Titre : Le Pic de Narcisse.
Auteur : L'Ombre de la Lune.
Couple : allez savoir.
Warning : Yaoi avec une scène plus ou moins explicite, contient aussi des Spoilers.
Note : J'espère que vous prendrez beaucoup autant de plaisir à la lire que moi de l'écrire.
Le Pic de Narcisse.
Chapitre 1: Réprimande.
Il me suffisait d'entendre ce nom pour connaître le plaisir, il me suffisait d'entendre ce nom pour que mon coeur se déchire de douleur. La passion qu'il engendrait en moi, calcinait mes veines, consumait ma raison, brûlait dans toute mon âme pour finir par me détruire. Comme son innocence était dangereuse, comme son amitié me tuait ! Je compris bien vite que le désir pouvait tout anéantir, convoiter ce qu'on ne pourra jamais avoir, est ce qu'il y a de plus humain et de sanglant dans ce monde.
Je me souviendrai toujours de mon entrée dans l'Ordre, de tout ce qu'elle a engendré. Je n'étais pas vraiment pour, j'avais conscience que je ne possédais rien qui ferait de moi un guerrier ni un homme, un vrai. Je savais que j'étais plus apte à l'étude qu'à l'épée, je me voyais plus ecclésiastique que guerrier, mais si on pouvait choisir son destin, tout serait beaucoup trop beau. C'était le voeu de ma famille, l'ambition de mon père qui voulait me voir suivre ses traces. Alors, c'est devenu la mienne. Malgré tout, je ne l'ai jamais regretté.
Du moins, je savais que je n'étais pas normal, je n'étais pas comme les autres et ils me le faisaient savoir. Sans doute mon père souhaitait voir disparaître cela, il voulait que je sois normal. Mais au fond, qu'est-ce que c'est la normalité ? Une suite de règles de conduite qui permettent l'acceptation ? Mais on ne peut renier ce qu'on est, n'est-ce pas ? Je me le suis toujours demandé ; je n'ai jamais trouvé de réponse correcte ou du moins, une réponse qui suivrait la pensée générale.
Mais passons, ce n'est pas ce qui est important en fin de compte, c'est le jour de cette rencontre qui l'est.
Je me souviendrai de cet instant comme le plus beau de ma vie, ma mémoire ne me trahira jamais sur la beauté de cette après-midi. Le vent soufflait doucement, chaud et doux, le soleil brillait tandis que les cieux étaient teints d'azur. C'était beau, et je ne pouvais pas m'empêcher de goûter à cette beauté. Cela m'était si agréable et si apaisant. Je rêvassai, assis sur les marches de la cour, lointainement, je percevais le rugissement des épées de mes compagnons, ils s'entraînaient en attendant le Général. Je n'aimais pas le combat, alors je m'isolais, certain que je pourrais échapper à la violence de leurs affrontements. J'étais comme une fleur... oui une fleur parmi eux, fragile, frêle, une fleur parmi la brusquerie de l'adolescence.
— Hey ! Tu vas rester longtemps ainsi ? Tu viens te battre ?
Je relevai la tête, observai mon camarade dont une lueur railleuse dansait dans son regard. J'allai parler quand il s'écria en désignant le groupe de fille prés de lui :
— Tu devrais plutôt les rejoindre, je suis sûr que l'uniforme féminin t'ira à merveille !
Quand je disais que je n'étais qu'une fleur, il n'était pas normal qu'un garçon possédât des traits plus fins que ceux d'une fille. Je ne répondis pas, pourtant la colère m'envahissait. Orgueil ou gêne ? Ces deux sentiments se mêlaient. Je l'ignorai volontairement, mes yeux restaient fixés sur les cieux.
— Tu as perdu ta langue ? Ajouta un autre.
Cette fois-ci, je plantai mon regard dans le sien, mais je ne parlais toujours pas. Ma main s'était refermée dans un poing.
— On est en colère ? Tu veux te battre ?
— Viens, si t'es un homme !
— Là est tout le problème !
— Vous avez fini, oui ?
Je sursautai en entendant cette voix si grave et profonde, j'en cherchai la source, car je ne la connaissais pas. Parmi le groupe de nos aînés, un jeune homme à l'attitude désinvolte nous observait. Je plissai les yeux pour mieux l'examiner, il se détacha du groupe et s'avança vers nous :
— Vous vous en prenez à plusieurs contre une seule personne ! Croyez-vous que c'est digne de l'Ordre ?
— Mêle-toi de ce qui te regarde !
— Il n'est pas plus digne de l'Ordre que de...
Je poussai un soupir, lassé, toutes ces disputes provoquaient en moi un certain ennui. Pourtant, je n'arrivais pas à détacher mes yeux de ce jeune homme, d'une certaine manière, il représentait ce que je ne serais jamais. Il était grand, musclé, l'insolence et la gaîté se peignaient sur son visage. Nos regards se croisèrent, je ne pus réprimer le frisson qui courra sur mon échine. Une sensation que je n'avais jamais connue auparavant, il me mettait mal à l'aise.
— Si vous continuez, vous allez le tuer d'ennui ! Déclara-t-il sans détacher son regard du mien.
Pour la première fois de ma vie, je détournai mes yeux. Qui était-il ? Je voulais le savoir !
Je me relevai et passai devant mes camarades en les ignorant royalement, mon coeur battait fort dans ma poitrine. Je peinais à rester impassible.
— Arrogant ! Jura mon camarade en prenant mon bras. Pour qui te prends-tu ?
— Pour un noble. Fis-je aussitôt avec mépris.
— Oh ! Les gars, calmez-vous !
Cette fois-ci, l'inconnu nous rejoignit. Je n'osai pas le regarder, alors je fixais l'autre. Il posa sa main sur mon épaule, j'eus un autre frémissement que je feignis d'ignorer en mordant ma langue. Je me détachai aussitôt, m'avançai vers mon adversaire et murmurai :
— Les chiens aboient, mais ne mordent pas.
— Toi...
— Tu te sens visé ?
C'était rare lorsque j'agissais ainsi, habituellement, je me taisais. Pourtant, je sentais la honte m'envahir au fur et à mesure que l'inconnu se tenait prés de nous, je craignais qu'il me crût faible pour me défendre. Je ne voulais pas qu'il se méprenne, j'avais beau être frêle, je n'étais pas faible pour autant.
— C'est ce qu'on va voir ! Prends ton épée !
Un cercle se forma aussitôt autour de nous, nous nous fixâmes de longues secondes, j'eus un nouveau soupir et déclarai :
— Hanzel, que tu es puèril !
— J'ai dit calmos, intervient l'inconnu en posant à nouveau sa main sur mon épaule.
J'enfonçai mes ongles dans ma peau, la vague de chaleur qui me submergea m'étouffa de gêne. Il ne devait pas voir cela. Sans le regarder, je lui dis :
— C'est une question d'honneur.
— Quoi ? Mais tu as dit toi-même...
— L'honneur. Répétai-je aussitôt.
— Ces jeunes... jura-t-il. Enfin, j'étais pareil à votre âge.
Il abandonna et s'éloigna de quelques pas. Tous nous fixaient, je dégainai l'épée même si je n'étais pas habitué à la manier. Je lui préférais le bourdon, mais je craignais que mon adversaire se moque de moi. Je ne voulais pas qu'il le fasse devant mon aîné dont je sentais les yeux posés sur moi. Cette idée ne fit qu'augmenter ma tension. Ma main était moite sur le manche de mon épée.
— Le premier qui désarme l'autre à gagner.
— Entendu, répondis-je.
— Il s'agit d'un combat, continua Hanzel en riant, pas d'une leçon de couture.
— Il s'agit d'un combat, répétai-je, pas d'une leçon de ménage.
— Tu vas voir !
Sans crier garde, Hanzel bondit sur moi. Aussitôt, j'esquivai à sa gauche. Il se retourna et porta l'offensive, je parai d'une seule main, tandis qu'il tenait sa lame des deux mains. Je le repoussai, fis un pas sur le côté et l'attaquai. J'étais en apparence calme, mais au fond de moi, j'avais peur de perdre. Il para et jura entre ses dents. La main gauche derrière mon dos, je continuais de soutenir sa force de l'autre. Il était plus grand et plus lourd que moi, mais j'étais plus rapide et agile. Alors, contre toute attente, j'abaissai mon épée. Hanzel profita de cette occasion et chercha à m'atteindre à l'épaule, persuadé que je parerai. Mais sa lame ne toucha que le sol, j'avais reculé en exécutant un tour complet avec une certaine grâce féline. Je me montrai soudain sauvage, je l'attaquai au flanc, il voulut éviter, mais il n'avait pas fait un mouvement que son épée tomba contre le sol.
Mon aîné poussa un sifflement admiratif, j'étais fier de moi. Je souris à Hanzel, avec mépris.
— Eh bien... malgré tes traits délicats, tu es redoutable !
Malgré mon envie, je ne tournai pas la tête vers lui. J'avais peur de rougir sous son regard, je fis d'une voix tremblante :
— Merci.
— Qui t'a appris ces mouvements ? Cracha Hanzel. Tu te prends pour une danseuse ?
— Oh...
Mais c'était trop tard, je m'étais déjà lancé sur lui. Épée en main, j'allai l'abattre sur Hanzel quand je sentis un bras me comprimer la poitrine. Surpris, je lâchai mon épée, cherchai à me débattre quand je cessai brusquement :
— Arrête de bouger ! Il veut juste te provoquer !
Son souffle chaud glissa sur ma nuque, un nouveau frisson me parcourut, mon coeur battait de plus en plus fort contre ma poitrine. Il me tenait, il était juste derrière moi et j'entendais sa voix profonde au creux de mon oreille. Je ne comprenais pas ce qui se passait, pourquoi j'étais si bouleversé. J'aurai pactisé avec un spectre pour le savoir et pour y remédier.
— Qu'est-ce qui se passe ? Rugis une voix.
Je me tournai vers le Général Oror et Gismor à sa suite, noble, le Lion Blanc s'avançait vers nous. Gismor balaya de son sombre regard notre groupe, il dit :
— Une bagarre.
— C'est lui qui... commença Hanzel.
— Je ne veux pas le savoir ! Le coupa Oror. Allez ! Reprenez l'entraînement ! Il me fixa et ajouta : nous parlerons de cela plus tard.
Mon aîné consentit à me lâcher, il soupira. Mon coeur continuait de battre dans un rythme frénétique, tandis qu'un petit groupe de fille vint m'assaillir de leurs voix criardes. Au loin, Hanzel m'observait avec jalousie.
— Comme tu es fort ! S'exclama une petite brune. Et si fin, regardez comme sa peau est douce.
Je reculai, pourtant je sentis sa main sur ma joue. Ce brusque débordement d'intérêt ne me plaisait pas.
— Comme celle d'un enfant ! Ajouta son amie en me touchant.
— Et ces cheveux, ils sont si soyeux, j'en suis jalouse.
— Ces joues... on dirait celles d'une fille !
— Euh...
— Vous allez finir par l'étouffer ! N'avez-vous pas entendu notre Général ? S'exclama mon aîné dont l'intervention me submergea de honte.
Elles protestèrent, mais s'éloignèrent quand même ; il s'approcha de moi et me lança d'une voix moqueuse :
— Il faudra que tu me dises comment tu fais, princesse !
— Pardon ?
— Oui, parce qu'avec moi, elles ne sont pas comme ça !
— C'est parce que tu es vulgaire et arrogant ! S'écria un de ses amis. Les femmes sont trop pointilleuses pour toi !
— La sueur, c'est le parfum des hommes pourtant ! Pas vrai ?
J'éclatai aussitôt de rire, la tête qu'il avait faîte était trop drôle. Il avait pris un air si sérieux alors qu'il ignorait que son « parfum » empestait à dix kilomètres.
— Enfin, soupira-t-il, comment tu t'appelles ?
Je me calmai difficilement, il n'avait pas l'air de comprendre pourquoi je rigolais. Je répondis, le souffle peinant à me revenir :
— Yaha.
— Enchanté Yaha, moi c'est Urick. Lança-t-il sur un ton plein de joie.
Il avait dix-sept ans, j'en avais quinze et nous faisions partie de l'Ordre des Chevaliers des Sceaux.
