Quand le Patron s'étirait, sa nuque craquait comme un bouchon de champagne. Ou de vin. D'alcool en général. Alcool qu'il confessait boire sans vergogne. Boire puis rire. Son rire qui découvrait ses dents, ses gencives. Ensuite, il rentrait chez eux. Enfin, chez lui.
Le geek l'avait récupéré un jour, ivre. Il puait le vomi. Celui qu'il se déversait dessus. Il l'avait accueilli. Il lui avait offert l'attention dont il manquait. Il pensait pouvoir le changer. Parce qu'il l'aimait.
Le geek l'aimait tant et si fort, qu'il ne s'avouait pas son odeur spiritueuse. Ni les bleus sur ses cuisses. Sur son torse.
Quand le Patron rentrait chez eux aviné, il claquait la porte. Le parquet craquait, comme un bouchon de bière. Bière qu'il se vantait d'avoir bu cul sec, par le nez disait-il.
« Il est tard, je vais me rendormir, lui répond le geek. »
Une gifle. Méritée, bien sûr. Ou pas ? Il n'en était plus sûr. Parce que le Patron écartait ses cuisses. Parce qu'il le prenait. Parce qu'il le faisait souffrir. Pleurer. Mais l'aimer encore.
Quand de la bite satisfaite s'écoulait le liquide blanc, un autre plus fluide dévalait les joues du Patron.
« Pardon, Pardon. Excuse moi. Je t'en supplie. Je t'aime. Tu es le seul. Le seul qui me donne une vie correcte. Le seul qui croit en moi. Non ! Ne pars pas ! Je vais te doucher. Voilà. Tu n'es plus sale comme ça. Je suis désolé. Tous ces bleus... Je veux mourir. Quand je te fais ça. Pourquoi tu ne me tues pas ? Pourquoi tu me laisses te faire ça ? Pourquoi tu me laisses souffrir de te faire ça ? Tu me détestes tellement ? Pourquoi tu ne m'épargnes pas ça ?! C'est de ta faute ! Comment je peux t'aimer ? »
L'alcool reprend le dessus. Le ventre du Patron se vide dans la douche. Salissant à nouveau le geek. Celui-ci l'aide à se diriger aux toilettes. Se redresse. Regarde face à lui.
Un homme amaigri, les joues rentrées, les cernes déchirant son visage lui faisait face. Des hématomes rappelaient la couleur de ses yeux éteints. Une substance odorante jaune descendait sur sa cuisse, s'accompagnant de quelques traces encore blanches. Tirant sur le translucide.
L'inconnu avait l'air si triste. Il voulait l'aider.
« Comment t'aider ? »
L'anonyme baissa le regard. Il en suivit la direction instantanément. Le Patron. Sa nuque. Sa nuque blanche. A nuque accessible. Sa nuque sans défense.
Sa nuque qui a fait « crac » quand le geek l'a retourné. Sa nuque qui a fait « crac » comme un bouchon de champagne.
Le geek releva la tête. Il vit l'inconnu sourire. Revivre. Il éteignit la lumière, et laissa son miroir seul avec le cadavre de l'homme qu'il aimait.
