Ziva
Depuis quelque temps déjà, on m'avait fait état d'une information non-vérifiée par l'officier Bashan, selon laquelle Katia Fortini passerait à Washington dans les prochaines semaines. Conformément à mes souvenirs de 2005, elle avait l'habitude d'être fantomatique. En conséquence de quoi, j'avais décidé de garder mes habitudes le weekend notamment. Si Katia décidait de se montrer, elle n'aurait aucun mal à me retrouver. Je pensais beaucoup à cette période trouble où le flegme britannique avait cédé la place à une fébrilité unique.
Ce samedi après-midi là, j'avais décidé de me rendre au Musée du Smithsonian pour admirer une exposition de manuscrits anciens. Il se murmurait que le Codex de Mosconi était exposé.
Je m'étais assise dans la galerie d'art moderne pour faire une pause. Les yeux fermés je m'imprégnais des odeurs de bois des sculptures qui m'entouraient.
Katia
Mon arrivée à Washington se passait plutôt bien jusqu'à maintenant. J'avais tout juste une semaine pour m'installer avant de réellement reprendre le boulot. Au réveil ce matin, une idée saugrenue m'était passée par la tête. J'avais eu envie d'aller m'imprégner de culture et d'histoire. Le musée du Smithsonian m'avait semblé être l'endroit tout désigné, surtout qu'on disait que c'était le plus grand complexe de ce genre à travers le monde.
Ça faisait déjà une petite heure que j'étais arrivée sur les lieux et je m'étais déjà perdue à plusieurs reprises. Je me suis surprise à errer tout en observant les autres visiteurs. Alors que je venais de mettre les pieds dans la galerie d'art moderne, j'ai aperçu une silhouette qui m'était familière. Je me suis doucement approchée et j'ai posé ma main sur l'épaule de la jeune femme qui semblait être dans un état assez méditatif.
Ziva
Alors que je méditais depuis plusieurs minutes, j'ai fini par sentir une main sur mon épaule droite. Pendant une seconde, j'ai failli l'attraper pour effectuer une prise de ninja. C'est d'ailleurs ce que j'aurais dû faire. Mais cette main, je la connaissais. J'ai donc ouvert les yeux, puis je me suis levée calmement avant de faire face à la jeune femme. L'Officier Bashan ne s'était donc pas trompé. Katia Fortini était bel et bien à Washington ! J'adressais un sourire tout en retenue à la demoiselle.
La rumeur était donc fondée... Tu es ici Katia. Et j'en suis très heureuse !
Il n'y eut pas d'effusion de joie de ma part, mais j'étais vraiment contente de la voir. Je pris le temps de la détailler. Même si presque une décennie était passée, elle n'avait pas beaucoup changé. Pendant une fraction de seconde, des images de la période londonienne me revenaient en mémoire. Le Jour Noir notamment, où je me trouvais dans une des rames...
Je fis le tour du banc avant de prendre amicalement Katia dans mes bras. Elle en avait bavé à ce moment là et j'avais essayé de lui redonner confiance en ses capacités. J'avais dû partir pour Washington trop précipitamment à mon goût, sans savoir si elle avait pu se remettre de ce revers cuisant en terre britannique. Patiemment, j'attendais qu'elle réagisse sans relâcher mon étreinte.
Katia
J'avais pris un certain risque en posant ma main sur l'épaule de Ziva. Pourtant, sur le coup, mon geste m'avait paru assez naturel. La réaction de mon amie aurait peut-être dû me surprendre davantage. Après tout, ça faisait près de 10 ans que nous ne nous étions pas croisées et les choses auraient pu changer. Cependant, je la retrouvais exactement comme au jour où nous nous étions quittées.
Apparemment, une rumeur concernant mon arrivée sur le sol américain avait circulé. Ça me faisait bien sourire de l'apprendre. Jusqu'à maintenant, je m'étais faite plutôt discrète et je n'avais pas pris contact avec quiconque. Ça me faisait d'autant plus plaisir de croiser Ziva par hasard.
- Salut Ziva, ça me fait plaisir de te voir aussi!
J'avais de la difficulté à réprimer le sourire qui éclairait mon visage. Je me suis alors retrouvée dans ses bras le temps d'une étreinte. J'avais de la difficulté à réaliser ce qui était en train de se produire. Après un bref moment, j'ai fini par m'écarter légèrement pour prendre de ses nouvelles.
- Alors, qu'est-ce que tu deviens?
Ziva
Ce qui me faisait plaisir, c'est que Katia semblait partager le même sentiment sympathique des retrouvailles. Ce qui m'étonnait en revanche, c'était le fait que l'on se soit retrouvées par hasard. En plus du fait que la décennie qui venait de passer n'avait pas laissé de traces, bien au contraire. Et puis vint la question fatidique : Qu'est ce que Ziva David devient ?
Pour résumer brièvement, je suis maintenant Agent du NCIS et j'ai acquis la nationalité américaine dans le même temps. Le MOSSAD, pour moi, c'est terminé. Surtout depuis le changement de direction...
J'avais encore du mal à parler du décès de mon père. C'était bien trop récent pour arriver à être libre par rapport à ce traumatisme. Un voile de tristesse est passé sur mon visage très peu de temps. Mais j'avais peu d'espoir qu'il soit passé inaperçu. Je me suis empressée de changer de sujet.
J'imagine que de ton coté, l'allégeance à Sa Majesté est toujours active ? Tu es douée dans ce domaine. Impressionnante de discrétion d'ailleurs. Peu d'infos ont filtré à ton sujet sur le sol américain. Bien joué !
Je ne pouvais m'empêcher d'avoir un sourire en coin. Elle devait se souvenir qu'elle était douée. D'un bras allant, je lui indiquais de marcher à mes cotés.
Katia
La réponse de Ziva me laissait plutôt sur ma faim. Elle n'avait pas fait dans les détails, c'est le moindre qu'on puisse dire. Physiquement, elle n'avait pas changé... Sauf qu'elle avait l'air d'avoir grandement progressé dans sa vie. Déjà, elle m'avouait s'être détachée du MOSSAD pour intégrer le NCIS de façon permanente. Elle me laissait entendre qu'elle avait coupé ses liens avec son ancienne agence. Je sentais que quelque chose n'allait pas, sans pouvoir mettre le doigt dessus exactement. Elle avait uniquement mentionné un changement de direction. Il faudrait bien que je me renseigne sur ce qui s'était passé.
Les suppositions de Ziva à mon égard étaient plutôt justes, mis à part le fait qu'elle me lançait beaucoup de fleurs. Par contre, je ne me considérais pas aussi excellente qu'elle le disait.
- Oui, c'est un peu ça... Discrète et toujours en service comme à l'époque.
Peu de choses avaient changé pour moi, si ce n'était ma récente promotion à Washington. J'avais envie de changement et de reprendre ma vie en main. Ça devait transparaître un peu sur mon visage. J'étais en train de réfléchir un peu à tout ça tout en la suivant à travers la galerie d'art.
- Tu sais, j'ai toujours rêvé de venir ici. Comme si j'avais l'intuition que je m'y sentirais bien...
Ziva
J'écoutais Katia avec intérêt. Ce qui transparaissait, c'est qu'elle devait se considérer encore assez loin de l'excellence. C'était tout elle ça. Une modestie exacerbée, qui pouvait parfois la desservir, mais qui dans le cadre de son boulot s'avérait utile. Voire indispensable. Elle confirmait qu'elle était toujours en service actif, ce qui ne me surprenais pas.
Ce qui avait changé en revanche, c'était sa façon de se mouvoir. Moins heurtée qu'en 2005, elle semblait plus assurée et plus féline. Je notais ce dernier détail avec plaisir. Et il semblait que la peur que j'avais laissée derrière moi à Washington en ce qui la concerne s'était muée en une certaine détermination. Je relevais ensuite sa dernière phrase alors que nous avancions à présent vers la galerie des manuscrits. Elle avait toujours voulu venir à Washington. Je me posais moi-même la question.
Tu sais, j'ai été envoyée ici pour m'approcher du NCIS et gérer le problème que constituait Ari, mon frère et j'ai dû l'abattre. Par la suite, le NCIS m'a bien intégrée, et Washington est une ville que j'ai appris à aimer. Aujourd'hui il me serait difficile d'en partir. Pour ce qu'elle est. J'ai des amis ici, bien sûr, mais personne pour m'y retenir. C'est la ville qui m'a charmée.
Je marquais une pause, décidée à parler plus avant. En souvenir de Londres peut-être.
Quand j'ai parlé de changement de direction au MOSSAD... Mon père, Eli David, que tu savais directeur, a été tué ici l'an dernier... Voilà pourquoi je dis que c'est terminé.
Cette fois je ne pouvais plus cacher ma tristesse. Et très légèrement, j'espérais que Katia comprendrait. Il fallait avancer, mais je devais reconnaître que je n'y parvenais pas. Et pourtant, tout mon entourage tentait de me faire tourner la page. J'aurais pu fuir en Israël, mais c'était ici que je me sentais bien. Les monuments, les parcs... Tout.
Je m'étais tourné vers Katia par automatisme et j'avais néanmoins les yeux baissés sur un manuscrit des moines bénédictins qui semblait venir d'Italie.
Désolé de t'apprendre une telle nouvelle comme ça. Je me suis rarement confiée à ce sujet, je suis donc légèrement maladroite.
Une seule larme s'échappa pour s'enfuir sur ma joue. Je ne relevais toujours pas les yeux.
Katia
Contrairement à moi, Ziva avait l'air de bien s'y retrouver dans la galerie. Je la suivais donc de près, de peur de me perdre au cas où nous aurions été séparées. J'avançais à pas feutrés en évitant de me faire remarquer. Adopter ce genre de démarche était plus fort que moi... Comme si c'était maintenant inné chez moi.
La conversation coulait naturellement entre Ziva et moi. Nos retrouvailles auraient pu êtres bizarres, mais il n'en était rien. Elle me parlait de Washington, de ce qu'elle appréciait dans cette ville. J'avais beau y avoir mis les pieds seulement quelques jours auparavant, je m'y sentais bien aussi.
- Tu pourras me montrer des endroits sympathiques alors, histoire que je découvre tous les bons côtés de Washington aussi...
C'était une idée lancée en l'air. Je pensais que nous pourrions y trouver chacune y trouver notre compte : elle se sentirait moins seule et je pourrais profiter d'une visite guidée personnalisée. Bien sûr, pour le moment, nous étions très bien là où nous étions et il n'était pas question de partir prématurément.
Ziva avait observé un certain silence avant de reprendre la parole. C'est avec une intonation de tristesse dans la voix qu'elle me confiait que son père avait été tué dans la dernière année. J'étais assez bien placée pour comprendre ce qu'elle ressentait. Tout ce que Ziva traversait en ce moment, j'étais également passée par là. On dit que l'année qui suit le décès d'un être cher est la plus difficile à passer. Chaque saison, chaque fête et chaque anniversaire nous rappelle le ou la disparue.
La mort du père de Ziva l'avait poussée à couper tous ces liens avec le MOSSAD. Elle semblait chercher par tous les moyens à mettre fin à sa souffrance. Pour une raison que j'ignorais, elle était incapable de soutenir un contact visuel avec moi à ce moment. Elle se disait maladroite dans sa manière de m'avoir annoncé la nouvelle. Apparemment, c'était un sujet qu'elle évitait d'aborder en général. Pourtant, les choses avaient toujours été assez simples entre nous. Les mots s'avéraient parfois inutiles.
J'ai fait un pas vers elle et je me trouvais assez près de son visage pour apercevoir une larme rouler le long de sa joue. Je l'ai interceptée du revers de ma main qui est restée sur sa joue.
- Je comprends ce que tu ressens, vraiment. Si tu arrêtais de tout refouler, tu te sentirais mieux sans doute. Déjà en te confiant à moi, tu as franchi un pas... Tout ira bien, je te le promets. C'est juste un dur moment à passer.
J'attendais qu'elle reprenne un peu de courage pour me regarder dans les yeux. Je ne voulais surtout pas forcer les choses. Elle s'était confiée à moi et je me devais de respecter son rythme. Tout ce que je souhaitais était qu'elle comprenne que j'étais là pour elle et que je ferais tout ce qui était en mon pouvoir pour qu'elle prenne du mieux. C'était important pour moi de lui rendre la pareille considérant notre passé commun à Londres.
Ziva
Katia avait eu la réaction que j'attendais d'elle. Elle comprenait ce qui se passait. La douleur immense que je traversais. Elle essayait de me rassurer je crois, tout en me poussant à me confier, pour pouvoir enfin avancer. J'avais jusque là, en bonne dure à cuire, intériorisé un maximum cette douleur, ajoutée à toutes les autres : la Somalie, les trahisons, les morts... Tali, Ari, et maintenant Eli, mon père. Tout ce que j'avais enduré de pire, les ruptures, les incompréhensions diverses, les déchirements tout ce que je portais stoïquement en silence.
Je sentais que la digue allait céder. Que si je ne faisais rien tout de suite, ça allait mal finir. Je savais que je devais agir. Sans crier gare, j'ai pris Katia par le bras pour me rendre dans un coin à l'abri des regards à l'ouest de la galerie des manuscrits. J'entrais dans une petite réserve pour des œuvres d'art que je connaissais. Je refermais la porte derrière nous avant de m'adosser au mur avant de glisser quasiment en position fœtale. A partir de cet instant précis, j'ai tout lâché. Mes larmes, mes pleurs, ma rage. Tout est sorti pendant de longues minutes, heureusement que la pièce était bien insonorisée.
Tout ça c'est pire qu'injuste ! J'ai tout supporté ! Tout ! J'ai fait tout ce qu'on attendait de moi. J'ai tué des gens, risqué ma vie et tout sacrifié ! Même mon corps en porte les marques. Et aujourd'hui, toute ma famille est morte ! Ils ne sont plus là ! Mes amours sont morts eux aussi, tués ou envolés parce que je n'inspire que peur et crainte ! Depuis la mort de mon père je suis seule au monde tu entends ?
Pour cette dernière phrase je regardais Katia dans les yeux avec une expression vide, les yeux d'une tristesse infinie. J'étais vide et mon être était à terre. Assise sur le sol, dos à ce mur froid, je continuais de pleurer plus calmement, secouée de soubresauts. Je voyais légèrement les yeux de Katia à travers mes larmes. Pour la première fois de ma vie j'avais craqué et j'étais complètement désarmée, comme si j'étais nue mentalement parlant face à elle.
Katia
D'une manière ou d'une autre, mes paroles s'étaient frayées un chemin et avaient provoqué une réaction chez Ziva. Elle s'était agrippée à moi avant de m'entraîner je-ne-savais-trop-où. Ça m'avait surprise sur le coup, mais j'avais décidé de me prêter au jeu sans rien dire. Jusque là, elle m'avait semblé assez sûre d'elle et en contrôle. Aussitôt la porte refermée, c'était une toute autre histoire. Ziva s'était rapidement effondrée au sol, ce qui fait que j'avais décidé de m'asseoir en tailleur en face d'elle. Mes mains étaient allées prendre les siennes naturellement. Je cherchais à lui donner un peu de courage ou de réconfort.
J'assistais à une explosion grandeur nature. C'était comme si tous les fardeaux qu'elle portait depuis si longtemps étaient en train de remonter à la surface au même moment. Les événements semblaient se mélanger un peu dans sa tête. Elle se disait seule au monde, alors que ce n'était pas entièrement vrai. Bien sûr que j'entendais ce qu'elle me disait. Je ressentais ses émotions sans pour autant les faire miennes.
Alors que son torrent de larmes faisait toujours rage, je me suis rapprochée suffisamment pour la prendre dans mes bras et la bercer doucement. Je lui ai murmuré qu'elle n'était plus seule et que je n'avais pas peur d'elle. Si je m'étais laisser aller, j'aurais pu pousser plus loin et lui dire exactement ce que je ressentais. Je me suis uniquement contentée de lui caresser les cheveux et de lui déposer un baiser au creux du cou. Même si nos deux histoires avaient progressé parallèlement, j'avais l'impression de reprendre les choses là où nous nous étions arrêtées. La voir dans cet état de détresse psychologique m'affectait plus que ce que j'aurais pensé... Beaucoup plus. J'ai fini par fermer les yeux tout en la gardant contre moi jusqu'à ce qu'elle arrive à retrouver un certain calme.
Ziva
J'avais complètement explosé. Tout était sorti violemment, sans que j'arrive à arrêter le flot d'informations et de larmes. Katia avait fini par me prendre dans ses bras et à me montrer de l'affection. La majorité des gens qui avaient essayé sans y être invités se retrouvaient généralement avec des douleurs atroces. Mais là j'en avais aucune envie, aucune résistance ni dans mes muscles ni dans ma tête. Je me laissais faire et je décidais de me nicher dans son cou et y déposer un très léger baiser. Est-ce un réflexe ou une envie de ma part ? J'en sais rien. Mais j'étais en confiance totale.
Je finis par la regarder en face de moi en passant une main sur sa joue. Mes larmes avaient fini par s'arrêter. J'avais encore quelques rares spasmes mais rien de sérieux. Après la détresse, une vague de chaleur m'envahissait et j'espérais maintenant voir ses yeux noisette que je savais profonds. Là encore, sans raison particulière, en tout cas dans ma tête, mais j'avais envie de les voir.
Je me suis légèrement redressée en attendant que Katia accède à ma demande silencieuse.
Katia
Un petit sourire triomphant s'était formé au coin de mes lèvres lorsque j'ai senti que Ziva se laissait faire. Avec son entraînement, elle aurait très bien pu résister ou s'opposer à moi. Pourtant, il n'en était rien. Elle s'était confiée. Elle n'avait rien à perdre avec moi. Je la sentais se détendre peu à peu alors qu'elle devait reprendre ses esprits.
J'avais toujours les yeux fermés lorsque j'ai senti ses lèvres effleurer mon cou. J'étais agréablement surprise par ce baiser, si bien qu'un frisson m'avait parcouru l'échine. Instinctivement, j'ai laissé échappé un petit soupir à peine audible. Ziva ne le savait pas encore, mais elle était en train de faire exactement ce qu'il fallait pour qu'à mon tour je me livre à elle. Seulement, ma confidence serait d'une toute autre nature.
Elle a fini par poser sa main contre ma joue. Ma respiration s'était légèrement accélérée alors que j'ouvrais les yeux pour plonger mon regard dans le sien. J'avais toujours eu un faible pour ses yeux. Alors que je la regardais, j'essayais de lire ce qui éventuellement aurait pu se cacher au plus profond de son âme. Elle venait d'étaler toutes ces choses qui lui pesaient sur le coeur... Mais moi, c'était autre chose que je désirais savoir. La seule manière d'y arriver était de m'exposer à mon tour.
- Ziva... J'ai quelque chose à te dire aussi. De tous les choix que j'ai faits dans ma vie, il y en a qu'un seul qui me pose réellement problème. Un seul est ce qu'on appelle un regret... Je t'ai laissé filer en Amérique sans faire ceci.
D'un seul mouvement, je me suis avancée pour lui prendre ses lèvres et l'embrasser. C'était quelque chose qui m'avait toujours démangée et que j'attendais depuis tellement longtemps... Pour moi, le temps c'était enfin arrêté puisque j'étais en train de réparer la plus grosse bêtise de ma vie. Tant pis si ça venait avec son lot de risques. Pour avancer, il faut parfois repousser ses limites et c'était exactement ce que j'étais en train de faire.
Ziva
Je me rendais compte, à mesure que les minutes s'égrainaient que le courant passait de mieux en mieux. Et je pensais que l'instinct primait sur le contrôle. Alors que je m'étais totalement calmée, j'ai fini par entendre la voix de Katia. Cet accent italien, si mélodieux a faire pâlir ce vaniteux Anthony DiNozzo sonnait comme une douce et lancinante mélopée à mes oreilles. J'entendais la confession de Katia et, avant que j'aie le temps de totalement la comprendre, mes lèvres rencontraient les siennes.
Pendant les premières secondes de ce baiser, j'étais figée, surprise mais surtout glacée d'effroi. Au cours de ce laps de temps, j'avais envie de fuir, voire de la repousser. Puis j'ai repris le fil des événements récents. Alors que j'étais vulnérable quelques minutes auparavant, elle avait été là, me réconfortant mieux que quiconque. A partir de là, je ne me sentais plus du tout seule. Mieux encore, j'avais envie de me laisser emporter par l'instant présent. Mon cœur, je le sentais, s'est remis à battre. Fort. Prêt à exploser dans ma poitrine. Pour elle. Je prolongeais donc ce baiser avec une pointe de passion naturelle et nouvelle.
Quelques instants plus tard, je me détachais de ses lèvres à regret pour lui poser une question simple.
Katia, est-ce que tu sais dans quoi tu t'embarques ?
Je ne pouvais m'empêcher d'avoir un sourire radieux en la regardant.
Katia
À partir du moment où je m'étais lancée, il n'y avait plus moyen de revenir en arrière. Il ne pourrait qu'y avoir deux issues possibles. Soit elle me repousserait et me blesserait par le fait même, soit elle répondrait à mon baiser et me laisserait entrevoir de l'espoir. Je me laissais aller totalement, mue uniquement par mon désir de pallier à un regret. Au fond de moi, j'avais toujours espéré avoir cette chance. Je m'étais promise de la saisir si l'occasion se présentait un jour...
Au départ, j'avais senti Ziva se crisper. Elle devait s'attendre à tout sauf à ce qui était en train de se produire. Pourtant, elle ne me repoussait pas. Un bref instant s'était écoulé avant que l'échange devienne réciproque. Un peu comme tout à l'heure, je sentais qu'une digue venait de sauter. Ce qui aurait pu s'avérer comme un acte timide était en train de prendre des proportions beaucoup plus passionnelles. C'est Ziva qui avait mis fin à cet instant de pur bonheur pur moi. Juste à la regarder, je savais que ça lui avait plu. Cependant, elle ne pouvait s'empêcher de me poser une question.
- Est-ce vraiment important de le savoir Ziva? Je sais très bien ce que je ressens pour toi. Je l'ai su dès le départ à Londres. J'ai toujours éprouvé plus que de l'amitié pour toi. Certains y verraient même du désir...
J'avais laissé ma phrase en suspens volontairement. À cet instant même, elle m'omnibulait complètement. Ça devait être la toute première fois que nous laissions tomber nos masques respectifs. Par crainte de faire une erreur magistrale, j'avais jusque là refusé de chambouler sa vie en lui avouant mes sentiments. J'avais eu peur qu'elle prenne une décision sur un coup de tête qui aurait lourdement affecté sa carrière et sa vie. Le fait est qu'elle s'en était assez bien tirée à Washington. Elle s'était affirmée et construite. J'avais du mal à imaginer entièrement ce qui se serait passé si j'avais osé la retenir en Angleterre...
Sans jamais la quitter du regard, je l'ai empoignée par les mains pour que nous puissions retrouver une position verticale. Aussitôt fait, je l'ai plaqué contre le mur pour l'embrasser à nouveau. Maintenant que j'avais goûté à ses lèvres une première fois, je ressentais le besoin de provoquer un autre contact histoire de m'assurer que je n'étais pas en train de rêver. J'aurais aussi bien pu me pincer, mais ça se serait avéré nettement moins agréable.
Ziva
Katia avait répondu à ma question le plus naturellement du monde. Ainsi donc, elle avait ce désir depuis longtemps... Et l'avait gardé caché pendant quasiment une décennie ! Mentalement, je m'arrêtais sur cet exploit. J'en déduis qu'elle n'était pas là pour se moquer de moi. J'étais encore dans mes réflexions quand elle me releva de terre pour me plaquer contre le mur opposé et m'embrasser à nouveau. Cette fois, j'allais prendre les choses en main. La porte était fermée à clé et je savais qu'il y avait très peu de passage. Je me laissais donc faire mais plaquais Katia contre moi. Bien calée avec force, je lui rendis son baiser et mes bras l'enserraient. Pas question de la laisser partir.
Je me surprenais à me rendre compte que j'avais eu furtivement des sentiments similaires aux siens quand on m'a demandé de partir pour Washington. Lorsque j'avais décollé d'Heathrow, je n'avais pas compris le torrent de larmes qui m'avait envahie à ce moment là. Je le comprenais aujourd'hui.
Mais revenons au présent. J'avais terriblement chaud à présent, et mon haut avait fini par voler. Je voulais Katia, je la voulais entièrement. Mes mains parcouraient son dos, comme prises d'une folie violente. Une fois de plus, c'était le feu d'artifice dans ma tête. Sauf que cette fois, ce n'était pas de la tristesse, mais un désir pur, violent, qui à bien y réfléchir, couvait depuis des années.
Katia
Tout ce qui était en train de se passer était loin d'être un rêve. Je pouvais sentir que le désir de Ziva était en train de monter. Elle m'avait attirée contre elle et je sentais bien qu'elle n'avait nullement l'intention de me laisser m'échapper. Ça tombait assez bien puisque j'avais réellement envie de la sentir contre moi. Comme si elle parvenait à lire dans mes pensées, elle s'était départie de son haut.
Volontairement, j'ai stoppé notre baiser pour mieux apprécier la vue qu'elle m'offrait. Je ne pouvais pas m'empêcher de la désirer encore plus. Les courbes de son corps étaient si parfaites... Je n'arrivais pas à réprimer mon envie de caresser chaque centimètre carré de sa peau dorée. Les mains de Ziva s'étaient mise à caresser mon dos sous mon t-shirt, si bien que j'avais envie d'envoyer balader mes vêtements à l'autre bout de la pièce.
- Ziva...
C'était tout ce qui arrivait de sortir dans ma bouche entre deux soupirs. J'ai pris la liberté d'aider Ziva à m'enlever mon top pour qu'elle puisse aussi apprécier la vue de mon corps. En ce qui me concerne, j'avais atteint un point de non-retour, c'est-à-dire que rien ne pourrait me faire reculer. J'avais envie d'elle, de connaître et de visiter chaque recoin de son corps tout en lui offrant le mien. De plus, l'endroit dans lequel nous nous trouvions avait de quoi alimenter mes fantasmes de plus belle.
Ziva
D'abord ce fut les larmes, puis le réconfort et enfin une confession. A présent, c'est le désir qui emplissait la pièce. J'aurais juré que cet état rendait l'endroit blanc, extrêmement lumineux. Mais c'est la beauté de Katia qui irradiait la pièce. Je venais de la libérer des étreintes de tissu du haut de son corps. Elle ne garderait que son jean pour le moment. Et à mon tour, j'explorais sa peau évanescente. Mes lèvres s'y employèrent aussi, parce que je trouvais que je ne rendais pas un bel hommage à la belle qui se présentait devant moi. Je me laissais totalement aller, mon cerveau ayant décidé de ne rien filtrer. Je me sentais en train de voler, de ne plus toucher terre, dans les bras de cette femme. La terre aurait pu se dérober sous mes pieds, je n'aurais pas bougé d'un pouce.
Je soupirais de désir et d'aise mêlés, et mes perceptions étaient en train de s'aiguiser. J'aurais voulu continuer ainsi cette étreinte folle, mais mon corps commandait seul. Attrapant à la vitesse de l'éclair nos vêtements déjà enlevés, je les repoussais au loin puis j'ai fini par attraper une tenture rouge sang qui recouvrait un tableau sur la droite pour la jeter au sol.
Sans quitter les lèvres de Katia, je l'allongeais sur cette tenture pour l'observer de nouveau et couvrir son corps de rêve de baisers. En jetant un œil en coin, je me suis rendu compte que c'était La Naissance de Vénus de Sandro Botticelli qui était couverte par l'étoffe rouge sang. Sans doute transférée de la Galerie des Offices de Florence pour une future exposition. Joli clin d'œil du destin quand on considère les origines de Katia. Je continuais lentement mon exploration en mêlant mes jambes aux siennes en entendant les soupirs de la belle qui se joignaient aux miens.
Katia
Un gloussement assez sonore avait franchi mes lèvres lorsque Ziva s'était emparée de la tenture pour la mettre sur le sol. Un tableau de maître s'en était trouvé dévoilé... Pour le moment, j'avais d'autres préoccupations plus importantes que d'admirer le chef d'œuvre en question. Je me retrouvais allongée sur le sol, avec Ziva qui s'affairait à me témoigner son affection de la plus belle manière qui soit. Je ne pouvais pas m'empêcher de soupirer et de gémir chaque fois que ces lèvres rencontraient ma peau.
J'avais l'impression qu'à lui seul, ce moment venait palier à ce grand vide qui jusque là emplissait ma vie. Non pas que ma vie ait été dépourvue d'intimité jusque là. Contrairement à d'habitude, le mensonge, la tromperie, voire même la simulation ne faisaient pas partie de l'équation. C'était la véritable Katia qui était en train de s'amuser et d'assouvir ses pulsions.
D'ailleurs, mes jambes étaient venues enserrer Ziva naturellement. Il n'était pas question qu'elle me file entre les pattes. Mes mains continuaient de lui caresser le dos et dès que j'en avais l'occasion, je lui volais un baiser au passage. Ses lèvres me semblaient de plus en plus délectables à chacun de nos échanges.
Ziva
A ce moment précis, dans cette pièce, avec Katia allongée sur cette étoffe sanguine qui mettait en valeur sa peau blanche, je n'avais rien d'autre en tête que de contenter ses désirs et les miens. Alors que j'envisageais de passer à la suite en offrant mon corps au sien, une alarme se mit à hurler dans la galerie des manuscrits. Stridente, hurlante, dérangeante, il était impossible de l'ignorer. Quelqu'un tentait de voler le Codex de Mosconi, la pièce maîtresse de l'exposition ! Je n'avais aucun doute là-dessus.
Je m'arrachais des bras de Katia, passablement énervée. J'étais même hors de moi ! Ces salopards avaient osé m'interrompre dans ce qui promettait d'être un des plus beaux moments de ma vie.
Ces connards vont le payer ! On ne m'arrête pas en si bon chemin ! Tu vas voir qu'ils vont comprendre de quel bois je me chauffe !
J'ai fait glisser les vêtements de Katia vers elle pendant que je me rhabillais. Je bouillonnais de l'intérieur, j'avais jamais ressenti une telle frustration. Frustration qui n'allait pas tarder à se transformer en colère noire d'ailleurs. Une fois habillée, je lançais la tenture sur le tableau avant d'armer mon SIG. Le visage fermé, je déposais un rapide baiser sur les lèvres de Katia avant de m'élancer hors de la pièce.
Je ne doutais pas une seconde que Katia me suivrait pour me couvrir. Une fois dans la pièce principale de la galerie, je pouvais voir un spectacle assez dantesque. Des vitres explosées, des gens au sol et trois imbéciles cagoulés qui essayaient de fuir. Je fis feu, touchant un des types à la jambe. L'un des autres répliqua. Je me suis pris une balle dans l'épaule.
Ben kelev ! (Fils de chien)
Ils allaient certainement tenter de fuir par une porte de service. Si un chauffeur les attend dehors, la seule façon de les rattraper serait de prendre ma moto. J'avais mal, mais pas question de les laisser filer. Même avec cette putain de balle, je les voulais ces fumiers !
Bien que j'étais ralentie par ma blessure j'avançais vers cette maudite porte en priant que Katia me suive de près.
Katia
À partir du moment où cette fichue alarme s'était mise à m'éclater les tympans, je savais que s'en était terminé pour ce moment de communion qui aurait pu frôler l'extase. Par conséquent, la frustration que je ressentais était telle que tous mes muscles s'étaient crispés d'un coup. Contrairement à Ziva, je ne laissais rien paraître de mon énervement. Il fallait que l'une de nous conserve son calme et je me sentais d'attaque pour continuer d'interpréter ce rôle. Sans un mot, je me suis rapidement rhabillée et j'ai passé ma main dans mes cheveux histoire de me recoiffer légèrement.
J'interprétais le baiser de Ziva comme une sorte de signal. Il était temps de bouger, que ça nous plaise ou non. En moins de deux, elle était sortie de la réserve. Après avoir dégainé mon Glock, je l'ai suivi dans la galerie. Le spectacle qui se déroulait sous mes yeux n'avait rien de réjouissant. J'étais indignée que l'on puisse traiter des oeuvres d'art de cette façon. Certes, ce n'était pas le premier cambriolage auquel j'assistais... Cependant, certains voleurs font preuve de plus de précautions avec la marchandise qu'ils souhaitent soustraire des lieux de conservation.
Jusque là, j'avais assez bien réussi à contenir les émotions qui faisaient rage à l'intérieur de moi. Un tir assez précis de Ziva avait touché l'un des intrus. Avant que j'aie le temps de réagir, une balle était venue se loger dans l'épaule de mon équipière. À partir de ce moment, plus moyen de faire semblant de me maîtriser. Mes yeux étaient en train de s'assombrir. J'étais tellement motivée à plaquer fermement le salopard qui avait osé s'en prendre à Ziva que j'avais doublé cette dernière alors que nous allions vers la porte de service. Lorsque je l'aurai attrapé, je pouvais garantir qu'il souffrirait pour la peine.
Me rendant compte que Ziva traînait un peu, je me suis légèrement tournée tout en continuant d'avancer. Le sang ruisselait le long de son bras. Avant longtemps, il faudrait s'occuper de sa blessure.
- Ça va aller?
Je ne m'attendais pas à une réponse élaborée de sa part. Je souhaitais uniquement savoir si elle pouvait tenir le coup ou si je devrais me charger des trois malfrats toute seule. J'en étais bien capable, pour autant qu'ils demeurent dans mon champs visuel. Chose certaine, il était hors de question Ziva reçoive une autre balle aujourd'hui.
La porte de service cachait un escalier étroit et je maudissais haut et fort d'avoir choisi de mettre des talons hauts ce matin. Une fois en bas des marches, je me suis mise à suivre la trainée de sang laissée sol par le voleur blessé.
Ziva
Les trois malfaiteurs s'étaient, comme prévu, enfuis par la porte de service. Katia avait fini par me précéder, cette fichue balle m'handicapant plus que je ne l'aurais voulu. Lorsque la demoiselle me demanda si j'allais bien, je me suis contentée d'un signe de tête. Contrairement à Katia, je portais des chaussures de marche, ce qui me permettait de la doubler dans l'escalier. Lorsque qu'elle arriva en bas des marches j'avais repris quelques longueurs d'avance. Je suivais donc le filet de sang de celui que j'avais touché.
Non seulement j'étais en colère, mais la douleur commençait à obscurcir mon jugement. D'un coup de pied j'ouvrais la porte qui me séparait de l'extérieur. Celui que j'avais blessé traînait la patte. Une balle dans l'autre jambe l'immobilisera sans le descendre. Je m'exécutais sans tarder. Restait les deux autres. J'entendais au loin les sirènes des flics locaux qui approchaient. Mais j'entendais aussi venir du parking les crissements de pneus d'une voiture ou d'une camionnette.
Bordel ! Ils vont s'enfuir !
Je comptais bien sur ma bonne vieille Suzuki Hayabusa pour les rattraper s'ils parvenaient à s'enfuir. Katia allait devoir se serrer contre moi pour se caler derrière, mais je doute qu'elle déteste ça. J'atteignis donc le parking où leur camionnette était garée, prête à partir. Je courais vers ma moto pour les filer. Une dernière balle pour tenter d'en ralentir un deuxième... Raté. La douleur commençait à brouiller ma vue. Du coup je n'ai pas vu que le troisième s'était retourné pour lancer une grenade sur ma moto pour la faire sauter...
L'explosion a été violente. J'ai basculé sous le choc, atterrissant lourdement sur le dos. Mon arme s'écrasant sur le sol, ma moto projetée au dessus de moi qui s'écrasa contre le mur quelques mètres plus loin. J'ai vu les néons du parking avant de sombrer dans l'inconscience. Le visage de Katia au-dessus de moi peut-être ? J'entendais une dernière fois les sirènes de police avant de m'évanouir complètement...
