L'étoile de sa vie venait de s'éteindre. Le grand roi de la lignée de Numenor s'était laissé mourir. Leur monde s'était éteint en même temps que la lumière de ses jours. Dans le dernier souffle qu'il exhala, le quatrième âge venait réellement de naitre.
Une larme prit naissance à la base ses yeux d'opale, perla de ses longs cils noirs, roula le long de sa joue de marbre et s'échoua sur le corps encore chaud de l'homme étendu devant elle. Devant, reposait sur la dalle de pierre tout l'éclat du troisième âge. Celui-ci venait de mourir avec le dernier grand roi du Gondor et de l'Anor.

Les troisième et quatrième âges, qui jusque là melaient les voiles de leurs grandeurs, venaient de se déchirer en deux entités. Le temps des hommes était venu, les derniers elfes encore restant quittaient la terre du milieu. Les grands héros d'autrefois n'étaient plus que légendes. Les porteurs de l'anneau étaient partis depuis longtemps sur un de grands bateaux portés par Olme. Le hobbit Samsagace avait lui aussi rejoint Tol Eressa. Merry et Pippin reposaient dans la maison des rois qui était prête à accueillir son nouvel hôte dans le calme religieux de l'attente. Bientôt Legolas prendrait la mer avec le nain Gimli. Il n'avait que trop refrainé l'appel de la mer.
Et elle, elle restait là aussi immobile qu'une statue, courbant à peine la tête devant les gens venus présenter leur hommage à la dépouille de celui qui avait été leur roi.

Et, bien trop tôt, ce fût l'enferment, dans une pièce froide, du corps de l'être aimé. Plus jamais son corps verrait la lumière. Cette pièce froide et stérile la glaçait d'effroi, la mort habitait ce lieu. Jamais la maison des rois ne lui avait paru si triste. Lorsque la porte du caveau se referma sur le visage de celui qui avait partagé sa vie, et pour lequel elle avait renoncé à son immortalité, elle comprit l'amertume de ce qu'était la condition humaine. Elle quitta Minas Tirith comme une âme en peine. Elle avait pris ses dispositions en même temps que son époux, plus rien ne la retenait ici.
Son cheval la mena en ce qui avait été autrefois la Lothlorien. Le goût de l'amertume emplissait sa bouche. Le don des hommes se trouvait être fort cruel. Contrairement aux elfes qui éprouvaient au bout d'un temps la lassitude de leur condition, les hommes n'avaient pas cette chance. Leur vie n'était qu'une étincelle, une étoile brillant faiblement dans le grand canevas d'Iluvatar.

La Lothlorien était à l'image de ce qu'était son monde maintenant, froide et stérile. Les chants et les voix rieuses des elfes ne se faisaient plus entendre dans la canopée. Le vent ne faisait plus chanter les feuilles dans un carillon feutré. Les fleurs ne parsemaient plus la colline et l'herbe n'ondulait plus sous les pas aériens des siens. Elle était seule en ces lieux où elle avait jadis vécu paisiblement, profitant du royaume de son aïeul.
L'hiver s'était abattu sur ses yeux autrefois si rieurs. Elle grimpa aussi lestement que le permettait son chagrin jusqu'à la colline et là s'écroula, en pleurs. De la terre entra dans sa bouche qu'elle avait ouverte dans un cri silencieux. Ses bras nus frappaient le sol, la poussière maculait, de longues trainées marron, la blancheur de ses membres graciles. Ses longs doigts fins se recourbaient tels des serres sur l'herbe stérile. Ses longs cheveux épars plongeaient son beau visage, ravagé par les larmes, dans le crépuscule.
Le vent qui venait de se lever souleva de la terre des mottes qu'elle avait sorties des entrailles de celle-ci. Les fines particules emportées au-delà de la désolation de ces lieux, lui laissèrent un gout arcre dans la bouche. Le vent balaya les mèches de cheveux qui cachaient son visage, dévoilant ses yeux. Leur lueur s'éteint éteinte, les yeux se voilaient déjà.
L'étoile du soir venait de perdre son éclat. La faible lueur qui luisait encore en son sein venait de s'éteindre, balayée par le vent qui promenait son souffle glacial sur la Terre du Milieu. L'hiver arrivait à grand pas, et avec lui son cortège de longues nuits. Mais la nuit qui commençait à étendre ses longs doigts noirs, ne sera cette fois-ci qu'éclairée par la lumière blafarde qu'Arwen était devenue.
Undomiel était devenue froide et grise comme la nuit qui vient en hiver sans une étoile.