SE PERDRE…

L'univers de Candice Renoir, les personnages, etc ne m'appartiennent pas, mais à "Boxeur de Lune". Je dispose cependant de la "propriété intellectuelle" du déroulé de cette histoire, des personnages que je crée, des événements que j'imagine et que je soumets à votre lecture...

Je vous suis donc reconnaissante de ne pas publier tout ou partie de cette fiction sans avoir mon autorisation préalable...

Je vous souhaite une bonne lecture, en espérant sincèrement que cette histoire vous plaise.

N'oubliez pas... elle se déroule à la fin de la saison 3, avec la connaissance que nous avions alors des personnages, leurs comportements passés... Et notre (ma!) manière de les percevoir... Depuis, bien des choses ont changé... Ne m'en veuillez pas, certains personnages ont été malmenés au cours de cette fiction... mais tout cela dans le monde virtuel, ouf !

K.


- Antoine ! Réponds s'il te plait… Antoine ! … allez… J'ai besoin de toi…

La porte restait résolument close et Candice sentait l'angoisse monter en elle, graduellement. Seules deux raisons pouvaient justifier le silence de son capitaine. Soit il refusait de lui ouvrir et, plus globalement, de lui parler, soit il était absent. Cette seconde option paraissait être la plus probable et Renoir était intimement persuadée que son second l'aurait envoyée promener, plutôt que la laisser plantée à sa porte, tambourinant et appelant. D'un naturel discret, il ne souhaitait certainement pas attirer l'attention de ses voisins. Candice soupira. Antoine était certes un homme sensible, extrêmement doux et compréhensif, mais il avait aussi un caractère entier, explosif, parfois révolté… qu'elle ne parvenait pas toujours à anticiper ou, simplement, à comprendre… Elle appréhendait donc les causes de cette probable absence…

La blonde s'adossa à la porte, indécise. Soucieuse. Le capitaine Dumas avait dû se sentir trahi lorsqu'elle avait mis en doute sa parole, procédant aux analyses d'urine et le suspendant jusqu'à l'arrivée de ces maudits résultats. Elle soupira lourdement et se remémora leur soirée près des docks, quelques temps auparavant. Il lui avait alors avoué que c'était surtout à elle qu'il n'avait pas souhaité avouer sa dépendance aux médicaments… Cette déclaration l'avait tellement ébranlée qu'elle n'avait pas été capable d'en saisir immédiatement la portée…

- Mais quel con ! Il a dû se dire qu'il avait eu raison de ne pas m'en parler…

Antoine avait dû croire que, dans cette situation, elle ne le soutiendrait pas et qu'il était donc préférable de taire cette « faiblesse »… A nouveau, Candice soupira, songeant que, justement, si à l'époque il lui avait révélé son problème, elle lui aurait fait confiance, dans la salle des scellées. Mais non, durant les mois passés, chaque fois qu'elle l'avait questionné, il lui avait certifié qu'il allait bien. En la regardant droit dans les yeux. Elle l'avait cru. A cause de cela, quelques jours plus tôt, elle n'avait su si elle devait écouter ses promesses ou, au contraire, s'en méfier. Et elle avait procédé aux analyses. Candice se passa la main dans les cheveux puis sortit son téléphone, l'observant, indécise. Fallait-il appeler ou être patiente ? Se confondre immédiatement en excuses, ou s'inquiéter pour lui, le questionner, avant d'aborder le sujet des résultats qu'Aline venait de lui transmettre ?

Au rez-de-chaussée, une porte claqua, l'arrachant à ses doutes. Des pas lourds et pressés retentirent dans le hall puis dans l'escalier. La commandant préférait ne pas être surprise par Jennifer ou même par un voisin d'Antoine et quitta donc, à regret, les lieux. Le portable toujours à la main, elle descendait les marches en bois, plongée dans ses pensées. En atteignant le palier suivant, elle sursauta. Une haute silhouette venait de surgir face à elle…

- Antoine ! S'exclama-t-elle, incrédule.

Son collègue la fixait de ses prunelles vertes, silencieux.

- J'étais à ta porte, personne ne répondait… Je… J'étais morte d'inquiétude ! J'ai eu les résultats. Je suis désolée Antoine… J'aurais dû te croire, je m'en veux… J'appelle Attia, tu vas pouvoir réintégrer la brigade dès demain !

- Non.

La réponse, trop brève, la laissa pantoise quelques secondes durant.

- Comment ça, non ?!

- …

- Tu m'en veux ?

Dumas ne restait immobile, les lèvres serrées. Le regard dur…

- Oui, tu m'en veux, reprit la blonde. En même temps, je te comprends… Tu n'as pas idée à quel point moi aussi je m'en veux… Quelle conne de ne pas t'avoir cru… Je regrette tellement… Mais tu ne peux pas ne pas revenir… tu ne peux pas quitter l'équipe !

- C'est trop tard, de toute façon, fit son second en haussant les épaules, fataliste.

- Quoi ?! Rien n'est trop tard, enfin sauf si tu avais… non… Non, reprit-elle. Antoine, tu n'as pas donné ta démission ? Pas sans m'en avoir parlé ?!

- Si. Je reviens du commissariat. Attia a ma lettre. C'est fini, je ne suis plus dans ton équipe.

Elle avait l'impression de s'être pris une balle en plein cœur.

- Non… Non, murmura la blonde, sidérée. Tu ne peux pas me faire ça !

- Arrête Candice. Laisse-moi…

Comme anesthésiée, elle vit l'homme s'écarter d'un pas et la contourner, rompant le contact visuel. Ce fut comme un électrochoc et elle le saisit par l'avant-bras, le contraignant à lui faire face à nouveau.

- Non ! Certainement pas ! Tu ne peux pas partir, Antoine ! Tu es un excellent flic, on a besoin de toi dans l'équipe, tu comprends ? C'est en train d'exploser… Tout… depuis le départ de JB… ta blessure… Tu ne peux pas partir, tu entends ?!

- Et je ne peux pas rester. Plus comme ça… Tu le comprends… Murmura le capitaine en reculant d'un pas, comme pour s'éloigner d'elle.

- Je peux tout comprendre, Antoine ! Tout ! Mais pas CA !

Elle marqua ce dernier mot avec une vivacité emprunte de colère, heurtant de l'index le torse de son second. Cet ami, ce confident qui osait la trahir et partir. Surpris, Antoine se figea et, retenant une légère grimace de douleur, porta la main sur l'ancienne blessure que Candice venait de malmener.

- Oh merde ! Réalisa brutalement la blonde. Pardon, je t'ai fait mal… Mais quelle conne, c'est pas vrai…

Défaite d'avoir pu faire du mal à cet homme auquel elle tenait tant, elle se débarrassa de son téléphone, le laissant tomber dans son sac et le tout vint s'avachit sur une marche de l'escalier, dans la plus totale des indifférences. Candice était bien trop mortifiée pour se préoccuper de ses affaires. Elle avait posé, avec délicatesse cette fois, la main à l'endroit où la balle de Langlois avait touché son capitaine, un an plus tôt. Lui restait immobile. La situation lui paraissant soudain incongrue… Au-dessus de son cœur, main de femme, fine et blanche. Tremblante. Et Candice, étrangement silencieuse, l'espace de quelques instants, puis la nouvelle explosion :

- Mais franchement ! Tu déconnes, Antoine, s'exclama-t-elle en le frappant à l'épaule droite, cette fois. Tu sais combien je tiens à toi, à vous tous, dans l'équipe. Pourquoi tu ne m'as pas parlé de cette addiction, hein, pourquoi ?! J'aurais fait n'importe quoi pour t'aider ! Tu as bien vu pour Chrystelle, je ne t'aurais jamais laissé t'enfoncer ou risquer ton boulot ! Ta vie ! Antoine, tu comprends ?! Jamais !

- Candice… Protesta faiblement le policier.

Sans en tenir compte, la chef de groupe continua sa diatribe :

- Et tu imagines comme je m'en suis voulu, comme je m'en veux de ne pas l'avoir compris ? Oui, parce que je m'en veux encore d'être passé à côté de ça ! Alors quand je t'ai vu avec ces médicaments, dans la salle des scellées, ça a été plus fort que moi ! J'ai eu peur, Antoine, tu comprends ? Peur que tu aies replongé, et…

- Mais je te l'ai dit, je suis clean !

- Il y a quelques mois, tu m'as aussi dit que tu allais bien… en me regardant droit dans les yeux. Et tu étais accro aux médocs ! Comment je peux savoir quand tu me dis la vérité et quand tu me mens, si dans tous les cas tu me promets, tu affrontes mon regard ?! Je ne pouvais pas être sure ! Je ne voulais pas que tu replonges, que tu te fasses du mal, que tu risques ton boulot! J'ai eu trop peur de passer à côté, encore, et que tu n'oses pas me le dire, de… de ne pas pouvoir t'aider…

Le jeune homme demeurait silencieux, sidéré. Sa collègue lui assenait des coups dans l'épaule, comme pour marteler chacun de ses mots. Comme pour les ancrer dans sa peau et son corps… pour qu'il les comprenne… Et lui, il essayait de saisir ce qu'elle lui disait, tantôt criant, tantôt murmurant, comme à bout de force, au bord des larmes… Il découvrait ainsi avec stupeur cette autre version de l'histoire, celle à laquelle, jamais auparavant, il n'avait eu accès. Le vécu de Candice sur ces dernières semaines, ces mois écoulés depuis la fusillade sur le chantier naval… Plus calme, Renoir reprit :

- Je ne savais pas quoi faire, Antoine… J'ai essayé d'agir au mieux, pour toi, pour te protéger, t'aider… et pour l'équipe, pour Chrystelle… Pour moi aussi… Pour avoir le moins de remords, de regrets…

Le capitaine était désarmé devant cette soudaine vulnérabilité, et les aveux qui l'accompagnaient. Il ne savait même pas quoi répondre, ni même que penser de ce que sa collègue lui expliquait Tout ce qu'elle dissimulait, ce qu'elle avait pu éprouver, les raisons de ses actions, ces réactions en chaine… Tout se tenait, enfin, se justifiait. Il comprenait…

Candice avait cessé de le frapper et gardait une main au-dessus de son cœur tandis que l'autre se trouvait sur son épaule droite, comme si elle s'accrochait à lui pour tenir debout…

- On a besoin de toi, murmura-t-elle. J'ai besoin de toi. Pendant ton coma, même ces derniers jours, Antoine, j'ai… j'ai besoin de tes idées, tes réflexions, tes moqueries même ! Juste de ta présence, de ton soutien… Et puis il faut que tu sois là, pour m'éviter les erreurs de procédures, et les soucis avec l'ordinateur, ajouta-t-elle en tentant une pointe d'humour.

- Ecoute, Candice… je…

- Tu quoi ?

Dumas ferma les yeux, ne sachant plus vraiment comment répondre à la femme qui lui faisait face. Il y avait trop, au même moment, après des mois de silence et de mensonges… de frustration… il se sentait perdu, noyé dans ce flot tumultueux de paroles et d'émotions… D'instinct, il devina qu'une nouvelle explosion de colère menaçait, aussi ne fut-il pas surpris quand la voix de Candice éclata. La blonde s'était remise à marteler ses propos de coups d'index furieusement assénés sur son épaule.

- Et merde, Antoine ! Moi je t'ai confié beaucoup de choses ! Tu savais quand ça n'allait pas ! Je ne t'ai jamais menti ! Je te parlais… J'ai… j'ai même pleuré dans tes bras, Antoine, souffla-t-elle d'une voix brisée. Et toi… toi tu ne daignes même pas me dire que tu as un souci ? Tu trouves ça normal, toi ? Et si c'était l'inverse ? Hein, si c'était l'inverse…

Alors que les larmes roulaient sur les joues de la chef de groupe, le capitaine remarqua que, progressivement, les forces de sa collègue déclinaient jusqu'à ce qu'elle s'effondrait contre lui…

- T'as pas le droit partir, tu entends ? Tu n'as pas le droit de m'abandonner…

Ah, ce terrible sujet, si douloureux qu'elle ne l'avait pas partagé avec lui et avait même oublié l'avoir éhontément éludé, le soir où ils avaient gardé la fille de JB.

Il lui fallut encore quelques instants avant de sortir de sa catatonie. Jamais il n'avait su comment réagir à ses larmes. A peine les paupières du commandant perlaient que lui perdait ses moyens… et sa raison. Son cœur fondait à coup sûr devant sa détresse, cette vulnérabilité qui, rarement, perçait la carapace de courage, de pugnacité et de fausse candeur. Désemparé, il l'attira vers lui, l'enlaçant comme il l'avait fait à maintes reprises dans le passé. Il la serrait doucement, les bras pressés autour de ses épaules secouées de sanglots. Antoine se sentait émotionnellement submergé… Après quelques minutes, sans quitter cette antre, Candice reprit la parole tout bas, accompagnant ses mots d'une douce pression sur son torse :

- Si tu veux me faire payer de ne pas t'avoir fait confiance, alors ne pars pas. Reste, et montre-moi chaque jour que j'ai eu tort, que je peux compter sur toi, sur ton travail, tes idées, sur ta présence… Prouve-moi que je me suis trompée, que je peux te faire confiance, que tu te confieras à moi…

Candice n'eut pas le temps de relever la tête pour affronter le regard émeraude de son collègue.

- Oh ! Je vois… Fit une voix derrière elle.

- Jennifer ?! … Non, écoute, ce n'est pas ce que tu crois… ! Lâcha Renoir tout en s'écartant d'un pas.