J'ai levé la tête et je me suis rendue compte que le ciel n'était plus qu'un amas de fumée. Les nuages noirs annonçaient un orage prochainement, mais le temps n'était qu'un détail futile quand on comprenait que sur la terre quelque chose de plus grave s'y était passé. Les sorts avaient fusé de toutes parts, le château tombait en ruine. Destruction.

Si seulement j'avais pu prendre un pinceau et toucher le ciel pour que ses teintes bleutées ne disparaissent jamais. Avec ces nuances claires, j'aurais repeint ton visage souillé par la guerre. Je lui aurais redonné son éclat d'innocence. Tu n'étais pas faite pour voir tant d'horreur, personne n'y était préparé. Les rêves que tu t'étais forgé ont volé en éclats dès que la première incantation fut prononcée. Tu savais que ça devait arriver, mais la violence du choc fut telle que tes barrières furent brisées. Ton sourire s'est envolé avec tes espoirs de paix. Pourquoi les hommes ressent-ils le besoin de se faire souffrir ? N'y a-t-il pas assez de douleur sans qu'ils en rajoutent ? Ne connaissent-ils pas la peine de perdre un être cher ? Toi, tu la connaissais. Tu n'étais pas prête pour revivre ce cauchemar.

J'aimerais te prendre dans mes bras et te rassurer, mais la guerre est dévastatrice et ses dégâts sont irréversibles. L'étincelle qui faisait autrefois briller tes yeux a disparu. Tu es clouée au sol, tes ailes se sont déchirées, t'envoler est désormais impossible. Tu es coincée, tu ne peux pas t'échapper.

Ta peau nacrée si pure a un aspect désolant. Les ecchymoses et les lacérations sont présentes sur tout ton corps fragile. Tes longs cheveux blonds devenus ternes se mêlent dans une danse macabre. La poussière, la sueur et le sang recouvrent d'une fine pellicule ton visage aux traits doux. Tout a changé en si peu de temps. Ton ombre n'est plus qu'une tâche ténébreuse parmi tant d'autres. Le château majestueux qui t'avait accueillit est enveloppé d'un silence morbide.

La guerre est finie, mais rien ne pourra te rendre ton insouciance et ta joie. Toutes les couleurs ont disparu. Il ne reste que les cendres pour apprécier votre victoire éphémère. La paix ne sera jamais totale, il y aura, comme toi auparavant, des résistants se révoltant pour la cause qu'ils trouvent juste. Pourquoi les hommes ne peuvent-ils pas se côtoyer même avec leurs différences ? C'est à cause du pouvoir, de ce sentiment de puissance et de contrôle. Mais à quoi ça sert de se battre si c'est pour qu'au final la majorité soit toujours malheureuse ? Et toi, tu fais partie de ceux-là, car on a brisé tes rêves. Tu es déchirée de l'intérieur. On pourra toujours soigner les blessures physiques, mais on ne pourra jamais recoller les morceaux d'une liberté dérobée. Finalement, te battre, tu l'as fait pour tes amis, car ils comptent pour toi, même si tu as dû perdre ton enfance pour ça. Parce que maintenant, tu n'es plus Luna, amie de la Lune, tu es une âme abandonnée, prisonnière d'un passé tragique.