Ceci est une republication d'une histoire que j'avais commencé... Mais j'étais partie si loin que je m'étais perdue en chemin et que je ne savais plus où aller. Donc...j'ai trouvé préférable de recommencer depuis le début, même si les premiers chapitres restent globalement les mêmes. Plus je vais avancer, et plus ils vont diverger de l'ancienne version.

* Date estimée, automne, un an avant le début de la saga *

Dans un petit village quelque peu éloigné des grands axes commerciaux, une kunoichi en mission somnolait. Hasu était son nom, et elle le portait fièrement. Avachie sur le comptoir d'une petite auberge, ni miteuse, ni luxueuse, elle observait la porte d'entrée d'un œil presque clos. Elle n'était ni inquiète, ni stressée, ce n'était, après tout, qu'une mission de rang D. Et encore, ce n'était que pour protéger l'auberge de quelques clients un peu trop ivres et de brigands de passage qu'elle était là. La haute saison s'étant achevée, nul ne passait par ces chemins déjà peu fréquentés, et voilà deux semaines qu'elle occupait ses journées en parlant avec Kaya, la tenancière. Mais elle ne se plaignait pas trop, elle était simplement payée à ne rien faire voilà tout. Et elle avait une bonne raison d'avoir accepté, puisque son immeuble était en pleine reconstruction. Elle avait presque tout perdu dans l'incendie, et ce mois loin du village ne pouvait que lui faire du bien. Au final, c'était un bon plan de carrière, même si ce n'était pas très reluisant. Et Danzô avait accepté, que dire de plus ?

Toujours était-il qu'elle attendait, veillant à la place de Kaya qui était partie en ville acheter quelques affaires indispensables. Elle aurait pu partir avec elle, mais l'idée de manquer un client avait tant effrayé son amie qu'elle avait accepté de rester. Cependant, le voyage n'avait pas pu être évité en raison de leurs réserves presque vides. Leur dernier et seul client de la semaine avait eu un appétit d'ogre, c'était le cas de le dire.

Un petit soupir lui échappa, et Hasu changea de position pour rétablir la circulation sanguine de son bras droit. Tiraillant sur ses longs cheveux roux, elle huma l'odeur de la teinture et grommela en plissant le nez. Elle détestait vraiment cacher son apparence, le seul moyen durable de le faire lui agressant les narines. Elle n'était qu'un personnage inventé, de son nom à son apparence. Elle marchait sur d'immenses semelles compensées pour prendre une dizaine de centimètres et sa poitrine n'avait rien de réel. Sa chevelure l'ennuyait de sa longueur et elle n'était pas à l'aise dans le rôle d'employée qu'on lui avait donné. Mais c'était son rôle, sa mission, et elle refusait d'échouer.

Cependant, elle devait bien admettre que son apparence actuelle n'était pas pour la mette à l'aise. Elle donnait l'impression d'avoir vingt ans, peut-être même plus. Dans les faits, elle approchait à grands pas de son seizième anniversaire. Mais comme l'avait dit le vieil homme en l'envoyant en mission, ce qu'elle apprendrait ne lui ferait pas de mal. Malgré son jeune âge, elle avait un potentiel pour l'infiltration, et la comédie devait devenir son arme principale. Voilà ce qu'était Hasu, une rousse plantureuse.

Au milieu du bruit de la pluie frappant sur le toit, elle entendit le petit carillonnement des clochettes accrochées au portail. Relevant la tête, elle se frotta le visage et se redressa, aussi professionnelle que possible. Elle devait très certainement avoir les marques de ses bras sur les joues, mais c'était le genre de chose qu'elle ne pouvait pas faire disparaître. Elle vérifia mentalement si son chakra était bien contenu, la faisant passer pour une simple civile aux yeux de potentiels ennemis, et mit son sourire de fonction. Sourire qui se fana un peu quand les deux inconnus franchir la porte. Ils étaient ruisselants d'eau et de boue, un véritable désastre pour sa tranquillité.

- Bien le bonjour, messieurs.

Elle s'inclina brièvement et posa le registre sur le comptoir, attrapant de quoi écrire au passage. Ouvrant le gros livre, elle attendit les yeux posés sur eux, sans les voir vraiment. La première chose que Kaya lui avait appris, c'était qu'elle acceptait tout le monde, et surtout en période creuse. La jeune femme mettait donc ses instincts en veille et fermait les yeux sur les criminels qui passaient parfois, tant qu'ils ne faisaient pas de grabuge. Et après tout, les voleurs n'étaient pas tous cruels. Mais ces deux-là, ces deux-là l'effrayaient un peu. Le premier était vraiment grand, et son manteau noir orné de nuages rouges camouflait tous ses traits. Seuls ses deux yeux verts, inhumains, luisaient doucement dans la pénombre de sa capuche. L'autre, un peu plus petit, rayonnait d'arrogance malgré son aspect détrempé. Torse nu, une immense faux à trois lames appuyée sur l'épaule, il lui souriait d'un air peu engageant. Il avait...

- Combien pour une nuit pour deux ?

La question du premier homme la fit revenir au présent, et Hasu se concentra sur lui.
Tapotant du bout des doigts le panneau d'informations, elle leur indiqua la case désirée où un prix dérisoire était affiché. L'homme hocha la tête et tira l'argent d'une bourse. Elle encaissa tout en poussant le registre vers eux, son sourire crispé toujours éclatant de docilité.

- Si vous vouliez bien signer. Qu'importe le nom.

Ils signèrent simplement de deux croix, et Hasu hocha la tête en faisant faiblir son sourire. Montrer sa peur, montrer la peur et la crainte de la simple aubergiste qu'elle devait être. Puis, elle les invita timidement à la suivre, leur donnant les heures des repas et leur montrant les salles de bains, les yeux baissés et le corps tremblotant.
Elle les quitta après leur avoir indiqué la chambre, se mettant à trottiner sur ses chaussures hautes pour avoir le temps de tout nettoyer. Qu'elle aurait voulu avoir Kaya avec elle en cet instant, pour ne pas être seule lors de cette performance de haut vol. Si elle échouait, si elle perdait le contrôle... Elle préférait ne pas y penser. Elle n'avait encore jamais été prise, mais il y avait une première fois à tout. Et elle espérait sincèrement qu'il ne s'agirait pas de cette fois-là.

Le plancher de l'auberge à nouveau immaculé, elle s'attela à la préparation du repas. Une soupe de poisson et des brochettes de poulet épicés à sa manière, voilà tout ce qu'elle pouvait leur proposer avec un bol de riz. À la place, elle s'attela à l'allumage de la cheminée, tentant de rendre la salle à magner vide un peu plus chaleureuse. Elle leur dressa une table, dans un angle. Presque à l'endroit où une personne sur ses gardes se serait installée pour avoir la situation bien en main, mais pas tout à fait, à la table d'à côté. Puis, elle tira une table près du feu et s'y installa, attendant avec patience leur arrivée.

Lorsqu'ils descendirent, plus propres et moins couverts qu'à leur arrivée, Hasu écarquilla les yeux. Ils faisaient...moins peur. Comme s'ils avaient décidé de ne pas l'effrayer outre mesure. Dans le fond, s'ils désiraient rester discrets, c'était la meilleure chose à faire. Mais celui aux yeux d'un incroyable violet n'en semblait pas ravi. Alors, elle fit la première chose qui lui passa par la tête, un moyen de détendre l'atmosphère et de les convaincre de sa docile naïveté. À l'heure actuelle, elle n'était qu'une tenancière d'auberge, pas une justicière. Et ce fut sur cette bonne pensée qu'elle se mit à les examiner, essayant de ne pas être vue, mais sans jamais y parvenir. Elle les examina, de haut en bas, laissant ses joues se teinter d'un léger pourpre après un passage allongé de ses yeux sur le torse nu de son client. Elle continua son petit manège, tout en les servant sans un mot.
Puis, elle retourna en cuisine, sans se retourner.

- Sa...Miss, t'aurais du saké ?

Hasu ouvrit une armoire, en tira une bouteille et deux petits verres et retourna au près d'eux, constatant qu'ils avaient déjà terminé de manger. Elle s'agenouilla près de la table et les servit sans trop les regarder. Quelque chose entre eux avait changé pendant son bref passage en cuisine, une nouvelle tension s'était installée et elle ne parvenait à la comprendre complètement. Alors qu'elle se redressait pour retourner à sa place, celui qui était torse nu lui saisit le poignet et la retint, observant sa réaction. Elle releva doucement les yeux et les plongea dans ses iris à la couleur si inhabituelle.

- Oui ?
- Reste ici.

Elle tenta un petit dégagement, tirant un petit coup sur son bras, comme dans l'espoir de retrouver sa liberté, avant d'abandonner, le dévisageant lentement avant de s'asseoir le plus loin possible. Une secousse la força à se rapprocher un peu, et elle détourna le regard. Ses yeux presque suppliants se posèrent sur l'autre, celui au masque, comme pour demander de l'aide. Il la dévisagea sans bouger, et il adressa un regard menaçant à son compagnon de route.

- Hidan...

Sa voix gronda comme celle d'un fauve menaçant, et Hasu sursauta lorsque l'intéressé resserra sa poigne sur son bras, avant de la relâcher. Elle tourna la tête vers lui, tout en s'écartant un peu, sans même essayer d'être discrète. Mais il se contenta de lui servir un vers alors que son sauveur aux yeux verts se levait et repartait vers sa chambre.
Hésitante, elle accepta, avalant d'une traite l'alcool qui lui brûla agréablement la langue, la réchauffant de l'intérieur. L'homme la rapprocha de lui, et elle se laissa aller, enfouissant sa panique grimpante sous les vapeurs de l'ivresse.

Moins d'une heure plus tard, Hasu acheva la bouteille. Cette constatation la ramena un peu à la réalité, et elle soupira, comme de dépit, alors qu'elle se fustigeait mentalement. Elle était assise entre ses jambes, dos à lui. Son obi était de l'histoire ancienne depuis bien longtemps, et les pans de son yukata pendaient misérablement autour d'elle comme deux mers de tissus. Il avait enroulé un bras autour de son ventre nu, palpant sa peau sans jamais chercher à monter plus haut où à descendre plus bas, respectant la barrière de son pantalon noir et de son top blanc.
Voyant qu'elle avait le dernier verre, elle le lui tendit et roula la tête en arrière, au niveau de son coeur, observant le mouvement de sa pomme d'Adam alors qu'il déglutissait.

- Miss… C'est quoi ton nom ?

La question la prit par surprise, et elle ne se sentit pas le courage de mentir. Au chaud contre lui, l'esprit noyé dans une brume béate et calme, elle donna le sien, celui qu'elle portait officiellement au village. Parce que pendant un instant, elle rêva de ne pas être Hasu, elle rêva d'une situation semblable dans un monde où une telle chose lui serait permise.

- Tomo, et toi ?
- Hidan. Il veut dire « ami » ton nom ?

Hasu hocha distraitement la tête, sentant ses paupières devenir de plus en plus lourdes. Dans un dernier effort qui lui coûta ses maigres forces, elle lâcha une phrase insensée.

- Je sais...que vous n'êtes pas des gentils... Mais si vous ne dites rien, je ne dirai rien.

La pression sur son estomac se resserra d'un seul coup, la faisant siffler de douleur. Mais elle ne tenta rien, pas un geste pour s'échapper. Se roulant presque en boule autour de ce bras qui l'écrasait lentement. Une mauvaise idée, ça avait été une très mauvaise idée.
Mais il la relâcha, la laissant s'écrouler sur le sol, une larme au coin de l'œil. Ses paupières papillonnèrent et finirent par se fermer, malgré la douleur et toute sa bonne volonté.

Hidan la dévisagea longuement, prenant le temps de réfléchir à ce que pouvait impliquer la confession de l'endormie. Elle s'était méfiée d'eux dès le début, mais il avait mis cela sur le compte de son instinct, et de sa position de frêle femme seule face à deux hommes armés. Mais s'il n'y avait eu que ça, elle n'aurait rien dit, elle aurait gardé le silence. Il y avait plus, elle était plus qu'une simple tenancière. Le plus raisonnable aurait été de l'éliminer, mais il repoussa cette hypothèse. Ils devaient encore être discrets, et un cadavre, ou une disparition, n'était pas le meilleur moyen de l'être. Si elle parlait, ils seraient tout autant repérés que s'ils la tuaient. Le meilleur à faire était de la laisser vivre.
Il se dépatouilla de la jeune femme endormie et se dirigea vers la cuisine, à la recherche d'un morceau de papier et d'un crayon. Il y griffonna un bref message et le déposa près d'elle, de manière à ce qu'elle ne le manque pas. Puis, il remonta à l'étage et réveilla son coéquipier, inventant un mensonge pour justifier leur départ et le rassurant quant au sort de leur hôte : celle-ci dormait et n'avait rien de plus grave d'une bonne cuite. Il passa sous silence l'énorme bleu qui recouvrirait bientôt son ventre, un bleu qu'il lui laissait en tant que souvenir et menace.

À l'aube, Hasu se réveilla, le corps fourbu et douloureux. Sa tête et son ventre étaient les principaux responsables de son éveille matinal, et elle prit peur. Ironiquement, ce fut la couleur de son ventre et le petit mot posé près d'elle qui la rassurèrent sur ce qui lui était arrivé. Rien, rien de bien grave, mais rien qu'elle ne puisse ignorer...

* Un an plus tard, à Konoha *

Assise dans son appartement, une jeune femme nommée Hasu regardait un rouleau avec consternation. Elle venait de faire la plus grosse erreur de sa vie, et sans doute la dernière. Elle ne pourrait pas nier si on l'interrogeait, et elle serait tuée si cela devait avoir lieu. Elle n'avait plus qu'à s'enfuir, même si elle n'était pas vraiment apte à survivre en extérieur. Ce qu'elle avait découvert était trop gros, bien trop gros, et si affreux. Rassemblant ses affaires dans un parchemin de stockage, elle ne prit que le strict minimum et quitta son appartement en le fermant à clé. Debout dans la cage d'escalier, elle se murmura, pour elle-même.

- Ma vieille, je crois qu'il est temps de filer et de changer d'apparence. Les temps deviennent dangereux par ici.