C'est alors que Bilbo vit les yeux des nains se refermer, une paisible décision après la bataille. La mort qui avait conquis tant de nains ce jour-là, en emportant jusqu'à cinq fois le nombre d'orcs dans le chemin. La gloire de cette victoire, qui allait être chantée durant des siècles, commençait mais le cœur des survivants étaient accablés par la perte du flambeau de leur courage: celui en qui ils avaient perçu un Roi. Les guerriers si fiers et farouches, ses nains si opiniâtres et aguerris s'attroupaient autour des corps de la Famille Royale. La Lignée de Durin avait peint la route de son sang et le champ de bataille de sa gloire.
Bilbo rejoint Gandalf. Lui qui n'avait connu que des obsèques ordinaires d'hobbits morts paisiblement après une longue vie tranquille, la mort au combat, dite glorieuse, lui semblait davantage morose. Ce n'était pas de vieux tisons qui s'étaient éteints après avoir été de vives flammes mais des étincelles brillantes et majestueuses qui avaient virevolté vers la Gloire et les rêves.
Gandalf n'était pas sombre ou inquiet comme il l'aurait cru pour un proche à quelques minutes des funérailles grandioses prévues. Dans les ruines d'Esgaroth, dans ce qui devait être un promontoire ou un balcon, il parlait avec un énervement qui ne lui était pas ordinaire avec un homme d'un âge incertain. Vêtu d'une tunique rêche aux bordures satinées, cet homme portait un turban myosotis et une ceinture aux runes clinquantes. Quoiqu'il semblait être un homme dans la cinquantaine, Bilbo comprit bien vite que cette personne avait davantage en commun avec son ami et Radagast. Il avait des yeux perçants et un nez aquilins. Un long cou qui dévoilait une peau marquée de tatouages. Son regard d'aigle avait l'étoile de l'innocence et l'abime de la sagesse. Bilbo resta en retrait et l'observa. Les deux istaris* parlaient dans une langue qui lui était inconnue, apparemment n'était point de l'elfique car même le Roi Thranduil assis à leurs côtés, mettait de l'effort à faire semblant de les comprendre.
Bard arriva à travers les ruines d'une autre entrée;
-Vous m'avez demandé?
-Je sais que le moment est mal choisi mon cher, mais je crois que nous aurions besoin de l'Arkenstone avant la cérémonie. Demanda Gandalf.
-Vous m'avez expressément dit de ne pas la remettre à quiconque, surtout à quelqu'un qui l'a réclame, même vous-même, Gandalf. Dit le futur Maître de Dale avec un rictus.
-En effet, mon cher ami, mais je peux vous assurer qu'aucun de nous...du moins, Pallando et moi-même avons aucune convoitise pour le trésor qu'il représente mais ...asseyez-vous Bard, cela fait un bon jour que la bataille est finie, vous allez tomber!
Bard prit siège dans ce curieux cercle. Son visage bellissime de tueur de dragon portait les traces de la fatigue et du combat. Encore dans la même tenue couverte de sang d'orcs et de boue, il était le seul à sembler réel dans cette assemblée d'immortels.
-En fait, je ne crois pas que nous allons avoir besoin de déposer l'Arkenstone et Thorin dans une tombe, ni aucun de ceux que nous avions prévu l'inhumer aujourd'hui. Rajouta Gandalf.
-Je ne comprends pas. Répliqua Bard avec son scepticisme humain très typique.
Bard déposa son regard sévère sur chaque d'un en s'attardant spécialement sur le Roi des elfes. Le dit Pallando prit la parole solennellement :
-La Haar-kin-stône qué vous avez dane vo-tre poche, est lié à une peuple. Shelui qui possède une haar-kin-stône, est lié à sonne pouvooir.
Bilbo prit un instant pour traduire son accent inconnu tout comme le Tueur de Dragon.
-Quand un maître d'une pierre d'arcane meurt, son pouvoir est transmissible non pas à celui à qui ont l'offre, ni à la descendance naturelle mais à celui qui se prouve comme méritant ET désireux de l'obtenir.
-Je comprends... mais qu'est-ce que cela à voir?
-La pierre d'arcane que voici n'est pas seulement lié au nain que fut Thorin ou son grand-père mais est lié au pouvoir sur son peuple, la lignée de Durin et la population d'Erebor.
-Le Joyau du roi, on sait? Désolé, Sieur, mais j'ai justement un peuple à organiser et je commence à trouver de plus en plus impertinent cette pause à mon devoir. Dit Bard en se levant.
-La réflexion suivant étant, à quoi serre une Arkenstone? Continua Pallando calme avec une voix amoureuse de la rhétorique.
-À quoi serre les émeraudes et l'or? À la beauté des couronnes et la convoitise des pauvres?
-Certes, ce ne sont pas tous les minéraux du monde qui valent le pouvoir d'une pierre d'arcane aussi puissante... Le Grenat rougeoie, l'or scintillent et le mythril n'est point destructible mais une pierre d'arcane est plus qu'un joyau royal. Plus qu'une pierre.
-Dite moi-le si ce caillou peut nourrir mon peuple et rebâtir trois cités! Dit Bard en partant.
Bard quittait la petite pièce des ruines d'Esgaroth dans laquelle ils s'étaient réunis;
-Non, mais si je vous disais qu'elle pouvait ramener un peuple des morts?
Bard freina. La folie de l'Arkenstone avait fait venir de très loin ce mage idiot. Il se retourna et Pallando tenait dans ses mains l'Arkenstone. Vite, il toucha sa besace. L'Arkenstone y était encore pourtant. La colère monta en lui : il en avait bien assez de ces jeux et de cette magie.
-Très cher, voici Mon Arkenstone. La mienne n'est rien contrairement à celle qui est dans votre poche, mon Arkenstone est lié qu'à mon pouvoir et ne pourrait sauver personne d'autres que moi-même. Je vous le demande gentiment mais, je n'ai pas fait ce voyage pour rater une des plus grandes opportunités de faire mon devoir dans ce monde.
Bard sentit que la pierre tentait de sortir de sa besace. Il leva la main du rebord et elle volait vers le magicien qui tendit le bras pour l'attraper.
-Joli.
C'est alors que Bilbo remarqua que la pierre du mage était plus petite et quelque peu difformes mais qu'elle brillait encore comme la pierre de Durin avant la bataille. La constellation qui habitait l'Arkenstone de Durin était presque éteinte, les faisceaux de lumières perçaient à peine la coque de ce joyau bleuté.
Pallando se retourna vers Gandalf :
-Si on détruit la pierre, le pouvoir se libérera. Grâce à cette force, je serais en mesure de ramener le peuple entier. Tant que leur essence de vie n'aura pas encore rejoint les Valars**.
-Tu sais ce que tu risques, Pallando mon ami? Répliqua le mage gris.
-Je subirais la colère de Saruman un autre jour. De sa blancheur est née une grande naïveté qui lui fait craindre davantage les pouvoirs obscurs de ce monde. Il va craindre ce qu'il croit supérieur à lui et blâmer tous ceux qui ne rejoignent pas sa peur. Je n'ai pas peur de la mort.
-Crois-tu vraiment que cela va fonctionner? On parle ici de centaines de nains? Vont-ils être eux-mêmes ou...
-Gandalf, j'ai une pierre d'arcane depuis six centaines d'année. Je guéris les blessés que l'on croit mort depuis des millénaires encore. Je sais que cela va marcher. À Gol'gariad, le Roi de l'Oasis a fait la même chose pour sauver son peuple et les Valars l'ont oint d'une place d'honneur à la table des héros.
-Es-tu donc certain d'en mourir? Demanda Thranduil en levant le nez.
-Non, j'ai même déjà préparé mes mots d'excuses pour Saruman. Le Roi de l'Oasis était qu'un homme au cœur pur. Il n'avait aucune expérience avec la magie. J'ai deux Arkenstone et des centaines de vies d'hommes d'expérience. Je demande juste que le moins possible de gens soient au courant. J'ai peur aussi que le pouvoir soit moins grand que je l'eus espéré. Il se pourrait que l'Arkenstone ne ramène pas tout le monde. Dit Pallando en se levant la tête baissée par le poids du devoir et le désespoir.
Il semblait pour la première fois perdre son optimisme. Ce magicien ne craignait pas la mort, ne craignait pas le courroux du maître de son ordre mais verserait une larme pour avoir transmis un espoir vain.
Le champ de bataille avait déjà été vidé. Les amas d'orcs avaient été brulés au loin afin que leurs cendres se ne se dispersent pas dans la vallée d'Esgaroth. Un grand autel avait été érigé où était exposé le Roi, les Princes Kili, Fili et les autres héros. Des fleurs entouraient leurs corps et des femmes s'étaient occupées de les laver et les changer.
Bilbo regarda le magicien bleu prendre cette direction et s'en alla voir les autres nains. Balin, Dori, Nori, Ori, Óin, Glóin, Bifur, Bofur et Bombur venaient à peine de quitter leurs tenues de guerre et une fois propres, vêtus de leur tunique noire de deuil, mangeaient leur premier repas sans leurs amis. C'était encore plus triste que la mort glorieuse des nains. Cette table avec une chaise vide pour Thorin, un trou pour Kili, une assiette de trop pour Fili et un verre de trop pour Dwalin.
Il leur raconta ce qu'il avait entendu. Dès qu'il parla de '' ramener des morts'', il dut écourter les détails en racontant sur la route. Un enthousiasme chargé de mépris, de jugement hâtif et de craintes s'empara de la confrérie de Thorin.
Ils étaient maintenant sur un ancien promontoire dont les derniers étages étaient disparus depuis Smaug et le mage bleu était déjà au milieu des centaines de corps encerclés de fleurs. Gandalf, Thranduil et Bard étaient sur un autre promontoire non loin. Il était tard. La plus part des proches en pleurs avaient quitté le futur cimetière sauf une dame.
Elle portait un voile noir qui cachait une chevelure ondulée comme une rivière aux teintes de feu. Cette dame était une guerrière et portait encore les traces du combat. Dans ses yeux noyés, Pallando comprit qu'il n'aurait pas à la chasser du rituel.
-Madame, était-il un être aimé de vous?
Elle regarda le visage blême, presque bleu d'un nain jeune. Il remarqua alors que la dame était une elfe sylvestre. Jamais il n'avait pas reconnu une elfe, la lumière qu'était habituellement la beauté des eldars avait totalement été assombrie par le chagrin. La lumière du soir et du matin n'aurait jamais pu rallumer la flamme éternelle dans ce cœur blessé : Pallando le savait, il l'avait déjà vu.
-Je crois...répondit-elle. Je n'ai jamais pu …
Sa langue coupa sa phrase, surprise que le mage lui tendit une petite Arkenstone déformée.
-Ne bougez pas et pensez fort. Pensez à cet amour, pensez à la vie.
Le mage lui sourit et caressa ses cheveux avec une tendresse paternelle indicible. Il se releva et déposa au sol le joyau du roi. Il sortit de ses manches longues un marteau à deux mains. Ce qu'elle pensa être une arme de magicien était en fait une pioche de mythril. Il s'élança et frappa l'Arkenstone un coup franc. La vallée entière fut secouée une lumière chaude, comme un tonnerre d'étoile, un éclair d'arc-en-ciel. Tauriel sentit l'Arkenstone qu'elle avait dans les mains grouiller : comme un bébé dans le ventre d'une mère, en direction du magicien bleu. Elle du la prendre à deux mains afin qu'elle ne s'envole pas. Elle ne comprenait pas pourquoi il faisait ça , qui était-il? Des questionnements part milliers se battaient dans sa tête afin de recevoir réponse puis ses pensées revinrent à Kili . Ce nain qu'elle avait compris tout de suite et qu'elle avait senti connaître depuis de siècles. Ce qui l'avait poussé à rester à Dale le sauver, sa voix lorsqu'il était venu à son secours avant de mourir. Elle ferma les yeux avec force.
La lumière s'étendit loin dans la vallée et jusque dans le tréfonds de la terre. Cette poussiéreuse lumière nacrée fut absorbée par les corps de tous les nains mais même quelques hommes et elfes. Tauriel se leva avec effroi. Le mage bleu était tombé, mort lui aussi et l'Arkenstone devenait de plus en plus incontrôlable dans ses mains. Sentant que ses jointures allaient fendre, elle pressa et de la lumière s'échappa de ses doigts.
L'Arkenstone du mage alla de coincer entre son cou et son cœur et le mage bleu ouvrit les yeux. C'est alors qu'un grand souffle, comme un chœur qui inspire en même temps avant de changer de note, fut entendu dans la plaine. Le mage bleu lui sourit et regarda le corps auprès d'elle. Kili respirait, Fili, Dwalin, Thorin et tous les autres; torturés par la vie qui revenait à eux!
Ses genoux plièrent et avant de perdre connaissance, croisa à nouveau le regard vivant de Kili. Un regard bref plein de souffrance et d'incompréhension, un regard de vie.
FIN DE CHAPITRE
*Istari= Les cinq magiciens faisant partir de l'Ordre dont Saruman est le chef, Gandalf, Radagast, Pallando et un autre ( oups) sont membres. Les Istaris sont des métaphores des Archanges.
**Valars= Les Valars sont des dieux dans l'Univers du Seigneur des Anneaux. On en parle surtout dans les contes inachevés, les annexes ainsi que les récits pré-Hobbit. Les personnages vivant dans l'âge de Seigneur des Anneaux et Hobbit ne vénèrent plus vraiment les dieux, exception de certains elfes et nains.
N'ayez pas peur de commenter. J'ai voulu donner un style le plus possible tolkien à mon écriture par des descriptions longues et des figures de styles plus recherchée. J'espère pouvoir soutenir ce style dans les autres chapitres.
Sang d'Arkenstone est un opportunité de visiter le quotidien des nains comme le Hobbit et l'introduction de Seigneur des anneaux visitaient le quotidien des semi-hommes.
Autre note: J'ai choisi de commencer la narration en suivant Bilbo pour suivre le plus fidèlement la narration du livre avant de passer à l'épaule de Tauriel et suivant ce chapitre, d'autres personnages. Ce type de narration ( qui a surement un nom élaboré ) que j'aime bien dire ''caméra à l'épaule'' permet de voir l'histoire d'un point de vue semi-omniscient et de varier de ton selon l'observateur sans déborder dans les défauts structurels des histoires à la première personne.
******MISE À JOUR******* Principalement des corrections légères et nombreuses. N'ayez pas peur de me souligner des erreurs évidentes et commentez!
