Le froid enflammait sa gorge asséchée. La lune l'accablait de ses rayons profanateurs d'un supplice jadis dissimulé. Le temps l'inondait, le plongeait dans cet éphémère néant. Ses iris se tapirent dans le brouillard, sa peau s'entourait d'une enveloppe cadavérique. Le visage dirigé vers la lune et voilà le silence troublée par un hurlement qu'on aurait pu assimiler au plus mélancolique des soupirs. Plaintif, compatissant, le ciel abattit son déluge sur la scène et son auditoire. Comme pour mieux l'étouffer ses vêtements s'attachèrent à sa peau, délimitant le contour d'un corps à la volonté soumise au Malin. Sa tête redescendant lentement dévoila les yeux torturés d'un frère. Son regard balaya les alentours à la recherche d'une âme reconnaissable et finit par se poser sur un corps inerte aux cernes épaisses et noires.

La mort avait bleuit sa chair, accueillit son ultime souffle. Le baiser mortel porté il y a un an avait ternit ses lèvres charnues, décoloré ses joues. Étendu sur le dos, les mains le long du corps, son torse restait inhabité. Une étrange sérénité avait détendu ses traits faciaux, embellit son visage. Un sourire coupable finissait de sculpter sa bouche, faisait naître le doute sur son décès pourtant prononcé.

La démarche alourdie par un lourd fardeau, le corps et l'esprit résiduels de Sam s'approchèrent du cadavre. Une main salvatrice aux ongles violacés se posa sur sa poitrine meurtrie tandis qu'au milieu de l'eau ruisselante sur ses pommettes glissèrent quelques larmes. Cette dernière trace d'émotion subtilement cachée derrière un visage placide passa inaperçu aux yeux de la ruée de démons qui les encerclaient.

Une de ces créatures s'approcha traînant sa longue chevelure blonde derrière elle. Son dessein éclata au grand jour quand un sourire satisfait étira ses lèvres. Il était tel qu'elle le voulait: démoniaque.

Alors, soulevé par le premier battement de son cœur, Dean écarquilla les yeux. Son corps engourdit par le froid lui décrocha une grimace de douleur. L'odeur du souffre l'imprégna jusqu'à le rendre nauséeux. Confus, ce ne fut pas sans peine qu'il réussit à se hisser sur ses jambes. Le temps d'un soupir lui suffit pour mesurer la gravité de la situation. Sa bouche à la voix étriquée parvint tout juste à former le nom de son frère disparu.

Ses pieds nus foulaient le sol boueux de la forêt. Il entendit à peine la voix qui prononça son nom. Bobby apparut d'entre les arbres sitôt après avoir reconnu celui qu'il considère comme son fils. Il n'aperçut que très vaguement la main qui s'enfonça dans sa poitrine et en ressortit son cœur.