The Long Wait
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Ce n'était pas l'attente qu'elle n'avait pas supportée. C'était l'incertitude. Cela faisait quatre ans que Ron était porté disparu, sans aucune nouvelle. Il était présumé mort : on ne comptait plus le nombre de cadavres retrouvés dans les prisons des différents camps de base des Mangemorts.
Il avait été capturé lors d'un combat en Cornouaille, près d'un petit village à majorité sorcière. Une dizaine de Mangemorts, et seulement six d'entre eux. L'Ordre, contacté dès le début des hostilités, avait mis de longues minutes à arriver. De longues minutes pendant lesquelles ils s'étaient empêtrés dans la boue – le ciel était clair mais il avait plut toute la nuit. Hermione avait été touchée au bras puis au ventre : des blessures superficielles, mais qui l'avaient suffisamment handicapée pour l'empêcher de prendre le dessus sur son adversaire. Entre deux sorts et les cris autour d'elle, elle avait entraperçu Tonks lutter contre deux hommes masqués et s'était demandée qui d'autre avait dû se lancer dans un combat sans espoir contre deux ennemis, sans qu'elle ne puisse les aider, embourbée dans son propre combat. C'est Harry qu'elle avait vu arriver en premier avec la brigade de secours. En minorité, les Mangemorts n'avaient pas fait long feu, mais deux d'entre eux avaient eu le temps de transplaner. Ce n'est qu'après avoir regardé autour d'elle, observé Hannah Abbott inconsciente et le sang qui coulait du front de Percy, qu'elle avait compris que les deux Mangemorts n'avaient pas transplané seuls. Ils avaient emmené Ron.
Hermione n'avait pas hurlé, n'avait pas paniqué. Elle avait croisé le regard de Harry sans éclater en sanglots et, si elle tremblait violemment, personne n'avait rien dit. Elle avait transplané au quartier général et participé à la réunion d'urgence avec les autres. Elle en était sortie quelques heures plus tard, les yeux toujours secs, et la longue attente avait commencé.
Les premiers jours, Hermione avait été nerveuse. Elle élaborait des plans toute la journée, réfléchissait aux cachettes possibles. Elle avait consulté les ouvrages traitant des conséquences d'une exposition prolongée au Doloris sans en parler à Harry. Elle préparait des potions de soin à longueur de journée et encourageait les combattants, calculait la probabilité de s'emparer du Manoir Malefoy. Elle ne pleurait pas et s'asseyait très droite dans sa chaise, mais ses doigts tremblaient constamment, prêts à se refermer sur la main de Ron quand ils le retrouveraient. Elle ébouriffait les cheveux de Harry, lui murmurait « Il ne t'en voudra pas. ». Ron rentrerait bientôt. Elle n'en doutait jamais pourtant, le soir dans son lit, elle étouffait, l'air se faisait rare, l'empêchait de crier.
Et au fil des mois, la fébrilité et la colère du début s'étaient lentement muées en désespoir, et la fin de la guerre était venue. Remus était mort, et puis Fred aussi : elle était allée à l'enterrement, elle avait pleuré dans les bras de Molly et mordu l'épaule de Ginny tout en la serrant trop fort, agitée de sanglots convulsifs. Elle avait pleuré pour Fred, pleuré d'avoir perdu un frère, pleuré pour Remus et l'enfant qu'il ne connaîtrait jamais. Mais elle n'avait pas pleuré pour Ron, car on ne pleure pas pour quelqu'un qui n'est pas mort.
La disparition de Ron ne l'avait pas éloignée d'Harry. Au contraire, il était la seule personne qui comprenait les conséquences de son absence. Pas un manque, ni une sensation de vide, mais plutôt une douleur sourde dans ses membres qui les rendaient lourds, si lourds. Harry ne s'était jamais pardonné de ne pas avoir été avec eux ce jour-là. Avec lui.
Les morts enterrés, Hermione avait trouvé un travail au Ministère : un vrai travail, qui la passionnait et l'épuisait, un métier dont elle avait rêvé à Poudlard, pas une vaine occupation pour se changer les idées comme tant d'autres après la guerre.
L'espoir d'avoir de ses nouvelles s'amenuisait de jour en jour. Les premiers mois après la guerre, Hermione avait suivi de près toutes les avancées concernant les Mangemorts encore en fuite. Elle avait participé à la prise de vieux manoirs et à l'exploration des geôles défoncées, le cœur battant dans les tempes alors qu'elle détaillait les corps décharnés trouvés dans les cellules: des morts, et des vivants qui semblaient ne plus l'être.
Au bout de quelques semaines, Harry et elle avaient cessé de participer à ces missions qui les tuaient doucement. Alors Hermione s'était contentée d'aller voir les dépouilles à la morgue, tous les corps non identifiés, sans exception. Les jours s'emmêlaient, et Hermione vivait autant parmi les vivants que parmi les morts. Et un de ces jours froids, dans la salle blanche de la morgue, un jour où elle regardait avec soin la montre d'un des cadavres, Hermione avait compris. Elle était en train de vérifier les bosselures au dos de la montre de l'homme étendu sur la table, tentant de se rappeler si celle de Ron avait été en or ou en argent, et elle avait compris qu'elle cherchait à savoir si cet homme mort, au visage tuméfié et au corps abimé au-delà de l'humain, était Ron.
Elle cherchait Ron parmi les morts, et plus parmi les vivants.
La suite et fin de cette très courte histoire arrivera dans quelques jours.
A propos du titre: quand une histoire est en français, je n'aime pas trop les titres anglais. Pourtant, comme d'habitude, impossible de changer de titre une fois qu'il s'est imposé, totalement par lui-même, sans me laisser prendre en considération le fait qu'il soit bon ou mauvais (ou suffisamment accrocheur).
