Auteur : Bndktk
Source : Compilation of Final Fantasy VII
Titre : Les Fonctionnaires
Genre : Angsty
Rating : M pour langage châtié et descriptions explicites de scènes sanglantes
Disclaimer : On connaît tous la chanson, hein. FFVII n'est pas à moi, blablabla, aucun profit, gnagnagna, tout ça tout ça…
Notes : Les titres des chapitres ont étés choisis en fonction de chansons qui m'ont inspiré pour écrire. Je vous donnerais le nom de l'artiste à chaque fois, et je vous recommande vivement d'aller écouter et de faire attention aux paroles de chaque chanson. Je choisis ces morceaux en fonction de leur caractère et de leur rapport aux personnages ou au scénario. Bonne lecture !
Sunburn - Muse
And I'll hide from the world
Kind of broken frame
And I'll burn forever
I can't face this shame
***
Banlieue de Junon
03h57
La banlieue de Junon était tout aussi lugubre que la ville qu'elle bordait. Des bidonvilles peuplés de charognards et de sans domicile fixe qui se traînaient sur le bord de la route en espérant qu'une âme charitable passe et leur laisse un billet. Toute cette misère lui inspirait presque autant de sympathie qu'un lépreux. Et c'était sans compter sur tous ces terrains vagues parsemés de tombes rudimentaires. Des sépultures grossières surmontées de morceaux de bois, sur lesquels on gravait le nom des défunts, avant de les oublier. Des fosses communes auxquelles on donnait des allures de cimetière. C'était là que ses obligations professionnelles l'avaient mené. Dans un de ces champs où ne poussaient que les pierres tombales. L'obscurité, la brume, la lueur pâle de la lune donnaient au lieu des allures de scène de film d'horreur. Il ferma un instant ses yeux bleus électriques, puis les rouvrit sur le monticule de terre face à lui. Un frémissement lui parcourut l'échine. Il se tourna vers son collègue avec l'air le plus impassible dont il était capable et lui fit signe de s'approcher.
-Tseng... rappelle moi combien je suis payé pour ça ? S'enquit-il en passant la main dans ses cheveux bruns.
-Plus que pour ton ancien travail. Nous devrions nous y mettre.
L'homme saisit la pelle que lui tendait le Turk et se mit à creuser. Il mit quelques temps avant d'exhumer la boite de sapin dans laquelle reposait un défunt fonctionnaire de la Shinra, puis en sortit le corps inerte. Les asticots qui rongeaient la dépouille furent éjectés d'un geste impatient de la main. Il constata froidement que les yeux avaient étés complètement consommés par les vers, et que les os commençaient à saillir à certains endroits du corps. Son costume, probablement sur mesure, s'en allait en haillons de la même manière que ses tissus. Le climat humide de la région aidant, la décomposition s'en trouvait accélérée. L'homme prit délicatement une carte d'employé qui dépassait d'une poche.
-Où est l'autre ahuri ? demanda-t-il à son camarade.
-Il ne devrait plus tarder.
-Toujours le premier pour esquiver les sales besognes, hein ?
-Sans vouloir t'offenser, Baldric, la patience est une vertu dont tu manques cruellement.
L'intéressé se tourna vers Tseng, l'ombre masquant ses traits tendus et fatigués.
-Sûrement. Bon, où est ce satané disque ?
Après avoir procédé à l'examen du badge de fonctionnaire, Baldric fouilla rudement les poches du cadavre, sans rien y trouver. Il marmonna sombrement en comprenant que l'objet de sa recherche ne se trouvait pas tout à fait sur la dépouille et sortit de son costume un cran d'arrêt qui luisit à la pâle lueur d'une lampe torche. L'agent grimaça en entendant le plexus craquer sous sa lame, retroussa ses manches et fourra sa main dans la cage thoracique de l'employé. Il remua longuement les viscères, extrayant tour à tour les organes vitaux. Des bruits de pas précipités accompagnèrent la scène, suivis de près par la mélodie harmonieuse d'une nausée violente.
-Reno est arrivé, annonça laconiquement Tseng.
L'air triomphant de Baldric indiqua à l'Utaïen qu'il avait trouvé les documents qu'ils étaient venus chercher. C'était un disque optique de petite taille protégé par un film de cellophane, le tout couvert de sang et de lambeaux de chairs décomposées. Une joyeuse vision, fit noter le Turk aux yeux bleus.
-Nom de dieu, tu pouvais pas faire ça proprement ? Grommela le roux.
Pour toute réponse, Baldric lui fourra le disque sanguinolent dans la main et s'éloigna en quête d'un mouchoir. Il reçut un flot d'insultes de la part du conducteur de la voiture sur la vitre de laquelle il venait de poser la main, puis se saisit du morceau de tissu que ce dernier lui jeta à la figure.
-Putain de bordel, je l'ai fait nettoyer ce matin ! T'entends ça, connard ? Ce matin ! Ça te ferait plaisir, à toi, si je venais foutre mes mains pleines de sang sur tes putains de vitres ?
-Jurou… je n'ai pas de voiture… répondit l'intéressé en s'essuyant les mains.
Le chauffeur lui hurla qu'il n'en avait rien à faire, avant de lui refuser l'accès à la place passager.
-Il est hors de question qu'un psychopathe dans ton genre s'asseye à côté de moi.
-Il est hors de question qu'un vulgaire chauffeur me tienne tête, rétorqua Baldric.
Il planta son regard froid dans celui de son interlocuteur et posa la main sur la crosse de l'automatique attaché à sa ceinture. Cela dissuada le conducteur de brailler. Baldric ordonna à Tseng et Reno de remettre le corps du défunt à sa place, et s'installa dans la voiture. Il observa ses deux collègues s'affairer à enterrer le cercueil bon marché, et pensa avec amertume qu'il finirait dans une de ces boites en sapin lui aussi, un jour ou l'autre. Son nom gravé sur une pierre froide, et un bouquet sur la lourde dalle de marbre qui scellerait l'accès à son cadavre. Un avenir déjà tout tracé. Peut être même sera-t-il tué par un de ses collègues ? Il se le demandait.
-À ton avis, elle contient quoi, cette disquette ?
Baldric sursauta. Un homme blond et borgne était assis sur la banquette arrière. Il avait les cheveux gominés et portait le même costume d'encre que Baldric. L'uniforme réglementaire des Turks. Sa cravate était soigneusement nouée autour de son cou, et il portait à l'index droit une imposante chevalière. Un profil que l'homme brun reconnut facilement. Il travaillait régulièrement de concert avec lui.
-Eh ben, je te fais de l'effet, on dirait, sourit le blond.
-Rayner… je ne savais pas que tu avais été affecté ici toi aussi.
-À vrai dire, je rentre de vacances sur la Costa. Le patron m'a appelé pendant que j'étais sur le cargo, il veut te faire passer un message.
Baldric abaissa son pare-soleil et observa son collaborateur dans le rectangle réfléchissant.
-Il a dit « Ton fils fricote encore avec des types pas nets, tu ferais mieux de le tenir en laisse ou il va se retrouver dans les cellules du département de détention. Et j'ai du job pour toi, alors quand tu auras réglé tes problèmes familiaux, passe à mon bureau. C'est pas urgent, mais ne tarde pas trop. »
Le Turk émit une exclamation de mépris à la mention de son fils et marmonna quelque chose à propos d'affaires personnelles.
Reno entra dans la voiture en maugréant, suivi de Tseng. Ils avaient enterré le corps et s'étaient arrangés pour qu'on ne remarque pas la profanation de la sépulture. Baldric fit signe à Jurou de les ramener en ville et se laissa aller à ses pensées tandis que les crève-la-faim de la zone de baraquement se collaient à la vitre qu'il fixait d'un air absent. Un groupe de mendiants vint tenter d'arrêter le véhicule, mais Jurou continua d'avancer sans le moindre scrupule. La voiture de luxe noire filait à travers le paysage morne.
La grisaille de Junon n'arrangea pas l'humeur des Turks. Le chauffeur largua les quatre agents au beau milieu de la ville et repartit aussi vite qu'il put. Baldric se dirigea à pas vifs vers l'héliport. Il souhaitait quitter la ville au plus vite et rentrer chez lui. Retrouver son appartement carré, sa douche, son lit. Dormir enfin après plusieurs jours de manque de sommeil. Le travail qu'il faisait depuis maintenant deux ans et demi était éprouvant psychologiquement et physiquement.
Baldric entendit une voix le tirer de son rêve de sommeil et de repos. Il était finalement arrivé sur la plate forme de décollage. Reno le secoua quelques secondes et le ramena sur terre.
- Yo, réveille-toi un peu ! A quoi tu penses, merde ? Je prends les commandes comme d'hab' ?
Le brun écarquilla les yeux, puis monta dans l'hélicoptère devant le ramener à Midgar. Il s'installa à l'arrière et mit un casque pour tenter de dormir. Ce fut une tentative vaine. L'engin produisait un vacarme assourdissant que même les jacassements insupportables de Reno n'arrivaient pas à occulter. Ces conditions réunies l'empêchèrent d'entendre la sonnerie de son téléphone. Il ne s'aperçut qu'après deux heures de vol de l'appel que son fils avait tenté de passer. Reno les déposa sur le toit du building Shinra, mais Baldric refusa de passer par le bureau des Turks et descendit directement au garage. Il y retrouva sa moto et l'enfourcha pour rentrer chez lui.
Les mesures de sécurité de l'immeuble où il vivait agaçaient Baldric. Cartes à bande magnétique, codes d'accès et serrures multiples. Le Turk entra dans la cage d'escaliers parfaitement entretenue. Une odeur de citron lui picota les narines. Les femmes de ménage, qu'il n'avait jusqu'à lors jamais croisées, effectuaient un travail dont la perfection semblait suspecte. Même le bouton d'appel de l'ascenseur semblait avoir été méticuleusement astiqué. Il en allait différemment pour la cabine de la machine. Habitant au trente-deuxième étage, l'avant dernier palier sous le toit, Baldric avait pris l'habitude de fumer une cigarette en attendant de sortir, transcendant les interdictions communes. L'odeur de ses cigarettes avait alors imprégné la cage d'ascenseur et ses cendres traînaient usuellement sur le sol. Les agents de service avaient renoncé à affronter la terrible coutume du Turk, et ses voisins ne semblaient pas apprécier ses usages. Il avait déjà reçu plusieurs lettres de plaintes de la part de l'association de locataires.
Peu lui importait.
Il inséra sa clé dans la serrure et tourna à plusieurs reprises avant d'ouvrir sa porte. L'appartement plongé dans l'ombre accueillit son propriétaire sans attendre. L'odeur de cigarette et d'aliments surgelés vint emplir les poumons de Baldric. Il respira profondément et se dirigea vers sa douche. Il s'empressa de se déshabiller et entra dans la cabine de douche. L'eau ruissela sur ses épaules larges et coula sur les formes puissantes de ses bras. Chacun de ses muscles frémit au contact brûlant de cette pluie synthétique. Ses cheveux se collèrent à son cou et son front. Son être tout entier était purgé. Il attendait cette libération depuis des jours. Tout le sang qui collait encore ses cheveux, la poudre qui s'incrustait insidieusement dans les pores de sa peau, l'odeur de mort qu'il camouflait sous les parfums, tout s'en allait avec l'eau. Tout ce qui représentait sa vie de meurtres et de secrets fuyait par les canalisations.
Au sortir de la douche, Baldric planifia sa soirée. Manger quelque chose, puis s'endormir devant un film de bas étage. Il enfila un pantalon pour ne pas circuler nu dans son studio et se dirigea vers la cuisine. C'est lorsqu'il sortit au hasard un plat à réchauffer de son congélateur et qu'il se tourna vers le micro-ondes qu'il remarqua qu'un morceau de papier était collé sur la vitre du four. Une note de la part de son fils. Un mot simple comme ceux qu'il lui adressait quand il n'avait pas envie de lui parler.
« Parti dans les taudis.
Victor. »
-Et merde.
Après avoir enfilé un T-shirt et avoir jeté son manteau par-dessus, Baldric s'était précipité vers la station de train la plus proche. Sans avoir oublié son automatique fixé à son baudrier. Il sauta dans le premier train partant pour le secteur huit. Il contempla à travers la vitre du wagon le même spectacle que celui qui s'était offert à lui à Junon. Des taudis insalubres peuplés de pauvres gens issus des classes moyennes. Le train s'ébranla dans la gare du secteur huit. Il fonça au Wall Market. Son instinct lui criait qu'il trouverait son fils là bas.
Ses habitudes de Turk reprirent rapidement le dessus sur ses élans paternels. Il se dirigea immédiatement vers une grande maison éclatante de lumière. Les néons roses et bleus contrastaient avec la misère des taudis. Mais le Honeybee, derrière ses éclairages pastel, mettait Baldric mal à l'aise. Il savait quel genre d'activités on y pratiquait. Sans avoir besoin de montrer une quelconque autorisation, le Turk entra dans le manoir. Il monta immédiatement des escaliers sur sa gauche et interpella un homme qui se trouvait dans le couloir sur lequel il déboucha.
-Toi, viens ici !
L'interpellé sursauta et se tourna vers le nouveau venu d'un air étonné.
-Monsieur Gilliam, c'est une surprise de vous voir ici ! S'exclama-t-il. Si vous venez voir Don Cornéo, je peux m'arranger pour vous.
Baldric le saisit par le col et le plaqua contre le mur sur lequel il s'adossait. Il approcha son visage et put sentir les vapeurs d'alcool émaner de l'homme. Un vulgaire sous-fifre.
-Je viens pas pour voir ton patron, connard. Où est mon fils ?
-Je ne vois pas de quoi vous parlez, monsieur Gilliam.
-Te fous pas de ma gueule. Je sais qu'il est dans le coin. Si tu veux pas te sentir diminué, je te conseille de parler.
Disant cela, Baldric sortit son couteau et fit remonter la lame le long de la jambe du garde. L'homme trembla au contact froid et couina quelques mots à l'oreille de son tortionnaire. Baldric le lâcha et lui déclara froidement que s'il laissait échapper le moindre mot, il veillerait personnellement à ce qu'il ne puisse plus jamais parler.
Les hommes de Don Cornéo se faisaient passer pour des durs, mais face à la Shinra, ils n'étaient rien de plus que des crétins qui pleurnichaient à la vue d'une arme. Aucun d'entre eux n'était de taille à tenir tête à Baldric. Il avait d'ailleurs été affecté à la surveillance de la maison close de Cornéo et se chargeait régulièrement de mettre les affaires au clair lorsque le Don tentait de cacher quelque chose à la compagnie.
Baldric marcha jusqu'à une vieille bâtisse délabrée. Le béton s'en allait par bloc et les murs gris étaient couverts de vieilles inscriptions anti-Shin-Ra. Il ouvrit la porte d'un coup de pied et entra dans un couloir en ruine. Personne. Le Turk s'enfonça plus loin dans les décombres et découvrit une ouverture dans des débris d'escaliers effondrés. A peine fut-il entré qu'il tomba sur trois hommes qui gardaient une vieille porte en bois. Ou plutôt trois gamins, constata-t-il.
-Bouge pas où je te saigne ! Hurla l'un d'eux en brandissant un couteau. T'es qui ?
-Écoute, fais pas de connerie, OK ? Tu vas gentiment me laisser passer et il n'y aura pas de problème.
Celui qui se tenait le plus en retrait, un blond, s'avança et fit signe à son ami de se calmer.
-Tu viens pour quoi ? Demanda-t-il posément.
-J'ai des comptes à régler avec un de tes petits copains.
Le jeune homme réfléchit un moment.
-Bon, je m'appelle Kirk. Je sais pas à qui tu cherches des crosses, mais je peux pas te laisser entrer. On a reçu des ordres. T'es pas des taudis, si ?
-Pas la peine de lui parler, il nous a vu, on doit le buter, siffla celui au couteau.
-Je t'ai déjà dit de te calmer, Walt. On va régler ça à l'amiable.
Walt semblait bien trop nerveux pour employer la diplomatie, et le troisième larron, un rouquin ricanait dans son coin. C'est avec Kirk, qui semblait le plus raisonné des trois, que Baldric décida d'ouvrir le dialogue. Il bénit Ramuh de ne pas être avec Reno.
-Bon, Kirk, on peut trouver un moyen de s'arranger sans embrouille. Je sais très bien que vous êtes une bande de petits junkies, et que dans la pièce derrière toi, vous vous shootez comme des porcs. Si tu me laisses pas entrer, c'est pas à une descente de flic que vous allez avoir droit.
-Et tu bosses pour la Shinra pour parler comme ça, non ?
-Ouais.
A la mention de la société, le roux se jeta sur Baldric avec un hurlement de rage. Le Turk ne lui laissa pas le temps de s'approcher et lui envoya le fer de sa chaussure dans le menton. Le gosse tomba par terre, sonné. Kirk eut un mouvement de recul, et Walt tenta d'attaquer Baldric. Ce dernier esquiva facilement et sortit son automatique, le braquant sur la tête de l'adolescent.
-Vous allez peut-être me prendre au sérieux, maintenant. Toi, mon gars, je te conseille de ranger ton jouet. Et toi, Kirk, tu ferais mieux de me laisser entrer.
-Ouais… ouais, OK, faut pas t'énerver comme ça… vas-y, fais ce que tu veux, entre.
Baldric entra prudemment dans la pièce adjacente. Plusieurs individus se tournèrent vers lui. L'endroit était sombre et puait la drogue. Deux filles étaient en train de se piquer lorsqu'il arriva. D'autres étaient allongés à même le sol, en plein trip. Les autres se concertaient autour d'une vieille table. L'un d'eux se leva et recula jusqu'au fond de la pièce. Ses cheveux blonds lui tombaient jusqu'aux épaules, et l'air horrifié qu'il arborait tordait ses traits. Mis à part la couleur de ses cheveux et de ses yeux, il ressemblait trait pour trait à Baldric.
-Victor, espèce de… vient par ici !
L'intéressé longea le mur pour essayer de s'éloigner de son père. Mais Baldric fut plus rapide et lui saisit les cheveux, avant de l'envoyer s'écraser sur la table. Il lui comprima la tête contre le bois.
-Alors, on fait des cachotteries à son papa ? Tu m'avais pas dit que t'étais un junkie…
-Moi, au moins, je suis pas un psychopathe ! Hurla Victor. Je bute pas des gens pour une société de merde, et je suis pas un putain de cinglé !
Baldric frémit et écrasa un peu plus la tête de son fils contre la table.
-C'est très bien comme ça. Je ne t'ai pas demandé de suivre mon exemple. Maintenant tu vas venir avec moi, je vais m'occuper de ton cas. Allez, debout !
Il lança Victor à terre et lui envoya un coup de pied dans l'estomac. Le blond se releva difficilement et sortit de la pièce, suivi de près par son père.
Le trajet s'était fait dans le silence, ponctué de regards haineux et de menaces de mort muettes. Baldric poussa son fils à l'intérieur de son appartement. Il l'accula à coups de pied vers sa chambre, renversant tout ce qui passait à sa portée. Il ne semblait pas éprouver la moindre honte à l'idée de passer son fils à tabac. La fureur qui faisait frémir l'eau de ses veines occultait sa raison. Victor se vit coincé dans l'angle de la chambre de Baldric, dominé par la silhouette baignée d'ombre de son père.
-Tu pensais que je ne m'apercevrais de rien ? Tu crois que les informations ne circulent pas ?
-Ce… c'était pas tes affaires.
Baldric se raidit.
-Pas mes affaires ? Jusqu'à preuve du contraire, t'es mon fils. Que ça te plaise ou non, tant que tu vivras sous mon toit, tout ce que tu feras me regardera. Et maintenant…
Il saisit Victor par son pull et le souleva.
-Comment tu vas m'expliquer ça ? Souffla-t-il à l'oreille de l'adolescent.
-J'ai pas de compte à te rendre…
Baldric cogna la tête de son fils contre le mur.
-Qui t'as embarqué là dedans ? Insista le Turk. Réponds-moi.
-Ok, ok. C'est un mec qui s'appelle Sears.
Baldric pâlit et relâcha un peu son étreinte sur son fils.
-… Sears ?
Victor hocha la tête.
-Je ne te savais pas aussi con… murmura le père.
-Peut être que ça serait pas comme ça si maman était là.
Baldric serra les poings. Ses phalanges blanchirent à vue d'œil, mais Victor ne remarqua rien. Une sonnerie de téléphone déchira le silence, et le Turk décrocha sans lâcher des yeux son fils.
-Gilliam, Département d'Investigations, lança-t-il.
-Baldric, c'est Veld. Qu'est-ce que tu fous ? T'as vu l'heure ?
L'homme jeta un regard au réveil posé sur la table de nuit. Sept heures. A cette période de l'année, le soleil s'était à peine levé. Baldric jura.
-Amène ton cul au bureau tout de suite. J'ai du boulot pour toi.
