Titre : Twisted (Tordu)

Auteur : cheryl bites

Pairing : Classée en tant que Harry/Voldemort, mais c'est seulement si vous voulez voir quelque chose entre eux car il n'y a absolument rien d'explicite

Traductrice : Opast, avec accord de l'auteur comme d'habitude

Avertissements : Langage, violence, tentative de suicide, automutilation

Contexte : Sixième année à Poudlard


La fin de vie s'avérait étrangement surprenante, et le plus étrange résidait dans le sentiment inattendu de joie qui l'accompagnait. C'était direct, simple et enivrant : le froid ne l'était pas tant que ça car la nervosité enflammait son corps; les rafales de vent étaient tout bonnement excitantes; Harry avait laissé ses vêtements, sa cape d'invisibilité et son couteau près de l'escalier, avec une note posée tout près, puis sept enjambées jusqu'aux remparts plus tard, et le voilà qui volait.

Descente, descente, descente, descente.

Et ensuite venait l'allégresse de pouvoir admirer l'entièreté du terrain en dessous de lui, comme s'il tombait à l'intérieur d'une boule à neige; absolument magnifique, le seul moment de vie qui vaut la peine d'être vécu, le seul moment de mort qui vaut la peine que l'on se tue; presque nuit et un petit raie de lumière à l'horizon, comme la flamme d'une bougie, se reflétait sur le lac; et autour, l'opacité des ténèbres.

Il tombait vers les arbres, du sang gouttant derrière lui, et vit une petite créature d'un blanc éclatant étendue sur l'herbe. Un oiseau mort, peut-être. Il allait bientôt s'écraser au sol mais il continuait toujours de tomber. C'était un gros oiseau mort. Il allait bientôt s'écraser au sol ? Non, il continuait de tomber, et c'était une licorne morte.

Comme ça tombait à pic. Il allait pouvoir lui tenir compagnie.

Descente, descente, descente, descente, bruit sourd. Oups.

Pendant une seconde ou plus, Harry fut incapable d'enregistrer ce qui venait de se passer, trop stupéfait par la comédie perpétuelle qu'était sa vie. Jette ton pain à la surface des eaux (1), dirait-on. Puis il constata qu'il avait atterri sur quelque chose de noir et de mou, invisible en comparaison du pelage clair de la licorne; quelque chose qui bougeait, se tordait, se débattait sur le sol moussu. Troublé, Harry prit ses distances et se saisit d'une baguette abandonnée.

Le Lumos révéla quelque chose de déroutant. Un objet noir sur un fond noir. Harry se pencha avec incertitude, posa sa main sur le noir; c'était une étoffe, une robe, enroulée autour d'un corps agité de spasmes. Le sommet du corps était pourvu d'un visage aussi blanc que la licorne. Le visage de Voldemort.

Harry utilisa une moitié de son cerveau pour chercher où sa santé mentale aurait pu aller, tandis que l'autre moitié réfléchissait à ce qui était arrivé à l'homme. Un Harry s'était abattu sur lui, certainement, et un Harry qui venait de chuter sur soixante mètres; mais sûrement aurait-il dû être mort ou inconscient, non pas en train de le fixer sans voix, les yeux dilatés par le choc, le corps rigide et convulsif, les mains prises de petits tics nerveux qui se refermaient dans le vide...

Et il y avait une tache sur le devant de sa robe qui était plus foncée que le noir. Elle était trempée. Trempée d'un liquide chaud, le sang.

Harry souleva un pan de robe et souhaita immédiatement ne plus avoir d'yeux; souhaita qu'il puisse avoir une autre existence que celle d'un sorcier à peine accompli se trouvant dans une forêt sinistre, avec son pire ennemi couché devant lui et qui tremblait de tous ses membres, le bout d'une corne de licorne sortant de son estomac. Harry se demanda vaguement combien mesurait une corne de licorne, trente centimètres, peut-être ?... Cela n'avait pas d'importance, toute sa longueur était logée dans l'abdomen de Voldemort. Il était vraisemblablement tombé en arrière et le poids de l'adolescent sur lui l'avait fait s'embrocher sur la corne; bien que ce n'était pas particulièrement important puisqu'ils étaient tous deux pris au piège dans cette horrible dystopie où Harry n'avait aucune idée de comment le tuer ou le sauver. Il s'assit et se mit à réfléchir sans grand succès pendant que Voldemort était parcouru de soubresauts et puis, comme toute personne raisonnable après qu'un énorme pieu vous ait transpercé la colonne vertébrale, il donna de grands coups saccadés dans le vide avant de s'immobiliser. Seule sa respiration bruyante et encombrée persista, comme s'il avait de la poussière dans les poumons.

Harry essaya de se calmer et souffla à mi-voix, "Okay." En fait cela n'allait pas bien du tout, et ce ne serait jamais le cas, puisqu'il était dans la Foret Interdite, trempé des fluides corporels d'un kebab Voldemort; mais il ne servait à rien de se plaindre. Il se pencha et saisit ses épaules. "Ça va aller," lui assura-t-il, "Tout va bien."

Les non-lèvres de Voldemort remuèrent, et celui-ci resta bouche bée pendant un moment; "Insanguinius," haleta-t-il finalement, "Insanguinius."

"Insanguinius," répéta Harry d'un ton vide. Le saignement s'arrêta dans un gargouillis, mais la corne était toujours fermement plantée dans son corps. "La chose... la corne de licorne..."

"Coupe-là," souffla Voldemort. "Diffindo..."

"Mais nous devons l'enlever... nous devons... "

"Elle ne s'en ira pas, gamin."

"Tu ne vas pas mourir, n'est-ce pas ?" prononça Harry, n'écoutant pas vraiment ce qu'il disait. La peau de Voldemort, autour de la corne, commença à gonfler et un chuintement se fit entendre.

"Diffindo. Coupe-là."

Harry tendit sa baguette le plus loin possible derrière Voldemort et murmura "Diffindo." Il y eut un bruit sourd, et la corne se détacha de la tête de la licorne morte.

"Éloigne moi d'elle," exigea Voldie.

"Si ton dos est blessé, tu ne devrais pas– "

"Je vais mourir si je reste près de la licorne."

L'esprit hasardeux de Harry conjura une image de Lupin en train de mettre une attelle à la jambe cassée de Ron. "Ferula," dit-il timidement, et le bas du dos de Voldemort fut soudainement maintenu par une sorte de corset fait de bandages; Harry lévita son corps loin de la licorne et le déposa sur un coin de forêt moussu. Il attendit avec espoir le retour de sa santé mentale et la remise en service de son autre moitié de cerveau; puis, quand aucun d'entre eux ne se manifesta, il se demanda comment passer le temps en attendant.

"Je suppose que je dois t'amener à un guérisseur."

"Pas besoin," déclara Voldemort.

"Qu'est-ce que tu faisais ici de toute façon ?" s'enquit Harry.

"Je recueillais des parties du corps d'une licorne. Corne, crin, sang." Voldemort fit une pause, le souffle coupé. "Ollivander a besoin de crins de licorne pour ses baguettes." Il haleta. "Pourquoi es-tu nu ?"

"Où suis-je censé te conduire ?" demanda distraitement Harry, frissonnant encore après le choc d'avoir empalé Voldemort et d'être toujours en vie. "La dernière fois que j'ai ramené un Mangemort au château, ils lui ont donné le Baiser du Détraqueur par accident."

"Ne me fais pas ça, gamin," répondit durement Voldemort. "Ne les laisse pas me faire ça. Tue-moi d'abord, si tu as du cœur."

Harry se demanda pourquoi il se sentit si d'accord, mais n'eut aucune chance de parvenir à une conclusion, car au même moment ils entendirent des cris, des sifflements, le bruit de pieds qui labouraient le sol.

"Ils sont venus me chercher," se rendit-il compte. "Je dois t'amener à un guérisseur."

"NON !" s'écria Voldemort.

"Je dois faire quelque chose," prononça Harry avec véhémence, et il bondit sur ses pieds avant de s'élancer vers les voix. Voldemort se laissa retomber sur la mousse et maudit le jour où Harry Potter avait été conçu.

"Potter !" s'exclama Snape. "Que faites-vous à vous balader nu hors du château ?"

"Nous avons besoin d'un guérisseur, monsieur, quelqu'un est blessé !"

"Avez-vous une quelconque idée de ce qui se passe depuis que nous avons trouvé votre note en haut de la tour d'Astronomie ? C'est trop espérer, Potter, que vous vous en souciez !"

"Professeur, il a dit que quelqu'un était blessé, peut-être devrions-nous– "

"Silence, Mademoiselle Abbott !"

"Nous devons l'amener à Ste Mangouste, où est Dumbledore ?"

"Le Directeur n'est pas à Poudlard, Potter, et vous n'avez pas besoin de savoir où il se trouve ! Je souhaite ardemment qu'il revienne, dans l'intérêt de votre expulsion immédiate de cette école ! Le traumatisme causé à certains membres stupides du personnel, votre randonnée dans la Forêt Interdite la nuit– "

"SNAPE, VOUS ALLEZ M'ECOUTER ! VOLDEMORT EST DANS LA FORET, MOURANT !"

"SILENCE, Potter ! Entre votre égocentrisme et votre stupidité héréditaire, j'aurais pensé que vous auriez pu rassembler une fraction d'un iota de remords pour les désagréments que vous causez aux autres !"

Harry fixa Snape avec des yeux de merlan frit et comprit finalement qu'on attendait de lui qu'il s'excuse pour avoir tenté de se suicider. Il lâcha un rire incrédule. "Pourquoi j'en aurais quelque chose à foutre des désagréments que je cause aux autres ? Écoutez, Professeur, Volde– "

"Stupéfix !"

Voldemort entendit le bruit sourd du corps de Harry qui heurta le sol et se résigna à attendre plusieurs heures dans la forêt. Ce n'était tout simplement pas son soir.

.

Harry se réveilla dans l'aile d'hôpital, l'air désorienté. Il n'était plus nu, car une personne anonyme avait fait le don charitable d'un pyjama imprimé incroyablement hideux. Il suspecta fortement Ron. Personne ne le surveillait, heureusement; et vu qu'il n'avait plus sa baguette ni sa cape d'invisibilité, il était simplement question pour s'enfuir de la salle d'attendre jusqu'à ce que Madame Pomfresh aille dans son bureau ou vadrouille dans l'école. Sur le principe de l'imbécile chanceux, personne ne l'attrapa alors qu'il déambulait dans les couloirs jusqu'à la tour Gryffondor; sauf qu'il ne parvenait pas à se souvenir de ce qui s'était passé.

Soudain, il se rappela Voldemort, épinglé comme un papillon par une corne de licorne; et il se précipita dans le dortoir des garçons, paniqué, poussant la porte si fort qu'elle s'écrasa contre le lit de Seamus, ce qui réveilla tout le monde.

"Harry," firent les gémissements irrités et somnolents.

"Désolé," formula-t-il distraitement, mais en oubliant qu'ouvrir précipitamment sa malle et retourner tout son contenu pour trouver la carte du Maraudeur était quelque chose qui pourrait possiblement les irriter. Dean Thomas se redressa et cria de manière inattendue à Harry d'arrêter de faire tout ce putain de boucan car il avait un contrôle d'Arithmancie le lendemain matin, et après tout, n'avait-il pas déjà causé assez d'ennuis pour ce soir ? Harry n'avait pas le temps de se disputer avec lui, alors il serra les dents et sortit. Cinq minutes plus tard, il marchait dans le hall d'entrée, vêtu du même pyjama imprimé et accompagné de la carte du Maraudeur, qui, heureusement, possédait un petit point marqué "Lord Voldemort" sur la partie Est du terrain.

Dehors, il faisait très sombre. Il y avait une lune gibbeuse, mais Harry avait encore du mal à lire la carte à moins qu'il ne la tienne à cinq centimètres de son nez. Ce qui le conduisit inévitablement à trébucher sur des rochers, des racines d'arbres, du fumier de centaure et finalement, à deux mètres de Voldemort, une Acromentule.

"Merde !"

"Oui," souffla Voldemort. "Meurs."

L'Acromentule, qui faisait à peu près la taille d'un cheval, regarda Harry et décida qu'il y avait plus de viande sur lui que sur le Seigneur des Ténèbres. Elle s'avança jusqu'à lui en claquant ses pinces. Harry attaqua de la seule manière à laquelle il pouvait penser, ce qui consista à plier une branche d'arbre à son maximum avant de la relâcher. La branche fusa sur l'araignée comme Bellatrix Lestrange sur un moldu, et l'envoya voler à travers la clairière.

"Où est la baguette ? Où est la putain de baguette ?" s'écria Harry, alors qu'il fouillait le sol.

"Où, telle est la question," ricana Voldemort. S'il devait mourir, avait-il conclu, au moins Potter finirait pendu à un arbre, lentement dévoré par une araignée géante. Bon sang, il accepterait d'être pendu aussi à côté de lui juste pour pouvoir admirer le spectacle.

Alors que l'araignée enragée fonçait vers eux, Harry rugit "Lumos ! LUMOS !," et la baguette de Voldemort s'éclaira d'une lumière bleue juste à temps pour qu'il puisse chasser l'Acromentule de la clairière avec une série de rafales de feu. Alors qu'il retournait vers Voldemort, il put entendre le claquement indigné des pinces de l'araignée et le tambourinement de ses immenses pattes.

"Ah, bien," prononça Voldemort avec indifférence. "As-tu enfin décidé quoi faire ?"

Harry réfléchit. Sa tête était aussi vide que le sens moral de Voldemort était inexistant. "Non."

"Eh bien, si j'étais toi, je m'éloignerais un peu de la Forêt Interdite avant que n'importe quoi d'autre nous attaque."

La voix de Voldemort était loin d'être aussi horrible qu'elle l'avait été. Elle possédait un timbre éthéré, comme les toiles d'araignées... mieux vaut ne pas penser aux toiles d'araignées. "Mobilicorpus," dit Harry, et le corps de Voldemort s'éleva du sol comme s'il était posé sur une civière invisible.

"Est-ce que ça fait mal ?" s'enquit-il prudemment.

"Tu m'as tué, petit imbécile. Bien sûr que ça fait mal." Voldemort fit une pause. "Beau pyjama."

Harry baissa les yeux sur ledit pyjama, légèrement perplexe. "Oh. Il n'est pas à moi. Je ne porterais jamais quelque chose comme ça."

"Et le maquillage ?"

Harry toucha son visage. Sa peau était incrustée de sang séché et d'autres substances qu'il préférait ne pas connaître. "Oh... eh bien... euh."

Voldemort gloussa d'une voix sifflante pendant très longtemps pendant que Harry réfléchissait à ce qu'il allait faire ensuite. À une époque, il aurait fait confiance au Ministère pour punir le mage noir, mais il savait maintenant qu'ils feraient quelque chose de terrible. Il n'y avait pas d'autre système de justice magique, et aucune prison moldue ne se chargerait de lui; donc d'une manière ou d'une autre il allait devoir bafouer la loi : punir Voldemort lui-même ou chercher l'aide d'autres personnes.

"Comment m'as-tu attaqué ?" demanda la voix rauque. "Je ne t'ai pas vu venir."

Harry put visualiser sa propre folie. "J'ai sauté de la tour d'Astronomie."

Sidération. "QUOI ?" Pause. "Comment as-tu pu viser ? Comment peux-tu sauter d'une tour et savoir que tu vas atterrir sur ton ennemi ? Potter, est-ce que ta mère a pris du Felix Felicis pendant toute sa grossesse ? Je n'ai jamais connu quelqu'un d'aussi tristement chanceux."

Harry se souvint de la sensation de chuter en face du soleil couchant et essaya de savoir s'il aurait souhaité avoir réussi ou s'il était heureux d'avoir échoué. "Je n'ai pas visé. Je ne savais même pas que tu étais là. J'ai voulu me suicider."

Encore plus de sidération, puis : "A ha. A ha ha ha. A HAA HAA HAA HAA HAAAA ! Hi hi hi ! Oh. Argh," torture par agonie abdominale. "Aah. Aah ! Seigneur."

Harry était sorti de la forêt et guida le Voldemort flottant loin du saule cogneur, pour au final se demander où ils allaient se rendre maintenant. Sa première pensée fut la salle sur demande, mais ce n'était pas une bonne idée maintenant que beaucoup d'élèves connaissaient son existence. La deuxième option était la Chambre des Secrets, ce qui n'était pas très engageant. Harry essaya de penser à d'autres endroits et réalisa qu'il avait de toute évidence établi un plan, à savoir, cacher Voldemort et le garder en vie jusqu'à ce que Dumbledore revienne d'on ne savait où.

"Unhhh," gémit Voldemort. "Tu m'as tué de rire."

Harry le gara sous un arbre et dit : "Écoute, pourquoi ne me laisses-tu pas amener un guérisseur ? Je devrais t'emmener à Ste Mangouste."

"Inutile," rétorqua-t-il.

"Mais tu... " reprit Harry, essayant de ne pas revivre ou se souvenir de l'accident.

"J'ai une corne de licorne coincée en moi," dit Voldemort. "La blessure est mortelle, il n'y a pas de remède possible."

"Es-tu sûr ?" répliqua Harry avec suspicion. "Tu pourrais mentir."

Haussement d'épaules. "Demande à Severus Snape si tu doutes."

Harry grommela : "Ouais, si c'est pour qu'il me stupéfixe encore... "

"Est-ce pour cela qu'il te criait dessus ? Car tu as essayé de te tuer ?"

"Quoi ? Oh. Ouais, j'ai laissé une note de suicide au sommet de la tour."

"Oh."

"Nous avons besoin d'un endroit où te cacher."

"Je dois dire que je ne vois pas pourquoi il était agacé que tu aies essayé de te débarrasser de toi-même."

"Probablement parce que ça n'a pas marché. Et qu'il m'a vu nu... Combien de temps reste-t-il avant que tu ne meures ?"

"Quelques jours tout au plus."

Harry fit une pause. "Veux-tu que je tue ?"

"Et puis quoi encore," gronda Voldemort.

"Eh bien, tu es en train de mourir de toute façon !"

"Tout comme toi ! Il ne te reste plus que quatre-vingts ans environ ! Est-ce que je vais pour autant te tuer maintenant, Potter ? Je ne pense pas..."

Harry et Voldemort se jetèrent d'autres platitudes au visage avant que ce dernier ne soit réduit au silence par des pics de douleur dans son estomac. Harry eut finalement une épiphanie, "La Cabane Hurlante ! C'est là que j'aurais dû te cacher ! Connard."

"Au diable la Cabane Hurlante," énonça Voldemort avec autant de virulence que possible vu son état. "Je ne passerai pas mes derniers jours dans un taudis sans lumière."

"Je croyais que tu aimais l'obscurité."

"Va te faire foutre, Potter, va te faire foutre. Je veux un peu de ce fichu soleil, ou même trois jours de pluie ferait l'affaire, mais je veux mourir dehors, et non tapi dans un trou... ahhh, la douleur, cette satanée douleur."

Harry trouva ce souhait étonnamment facile à comprendre. "Je ne vois pas où je pourrais te mettre."

"Il existe un cottage en ruines au sommet d'une colline," croassa le mage noir. "Il possède un nom gaélique que je ne peux pas prononcer ou épeler. J'avais l'habitude de... aah... J'avais l'habitude de m'y rendre quand j'avais treize ans."

"Peux-tu retrouver le chemin ?"

"Oui."

"Dis-moi à peu près où il se situe."

"À l'Est du lac et au sud de la Forêt Interdite, au Nord de l'endroit où se trouve une grotte. Je suppose qu'elle est toujours là. On peut y voir un cairn et les restes d'un..."

"Nous n'allons pas dans la grotte, n'est-ce pas ?" Harry s'interrompit soudainement, l'ayant identifiée comme le garde-manger du rat de Sirius. Il n'avait aucun désir de voir Voldemort là-bas.

"J'en ai assez des grottes. Tourne à gauche."

"La salle commune des Serpentards n'est-elle pas souterraine ?" déclara Harry en virant à gauche, comme indiqué par Voldemort.

"Elle est sous le lac. Magnifique quand le soleil brille. J'aimerais pouvoir la revoir."

"Ne pouvons-nous pas te donner du polynectar ou quelque chose d'autre ?" demanda Harry avec frustration.

"M'aiderait pas, j'ai toujours la corne."

Ils continuèrent de marcher en silence, Harry essayant de rendre la progression de Voldemort aussi fluide que possible alors qu'ils traversaient une zone rocailleuse, avec quelques crevasses (le jeune sorcier posa ingénieusement son pied sur l'une d'entre elles, ce qui le fit presque trébucher) et des talus d'éboulis.

"Le cottage est ici quelque part," dit Voldemort.

"Vraiment ?" répondit Harry, peu convaincu, alors qu'il regardait autour de lui. "Lumos maxima," prononça-t-il, mais la forte lumière ne révéla rien d'autre qu'une étendue de fougères. "Je ne le vois pas." nota-t-il. Harry fit quelques pas en avant et heurta rapidement un mur détruit.

Puis il fit un gros tas de fougères mortes en guise de lit pour le mourant, le cala dessus aussi confortablement que possible compte tenu des circonstances, lui arrangea un coin toilettes, avant de finalement découvrir qu'il n'avait pas mangé de nourriture depuis 1972, et éloigna sa baguette à la dernière minute alors que Voldie essayait de l'attraper.

"Bien tenté."

"Je devrais te jeter une pierre," marmonna le mage noir, "mais je n'y arriverai jamais."

"Il ne vaut mieux pas. Tu vas te blesser. As-tu assez chaud ?"

Voldemort leva les yeux de son nid de fougères avec amusement. "Ce n'est pas moi qui porte un pyjama et rien d'autre. Tes pieds sont en lambeaux."

Harry fixa ses pieds nus. "Je n'avais pas remarqué."

"Tu me dois une dette de vie, tu sais."

Harry réagit au quart de tour. "Quoi ?! Parce que j'ai failli te tuer ?"

"Parce que je t'ai sauvé la vie. À moins que tu penses que tu aurais pu survivre à une chute du sommet de la tour d'Astronomie sans atterri-"

"Je voulais mourir ! Et tu n'as RIEN fait !"

Voldemort le vrilla du regard. "Le fait demeure, Potter, que tu es vivant. Tu veux que j'arrange ça ? Donne-moi juste cette baguette et je te jetterai un rapide sortilège de mort. Je te promets que je serai doux."

"Non merci."

"Alors tu peux carrément me remercier, mon garçon, de t'avoir servi de matelas. Ce n'est pas toi qui t'es fait embrocher par cette saloperie de licorne."

C'était indiscutable. "Je vais te lancer un sort de réchauffement," décida Harry. "Et je ferais mieux de récurviter ta robe aussi."

"Bien mieux", déclara Voldemort, tout content et bien au chaud au milieu des fougères. "Bien que si j'étais toi, je réchaufferais mes pieds et récurviterais mon visage. Et pourras-tu m'apporter une plume et du parchemin quand tu reviendras demain ? Je veux écrire."

"Plume et parchemin. Rien d'autre ?"

"Tu dis ça comme si tu allais te rendre au supermarché."

"Comment vais-je avoir la permission de sortir de Poudlard ?" s'inquiéta Harry. "Ils vont probablement me donner vingt-quatre heures de retenue tous les jours jusqu'à l'année prochaine."

Voldemort roula des yeux. "Sors en cachette, espèce d'idiot respectueux des lois."

Vers quatre heures du matin, Harry retourna sur les terres de Poudlard, se parlant bruyamment à lui-même. Il passa quelques minutes à faire les cent pas et claqua son poing contre la paume de sa main; il frappa également un arbre qui resta indifférent. Une fois qu'il eut suffisamment réfléchi, il retourna au château.

Une fois franchi le seuil, il réalisa que le seul problème qu'il n'avait pas considéré était de savoir comment expliquer sa disparition. Il essaya d'inventer une explication plausible mais échoua lamentablement. La seule chose claire dans son esprit était qu'il devait éviter Snape, ou du moins lancer un Protego à l'instant où il le verrait arriver. Saisissant sa baguette en prévision, Harry fut choqué de se rappeler qu'elle était à Voldemort. Il se demanda si quelqu'un remarquerait qu'il en utilisait une différente ou l'identifierait comme étant l'ex-baguette de Tom Riddle. Il en vint à la conclusion que la seule personne qui pouvait faire ce rapprochement était Dumbledore, qui n'était pas là. Il lui envoya un encouragement psychique pour qu'il revienne le plus rapidement possible.

.

Le lendemain fut un fiasco. Harry avait laissé de légères traînées de sang dans les escaliers et les couloirs qui remontaient jusqu'au dortoir des Gryffondors. Une McGonagall furieuse déboula dans le dortoir des garçons à six heures du matin, provoquant des cris d'horreur de la part de Seamus, Neville et Ron, et traîna Harry hors du lit avec un grognement.

"M. Potter !" cria-t-elle. "Veuillez vous expliquer !"

Harry, qui n'avait dormi qu'une heure et demie, ne put rien répondre. Il gémit.

"Qu'est-ce qu'il a fait cette fois ?" dit Ron, effrayé.

"Je pense que j'étais dans la Forêt Interdite," gémit Harry, l'esprit embrumé par la fatigue. Un instant plus tard, il se dit que ce n'était pas le meilleur mensonge qu'il aurait pu fournir.

"La Forêt Interdite ! La Forêt Interdite, M. Potter, est INTERDITE aux étudiants ! Peut-être aurions-nous dû l'appeler la Forêt de la Mort Instantanée afin que le message pénètre dans les crânes durs d'étudiants comme vous ! POURQUOI VOUS BALADIEZ-VOUS DANS LA FORÊT INTERDITE À MINUIT SANS VOTRE BAGUETTE ?!"

"Sais pas," dit Harry d'une voix étouffée.

"Il m'a réveillé au beau milieu de la nuit en balançant des choses partout", déclara Dean Thomas d'un ton vindicatif. C'était la deuxième fois qu'il était réveillé et il désespérait de passer son contrôle d'Arithmancie en forme.

"Il ne savait pas ce qu'il faisait, Professeur," le défendit vaillamment Ron. "Vous avez entendu ce que Snape a dit–"

"PROFESSEUR Snape, M. Weasley ! Il a dit que M. Potter avait perdu l'esprit, et je dois dire que je suis encline à être d'accord avec lui ! Cinquante points en moins pour Gryffondor, M. Potter et retenue tous les soirs de la semaine prochaine !"

"Mais, Professeur– "

Les faibles arguments de Harry furent écrasés sous le poids de la colère de McGonagall. Quand il descendit pour prendre son petit-déjeuner, Harry avait déjà été informé que sa cape d'invisibilité avait été confisquée et qu'il serait signalé au Directeur dès que cela serait possible logistiquement parlant. En outre, le sang de Voldemort s'était remarquablement bien incrusté dans sa peau et il avait fallu beaucoup frotter sous la douche pour le retirer. Harry manquait de sommeil, était nerveux, avait mal à la tête, et prédisait avec assurance qu'il allait s'endormir tête la première dans son porridge.

Ce fut avant que chaque paire d'yeux dans la Grande Salle ne se retourne pour le regarder; et alors que Harry s'était figé, horrifié d'être soudainement scruté, il y eut un long silence expectatif avant que tous les élèves n'éclatent de rire. C'était comme se retrouver dans une réalité alternative; mais Harry ne put penser à rien d'autre à faire que de s'asseoir et d'agir comme si tout était normal, alors il trébucha sur le banc de sa table, le visage cramoisi, curieusement honteux, comme si c'était lui qui avait fait quelque chose de stupide et non le reste du monde. Et ils continuèrent de rire. Durant tout le temps qu'il prit pour manger son petit-déjeuner, il put entendre leurs remarques, incisives et assourdissantes comme le tintement des cintres contre le métal.

"Tu penses que c'est vrai qu'il a essayé de se tuer ?" - fut lancé aussi fort que possible, pour qu'il entende.

"Potter, Snape a vu ta teub ?"

Puis, de Draco Malfoy : "Psychopathe."

Harry se stoppa, la bouche à moitié pleine et haussa les sourcils dans sa direction, savourant durant un instant l'idée de pouvoir lui dire : "Tout est fini. Ton maître est en train de mourir." Cependant, cela n'aurait vraiment pas bien passé; il laissa tomber ses yeux sur son assiette et le moment passa.

"Ils sont plus stupides maintenant que lorsque j'étais le supposé héritier de Serpentard," commenta-t-il, agacé.

"Eh bien..." prononça Hermione avec résignation. "Personne n'a été tué cette fois, alors je suppose qu'ils se comportent avec moins de sérieux."

Regard noir. "Hermione, j'étais en train d'être tué. J'ai atterri... " il fit une pause. "J'ai atterri sur quelque chose de mou."

"Okay," répondit-elle avec incertitude. "Très bien."

Ron renifla et du porridge rentra dans son nez, ce qui lui provoqua une quinte de toux. "Ouais, comme si, Harry. Comme si tu pouvais sauter de la tour d'Astronomie."

Alors qu'il se mettait à ricaner, Hermione sourit faiblement et se tourna vers Harry, l'air perplexe, attendant une explication. Elle arborait simplement un sourire raide. Harry ne ressentit aucunement le besoin de s'excuser pour la nuit dernière, ni ne fut mû par le désir de s'expliquer.

Puis, à sa grande horreur, il vit par-dessus l'épaule de Hermione que Ginny approchait, une hésitation inhabituelle peinte sur son visage. Harry sauta sur ses pieds et s'enfuit comme s'il avait une bombe attachée à son dos. Sa sortie fut beaucoup moins remarquée que son entrée, mais il y avait encore suffisamment de rires provenant des Gryffondors pour qu'il se mette à les détester.

S'appuyant contre le mur du couloir, à bout de souffle, Harry se demanda pourquoi les gens paraissaient toujours trouver cela si drôle quand quelqu'un essayait de se faire du mal. Il lui semblait que c'était à eux tous de devoir fournir des explications.

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Avant Métamorphose, le professeur McGonagall le prit de nouveau à part, à sa grande horreur, et lui tendit sa baguette.

"Le professeur Snape l'a prise quand il l'a trouvée en haut de la tour d'Astronomie," dit-elle froidement. "Il a également trouvé votre cape d'invisibilité, qui, comme je vous l'ai déjà dit, ne vous sera certainement pas rendue..."

"Mais, Professeur..."

"Taisez-vous, M. Potter ! Quand le Directeur reviendra demain, c'est lui qui aura le dernier mot, mais vu les problèmes que vous avez causés la nuit dernière, je n'ai aucunement l'intention de vous laisser refaire quelque chose de possiblement pire. J'espère sincèrement que vous pourrez vous expliquer auprès du professeur Dumbledore."

Harry avait la meilleure explication de tous les temps à donner au professeur Dumbledore, donc il ne fut pas très intimidé par cette menace. Il était cependant extrêmement préoccupé par le cours de Défense contre les Forces du Mal cet après-midi, pendant lequel Snape allait probablement faire quelque chose d'épouvantable. Ce serait probablement une meilleure idée de sécher, de voler de la nourriture via Dobby, et de ramener à Voldemort sa plume et son parchemin. Il nota à quel point c'était typique de Poudlard que la perspective d'un cours de DCFM lui donne envie de trouver refuge auprès du Seigneur des Ténèbres.

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"Tu es revenu", lança Voldemort. Son air lugubre s'accordait parfaitement avec les nuages de plomb dans le ciel.

"Tu ne voulais pas ?"

"Si," admit Voldie à contrecœur. Il gesticula bruyamment dans son nid de fougères et dit : "Tu m'as manqué."

"Quand ?" répondit Harry d'un air ahuri, présupposant que le mage noir n'avait pas réussi à lui lancer un projectile au final.

"Pendant que tu étais parti. J'étais tout seul."

"Hum."

Voldemort tourna maintenant de grands yeux rouges bouleversés dans sa direction et prononça doucement d'une voix rauque, "Je ne veux pas mourir, Harry, cette chose me tue. Et les cauchemars, Seigneur, les cauchemars..."

Harry était disposé à croire qu'il aurait dû réfléchir à l'aspect peu souhaitable de la mort avant de se décider à tuer les parents des autres. C'est ce qu'il lui dit et Voldemort le gratifia d'un regard blessé.

"Il est trop tard pour l'inimitié, beaucoup trop tard. Je suis en train de mourir, mon garçon. Viens par ici un instant, je ne veux pas mourir seul," murmura-t-il.

Harry pensa que c'était ridiculement mélodramatique, mais s'approcha avec réticence du nid et commença à s'agenouiller. Il était à mi-chemin lorsqu'une voix aiguë cria : "Ah ! Essst-ce que cccc'est lui ? Tuer un aussssi beau garçççon, tu dois être fou !"

Une petite vipère rampa hors des fougères et se positionna sur les genoux de Harry. Ce dernier la fixa, déconcerté, alors que Voldemort la regardait avec un air de profonde exaspération avant de dire : "Classique, Potter. Même les fichus serpents sont de ton côté."

"Tu essayais de me tuer ?" demanda Harry, alors qu'il comprenait enfin. Cette perspective était alarmante, mais extrêmement rassurante. Un Voldemort aux tendances meurtrières était, après tout, beaucoup plus normal qu'un Voldemort qui faisait des déclarations d'amour. Il s'assit en tailleur et laissa la vipère, qui siffla avec appréciation, se blottir contre lui.

"J'en ai une vingtaine avec moi ici," fit remarquer Voldemort alors qu'il se recroquevillait sur lui-même dans son nid. Plusieurs voix serpentesques approuvèrent en chœur. "Ils se nichent généralement contre le mur Sud pour profiter du soleil, mais la nuit, ils ont décidé qu'il faisait plus chaud ici."

"Il fait assssez froid pour geler les tesssticules d'un humain," reconnut la vipère.

"C'est mignon que tu sympathises avec des serpents," dit Harry avec admiration.

"Je préfère leur compagnie à celle des humains."

"Sauf si tu fais ça pour pouvoir en posséder un quand tu seras mort."

Cette déclaration sembla causer à Voldemort un certain désarroi. "Posséder l'un d'entre eux ? Que veux-tu dire, mon garçon ?"

"Oui, quoi ?" entonnèrent les serpents.

"Je pensais que c'était ce que tu avais fait en Arménie. Quand tu n'avais pas de corps."

Pause. "Eh bien, j'ai un corps maintenant, alors pourquoi devrais-je le faire ?"

Après une longue série d'erreurs verbales, ils établirent finalement que la situation dans laquelle Voldemort se trouvait n'était pas la même que celle d'il y a des années, quand il avait essayé de tuer Harry. Après la mort de son corps, il n'allait pas dériver tel un esprit sans enveloppe et sans but; il serait bel et bien mort, détruit avec ses Horcruxes, car la corne de licorne détenait un pouvoir antagoniste au sien.

"Est-ce l'amour ?" demanda Harry.

"Un jour, tu laisseras tomber cette ridicule conception du 'bien' et du 'mal'," déclara Voldie. "Les licornes possèdent un pouvoir qui ne réagit pas bien avec le mien, c'est tout."

"Bien."

"C'est très loin d'être bien. Cela signifie que je meurs."

Harry ne voyait pas pourquoi c'était un problème, et le fit remarquer. S'ensuivit une joute verbale qui se termina brusquement lorsque Voldemort cria trop fort, ce qui fit vibrer la corne. Il y eut un long silence pendant que ce dernier, paralysé, grimaçait de souffrance avant que Harry ne le rejoigne, car la douleur voyageait à travers leur connexion mentale. Finalement, Harry devint suspicieux et commença à profondément s'ennuyer, puis sa bonne nature le rattrapa au dernier moment et il se mit à masser les épaules de Voldemort.

"J'ai ta plume et ton parchemin."

"Quelle plume et quel parchemin ?"

"Tu les avais demandés. Et le professeur Dumbledore revient demain."

Voldemort regarda Harry comme César avait regardé Brutus.

"Comment ça, petit merdeux. Tu ne donneras pas à ce vieux bouc l'opportunité de se réjouir."

Eh bien, s'il mourrait de toute façon, bien sûr, il n'y avait pas vraiment d'intérêt. "Je dois lui dire quelque chose," objecta Harry d'un ton plaintif.

"Alors dis-lui que tu as décidé de courir nu dans les jardins de Poudlard ! Dis-lui que tu l'as fait pour un pari ! Dis-lui que tu rendais visite à ton amant secret à Pré-au-Lard ! Dis-lui n'importe quoi, mais NE LUI DIS PAS POUR MOI !"

Harry ne sut que répondre à ça.

"Tu me crois quand je te dis que je suis en train de mourir ? Que tout sera fini au plus tard dans quelques jours ?"

"Oui."

"Qui est le professeur que tu aimes le moins, gamin ?"

Harry se demanda par où commencer. Il décida de ne pas faire attendre Voldemort et choisit au hasard, "Ombrage".

"Et pendant que tu es allongé en train de mourir, tragiquement empalé sur une dent de basilic, le jeune Malfoy se pointe et te baragouine des inepties pendant un moment puis décide (pour ton propre bien, évidemment) de t'emmener voir le professeur Ombrage ?"

Harry comprit où il voulait en venir. "Je ne vois pas pourquoi tu le détestes tellement."

"J'étais un étudiant brillant."

"Je parie qu'il était un professeur génial," affirma Harry avec colère.

"Ce n'était pas le cas."

"Tu peux dire ça. Juste parce que tu n'as pas pu le berner comme le reste des enseignants."

"Pas seulement à cause de ça."

"Pourquoi es-tu venu chercher toi-même les crins de licorne ?" s'enquit Harry. "Si Ollivander les voulait, il aurait pu aller les chercher lui-même putain."

"J'avais besoin de sang et de corne en poudre. Tu dois tuer la licorne pour les obtenir."

"Oh. Et Ollivander est incapable de tuer une licorne, c'est ça ?"

"Peut-être as-tu oublié la malédiction ?"

"La malédiction ? Oh, le..."

"La plupart des sorciers sont faibles. Peu d'entre eux accepteraient de se prendre une petite malédiction ou deux en échange de pouvoir."

"Je ne sais pas," répondit distraitement Harry.

"Qui plus est, il n'est pas vierge."

Pause.

Harry fit : "Mmh... Je ne savais pas que c'était les hommes vierges que les licornes aimaient. Je pensais que c'était les filles."

"Peu importe, il n'y a pas de différence."

"Oh. Euh... hm. Hum. Tu sais, ça semble un peu bizarre."

"Quoi donc ? Être vierge à soixante-neuf ans ?"

"Eh bien, oui. Et tu étais tellement beau quand tu étais Tom Riddle, j'aurais cru qu'il y aurait eu la queue."

"C'était le cas. Que des abrutis ! Tu peux encore plus tirer profit d'eux quand tu es un allumeur. Il y a quelques avantages magiques à être vierge, comme pouvoir attirer les licornes évidemment, et je voulais continuer d'en bénéficier."

"Quel âge avais-tu quand tu as décidé ça ?" demanda Harry, incapable d'en croire ses oreilles.

"Dix ou onze ans, je suppose."

Pendant que Harry digérait l'information, Voldemort dit : "Tu peux me sauver, tu sais."

"Quoi ? Tu as dit que c'était mortel !"

"C'EST mortel," rétorqua-t-il agacé, "à moins que tu me pardonnes et m'invites à te posséder."

"Me posséder ! Pourquoi voudrais-je que tu me possèdes ?"

"Je n'en ai aucune idée. Je peux par contre te donner plein de raisons pour lesquelles je voudrais te posséder, si tu veux."

"Te pardonner ? Te pardonner pour quoi ?"

"Tout."

"Tout !"

"Absolument tout ce que j'ai fait."

"Et, en récompense, j'aurais ta face collée à l'arrière de mon crâne ?"

"Non, tu m'auras dans ton corps en entier. Je l'ai déjà fait."

"Tu... Quoi ?! Quand ?"

"Au Ministère de la Magie, l'été dernier. Seulement pour quelques secondes, cependant."

Harry répliqua froidement, "Tu veux parler de cette chose qui fait plus mal que tout ce qui a pu me faire mal dans ma saleté de vie ?"

"Ça t'a fait mal ?" dit Voldemort. "J'aurais en effet supposé que oui. Opposition de deux forces magiques encore une fois."

"Et tu t'attends vraiment à ce que je fasse ça ?" objecta Harry. "Ça fait plus mal que l'Endoloris. Donne-moi une raison pour laquelle je ferais ça pendant tout ce temps, peut-être pendant des années, jusqu'à ce que tu récupères un autre corps."

Voldemort lui sourit, rit et replongea rapidement vers l'agonie lorsque la corne bougea dans son corps. Il se tordit de douleur pendant un moment, une larme solitaire glissant sur sa joue et siffla : "Je pourrais te mentir et te dire que je serai purifié, Potter, transformé en un homme bon, mais je doute que tu te laisserais avoir par ça. Je veux vivre, gamin. J'aime être en vie autant qu'autrui, et beaucoup plus que toi. Je n'ai pas d'autres raisons."

"Tu ne devrais pas rire autant," dit sévèrement Harry. "Ça empire ton état."

"Il est trop tard," déclara Voldie. "Ce n'est plus important maintenant."

Harry détourna le regard, mal à l'aise, car Voldemort regardait le loch avec une mine grincheuse; les lumières de Poudlard se reflétaient dans l'eau des lacs jumeaux, ce qu'il trouva particulièrement captivant. Puis il lui vint à l'esprit que la raison pour laquelle Voldie était venu lui-même tuer une licorne n'était pas lié à un souci de commodité ou de compétence, mais plutôt à son affection pour Poudlard et son désir de revoir le lieu. Cela rendit Harry furieux au point qu'il traversa le cottage avec frustration et donna des coups de pied dans des pierres.

"Qu'est-ce que tu fiches ?" proféra Voldemort dès son retour. "Est-ce une autre de tes étranges façons de t'autodétruire ?"

Harry fut extrêmement offensé que son respect pour les plus beaux sentiments de Voldemort reçoive une réponse aussi ingrate. De plus, il soupçonnait que c'était encore une de ces railleries sur le suicide/l'auto-mutilation, ce qui était effectivement le cas.

"SEIGNEUR !" s'exclama-t-il. "Pas toi aussi !"

"Eh bien ? Pourquoi voudrais-tu te tuer ?" demanda Voldemort. "La mort arrive suffisamment vite. Quel genre de fou souhaiterait hâter le processus ?"

"Le genre de fou qui ne veut plus être en vie," articula Harry entre ses dents.

"Comment la vie peut-elle être aussi repoussante ? J'ai vu des amputés dans des abris anti-bombes avec une plus grande volonté de vivre que toi !"

Harry énuméra rapidement toutes les choses qui avaient pourri sa vie; pour la plupart, bien sûr, Voldemort en était le responsable. Ils commencèrent un nouveau concert de cris, qui s'atténua rapidement.

"Tu ne penses pas soudainement à la mort," énonça Harry avec colère. "Tu as juste besoin de le faire. C'est juste... une sensation, comme avoir faim."

"Avoir faim ! Avoir faim de la mort ?"

"C'est toi le Mangemort, pas moi."

Voldemort s'énerva et cita une phrase de Lénine si indiciblement banale que Harry ressentit le frisson de la mort dans ses os. Il répondit par une citation encore pire de Nietzche, et ils se jetèrent des platitudes et autres clichés à un volume sonore sans arrêt croissant, ce qui leur fit perdre la moitié du temps qu'il leur restait.

.

Harry s'allongea dans son lit ce soir-là et fixa les tentures rouges et dorées. Son retour à l'école avait été cataclysmique et le professeur McGonagall l'avait carrément interdit de quitter le château, mais il ne parvenait pas à s'en soucier. Ce fut en partie parce qu'il était très confus, mais surtout parce qu'il s'endormait sur place. Il avait grimpé les escaliers jusqu'à son dortoir et s'était endormi avec ses vêtements.

Puis il y avait eu des rêves, complètement insensés et frustrants; un théâtre de banlieue, dans lequel des personnages presque étrangement reconnaissables parlaient frénétiquement derrière des masques en bois déformés, et Harry retournait de plus en plus vite des cartes grises, essayant de trouver celle qui avait le bon motif; et au début il échoua, puis le rêve changea et il réussit finalement à trouver la carte. Il pénétra la Forêt Interdite, qui n'était pas vraiment une forêt, juste des arbres peints sur un fond en carton; et tout s'avéra être une mascarade, car Voldemort était déjà mort, couché dans la neige, livide et immobile.

Puis Harry fut réveillé par une terrible douleur provoquée par Voldemort essayant de bouger, et dut rester immobile pendant une minute jusqu'à ce que ses entrailles reviennent plus ou moins à la normale. Avec la douleur et le rêve encore frais dans son esprit, il se rendit compte pour la première fois que Voldemort allait vraiment mourir; il y avait toutes sortes de choses qu'il ne pourrait plus jamais faire, et le fait qu'il était un Seigneur des Ténèbres malfaisant ne le rendrait pas moins mort que Cédric Diggory ou Sirius. Harry se souvint avec du retard qu'il était pathologiquement terrorisé par la mort, ce qui ne devait clairement pas l'aider beaucoup.

Les tentures du lit paraissaient plutôt vieilles. Harry se demanda combien de temps elles duraient, sans doute pas plus de cinquante ans. Quand bien même, il y avait eu des générations entières d'étudiants de Poudlard qui avaient fait à peu près les mêmes choses que lui, dans le même environnement que lui, et cela donnait une illusion de continuité; quand en vérité tout pouvait vous être retiré du jour au lendemain comme, par exemple, si vous vous tenez sous une tour et que quelqu'un vous tombez dessus.

Et le professeur Dumbledore revenait demain.

Combien restait-il de temps à Voldemort ? se demanda Harry. Peut-être suffisamment longtemps pour qu'il emmène Dumbledore le voir. Le voir ? Le tuer, très probablement, le conduire au Ministère ou quelque chose d'aussi terrible. Eh bien, Harry savait que Dumbledore ne laisserait personne être Embrassé, mais quand même. Voldie ne serait pas très content.

Puis il se demanda pourquoi il n'avait encore rien dit à personne, à Hermione et Ron, ou le professeur McGonagall ? Il repoussa cette question et se concentra sur le plus important : était-ce cette combinaison suicide-empalement qui l'avait rendu fou ? Mais Harry se rendit compte qu'il ne voulait pas vraiment y penser non plus, car cela le rendait honteux, alors il retomba dans sa confusion et décida que tuer Voldemort n'était pas ce qui aurait dû être prévu. Il avait anticipé, planifié, souhaité le tuer, croyant que ce serait la solution à tous ses problèmes, et maintenant il l'avait fait par accident et se retrouvait tout autant perdu.

.

Harry se réveilla le lendemain matin et souhaita immédiatement que non. Il resta couché et dressa une liste de raisons pour lesquelles il ne devrait pas se lever, à savoir : devoir supporter des insultes random de presque tout le monde; avoir des ennuis pour ne pas avoir fait ses devoirs; devoir supporter des explosions de douleur émanant de Voldemort, mais serait dans l'impossibilité de dire à quiconque pourquoi il souffrait; Ginny pourrait le voir; et il était de mauvaise humeur. Ensuite, il dressa une liste de raisons pour lesquelles il devrait se lever, qui se lit comme suit :

Malgré tout, il se leva et erra tristement d'un endroit à un autre, essayant de ne pas crier chaque fois que Voldemort bougeait.

Une seule chose pouvait aggraver la situation à ce stade, à savoir :

"... probablement à cause de Potter," ricana une voix masculine.

"Tu ne devrais pas te moquer de lui pour ça," dit une autre voix d'un ton bien peu convaincant et bon dieu, c'était Cho Chang; "c'est un problème très sérieux."

"Eh bien peut-être, mais quand ça concerne Potter, non," déclara Marietta Edgecombe avec dédain; et vu qu'ils ne faisaient que passer, le silence retomba.

Harry saisit son visage avec sa main droite et essaya de l'arracher. Légèrement surpris, cela fonctionna cette fois-ci; de la peau se détacha de sa joue avec un bruit de succion et pendit sur sa mâchoire, le sang dégoulinant partout. Il voulait courir après les Serdaigles et leur crier "Combien de fois une personne doit tenter de se suicider avant que vous ne preniez ça au sérieux ?", mais il estima que ça n'en valait pas vraiment la peine. Qui plus est, il avait déjà suffisamment blablaté philosophie avec Voldemort hier, et cela ne les avait pas menés très loin. Il était temps de passer à autre chose, décida Harry, et il se précipita vers le bureau de Dumbledore puis se dirigea tout droit vers Ron et Neville, qui marchaient en direction de la tour Gryffondor pour découvrir pourquoi il n'était pas en cours de Sortilèges.

"Est-ce que vous savez si Dumbledore est de retour ?" s'écria Harry avant qu'ils ne puissent dire quoi que ce soit.

"Non," répondit Ron, si pâle qu'il ressemblait à un dalmatien roux. "Harry, qu'est-ce qui s'est passé, il y a du sang-"

"Oh ouais," dit-il distraitement; les entrailles de Voldemort venaient tout juste d'être prises de spasmes particulièrement désagréables. "J'ai essayé de retirer mon visage."

S'ensuivit l'habituelle césure tragique (2), puis Ron eut un rire nerveux, son ton sur la même octave que celle d'un castrat. Neville ne rit pas. Il avait l'air horrifié.

"Harry, qu'est-ce qui s'est passé ? Tu es différent. C'est comme si tu étais sous Imperium ou- que tu étais- tu étais-" Il déglutit de façon très visible et prononça distinctement, "fou."

C'était la première fois depuis trois jours que quelqu'un disait quelque chose de sensé. Harry observa Neville avec étonnement, le prit dans ses bras et dit en essayant de repousser une montée de larmes, "C'est une bonne chose que tu sois là, Neville."

Le dénommé parut sidéré; peut-être que personne ne lui avait jamais dit que c'était une bonne chose qu'il soit là. L'autre explication devait être qu'il était loin d'être content de se faire enlacer par un Harry qui perdait son sang.

"Tout va bien, mon pote," annonça Ron, qui était toujours pâle mais était parvenu à se ressaisir. Il tapota l'épaule de Harry et dit : "Va à l'infirmerie, on soignera ton visage. McGonagall viendra te voir et te préviendra quand Dumbledore sera de retour, elle s'est mise dans tous ses états (3)."

Cela aurait pu marcher, sauf qu'à ce moment-là, la cloche sonna, la porte de la salle de classe s'ouvrit brusquement et la classe complète de sixième année sortit dans le couloir avant de se figer à la vue d'un Harry Potter au visage mutilé, collé à Neville Londubat (littéralement, alors que le sang séchait) pendant que Ron Weasley leur tapotait le dos. Il y eut un long silence stupéfait, pendant lequel Ron espéra secrètement que les étudiants n'allaient pas faire ce qu'il craignait. Puis, avec une inévitable fatalité, ils explosèrent tous de rire.

Harry n'avait pas vraiment le temps d'écrire une thèse sur pourquoi il était fou, ou pourquoi Ron ne l'était pas, ou pourquoi cela n'aurait pas pu être lui, Harry, qui avait été torturé jusqu'à la folie à la place des parents de Neville (parce qu'après tout, il n'aurait pas pu savoir); ou ce qu'était la folie, ou ce qu'était la santé mentale, ou pourquoi cette dernière l'avait quitté soudainement et sans avertissement. Il ne pouvait que penser au fait qu'il devait sortir d'ici par le chemin le plus rapide possible; s'éloigner autant que possible des gens qui trouvaient ça drôle.

Harry se racla la gorge. "Vous semblez croire," déclara-t-il aux étudiants hilares, "que je ne le pense pas vraiment, que tout cela est une grosse blague. Ce n'est pas le cas. Et vous semblez aussi croire que c'est drôle. Alors que ça ne l'est pas."

Et il y avait une fenêtre.

.

Il vola dans les airs pour la seconde et dernière fois, semant encore du sang derrière lui; puis pensa à quel point c'était étrange de mourir face au soleil au lieu du crépuscule, mais quand même, merde, c'était incroyable. Ce sentiment le fit exulter alors qu'il chutait toujours et encore, se demandant vaguement à quel point cela ferait mal quand il atteindrait le sol; puis un objet gigantesque le frappa très fort dans les bras et le ventre, le fit tournoyer dans les airs à plusieurs reprises avant de le balancer douloureusement sur l'herbe.

Harry resta allongé sur le dos, le souffle coupé pendant plusieurs secondes; le ciel était d'un bleu lapis-lazuli anormalement vif, le soleil irradiait une chaleur très forte, et c'est ce qu'il le remarqua durant ce terrible instant suspendu dans le temps avant que ses poumons ne recommencent à fonctionner. Puis une branche apparut dans son champ de vision et le gifla, et Harry prit finalement conscience qu'il avait été rattrapé par le saule cogneur. Il ne semblait toujours pas l'apprécier davantage depuis qu'il lui avait foncé dedans avec une voiture, alors il commença à fuir très lentement en rampant jusqu'à la Forêt Interdite, avec l'espoir qu'il réussirait bientôt à respirer de nouveau. Le saule cogneur secoua ses branches dans sa direction comme pour dire "bon débarras."

Harry, hébété, tourna en rond dans la Forêt pendant un certain temps, sans vraiment savoir sa localisation ni sa destination; il ne retrouva ses esprits que lorsqu'il entendit des coups rapides et des secousses de branches. Harry prit finalement conscience qu'il devait s'enfuir, mais il n'avait pas vraiment le temps, alors ce fut avec beaucoup de chance que le mystérieux venu s'avéra être Hagrid qui fredonnait joyeusement.

"Harry !" s'exclama-t-il en arrêtant immédiatement de chantonner et en lâchant sa botte de navets par terre. "Qu'est-il arrivé à ton visage ? On dirait qu'un dragon t'est passé d'ssus !"

"McGonagall m'a dit de le faire," répondit vaguement Harry, ne remarquant pas qu'il répondait à une question complètement différente. "Elle a dit qu'elle en avait marre que je me mutile et que je devais courir six fois autour du château." Il était plutôt impressionné par sa propre capacité à mentir.

"Tu n'devrais pas être dehors couvert de sang, Harry," dit fermement Hagrid. "L'odeur va attirer toutes sortes de créatures, et certaines d'entre elles sont dangereuses. Tu veux qu'on aille à ma cabane ?"

"Oh non, j'ai encore trois tours à faire, mais s'il te plaît, montre-moi comment sortir de la Forêt."

"Très bien," (choix de réponse qui était discutable), "mais tu dois aller voir Mme Pomfresh tout de suite après, pour qu'elle inspecte ça. C'est pas beau à voir."

Harry aida Hagrid à rassembler ses navets et ils cheminèrent tous les deux à travers la forêt dans un silence appréciable; Hagrid parce qu'il aimait la compagnie de Harry et ce dernier car son esprit était totalement vide. Soudain, son cerveau se réactiva et il prononça d'une voix innocente : "Est-ce que tout va bien dans la forêt, Hagrid ?"

"Oh, pas trop mal, Harry, pas trop mal, étant donné qu'une licorne a été tuée", répondit-il en fronçant les sourcils. "Je ne connais aucune créature qui tue des licornes. Ça sent mauvais, très mauvais."

"J'ai entendu dire que si une créature maléfique se fait encorner par une licorne, elle mourra trois jours après."

"Vraiment ?" répliqua Hagrid avec surprise. "Encorner ? Comment tu finis encorné par une licorne ?"

"Tu sais, transpercé par sa corne."

"Oui, mais comment ? Ce sont des créatures pacifiques. 'N'attaquent jamais."

"Oh. Est-ce que ça veut dire que ce n'est pas vrai alors ?"

"Oh, c'est probablement vrai. Toutes les parties d'une licorne sont magiques, Harry. Le sang, la crinière... Et les créatures maléfiques ne les aiment pas. Tu ferais mieux de demander à Firenze quand même car je ne connais pas grand chose sur le bien et le mal. Je sais juste que rien ne tue habituellement les licornes, et s'il y en a une qui est morte, c'est un sacré mauvais signe."

Firenze. C'est à lui qu'il aurait dû demander conseil. Harry retint l'impulsion de se frapper le visage; il avait assez souffert pour le moment. Oh, eh bien, c'était trop tard maintenant; et d'ailleurs, Firenze était trop... ennuyeux. Ils quittèrent les arbres et débouchèrent dans le parc du château.

"Merci, Hagrid," dit Harry. "Maintenant, où devais-je aller déjà ? Oh, ouais, là-bas," et il se dirigea vers Voldemort avec Hagrid lui faisant signe de la main sous le ciel éclatant, comme si ses navets abîmés étaient son seul problème.

Harry se dirigea vers le cottage en empruntant un chemin qu'il ne reconnut pas. Le ciel contrastait avec les crosses de fougère vert-citron et les digitales aux couleurs criardes; le terrain humide relâchait de fines volutes de vapeur sous le soleil. Harry enleva sa robe d'extérieur et la coinça sous son bras. Les abeilles bourdonnaient.

Il avait essayé de se tuer deux fois. Il se concentra sur ce problème. Il avait essayé de se tuer deux fois et les deux fois, il avait été sauvé. Pourquoi ? Pourquoi était-il vivant ? Si son seul but dans la vie était de tuer Voldemort, alors il aurait tout aussi bien pu être tué lors de la première chute, n'est-ce pas ? Voldie serait toujours en train de mourir.

Et ce dernier avait été étrangement aimable, avec le petit pépin qu'il essayait de le tuer, et que tous ses amis et professeurs avaient soudainement perdu la tête. Peut-être que c'était parce qu'il était en train de mourir. Cela devait ébranler l'esprit. Oh, et il avait besoin que Harry le sauve. Tellement bizarre; il était soudainement devenu le potentiel sauveur de Voldemort à la place d'être celui de tous les autres. Ils ne semblaient pourtant pas beaucoup penser à lui à l'instant.

Il essaya de réfléchir à ce qu'il devait faire, mais cela s'avéra impossible. Le soleil était chaud, l'air humide et chaque endroit du chemin qu'il avait emprunté respirait la vie. Il n'avait aucune idée de comment prendre une décision logique, et son esprit revenait sans cesse au fait qu'il semblait toujours être récompensé pour avoir accompli des choses incroyablement dangereuses; ce qu'il savait faire de mieux était de se sacrifier.

.

"Que t'est-il arrivé ?" s'enquit Voldemort avec surprise.

"Que m'est-il arrivé ?" répéta Harry, déconcerté avant de réaliser qu'il était une fois de plus couvert de boue et de bleus, sans compter que la peau de sa joue pendait toujours. "Oh. Ça. Je me suis écorché le visage parce que ce sont tous des connards." Il s'assit. "Je ne sais pas pourquoi ils ont tous décidé de me faire chier."

"Je sais. C'est parce que tu es gay."

"C'est FAUX !" rétorqua Harry avec véhémence.

"Oh, vraiment, Potter, qui s'en soucie ? Dès qu'ils appelleront les psychiatres, tu seras au pays des merveilles. J'ai été psychanalysé dans les années trente."

"Quoi ?- À l'orphelinat ?"

"Ils avaient suffisamment peur de moi pour que les autorités éducatives déboursent de l'argent," dit Voldie avec dédain. "Ils pensaient que je pourrais devenir un psychopathe s'ils ne s'occupaient pas de mon cas."

"Cela ne semble pas avoir très bien fonctionné."

"Ils ne veulent rien faire d'utile médicalement parlant, Potter. C'est une bataille de volonté comme tout le reste. Feras-tu ce qu'ils veulent que tu fasses, ou l'inverse ? C'est ton problème. Tu voudrais pouvoir satisfaire tout le monde. Sauf que cela n'arrive jamais."

Harry se demanda s'il était sage d'utiliser Voldemort comme thérapeute et découvrit qu'il s'en fichait. "Je pensais que je les rendais heureux," dit-il misérablement. "Ils ne semblent pas vouloir que je sois mort, mais ils ne veulent pas de moi vivant non plus."

"Il y a quelqu'un ici à qui cela ne le dérangerait pas que tu le rendes heureux," énonça Voldemort, les crocs luisants.

Harry ignora les insinuations et tripota quelques fougères. "Je n'ai rien dit à Dumbledore."

"Bien. Je peux mourir en paix."

Harry retint son souffle. "Alors tu penses que tu vas mourir."

"Je vais mourir, à moins que tu ne me pardonnes et me laisses te posséder, mais les chances sont, franchement, assez faibles."

"Est-ce que tu vas essayer de me tuer à nouveau ?... Où sont passés les serpents ?"

"Ils sont tous partis bronzer, et non."

Harry sentit qu'une conversation non désirée allait arriver, alors il dit : "Attention. Ne bouge pas."

"Oh oui. Merci. Tu penses que tu pourrais m'aider– ah voilà. Et pourrais-tu m'enlever de ces fougères ? Je commence à avoir trop chaud."

Harry souleva Voldie et le posa avec précaution sur un nouveau lit de fougères. Voldie s'installa confortablement comme une poule sur son nid et dit : "Je comprends tout maintenant, Potter. 'Un pouvoir que le Seigneur des Ténèbres ignore', hein ? C'est vrai, même si je ne sais rien au final, bien que ce soit justement le point. Tu es l'Élu. J'ai terminé tous mes calculs," dit-il, en faisant un signe de tête en direction de la plume et du parchemin qui reposaient au sol, "et cela ne fait aucun doute."

"Calculs ?" répéta Harry qui ramassa le parchemin et découvrit que chaque parcelle de feuille était couverte d'équations effroyablement ennuyeuses notées avec une écriture effroyablement petite. Il frissonna rien qu'en regardant ça.

"Oui. Tu as pris Arithmancie ? Ou Divination ?"

"Divination. C'était surtout des conneries."

"Eh bien, il n'y a pas de place pour le doute ici, Potter. Ce matin, le ciel était plutôt dégagé et je n'ai jamais vu Vénus aussi brillante. Tu m'as vaincu. Par accident," dit Voldie qui gloussa comme un soufflet perforé. "L'Élu. C'est quand tu m'as dit que tu essayais seulement de te suicider que j'ai eu mes premiers soupçons. Personne ne saute d'une tour et atterrit sur son pire ennemi et une licorne. Le destin l'a voulu ainsi, les étoiles ont parlé."

Harry s'agenouilla à côté du nid de fougères et enfonça son visage sous l'aisselle de Voldemort. Après quelques instants, il commença à tapoter son épaule et Voldemort caressa l'arrière de sa tête.

Harry espéra que cette performance donnerait l'impression qu'il était submergé par l'émotion. Cela lui semblait plutôt étrange, mais c'était la seule chose à laquelle il avait pu penser sur le coup, qui pourrait cacher son visage de Voldemort et le protégerait ainsi de la Légilimancie. Il doutait énormément que les caprices du destin l'avaient fait atterrir sur lui; cela aurait pu être le cas une fois, mais pas deux. Atterrir sur le saule cogneur lui avait fait repenser à l'école primaire quand, poursuivi par le gang de Dudley, il s'était soudainement retrouvé perché sur un toit; c'était de la magie spontanée, rien de plus. Quand il avait sauté, sa magie avait automatiquement essayé de le sauver en le faisant atterrir sur quelque chose de mou. Enfin, pas mou, mais voilà, il était vivant.

Il n'était pas sûr de vouloir que Voldie le sache. En parlant de ça, il ne savait plus quoi faire de lui. Cet homme qui allait mourir juste parce que les étoiles l'avaient ordonné, sans parler du fait qu'il avait passé son avant-dernier jour sur Terre à griffonner vingt-sept pages d'équations pour prouver que c'était inéluctable ? C'était la mort par les maths.

La poitrine de Voldemort était étonnamment chaude.

.

Harry se réveilla un peu plus tard et il lui fallut un moment pour se rendre compte qu'il s'était endormi. Voldemort ronflait bruyamment. Harry se dégagea du Seigneur des Ténèbres et traversa la colline. Il prit un chemin éloigné de la zone rocailleuse avant d'errer sans but en revenant vers le cottage.

Au bord de la digue se trouvaient plusieurs petits os et crânes de rongeurs. Harry en prit quelques-uns et les assembla. Leur blancheur lui rappela aussitôt Voldemort, et il jeta quelques coups d'œil dans sa direction en essayant de ne pas ricaner. Bientôt, l'alignement d'os mesura environ trente centimètres de long; il formait un petit squelette d'os blancs craquelés, lavés par la pluie écossaise.

Il déplaça quelques fougères et découvrit soudain une colonie de choses pour le moins singulières, lisses, fines et de forme irrégulière. Elles ressemblaient à des pommes de terre fraîchement nettoyées, ce qu'elles n'étaient manifestement pas. Peut-être des champignons alors; de jeunes coprins noir d'encre, peut-être ? Bien sûr que non, pas la bonne saison. Il fallut quelques instants avant que Harry ne se décide à les toucher. Il saisit les coquilles brisées qui avaient relâché des serpents nouveau-nés et les identifia comme des œufs de serpents d'herbe datant de l'année dernière. Dans quelques semaines, lorsque toutes les parades nuptiales se seront terminées au même titre que la vie de Voldemort, c'était ce que pondraient les serpents femelles.

Harry fixa les coquilles d'œufs pendant un certain temps et se demanda pourquoi il avait les larmes aux yeux et prenait soin de cacher cela à Voldemort. Les coquilles étaient si petites et elles libéraient pourtant des serpents d'herbe entiers et vivants, minuscules, nerveux et souples; certaines étaient recouvertes d'une quantité assez importante de terre qui, comme des nuages sales dans le ciel bleu, ne faisait que souligner la blancheur de la coquille.

Elle lui rappelèrent également la tête de Voldemort.

Cinq minutes plus tard, celui-ci commença à gesticuler et à marmonner dans son sommeil alors qu'il sentait une série de chatouillements sur sa jambe, son torse et son visage. Puis les chatouilles devinrent des picotements et il se renfrogna, ouvrit les yeux et lâcha un cri perçant, suivi d'un grognement hilare tandis qu'il découvrait le petit squelette qui dansait sur son torse.

"Comment l'as-tu fabriqué ?" dit-il avec amusement, observant la créature pencher sa tête d'un côté en agitant avec enthousiasme une petite main osseuse.

"Des os de rat et un œuf de serpent," répondit Harry en gloussant. "C'est toi."

Voldemort lâcha malgré lui un grondement amusé et dit : "Tu as une langue bien cruelle, mon garçon."

Le squelette sembla le regarder pendant un moment, puis s'assit dos à lui et serra doucement ses jambes contre sa poitrine, blessé, l'image même de la misère. Voldemort avait découvert que même avec une corne de licorne malmenant ses entrailles, rire en valait généralement la peine.

Quand la lance de feu eut quitté ses boyaux, Harry retourna se coller sous son aisselle et arracha quelques morceaux de fougères. Le petit squelette dansa et joua sur le mur en ruine, puis une petite vipère se pointa et commença à lui parler.

"Comment je t'invite à me posséder ?" demanda Harry.

"Tu dois d'abord me pardonner. Ego te absolvo."

"Et après ?"

"'Viens à l'intérieur de moi'."

"C'est tout ?"

Le rire de Voldemort ressembla cette fois-ci à la secousse d'une boîte de conserve remplie de billes.

"Je veux te pardonner," affirma Harry, qui joua tristement avec du lichen avant de dire : "Je veux désespérément te pardonner, mais je ne sais pas pourquoi."

"Parce que tu penses que ça va t'aider à te pardonner," répondit Voldemort, désintéressé, comme si c'était évident. "Tu penses que tu es une personne pire que moi. Tu veux te punir car tu es gay."

"JE NE SUIS PAS GAY !"

"Et peut-être que tu veux me sauver de moi-même," conclut-il.

"Vraiment ?" demanda Harry. "Est-ce que je peux te sauver en échange de toi qui arrêtes de faire tous tes trucs maléfiques ?"

"Non, le pardon doit être inconditionnel. Cela ne peut pas être marchandé car ça signifierait que tu ne me le donnes pas de bon gré, sans contrepartie."

"Mais tu es en train de mourir de toute façon, alors ça reste une faveur."

"Je ne suis pas convaincu."

"Mais je te sauve de toi-même volontairement, alors... peux-tu faire un serment inviolable ?"

"Non. Nous aurions besoin d'une troisième personne."

"Nous pourrions utiliser l'un des serpents."

"La troisième personne," répondit Voldemort en levant les yeux au ciel, "doit tenir une baguette, et les serpents n'ont pas de mains."

"Fais un... serment magique, alors."

"Je pense que tu voulais dire un serment de sorcier, sauf qu'il est possible de le briser."

Harry retira tous les morceaux de fougère tombés sur son maillot et jeta un œil au petit squelette. Il chevauchait maintenant le dos de la vipère alors que le destrier reptilien se déplaçait de long en large sur le mur. Enfin, il dit : "Retour à la case départ alors."

"Je te devrais une dette de vie plutôt conséquente, gamin, si cela peut t'aider."

"Je ne…" Harry soupira et dit, "Je ne sais pas pourquoi je suis devenu fou... J'aurais aimé ne pas l'être maintenant, alors que tu as besoin d'être sauvé... bien sûr, si je n'avais pas eu besoin de me tuer, je ne serais pas tombé sur toi en premier lieu."

"Tu avais à peine besoin de te tuer," croassa Voldemort.

"Oh, pas encore. Écoute, je n'ai jamais demandé à être comme ça, c'est venu de nulle part."

"Comme les adolescents qui surgissent de n'importe où pour vous empaler sur une licorne."

"Eh bien, oui... Oh, bon sang. Il y a toujours... Je finis toujours dans cette situation là, avec l'intention de te dire une chose incroyablement importante, et on finit juste par parler, et... merde."

"Quelle est cette chose incroyablement importante ?" dit Voldemort avec fatigue. Ses yeux étaient maintenant voilés, comme ceux d'un serpent qui se prépare à se débarrasser de sa peau; se prépare à perdre un corps et passer au suivant.

"Eh bien, tu sais. Je... tu sais déjà. Je n'arrive juste pas à trouver quoi dire."

"Eh bien, oui," approuva Voldemort, "il serait dommage que l'acte le plus éloquent que tu aies jamais accompli ait été d'embrocher ta némésis sur une licorne."

"C'était un sentiment incroyable," marmonna Harry.

"Je ne veux pas savoir ça."

"Pas le fait d'être tombé sur toi," rétorqua Harry avec irritation. "Le fait de voler," et il se tut à nouveau. Pendant un moment, il réfléchit à la ressemblance entre le suicide et la première fois qu'il était monté sur un balai : il y a de la magie, je peux voler; le monde n'est pas ce que je pensais qu'il était, ma vie m'appartient. Harry était passé d'un monde à un autre; à celui qui était mieux. Il se sentit triste pour son lui de onze ans, celui qui avait cru à l'Eldorado.

Il n'arrivait toujours pas à trouver quoi dire. Il posa sa tête sur la main de Voldemort et souffla : "Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?"

Voldemort réfléchit. Quelle question ridicule, pensa-t-il; mais pourtant, c'était l'innocence qui l'avait tué et c'était l'innocence qui, avec un peu de chance, le sauverait, alors il ne pouvait pas se plaindre. Le pauvre garçon; un mort ambulant avant même qu'il ne soit né. Il se promit qu'après avoir possédé Harry, il essaierait de lui trouver un corps pour lui seul.

"J'aimerais que la douleur disparaisse," dit-il, en ouvrant les pans de sa robe. Tous deux regardèrent la corne qui sortait de son abdomen et Voldemort baissa les yeux vers Harry avec un sourire involontairement terrifiant.

Harry fit partir la douleur.


- FIN -


Notes :

(1) « Jette ton pain à la surface des eaux, car avec le temps tu le retrouveras » dans la Bible. Pour le cas de Harry, cela fait allusion au fait qu'il a plusieurs fois risqué sa vie en affrontant Voldemort, et que ce ne fut pas en vain puisqu'il est tout de même récompensé pour ses actes : il échappe régulièrement à la mort de manière in extremis, même si pour le coup il l'accueillerait bien volontiers...

(2) césure tragique ("Caesura of Doom" dans la fic) : « La césure tragique est cet instant suspendu où la pensée s'éprouve dans l'élément du vide » Patrice Rollet dans Passages à vide : Ellipses, éclipses, exils du cinéma. Pour simplifier, une césure est donc une pause au milieu d'un vers, d'une musique etc.

(3) "she's been having kittens" dans la fic, to have kittens est une expression pour dire que l'on est contrarié, anxieux. Cette métaphore est d'autant plus drôle puisqu'elle désigne Minerva McGonagall qui a pour forme animagus un chat ! Impossible de retranscrire ça en français, malheureusement.

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Cela faisait tellement longtemps que je voulais vous partager cette histoire, j'espère qu'elle aura su vous toucher autant que moi ! Merci d'être arrivés jusqu'ici !