« C'est FINI, je me BARRE d'ici. »

Un cri qui perce la maison de toute part, des pas précipités, le son d'une lourde valise qu'on traîne sur le sol, un claquement de porte et c'est fini. Il est parti ?

Du haut de l'escalier, entre les deux barres de fer où je m'échine à vouloir passer, je reste choqué un certain temps, Mère et Père font de même, incapables de comprendre réellement ce qu'il se passe. Nous ne pouvions pas dire que personne ne s'en doutait, mais au fond de nous, nous espérions qu'il n'irait pas jusqu'au bout de ses sinistres pensées. Nous étions dans l'erreur et il est parti.

Je m'assieds sur le sol, laissant mes jambes pendre dans l'escalier, Kreattur s'affaire l'air de rien, mais je sais qu'il est heureux. Bien vite, nos – dois-je déjà dire mes ? – parents s'affairent, s'occupent, font comme s'il ne s'était rien passé, comme s'il allait revenir, sauf que dans mon cœur je sens quelque chose se refermer pour de bon. Il a emporté nos souvenirs, nos jeux, nos rires, pour de bon, il est parti.

Le temps passe lentement, les secondes se transforment en minutes, en heures, toujours immobile, perdu dans mes pensées j'attends. Quoi exactement ? Sûrement que la porte se rouvre et que Sirius entre en éclatant de son rire si particulier, mais au fond de moi je sais que je me mens, il n'a plus ri ici depuis longtemps. Il s'enfermait dans sa chambre tout l'été et partait chez les Potter dès qu'il le pouvait, me laissant seul. Et aujourd'hui il ne fait que rendre officiel ce qui était caché, il est parti.

Je me redresse à la nuit tombée, il n'y a plus rien à attendre, plus rien à espérer. Kreattur a fini de préparer le repas, il me faut y aller, retrouver l'air froid et distant habituel, discuter des avancées politiques ou de la merveilleuse nouvelle qu'est le Seigneur des Ténèbres. Il ne m'a pas laissé le choix, depuis toujours je dois faire sans lui, je dois réparer ses erreurs, redorer le blason de la famille Black. Comme s'il allait me manquer, au contraire j'aurai moins de mal à corriger ce qu'il a raté maintenant, enfin ! Il est parti.

Assis à table, j'écoute les discours des parents, j'acquiesce, j'approuve, j'appuie, revêtu de mon masque, je suis le fils parfait dont ils ont toujours rêvé. Sirius n'est déjà plus rien, un trou de cigarette dans la grande tapisserie murale, exactement comme Andromeda. D'ailleurs, tout comme elle, il nous a abandonnés, lorsqu'il est parti.

Mon lit m'attend, tel que je l'ai quitté ce matin, sauf que j'ai l'impression que mon monde est bouleversé, que ma vie a pris un tournant radical. Aurais-je pu seulement imaginer ce que j'aurai vécu ? Le choc, le déni, la tristesse, la colère, toutes ces émotions si violentes qui m'ont habité aujourd'hui sont en total désaccord avec l'éducation bien fermée que mes parents m'ont enseigné. Alors ce soir, dans mon lit, je verse les dernières larmes de ma vie, me promettant de ne plus jamais être faible, ni de ressentir la moindre émotion en songeant à Sirius. Il a tourné une page et tiré un trait sur le passé, je me dois de faire de même. Ce soir, j'écris ces quelques mots qui m'ont habité toute la journée sur un papier volant avant de le regarder s'embraser à la lueur de ma baguette. « Aujourd'hui, Sirius m'a abandonné, il est parti. »