Manque de professionnalisme

Entre deux gorgée de bière, elle observe Peter, penché au dessus de la table de billard, l'air extrêmement concentré. Elle prend appui sur sa queue et ne loupe aucun détail. Cela fait quelques semaines qu'ils ont pris l'habitude de partager quelques bières et d'oublier leur boulot, les évènements, la pseudoscience, les pratiques de Walter.

Elle a noté quelque chose au tout début. Très subtil. A peine perceptible. Plus les virées nocturnes se sont répétées, plus elle s'est mise à envisager quelque chose d'autre, à entrevoir d'autres possibilités qu'elle n'avait jamais soupçonnées, à voir Peter autrement que comme elle l'avait toujours vu.

Plus elle le regarde, avec son côté méchant garçon qui clash avec le petit pull par-dessus la chemise, plus elle sent de légères secousses remonter sa nuque. Quand il esquisse un sourire, elle se mordille la lèvre. Quand il la regarde, elle a la poitrine qui se sert un peu. Et si elle a d'abord pensé qu'il s'agissait des effets de l'alcool, si elle a essayé de se raisonner, plus les virées s'enchainent et plus elle ressent le besoin de se retrouver contre lui, de partager un moment plus intime, plus physique, qu'une partie de billard et quelques bières.

Elle n'a pas éprouvé de désir depuis John. Peut-être une fois, en Allemagne, mais c'était encore trop tôt. Et il y avait une histoire derrière.

Elle pense toujours à John, sans vraiment savoir ce qu'elle doit penser de John. Mais il n'y a pas d'histoire passée avec Peter.

D'histoire future non plus. Et elle sait que c'est le genre d'homme à ne vouloir s'attacher ni à un lieu ni à une femme, aucune attache, ce qui lui convient parfaitement.

Ils travaillent ensemble. C'est pour cela qu'elle refoule à chaque fois ses pensées loin d'être professionnelles. Coucher avec son partenaire, elle a déjà donné. Même si les circonstances et les sentiments étaient alors différents. Mais rien de bon ne pourrait en sortir, même si Peter et elle sont deux adultes consentants.

Pourtant elle ne peut s'empêcher d'y penser. Et plus elle essaie, moins elle y arrive. Parce que maintenant qu'elle y a pensé, elle se demande si Peter serait aussi cynique et sarcastique dans l'intimité d'une chambre à coucher. Elle se demande aussi s'il a d'autres cicatrices que celles apparentes, et se surprend régulièrement à imaginer la texture qu'aurait sa peau sous ses doigts. Elle se demande si elle retrouverait un peu de normalité en couchant avec un homme pour le plaisir, si elle se sentirait moins seule, moins abattue. Elle se demande surtout s'il serait capable de lui faire oublier les crimes perpétrés dans un but inconnu, et comment, et combien de fois…

« Arrête de penser au boulot et vient jouer ! »

Si seulement il savait, pense-t-elle à la fois gênée et amusée. Mais il doit bien savoir qu'il est une sorte d'aimant à femmes. Elle en a vu plus d'une se retourner sur le passage de Peter Bishop. Et c'est sans doute la principale raison (non pas raison, on est loin de la raison), l'élément déclencheur, de ces récurrentes envies de contact physique. Peter est charmant. Peter est également l'exact opposé de John, le John d'avant la trahison, ce qui doit être une autre raison… Sombre, mystérieux, espiègle.

Elle en a envie. Juste une fois. Pour exorciser. Pour mettre tout ça à plat et repartir sur de bonnes bases et ne plus penser au mot sexe quand Broyles lui dit de passer prendre Peter Bishop.

Et en pensant ça, elle lève les yeux et voit son sourire en coin et elle se dit qu'il faudra trouver une solution sous peine de ne plus penser qu'à ça.