palmiers. Cependant il avait vu des images, et ce qui trônait au beau milieu de son salon, en ce vendredi matinal, ressemblait fort à un palmier.
Enfin, à un palmier nain.
L'arbre ne dépassait pas les soixante centimètres de hauteur. Son tronc était épais et trapu, d'un brun sombre, presque noir – il lui semblait avoir lu quelque part qu'on parlait de stipe et non pas de tronc pour les palmiers. Le stipe donc, prenait racine dans un pot en terre cuite rempli de terreau odorant, lequel avait été partiellement renversé sur son superbe tapis beige à motifs – ramené de Suna après une mission diplomatique. Les feuilles palmées étaient volumineuses, d'un vert profond, et bordées d'un épais liseré bleu foncé.
Intrigué malgré lui par cette étrange coloration, Iruka s'approcha de la plante, sa stupeur perplexe remplacée par la curiosité. Il tendit la main vers la feuille la plus proche et sentit une légère décharge de chakra lorsque ses doigts effleurèrent la palme rugueuse de l'arbre.
Suite à quoi, le palmier se mit à luire. Oui, à luire.
Les arbres ne sont pas censés faire ce genre de chose, en général. Iruka possédait quelques plantes d'intérieur, une fougère sauvage dans l'entrée, un bonzaï qu'on lui avait offert récemment, et il y avait une jardinière dans sa cuisine où il faisait pousser des herbes aromatiques. C'était plus un passe-temps qu'une véritable passion, mais il n'avait jusqu'alors jamais entendu parler d'un végétal ayant du chakra.
Car c'était bien du chakra qu'il voyait crépiter autour des larges feuilles palmées, prenant l'aspect d'une douce lueur bleutée qui semblait vibrer au contact d'Iruka. Il sourit, amusé par cette étrange plante et caressa une feuille sur toute la longueur. Le liseré bleu sembla devenir phosphorescent et il sentit le chakra de l'arbre remonter le long de son bras, doux et frais contre sa peau. L'énergie était trop faible pour représenter un quelconque danger, et il décida qu'il aimait bien cet étrange palmier-chakra sorti de nulle part.
Enfin, pas tout à fait de nulle part. Le jeune professeur venait de noter une moitié d'empreinte de pas, dans la terre renversée sur son beau tapis, orientée vers sa porte d'entrée. Il n'y avait qu'une seule personne au monde pour entrer incognito chez lui et laisser un palmier bizarre dans son salon en mettant plein de terreau partout.
Naruto était rentré de mission.
Son sourire s'élargit, il était touché par l'attention de son protégé de toujours. La pensée de l'élève turbulent lui rappela qu'il devait se rendre à l'Académie. Un regard vers la pendule de la cuisine lui apprit qu'il était en retard. Il se dépêcha d'enfiler sa veste de chuunin, sauta dans ses sandales et fit un passage éclair dans le frigo pour chiper une pomme. En traversant l'entrée de son petit appartement, il nota distraitement qu'il lui faudrait bientôt tailler sa fougère, les longues feuilles commençaient à empiéter sur le passage.
VENDREDI - 11h34
Le soleil entrait en larges rayons par les fenêtres, promettant une journée radieuse aux enfants qui avaient de plus en plus de mal à se concentrer. Iruka s'était efforcé de les garder calmes et occupés toute la matinée – chose dont il n'était pas peu fier – mais leur attention se délitait à mesure que l'heure du déjeuner approchait.
Syndrome de fin de semaine, associé à l'appel du ventre.
Le professeur se racla la gorge et rappela Reiko et Takaharu à l'ordre. Les deux garçons cessèrent de chahuter avec un air faussement coupable.
- Par exemple, la quantité de chakra que vous infusez lors du Jutsu d'Invocation, reprit Iruka, détermine la taille et la force de l'animal invoqué...
- C'est vrai que l'un des Sannins pouvait faire apparaître un crapaud géant ? demanda Konohamaru.
- Effectivement, on raconte que Jiraya-sama est capable d'invoquer Gamabunta, le Chef des Crapauds, dont on dit qu'il est aussi grand que le Mont Hokage...
- Un crapaud... beurk ! grimaça Moegi.
- Ah, je suis sûr que je peux y arriver moi aussi ! affirma le petit Sarutobi avec toute la conviction d'un enfant de huit ans.
Enfin, un enfant shinobi qui idolâtre Naruto... Il avait donc de la conviction, et de l'énergie, à revendre. À côté de lui, Udon le regardait avec de grands yeux tandis que Moegi fronçait les sourcils. Plusieurs élèves se mirent à commenter l'audacieuse déclaration.
- Pff, n'importe quoi ! railla Ikaku d'un ton supérieur. La seule chose que tu peux invoquer, c'est un bébé-grenouille !
Konohamaru se hérissa aussitôt, la mine colérique. Depuis quelques mois, les deux garçons ne cessaient de se chercher. Piques, provocations, sarcasmes, la moindre excuse était bonne pour alimenter leur rivalité. Avoir un rival était une chose courante dans le monde ninja, mais il était presque midi et Iruka jugea judicieux d'avorter la dispute à venir.
- La Technique d'Invocation est un jutsu difficile, bien au-dessus de votre niveau actuel. À chacun d'entre vous, insista-t-il en fixant les deux garnements avec sévérité. Je ne veux pas vous voir essayer un tel jutsu sans avoir signé de contrat avec...
- Sensei ?! intervint bruyamment Reiko, comment on appelle les bébés des grenouilles ?
- Euh...
Le professeur eut un blanc, surpris par la question. Dans le bref silence qui s'installa, toute la classe vit Makura, au deuxième rang, sursauter, émergeant de l'une de ses nombreuses siestes improvisées. La fillette se redressa et annonça très fièrement :
- Je sais ! On les appelle les tétons !
Le silence revint une brève seconde avant que toute la classe n'éclate de rire. Iruka lui-même ne put s'empêcher de sourire. Il s'efforça toutefois de reprendre la situation en main :
- Pas exactement. Il s'agit des tétâ...
- Ah, ah, attends, je vais te montrer ce que c'est, les tétons !
- Qu... Non ! Konohama...
- Oiroke no jutsu !
Un épais nuage de fumée blanche explosa, et là où se tenait un instant plus tôt un petit garçon légèrement hyperactif, se trouvait à présent une jeune femme aux formes généreuses, entièrement dévêtue. Iruka, qui ne connaissait que trop bien ce genre de techniques narutoesques, réagit avant même que les bandes vaporeuses de la Transformation ne se dissipent – et que lui-même ne se retrouve dans une position... indélicate. Le chuunin bondit vers le fauteur de troubles et lui administra un coup de poing justement dosé pour perturber sa concentration et briser sa technique.
« Pop ». Konohamaru réapparut dans un volute blanc, la mine boudeuse et une légère bosse enflant sur son crâne. Iruka laissa échapper un soupir silencieux, soulagé d'avoir évité le pire.
C'était sans compter sur Ikaku, qui ne pouvait certainement pas laisser son rival être au centre de l'attention.
- Tss... Moi aussi je sais faire...
Quelques signes et une explosion de fumée plus tard, une silhouette aux rondeurs bien trop marquées se dandinait au milieu de la classe. Le jeune sensei sentit ses joues chauffer dangereusement. Mais avant qu'il n'ai pu agir, Reiko et Takaharu se joignirent à la partie. Oiroke no jutsu ! Inspiré par ce déchaînement, Konohamaru relança sa technique, aussitôt imité par Ugon. Oiroke no jutsu ! Depuis quand Katsuro arrivait-il à malaxer son chakra aussi bien ? Oiroke no jutsu ! Comment Makura avait-elle réussit à se rendormir aussi vite au milieu d'un tel bazar ? Oiroke no jutsu !
Iruka commença à compter les corps féminins, nus et affriolants, sentit une humidité et une chaleur suspectes au niveau de son nez et se dit que c'était une mauvaise idée. Mais quand est-ce que ce foutu gamin a appris cette foutue technique à tous les autres élèves de la classe ? Le chuunin pressa son bras contre son visage, essayant de contenir le flot de sang qui commençait à devenir alarmant.
Et puis, Moegi monta debout sur sa table.
- Oï, les filles ! Montrons-leur ce qu'on sait faire. Oiroke no jutsu !
Et la petite fille se changea en homme, grand et élancé, au torse parfaitement sculpté et aux cheveux ébouriffés d'un blond très pâle, au milieu d'une marée de jeunes femmes dévêtues qui se pressaient et se frottaient ensemble... se frottaient... nues...
Quelque chose claqua dans l'esprit d'Iruka, et un geyser de sang jaillit de son nez.
VENDREDI – 12h19
Umino Iruka plongea son visage sous le jet du robinet et frotta énergiquement sa peau pour effacer les traces de sang séché. Il se redressa, s'essuya avec une serviette et observa son reflet dans le miroir de sa salle de bains. Il était pâle.
Un peu trop pâle.
Le chuunin soupira. Il allait devoir trouver une nouvelle parade contre ce jutsu ridicule. Parce qu'à ce rythme-là, il finirait exsangue en un rien de temps.
Il termina de se sécher, renoua ses cheveux et enfila une nouvelle veste – la précédente gisant au pied du lavabo, imbibée de sang. L'hémorragie avait été tellement violente qu'il avait du rentrer chez lui pour se changer. À la sonnerie qui annonçait la fin du cours, les petits garnements avaient tous repris leur apparence normale et s'étaient précipités au mess en laissant derrière eux leur sensei, baignant dans son propre sang. Il frissonna à ce souvenir. Cela ne devait plus jamais se reproduire. Jamais. Il avait suffisamment honte de sa réaction. Ce n'était vraiment pas digne d'un professeur.
Iruka pouvait gérer les lancers de gommes et de crayons, les bagarres au fond de la classe, les boules puantes et les graffitis sur les murs – ou même sur les monuments, tiens ! – le vol de craies et les concours d'avions en papier, les boulettes en papier mâché collées au tableau et sur son bureau, les batailles de confettis, de plumes, paillettes et d'il-ne-savait-quoi-encore. Il pouvait gérer tout ça. Mais pas ce foutu jutsu !
Un nouveau soupir franchit ses lèvres. Il espérait juste que cette mode du « Oiroke », lancée par Naruto et reprise par Konohamaru, ne durerait pas longtemps.
Ruminant ces pensées, le chuunin traversa son salon, son épaule frôlant les feuilles du palmier-chakra qui crépitèrent au contact mais il l'ignora. Il rejoignit l'entrée, pesta quand il se prit les tiges de la fougère dans les pieds et sortit de chez lui en claquant la porte. Il n'avait pas fait trois pas qu'une tornade bonde se jetait sur lui à grands renforts de cris et de gesticulations.
- Iruka-senseeeeei !
Le souffle coupé, le jeune homme se raidit sous l'étreinte de Naruto. Alors que ce dernier commençait à lui raconter sa mission avec un enthousiasme indéfectible, Iruka ne put s'empêcher de penser que c'était lui l'instigateur du « Oiroke » dont le professeur faisait tant les frais. Sans oublier toutes ses autres bêtises : les peintures sur le Mont Hokage, les dessins idiots sur le tableau pendant la pause, la brosse du tableau coincée au dessus de la porte, la pendule déréglée...
- Iruka-sensei ?
La voix de Naruto était incertaine et Iruka réalisa qu'il avait les dents serrées et les poings crispés.
- Vous n'avez pas aimé le palmier, c'est ça ? demanda le garçon d'un air faussement détaché.
Le jeune genin passa négligemment une main dans ses cheveux, les ébouriffant un peu plus, ses yeux étaient plissés, son sourire dévoilait toutes ses dents et sa main restée libre battait dans les airs, comme pour dire « C'est pas grave ! Tout va bien ! » mais Iruka le connaissait mieux que ça.
Il savait reconnaître un sourire forcé, et deviner le mal-être dans les gestes de son ancien élève. Il s'en voulut aussitôt d'exposer Naruto à sa mauvaise humeur. Même si le garçon avait ses défauts, il n'était pas responsable de la journée fâcheuse d'Iruka. Tout au contraire, il avait eu la gentillesse de lui rapporter un cadeau de sa dernière mission, et venait le voir alors qu'il devait être épuisé. Le chuunin se détendit sensiblement et posa une main affectueuse sur l'épaule du gamin.
- Ton palmier-chakra me plaît beaucoup, affirma-t-il avec un sourire.
Le visage de Naruto s'éclaira soudain, sa posture se relâcha et son sourire s'illumina comme un petit soleil. Iruka sentit une vague de chaleur dans sa poitrine, comme à chaque fois qu'il réalisait à quel point il était attaché à cet enfant. Même s'il lui restait moins d'une heure avant de devoir retourner à l'Académie, il proposa à son protégé de manger avec lui.
- Oh ouais ! s'exclama Naruto. C'est moi qui régale, cette fois ! (Iruka haussa un sourcil surpris). J'ai des tickets pour deux repas gratuits à l'Ichiraku ! (Iruka baissa son sourcil et sourit).
VENDREDI – 12h47
Regarder Uzumaki Naruto manger des ramens était toujours une expérience en soi. D'un geste expert des baguettes, il engouffrait les nouilles avec une vitesse et une régularité tout à fait étonnantes, chose qui aurait pu susciter l'admiration s'il ne prenait pas soin, en même temps, de projeter aux alentours des éclaboussures de soupe miso. Iruka se demanda vaguement s'il ne s'agissait pas là d'une technique de protection visant à empêcher les intrus de s'approcher et de s'emparer du précieux bol de nourriture.
Déformation professionnelle, pensa le chuunin.
Il ne pouvait cependant pas s'empêcher de sourire en voyant le jeune garçon s'empiffrer de ramens. Certes, il était bruyant, turbulent, difficile et exubérant... mais Naruto avait du cœur et demandait juste ce que tout enfant de son âge était en droit d'avoir : de l'attention et de l'affection. Et il avait pris tellement de place dans la vie d'Iruka que ce dernier ne s'imaginait pas vivre sans la présence du petit blond. Il avait déjà eu du mal à le « lâcher » lorsqu'il était devenu genin...
Comme il n'était pas envisageable que Naruto puisse parler et manger en même temps – non seulement il était impossible de comprendre ce qu'il disait la bouche pleine, mais surtout la quantité de projections de soupe augmentait de façon exponentielle et Iruka avait déjà changé de veste une fois aujourd'hui, merci bien – ainsi donc, il était convenu que Naruto finisse son bol, et qu'il parle de sa mission après. Justement, le voilà qui levait son bol pour boire le fond de soupe avec de grands bruits de déglutition. Puis il reposa le bol, lâcha un soupir bienheureux et repu. Enfin, il se tourna vers son ancien professeur.
- Alors ta mission ?
- Oh, c'était affreux, Iruka-sensei ! On a du réparer un pigeonnier ! Tu parles, c'était une vieille bicoque toute moisie et remplie de crottes de pigeons. Ça sentait tellement mauvais !
L'enfant fit une grimace éloquente.
- Au début, Sakura-chan a pas voulu entrer dedans, alors c'est moi et Sasuke qui avons du nettoyer les crottes. Et le caca de pigeons, ça schlingue un max ! En plus Kakashi-sensei ne nous as pas du tout aidé. D'habitude, il fait genre de bosser un peu, mais là pas du tout ! Il a passé son temps à lire son livre douteux pendant qu'on trempait dans la merde de pigeon...
Par habitude, Iruka le reprit sur son langage.
- Mais, Iruka-sensei, il faut appeler une vache, une vache. Et la merde de pigeon, y'a pas à dire, c'est de la merde de pigeon ! On a pataugé là-dedans pendant trois jours, alors je sais de quoi je parle...
Oui, bon. Il n'avait pas tout à fait tord.
Le garçon passa un certain temps à se plaindre des difficultés de sa dernière mission : l'odeur, le temps que ça leur avait pris, l'odeur, Kakashi-sensei qui se moquait d'eux sans même les aider, l'odeur, cet abruti de Sasuke qui l'avait fait trébucher dans les déjections, l'odeur... Et il semblait prendre un certain plaisir à placer le plus souvent possible « merde de pigeon » dans la conversation.
- Et bien, ce n'est peut-être pas très palpitant comme mission, mais c'est ton devoir de shinobi, dit Iruka pour essayer de lui remonter le moral.
- C'est nul comme mission ! On a prouvé de quoi on était capable au Pays des Vagues, pourtant on passe notre temps à poursuivre des chats, à ramasser des mauvaises herbes et à piétiner dans la merde de pigeon ! Je veux devenir Hokage, moi !
- Mais alors, où as-tu déniché mon palmier-chakra ? demanda Iruka pour changer de sujet. Tu ne l'as quand même pas trouvé dans la merde de pigeon, si ?
Il avait volontairement utilisé l'expression devenue fétiche du genin, juste pour savourer son air éberlué devant son ancien-sensei-qui-vient-de-dire-un-gros-mot. Naruto secoua la tête puis échangea un sourire complice avec son professeur avant de répondre à sa question.
- Non, en fait, c'est sur le chemin du retour que j'ai trouvé votre palmier. Il y avait une boutique qui vendait des fleurs et juste à côté un vieux monsieur avec une charrette remplie d'arbres et de plantes bizarres. J'ai tout de suite vu le palmier dans le tas et j'ai pensé à vous !
Iruka fronça les sourcils, un vieux monsieur avec une charrette ? Sans trop savoir pourquoi, il eut un drôle de pressentiment. Naruto était quelqu'un d'impulsif, guère étonnant alors qu'il soit allé voir un étrange vieux monsieur plutôt qu'une ordinaire fleuriste, mais le garçon avait également un certain talent pour s'attirer les ennuis...
- Sakura-chan pensait que c'était une mauvaise idée, que le vieux monsieur était bizarre et que je ne devrais pas lui faire confiance.
Aïe, Sakura avait généralement pas mal de jugeote (sauf si ça concernait Sasuke), aussi Iruka préférait se fier à son jugement plutôt qu'à celui de Naruto, même s'il aimait beaucoup ce dernier.
- Mais c'était un ami de Kakashi-sensei ! s'exclama brutalement le jeune garçon.
- Hein ? Iruka eut du mal à raccorder les morceaux. Tu parles de l'homme à la charrette ?
- Oui, c'est un ami de Kakashi-sensei, ils ont passé un moment à discuter ensemble. Sakura-chan a dit quelque chose, comme quoi ça voulait rien dire, que le type était quand même bizarre, mais Kakashi-sensei m'a dit que c'était bon, que je pouvais prendre le palmier pour vous. J'ai même eu une réduction parce que Kakashi-sensei était un de ses amis.
Iruka essayait de suivre le discours effréné du petit blond. Le propriétaire du palmier-chakra était une connaissance personnelle d'Hatake Kakashi. Certes, ce dernier avait une réputation quelque peu douteuse, mais c'était un shinobi de talent et un jounin-sensei. Ce qui voulait dire qu'en dépit des racontars, il avait le sens des responsabilités. Donc, on pouvait lui faire confiance.
Pas vrai ?
Naruto le tira de ses réflexions en reprenant :
- Sasuke a dit que c'était débile de rapporter un palmier, mais moi je sais que vous aimez bien les plantes et tout ça, parce que votre mère en faisait pousser dans votre jardin quand vous étiez petit.
Iruka se redressa, surpris que le gamin se soit souvenu de ce détail.
Lors l'incident avec Mizuki quelques mois plus tôt, Naruto avait été secoué d'apprendre que non seulement son sensei était orphelin comme lui, mais qu'en plus ses parents étaient morts à cause d'un monstre caché à l'intérieur de son corps. L'enfant avait passé un certain temps à ruminer la chose avant d'oser en parler avec Iruka. Le chuunin lui avait répété ce qu'il lui avait déjà affirmé ce jour-là : Naruto n'était pas le démon-renard et il ne le tenait pas pour responsable de la mort de ses parents. Au contraire, Iruka avait beaucoup d'estime et d'affection pour le jeune garçon. Naruto avait posé des questions sur ses parents et Iruka lui avait raconté quelques uns de ses souvenirs de famille, évoquant, entres autres, la passion de sa mère pour les plantes.
Il sourit à Naruto.
- Ce n'était pas du tout débile. C'était même une très bonne idée. J'aime beaucoup ce palmier-chakra... (Le visage de l'enfant s'illumina à nouveau comme un soleil)... Mais à l'avenir, j'aimerais que tu évites d'entrer par effraction dans mon appartement, même si c'est pour me faire une surprise !
Le ton était faussement sévère et le petit blond éclata de rire en promettant de ne pas recommencer.
Comme l'heure tournait, Iruka se sépara à regret du garçon pour aller retrouver les autres terreurs qui l'attendaient dans sa salle de classe.
VENDREDI – 14h07
- Iruka-sensei ?
- Oui, Konohamaru ?
- C'est vrai que lors d'une mission, un genin peut se retrouver dans la merde de pigeon ?
Le chuunin cligna bêtement des yeux pendant que des gloussements amusés traversaient la salle. À huit ans, il n'y a rien de plus drôle qu'un gros mot. Iruka plissa les yeux, suspicieux.
- D'abord, on ne dit pas « merde », et ensuite d'où vient cette question absurde ?
- Oh, rien, fit le petit Sarutobi d'un air angélique. C'était juste comme ça...
Le professeur roula des yeux. Et puis quoi encore ? Il se demandait toutefois comment Konohamaru pouvait déjà être au courant alors que Naruto venait tout juste de rentrer ? À croire que les nouvelles vont vite quand ça concerne les déjections de volatiles.
- Dites, Sensei ? intervint Reiko. Qu'est-on dit, alors, si on a pas le droit de dire « merde de pigeon » ?
Avant qu'il n'ait pu répondre, il y eut une volée d'exclamations à travers la classe : « Caca ! », « Crotte ! », « Moi, je préfère dire Chiasse. ». C'était à celui qui crierait le plus fort. Heureusement, Iruka avait une voix de stentor. Non sans difficultés, il parvint à rétablir un calme relatif dans la salle, mais face à un tel sujet de discussion, le chuunin n'était pas au bout de ses peines.
- Comment on fait si tous les mots sont interdits ?
Iruka se massa le front.
- Et bien, on peut employer les termes « excréments », ou « fiente » quand il s'agit d'oiseaux...
- Et qu'est-ce que ça veut dire « Déféquer » ? demanda Takaharu.
Iruka soupira, espérant secrètement que lorsqu'on demanderait aux enfants ce qu'ils avaient appris aujourd'hui à l'école, ils ne parleraient pas uniquement de la conversation sur le caca.
VENDREDI – 15h23
- Enfin, c'est une simple question de mathématiques, s'exaspéra Iruka. Katsuro, tu as dix bonbons. Ton voisin t'en voles deux. Combien t'en restes-t-il ?
- Dix, et un cadavre, répondit le garçon, mortellement sérieux.
Le chuunin se figea. Ne jamais s'interposer entre un membre du Clan Akimichi et sa nourriture.
Règle élémentaire.
VENDREDI – 15h58
- Makura ?
La petite fille était affalée sur son bureau, la tête dans le creux de son coude posé sur la table, ses longs cheveux roux serpentant au milieu des crayons. Son autre bras pendait dans le vide, un stylo serré entre les doigts, dont l'encre noire coulait goutte à goutte sur le sol, formant une tâche grandissante.
- Makura ?!
Les autres élèves assistaient à la scène, les yeux brillants, serrant leurs mains fébriles en retenant un sourire impatient. Iruka avait vaguement conscience de jouer leur jeu, mais il était trop furieux contre son élève pour y faire attention. Il ne savait plus quoi faire de la fillette : ses parents affirmaient qu'elle faisait des nuits complètes, les médecins certifiaient qu'elle ne souffrait d'aucune maladie ou trouble du sommeil, elle-même confirmait qu'elle allait très bien.
- MAKURA ?!
La gamine tressaillit, lâcha son stylo qui rebondit par terre en projetant un peu plus d'encre sur le sol, et se redressa lentement, les yeux embués de sommeil. Au bout d'un instant, elle réalisa que son sensei lui faisait face, les poings sur les hanches et l'air pas content du tout.
- Euh... Les trois principales techniques de dissimulation sont le Henge no jutsu, la feinte par les ombres et la double duplicité.
- C'est exact, mais nous sommes en train de corriger le devoir de calcul de trajectoire de shiruken.
Iruka ne savait pas ce qui était le plus déroutant : qu'elle soit capable de donner les trois principales techniques de dissimulation alors qu'ils n'avaient pas encore commencé cette partie du programme, ou bien qu'elle passât les cinq minutes qui suivirent à chercher son stylo qui bavait toujours sur le sol, à côté de ses pieds.
Et quand on lui demandait pourquoi elle s'endormait toujours en classe (et nulle part ailleurs, ni chez elle, ni au parc, ni à la bibliothèque... seulement en classe), elle se contentait de hausser les épaules. Iruka ne savait jamais comment le prendre.
VENDREDI – 17h00
La silhouette de Katsuro disparut par l'embrasure de la porte et Iruka se retrouva enfin seul. Il tira sa chaise, s'affala dessus et laissa échapper un long, profond et interminable soupir. Il aimait les enfants, vraiment. Sinon il ne serait pas devenu professeur. Mais parfois, il avait juste envie d'en prendre un pour taper sur les autres. Ou de les balancer un à un par la fenêtre pour voir qui tombait le plus vite.
Le chuunin jeta un coup d'œil à la pile de devoirs qui trônait sur son bureau et qui attendait d'être corrigée. Il soupira à nouveau. L'école était peut-être terminée, mais sa journée à lui n'était pas finie pour autant. Sans oublier qu'il devait encore se présenter au Bureau des Missions dans une heure, où il serait de garde jusqu'au soir. Il regarda à nouveau la pile de copies. Une heure. Il pouvait en profiter pour avancer ses corrections.
Un autre jour, c'est ce qu'il aurait fait.
Aujourd'hui, il leva les jambes, croisa négligemment les pieds sur son bureau, s'installa confortablement sur sa chaise et ferma les yeux.
VENDREDI – 18h02
Lorsque Umino Iruka entra dans le Bureau des Missions, il avait encore l'esprit embrumé du rêve qu'il avait fait pendant sa sieste inopinée. Il ne se souvenait jamais parfaitement de ses rêves, seuls quelques morceaux épars lui revenaient de façon sporadique au réveil. Là, il se remémorait une volée de pigeons nichant dans son nouveau palmier-chakra et un ninja haut-gradé – impossible de se rappeler qui, mais il craignait que ce ne soit le Sandaime – qui faisait une démonstration publique du Oiroke no Jutsu... Il frissonna devant cette image mentale dérangeante.
Il devrait arrêter les siestes improvisées.
Bizarrement, il pensa à la petite Makura et se demanda si elle aussi faisait des rêves étranges pendant ses siestes. C'était peut-être la raison pour laquelle elle dormait autant en classe...
Perdu dans ses réflexions, Iruka se figea en découvrant l'agitation folle qui régnait dans la Salle des Missions. Les trois bureaux qui faisaient face à l'accueil étaient recouverts de rapports de mission, scellés ou à moitié déroulés, et les chuunins de garde courraient dans tous les sens, les bras pleins de documents. Un groupe de jounins impatients faisait la queue devant le bureau le moins encombré tandis qu'Izumo – qui semblait au bord de la crise de nerfs – s'efforçait de réceptionner les nouveaux rapports.
- Ah, Iruka tu tombes bien ! s'exclama Kotetsu en déchargeant brusquement une pile de rouleaux dans les bras du professeur. Amènes-ça à la section D !
- Euh ok... Qu'est-ce qu'il se passe, ici ?
- Je t'expliquerais plus tard, lança-t-il avant de replonger dans la mêlée.
Iruka, un brin perplexe, resserra sa prise sur les rouleaux et s'efforça de rejoindre la section D sans rien perdre de son chargement. Pas une mince affaire, entre les gestes agacés des jounins, la course effrénée des chuunins, et les rouleaux tombés par terre qui n'attendaient qu'un ninja assez étourdi pour leur marcher dessus. Il parvint finalement à destination et commença à ranger les rapports de missions, remarquant que beaucoup d'étagères avaient été vidés à la va-vite – ce qui expliquait le foutoir qui encombrait les tables d'accueil.
Deux des rapports que Kotetsu lui avait remis n'avaient rien à faire dans la section D. Il les garda donc de côté et rejoignit les autres pour aider au rangement. Une demi-heure plus tard, tous les jounins venus rendre leurs rapports étaient repartis et la tension descendit d'un cran dans le Bureau des Missions. Il y avait encore une quantité effarante de rouleaux éparpillés un peu partout – sur les chaises, sous les tables, contre les étagères – mais la sensation de panique s'était envolée. Les chuunins s'organisèrent pour faciliter le rangement.
- Alors, tu m'expliques ? lança Iruka à Kotetsu en empilant des rouleaux dans le creux de son coude.
En écoutant ses collègues râler et pester contres ces « abrutis de scientifiques qui se croient tout permis », le professeur avait compris que les gars du Département Recherche et Savoir étaient à l'origine de tout ce chaos, mais il ne connaissait pas les détails de l'histoire.
- Tss. Il y a une heure, les grosses têtes du R&S ont débarqué et ont commencé à farfouiller dans nos dossiers. Ils cherchaient un certain type de rapport... Izumo, toujours poli, a proposé de les aider, mais ils l'ont envoyé paître. Soi-disant qu'on est pas habilités à savoir ce qu'ils cherchent...
- Quoi ? Mais c'est absurde. Nous réceptionnons et classons ces rapports tous les jours. Nous savons parfaitement ce qu'ils contiennent. Et comment ils sont rangés. De plus, les rapports spéciaux ou classés top secret ne passent même pas par ici.
- J'sais bien. C'est ce qu'on leur a expliqué. Mais ils ont rien voulu savoir.
Les deux chuunins, les bras lourdement chargés, se dirigèrent vers la section A. Kotetsu lui raconta comment les scientifiques avaient commencé à fouiller dans les rayonnages, allant jusqu'à vider complètement certaines étagères, tandis que les chuunins s'efforçaient de limiter les dégâts. À un certain moment, Kotetsu s'était emporté et la situation avait faillit dégénérer. Finalement, les gars du R&S avaient fini par trouver ce qu'ils cherchaient – quoique cela puisse être – et étaient repartis en emportant trois malheureux rouleaux... et en laissant derrière eux le chantier qu'Iruka avait découvert à son arrivée.
- Et tu sais pas l'pire, continua Kotetsu. Voilà qu'au moment de partir, l'un d'eux, un grand ponte vu son air pédant et supérieur, se tourne vers nous et nous fait la grande annonce : les pauvres chuunins stupides que nous sommes devrions sérieusement ré-organiser tout notre système de classement des rapports, pour faciliter les futures recherches de leur Département !
Le chuunin avait pris une voix hautaine et méprisante, caricaturant le scientifique qui leur avait fait la morale.
- C'est surréaliste ! s'exclama Iruka. On utilise le même système de classement depuis des années, ça a toujours très bien fonctionné, et chacun des chuunins en poste ici sait parfaitement où trouver n'importe quel rapport. Il leur suffisait de demander !
- C'est pas moi qui vais te contredire, l'ami. Surtout quand on doit passer derrière eux pour ranger le bordel qu'ils venus foutre chez nous...
Ils passèrent un moment à râler après les scientifiques, tout en finissant de ranger les rouleaux. Il était dix-neuf heures passées lorsque tout fut remis en ordre. Un flux régulier de shinobi défila les deux heures suivantes, avec son lot de rapports incomplets ou mal remplis, de ninjas désagréables et malpolis, de mauvaise foi et déni de bonne volonté.
La routine habituelle.
Puis le rythme ralentit. Kotetsu et Gunjo ayant terminé leur garde, s'en allèrent, et Iruka resta en compagnie d'Izumo, sentant la fatigue commencer à tomber sur ses épaules.
VENDREDI – 23h22
Iruka haussa les sourcils de surprise lorsqu'il vit Hatake Kakashi se présenter devant son bureau, un rapport de mission à la main. Le jounin le toisa.
- Un problème ?
- Non, pas du tout, se reprit Iruka. Je pensais juste que vous aviez déjà rendu votre rapport, vu que vous êtes rentrés de mission tôt ce matin...
Le chuunin déglutit, était-il vraiment en train de faire la morale à un jounin d'élite sur les délais de remise de rapport ? Il passait trop de temps avec des enfants de moins de dix ans. A tous les coups, il allait se prendre un retour d'ascenseur.
- Maah... La voisine m'a demandé de l'aider à porter ses courses. C'est une vieille dame avec des problèmes de dos et sa maison est pleine de courants d'airs. Elle m'a tenue occupé toute la journée.
Les sourcils d'Iruka se froncèrent à nouveau et il dévisagea le ninja une seconde.
- Vous savez... Même un gamin de huit ans a de meilleures excuses que ça...
Kakashi éclata de rire en déposant son rapport sur la table, s'attirant le regard d'Izumo et d'un autre ninja, au bureau voisin.
- Vous êtes drôle, Iruka-sensei.
Le jeune professeur le regarda quitter la Salle des Missions, un peu perplexe. Il soupira et jeta un coup d'œil au rapport de l'équipe sept. Il lui suffit de lire la première page en diagonale pour comprendre où Naruto avait appris l'expression « merde de pigeon ». Iruka leva les yeux au ciel, Naruto était pas sorti de l'auberge, avec un jounin-sensei pareil.
La fin de la soirée fut étonnamment calme et le jeune homme commençait à piquer du nez sur sa table lorsque Iwashi vint prendre la relève. À partir de minuit, il n'y avait plus qu'un seul chuunin de garde, aussi Iruka et Izumo souhaitèrent bon courage à leur collègue, qui écopait du créneau le plus contraignant du Bureau.
Épuisé par cette journée dont il avait cru ne jamais voir le bout, Iruka se traîna jusqu'à son appartement, enjamba la fougère dans l'entrée, se faufila sous le palmier-chakra, abandonna ses chaussures contre la porte de sa chambre et plongea tout habillé dans son lit. Son esprit fatigué remarqua distraitement que sa fougère était soudainement devenue très encombrante, que le palmier-chakra avait poussé drôlement vite et qu'il y avait, d'une façon générale, beaucoup plus de verdure dans son appartement que ce qu'il y avait habituellement.
Cet ensemble de détails intrigants faillit former une pensée cohérente, mais Iruka sombra dans un sommeil si profond qu'il s'apparentait presque à un coma.
SAMEDI – 2h47
Iruka fut réveillé par une odeur de jasmin. L'arôme chaud et fruité embaumait la pièce comme un parfum pesant. L'effluve avait dû apparaître progressivement et la senteur augmenter peu à peu pour finalement perturber son odorat ninja et le tirer du sommeil. Encore à moitié endormi, il tâtonna à l'aveugle pour allumer la lumière. Lorsqu'il trouva l'interrupteur, il se raidit en découvrant qu'une jungle s'était invitée dans sa chambre.
Une jungle.
Il ne voyait pas d'autre mots pour décrire la masse végétale qui recouvrait ses murs et grimpait sur ses meubles. Du lierre courrait sur la porte et des lianes pendaient du plafond. Des racines s'entremêlaient aux pieds de sa commode, de petites fleurs aux pétales en triangle jetaient des éclaboussures rouges sur sa couverture. Un arbre avec de gros fruits ronds et bruns avait renversé sa lampe de chevet. Et par l'embrasure de la porte de sa chambre, il pouvait voir le palmier-chakra que Naruto lui avait offert, qui ce matin encore ne dépassait pas les soixante centimètres, et qui, à présent, touchait le plafond...
- Yo !
La silhouette efflanquée de Hatake Kakashi apparut sur le seuil de sa chambre, masquant le palmier à la vue d'Iruka. Il tenait une machette à la main et son œil droit était plissé d'amusement.
- Kakashi-san ? bredouilla le chuunin. Qu'est-ce qui se passe ?
- Oh, juste un peu de ratiboisage nocturne.
- Quoi ?
Iruka se leva, manqua de s'emmêler les pieds dans ses couvertures fleuries et traversa la chambre pour rejoindre la pièce principale. Là, le jeune professeur découvrit avec effarement que l'invasion florale s'étendait à l'ensemble de son appartement. Il y en avait partout : des plantes grimpantes sur sa bibliothèque, des buissons recouvrant son bureau, un nénuphar nouvellement éclos dans son évier et des arbustes en tout genres se disputant le moindre espace disponible. De la mousse épaisse et duveteuse avait poussé sur son tapis de Suna et le palmier-chakra avait tellement grandit que son pot en terre cuite avait explosé, répandant du terreau partout, et ses larges feuilles vertes et bleues frôlaient le plafond en diffusant une légère aura de chakra...
- Du chakra... pensa Iruka à voix haute.
- C'est ce qu'il semblerait, en effet, approuva Kakashi, à côté de lui. Apparemment, le palmier Seiki est le fruit d'une expérience de scientifiques shinobi du Pays du Bois. Ils sont parvenus, on ne sait comment à greffer du chakra sur l'arbre.
- C'est assez intrigant, en fait...
Iruka sursauta à cette nouvelle voix et resta bouche-bée en voyant un ANBU émerger d'un rideau de branches et de feuilles, là ou se trouvait autrefois son frigo. L'homme les rejoignit à coups de machette savamment distribués, et s'approcha du palmier-chakra sur lequel il passa doucement la main. Le geste semblait presque affectueux.
- La plante ne diffuse qu'une faible dose de chakra, expliqua-t-il d'une voix admirative. Si peu qu'on ne le détecte même pas si on ne sait pas quoi chercher. Mais suffisamment pour se transmettre aux autres plantes environnantes et provoquer leur croissance.
L'ANBU était probablement un ninja de type sensoriel, se dit Iruka. Il jeta un regard plat au palmier-chakra. Il ne savait si c'était à cause de l'heure tardive ou de la journée ahurissante qu'il avait eu, mais le chuunin n'était qu'à moitié surpris de voir que le cadeau ramené par Naruto avait transformé son appartement en forêt vierge.
- Sauf que je n'ai pas tant de plantes chez moi, fit remarquer Iruka. Juste une fougère et un bonzaï. Ça n'explique pas... « tout ça »
Il fit un geste englobant l'ampleur du phénomène végétal qui avait investit son appartement. L'ANBU tourna la tête vers lui et le dévisagea. Le chuunin se sentit un peu mal à l'aise devant le masque de porcelaine au visage de chat parfaitement inexpressif.
- En effet, Iruka-sensei, il nous reste encore beaucoup de choses à comprendre sur le sujet, répondit finalement l'ANBU.
Kakashi se racla la gorge :
- Et si nous nous mettions au travail ?
C'est ce qu'ils firent. Kakashi et son étrange acolyte prièrent Iruka de bien vouloir quitter son appartement le temps qu'ils « fassent le ménage » - pourquoi ne pas aller faire un petit tour dans la cour de l'immeuble ? proposa le jounin d'élite. Le chuunin, encore un peu endormi et sous le choc, acquiesça sans poser plus de questions. Il en était à un point où il ne demandait plus qu'à se laisser porter par les événements de plus en plus absurdes qui ponctuaient sa journée, du moment qu'il avait la possibilité de retourner dans son lit dans un avenir proche.
En descendant les escaliers, il croisa deux autres gardes ANBU. Probablement des renforts. Il se demanda pourquoi les services secrets de Konoha avaient été appelés pour gérer une bête invasion florale. Puis il se dit qu'il n'avait pas forcément envie de connaître la réponse à cette question.
Arrivé dans la cour, il trouva sa voisine de palier, Uwasa Tenka-san, installée sur le petit banc en pierre qui jouxtait le mur, et parfaitement réveillée malgré l'heure tardive. La vieille dame bondit dès qu'elle vit Iruka et commença à parler à toute vitesse : de ce terrible phénomène avec les plantes, de l'affreux remue-ménage provoqué par les jounins et les ANBU, de l'horrible angoisse que cela allait provoquer dans le quartier. La jeune homme fit un sourire qui était plus une grimace, et écouta ses bavardages d'une oreille distraite.
Au milieu de ces lamentations éplorées, il apprit toutefois que les plantes avaient envahi jusqu'à l'appartement de sa voisine, et que c'est en voyant des feuilles de lierre passer sous sa porte que Uwasa-san avait alerté l'ANBU.
Iruka ne savait pas ce qui était le plus incroyable : qu'elle ait jugé bon d'appeler l'ANBU pour des feuilles de lierre, ou que l'ANBU se soit effectivement déplacé pour des feuilles de lierre.
Heureusement, même si les raisons de leur présence demeuraient obscures, les gardes ANBU firent de l'excellent travail, et en moins d'une demi-heure les deux appartements touchés avaient été parfaitement remis en ordre – ce qui tenait de l'exploit vu la masse végétale dont il était question. Iruka s'esquiva avant que Uwasa ne l'épingle dans une autre conversation sans fin et se réfugia chez lui en verrouillant la porte derrière lui.
Il parcourut son appartement du regard, notant que sa fougère et son bonzaï – parfaitement taillés – étaient à leur place habituelle. Il ne se demanda même pas comment ils avaient échappé au « ratiboisage nocturne », il alla directement se coucher. Le chuunin s'effondra dans son lit mais resta les yeux grands ouverts. Malgré la fatigue, les pensées parasites se tortillaient dans son esprit : le palmier-chakra, les pigeons, le Oiroke, les rapports de missions...
Lorsqu'il parvint enfin s'endormir, Iruka sombra dans un sommeil agité, peuplé d'étranges rêves.
SAMEDI – 3h33
Hatake Kakashi sortit du Département Recherche et Savoir où les scientifiques s'extasiaient déjà devant le palmier Seiki. Il leva la tête et se dit que les étoiles étaient belles ce soir.
- Cette découverte va probablement nous apporter beaucoup d'avantages, scientifiques et militaires, remarqua l'ANBU Chat, à côté de lui.
- Mmhh...
- Kakashi-senpai, vous saviez que le palmier ramené par Naruto avait été génétiquement modifié...
- Oh, moi, les plantes... c'est pas tellement mon affaire, répondit le jounin d'une voix traînante avant de disparaître dans un courant d'air.
SAMEDI – 15h49
Lorsque Naruto apprit ce qu'il s'était passé durant la nuit, son cri résonna dans tout Konoha.
« Kakashi-sensei a OSÉ confisquer le cadeau d'Iruka-sensei ? »
