Titre : Les six Merlettes d'Or (1)

Auteur : Rieval

Genre : GEN. Amitié. Humour. Juste après l'épisode 2 de la saison 2, « Les Chiens de Baskerville ».

Source : fic inspirée (toujours très, très librement) de la nouvelle d'ACD « Le Vampire du Sussex » parue en 1924 dans le recueil « Les archives de Sherlock Holmes » (2). Merci à Glasgow et Apple qui ont suggéré cette nouvelle.

Warnings : beware of ze gros mots here and there my darlings.

Résumé : après la chasse au molosse dans les landes du Dortmoor, Sherlock et John se lancent à la poursuite d'une autre créature de légende : un vampire. Mais peut-être que ce qui se cache dans le Sussex est encore plus terrifiant. GEN.

Disclaimer : not mine !


Greg Lestrade était un dur-à-cuire. Un vétéran de NSY avec près de vingt ans d'ancienneté derrière lui et des centaines d'affaires résolues. Il avait grimpé tous les échelons de cette honorable « maison » et ce avec les honneurs. Et puis, quelque chose de terrible lui était arrivé …

… il avait rencontré Sherlock Holmes.

Franchement, lorsqu'il revenait sur cet instant, il y avait de cela presque six ans maintenant, il se souvenait juste d'un gringalet tout en jambe, pâle comme le mort qui se trouvait au sol et pas franchement plus frais.

Greg avait été à deux doigts de l'embarquer comme témoin. Et puis le junkie – oui, Greg pouvait les reconnaître à des lieues à la ronde : teint pâle, pupilles dilatées et cet état de pâleur extrême, comme si la mort leur avait déjà mis le grappin dessus – s'était mis à parler, une voix rauque et profonde de baryton. Et Greg avait sorti immédiatement ses menottes, prêt à embarquer l'inconnu mais comme meurtrier cette fois.

Comment expliquer qu'il en sache autant sur le mort et sur la manière dont le pauvre type avait été tué s'il n'était pas l'auteur du crime ?

Sauf que Sherlock Holmes n'était pas un meurtrier. « Pas encore … » murmura une petite voix féminine dans sa tête.

« Oh, la ferme Donovan, répondit-il automatiquement ce qui était ridicule puisque Sally Donovan n'était pas avec lui. Et pour cause … le sergent avait clairement juré, en grinçant des dents, que la prochaine fois qu'elle approcherait le 221 B Baker Street ce serait « pour y procéder à une arrestation » et Greg n'avait pas eu besoin de lui demander de qui elle parlait.

Son compagnon d'infortune émit un petit grognement indistinct et Greg ajusta sa prise autour de sa taille. Il glissait tout le temps, pas étonnant : ils étaient tous les deux trempés.

- Saleté d'orage de merde, grommela Greg. Même le court trajet entre sa voiture et la porte du 221 B avait suffi pour qu'ils soient tous les deux complètement rincés.

Ou en était-il ? Ah, oui. Il était un Inspecteur de NSY, plusieurs fois décoré et non, il n'avait pas, mais alors absolument pas peur de Sherlock Holmes.

« Vous devriez », chuchota une fois encore la voix traitresse dans sa pauvre tête. « C'est un psychopathe et vous savez très bien que tôt ou tard, il commettra l'irréparable et c'est VOUS qui serez tenu pour responsable de -»

- LA. FERME ! Cria-t-il, regrettant immédiatement sa décision lorsque de la lumière apparut sous la porte du 221 A.

Là, c'était sûr : Sherlock Holmes allait le tuer. Donovan allait enfin pouvoir faire l'arrestation dont elle rêvait depuis des années. Il avait réveillé Mme Hudson ! Et il avait vu de près ce qui arrivait si on touchait à un seul des cheveux de la vieille dame. De très, très près …

- Inspecteur Lestrade ? S'enquit une petite voix chevrotante.

Greg, qui avait juste réussi à monter les trois premières marches de l'escalier, soupira et fit volte-face.

- Euh, Mme Hudson, tout va bien, il est, euh, fort tard, vous devriez retourner vous coucher, je m'occu-

Mais la logeuse, emmitouflée dans sa chemise de nuit, poussa un petit cri en reconnaissant l'identité de celui qui se trouvait, pour le moment, complètement et irrémédiablement …

- JOHN ? Est-ce qu'il est … Demanda Mme Hudson.

- HEYYYYYYYYYYYYYYYYY ! S'exclama soudain John. Mme Hutchinson, non, Horton, non. C'est pas ça non plus, gloussa John. J'arrive pas à trouver son nom, Greg. GREEEEEEG ! J'ai perdu le nom de Mme Hudson, j'ai du le laisser tomber quelque part. Il faut que je le retrouve … Ou, non, meilleure super bonne géniale idée : on va demander à Sherlock. Le gloussement s'intensifia. C'est un détective, il le retrouvera. J'espère qu'il s'est pas fait mal en tombant, pauvre, pauvre petit nom …

Et avec ça, John se pencha en avant et faillit les faire tomber tous les deux.

Mains sur les hanches, Mme Hudson lança un regard mauvais à Greg.

Ok, peut-être que ce n'était pas Sherlock qui allait le tuer en fin de compte pour ramener John Watson en, disons, pas aussi bon état que quand on lui avait « prêté » à tout le moins que lorsqu'ils étaient partis tous les deux de NSY en fin d'après-midi. D'autant que la vieille dame tenait à la main une espèce de massue, du genre de celle que l'on pourrait trouver dans les musées d'art primitif. Lourde et massive. Sauf que là, elle était cachée dans les replis d'une robe de chambre rose et froufroutante.

Ok. Là c'était sûr : Donovan avait tort, c'était TOUS les occupants de cette maison qui étaient des psychopathes … même si l'un d'eux était pour le moment complètement ...

- Drogué ? Dit Mme Hudson qui s'était agenouillé près de John et examinait son visage. Que s'est-il passé pour qu'il soit dans un tel état ? Tous ces bleus et … des béquilles ?

Greg poussa un soupir.

- … oh, mon pauvre, pauvre petit, roucoulait Mme Hudson.

- Mme Hudschon, j'ai perdu votre nom mais Shréddy, non, Shercroyd … OH NON ! J'AI AUSSI PERDU LE NOM DE SHERLOCK ! Hurla John qui venait de se mettre à quatre pattes dans l'escalier … qui s'illumina brusquement, une voix de basse que Greg ne connaissait que trop bien se joignant aux cris de John.

- MAIS QU'EST-CE QUI SE PASSE ICI ! Hurla Sherlock. »

Yep, ça y'était : c'était la fin du brillant et intrépide Inspecteur Lestrade.

Il aurait du suivre les conseils de sa mère.

Elle avait toujours rêvé d'avoir un dentiste dans la famille.


« … et donc, si je résume, dit Sherlock qui fixait Greg (qui était assis sur une chaise de bureau. Pas sur un des deux fauteuils confortables se trouvant dans la pièce, non, sur une FOUTUE chaise en bois ! Comme un vulgaire criminel dans une salle d'interrogation). John est -

- … toujours pas retrouvé, grommela ce dernier qui était allongé sur le sofa, Mme Hudson assise près de lui, un gant mouillé à la main jouant à l'infirmière (Greg se demanda un moment ce qu'elle avait pu faire de sa massue). J'lai laissé tomber, boum et ça a du lui faire mal …

Sherlock soupira et reprit :

- John est sous l'effet d'un analgésique. Certainement à base de codéine vu son état, alors que VOUS savez pertinemment, Lestrade, l'effet que la méthylmorphine a sur son organisme, surtout mêlé à un myorelaxant.

- … oh. Oh, oh, oh ! IDEE ! Cria John. On pourrait lui donner un myco, un molo, un truc relaxant aussi quant on l'aura trouvé. Il tapota gentiment la main de sa logeuse. Ne vous inquiétez pas Mme Hudson, je suis médecin, je sais ce que je fais.

- Ca, j'en doute, grogna Sherlock puisque tu laisses quelqu'un t'administrer un produit pour lequel tu sais que tu as une intolérance sévère.

John cligna un moment des yeux et fixa longuement Sherlock.

- Non, dit-il très sérieusement, sourcil froncé, pas pour toi. Si on retrouve ton nom, pas de drogue. Surtout pas de drogue. Promis ?

La voix de John avait pris un ton suppliant et Greg se sentit soudain, très, très mal à l'aise. Et pas parce qu'il était assis sur une chaise inconfortable et que Sherlock Holmes allait le tuer (il laisserait le corps bien en vue pour qu'Anderson puisse être celui qui le trouve, l'humiliation suprême). Non, il était mal à l'aise parce qu'il n'avait jamais entendu ce ton dans la voix de John.

De la peur. Le genre de peur viscérale qui vous prend aux tripes et vous tord les boyaux. Terrifiante et destructrice.

John Haymish Watson était un dur de dur, la fine fleur de l'armée de sa Majesté. Et Greg ne se rappelait pas l'avoir jamais vu avoir « peur ». Du moins, jamais comme « ça ».

Il fallait sacrément en avoir dans le pantalon pour vivre avec Sherlock Holmes ! Ou avec une logeuse qui cachait des armes contondantes sur sa personne.

Ce qui suivit termina de complètement déboussoler Greg.

Sherlock s'agenouilla devant le sofa, prit la main que John lui tendait et lui sourit. Un vrai sourire, pas le genre de ceux qu'il réservait généralement aux petites gens de NSY. Ou d'ailleurs. Non. Un sourire franc, chaleureux et …

Oh, Mon Dieu ! Lui aussi devait avoir un problème mental s'il mettait « chaleureux » dans la même phrase que « Sherlock Holmes ».

- John. John, regarde-moi.

Et John leva les yeux vers son co-locataire. Des yeux pas super éveillé, pensa Greg.

- Pas de drogue.

- Promis ? Murmura John.

- Promis, répondit juste Sherlock. Mme Hudson, voulez-vous accompagner John dans sa chambre … oh, et vérifiez que son arme est bien dans le petit coffre prévu à cet effet. Nous ne voudrions pas, vu son état, qu'il arrive un regrettable accident. Voici la clé.

Mme Hudson fronça les sourcils.

- Sherlock ! Ou avez-vous trouvé cette clé ? John l'avait pourtant cachée, ça j'en suis certaine, c'est moi qui lui ait demandé … mon mur ne résistera pas à une nouvelle agression.

- Oui, répondit Sherlock, et c'est exactement pour ça que vous allez vérifier que son arme est bien rangé dans le coffre et me rendre la clé après bien entendu.

Il aida la vieille dame à relever John (qui continuait à délirer sur ce qui était arrivé à leur nom respectif, son regard allant de l'un à l'autre sans réellement se poser).

Une fois qu'ils furent sortis du salon, Sherlock se tourna vers Greg,

Houlà.

Le regard était noir et le visage fermé, envolé le petite sourire gentil. En même temps, Greg trouva ça plutôt rassurant. Il savait (à peu près) gérer un Sherlock, disons dans son état normal, c'est-à-dire arrogant, prétentieux et franchement désagréable. Cette version vulnérable c'était comme un voyage en terrain inconnu. Franchement terrifiant.

- Rugby ? Grogna Sherlock. Il s'est fait ça en jouant au rugby ?!

Greg soupira et se passa la main dans les cheveux.

NSY avait une équipe depuis longtemps et il n'avait pas fallu longtemps pour que John, en sa qualité de « consultant honoraire » du Yard, la rejoigne. C'était du sérieux. Ils avaient même un tournoi tout ce qu'il y avait de plus officiel. Ce soir, ils avaient joué contre l'équipe médico-légale de St Bart's. Et ils avaient été géniaux ! Ils avaient gagné ! Trop. Fort. Enfin, sauf pour le petit « incident » qui les avaient conduits, John et lui, à l'infirmerie. Une sacrée mêlée ! Greg sourit en se rappelant l'épisode. Il surprit le sourcil froncé de Sherlock et se ressaisit :

- Euh, oui.

- Humpf, répondit Sherlock en reprenant sa place dans son fauteuil. Le sport, lâcha t-il sur un air dégoûté. Je rejoindrai Winston Churchill sur ce point, le secret de la longévité : pas de sport (3).

Greg soupira :

- Ce n'est pas la fin du monde non plus, grogna t-il.

La fatigue se faisait sentir et il aimerait bien rentrer chez lui, prendre un bon bain chaud et se glisser dans son lit douillet.

- C'est juste un petit incident, reprit-il, et –

- Un « petit » incident ? L'interrompit Sherlock. Et les béquilles, c'est pour quoi ? Simple décoration sans doute Inspecteur.

Ouch, coup bas.

- Ok, ok, capitula Greg, c'est une entorse. Dans le feu de l'action les gars y sont peut-être allés un peu fort. Je crois qu'ils voient John un peu comme un traitre. C'est un ancien de St Bart's mais il joue contre son équipe. Avec Anderson en plus. La moitié de l'équipe de St Bart's déteste Anderson, soupira-t-il.

- Oh vraiment ? Je me demande bien pourquoi, répondit Sherlock sur un ton ironique ».

Il allait ajouter quelque chose lorsqu'un « toc toc » frappé sur le chambranle de la porte leur fit tous les deux tourner la tête.

Un homme se tenait là.


Paupières plissées, pleinement concentré Sherlock dévisagea l'importun.

1,90, petite moustache blonde entretenue avec soin, athlétique et arborant une superbe entaille sur le front ainsi que deux petites marques très distinctes de crampons de chaussures de sport. Un rugbyman.

« Euh, votre logeuse m'a laissé entrer, balbutia l'inconnu, et elle m'a donné ça pour vous, monsieur Holmes.

Il tendit à Sherlock la petite clé du coffre où John rangeait son arme. Sherlock l'empocha.

- Entrez, dit-il dans un soupir. Je suis certain que vous pourrez échanger quelques croustillantes anecdotes sportives. Plus on est d'idiots … finit-il sotto voce.

- Sherlock l'admonesta Lestrade qui se leva pour accueillir l'homme. Désolé Docteur Ferguson, reprit-il, sale blessure que vous avez là.

L'homme, Ferguson, porta la main à son front.

- Ouais, quatre points de suture. Et réalisées par un type dont les dernières coutures réalisées sur une personne vivante remonte à la fac. J'vous raconte pas le cauchemar. Je … j'étais passé pour prendre des nouvelles de Watson. Morrison n'y est pas allé de main morte avec la codéine à ce que j'ai compris et je voulais savoir comment il allait.

Lestrade ouvrit la bouche pour lui répondre mais fut pris de court par Sherlock :

- Pas la peine d'insister, je déteste les menteurs. Bonsoir.

Puis il tourna délibérément le dos à un Ferguson médusé et se mit à feuilleter un journal médical qui traînait sur le bureau.

- Sherlock ! S'exclama Lestrade sur un ton indigné, qu'est-ce qui vous prend ! Docteur, je suis désolé, je –

- Oh, bon sang Lestrade, soupira Sherlock qui reposa bruyamment le journal, le bon docteur Ferguson ici présent sait très bien que ce que je dis est vrai sinon pourquoi aurait-il attendu dans sa voiture tout ce temps ?

- Que … Quoi ?

Sherlock poussa un grognement d'impatience.

- Ses chaussures sont pleines de boue mais son trenchcoat est sec. Il n'a pas de parapluie. On peut en déduire qu'il est sorti de sa voiture – d'où la boue – pour ensuite y retourner s'asseoir. Pour attendre qu'il ne pleuve plus ? Ridicule. S'il était réellement inquiet pour John comme il le prétend, alors la pluie n'aurait pas eu beaucoup d'importance. Surtout pour quelqu'un qui est habitué à ces … comment appelez-vous ces prises ridicules sur le terrain Lestrade ?

- Des plaquages répondit Lestrade qui maintenant observait Ferguson avec méfiance.

- Oui, c'est ça. Quand on passe des heures à se rouler dans la boue, un peu de pluie c'est un détail, n'est-ce pas ? Non. Il avait besoin de temps pour réfléchir. Et réfléchir à quoi juste en face de mon appartement, si ce n'est à un problème qu'il aimerait m'exposer ? Et donc, comme je disais, je n'apprécie pas beaucoup les menteurs et je suis très occupé.

Il rouvrit le journal qu'il plaça très ostensiblement, et bruyamment, devant son visage, faisant mine de lire.

- Il … il a raison inspecteur, annonça finalement Ferguson. Je suis désolé pour Watson et –

Le bruissement des feuilles du journal se fit à nouveau entendre, ainsi qu'un raclement de gorge dédaigneux.

- Ok, ok, finit par avouer Ferguson. Non, je ne suis pas désolé, en fait, je me fiche complètement de Watson, je le connais à peine ce type. Voilà, vous êtes satisfait !

- Pas vraiment non, répondit Lestrade qui était celui qui cette fois fixait Ferguson d'un air mauvais.

Il avait la ferme intention de montrer la sortie à ce malotru. Le toupet que pouvait avoir les gens ! S'il croyait que -

- Asseyez-vous docteur, lâcha soudain Sherlock.

Lestrade se tourna vers lui, surpris.

- QUOI ! Sherlock, vous n'allez quand même pas –

Sherlock se leva, ignora Lestrade et planta l'abominable chaise en bois en plein milieu du salon, invitant Ferguson d'un geste de la main à y prendre place. Il se planta devant la fenêtre, tournant le dos aux deux hommes.

- Puisque grâce à vos exploits de ce soir, nous allons être, John et moi, contraints à l'immobilisation pendant quelques temps, je suppose que je pourrais toujours m'aérer l'esprit avec une affaire … si elle est intéressante, bien entendu, dit-il en s'adressant à Ferguson.

- Je peux vous payer … et grassement ! Répliqua immédiatement ce dernier.

Les yeux de Sherlock se plissèrent de dédain.

Aaaah, désolé mon gars, pensa Greg, faire miroiter des billets de banque est certainement le meilleur moyen de faire fuir Sherlock Holmes.

- Je vous écoute, se contenta de répondre Sherlock d'une voix sèche.

C'était plutôt impressionnant de voir un gaillard approchant les deux mètres se trémousser sur une chaise, se dit Greg en observant Ferguson. L'homme était soudainement si nerveux que ses mains tremblaient. Ayant finalement rassemblé son courage, il se lança :

« Nous sommes tous médecins dans la famille, dit-il. Mon père et mon frère, Jake, sont pharmacologues comme mon grand-père avant eux. Et mon arrière-grand père était un explorateur. Il a passé pratiquement toute sa vie dans les forêts tropicales, notamment d'Amérique du Sud. C'était un pionnier de la pharmacologie naturelle, sa connaissance des propriétés naturelles des plantes lui a permis de se faire un nom dans cette discipline qui en était alors à ses balbutiements. Grand-père et lui ont fondé Muirhead Lab.

- Muirhead, répéta Greg. C'est un des plus importants laboratoires pharmaceutiques de Grande-Bretagne, non ?

- Oui, répondit Ferguson, et aussi une firme de biotechnologie.

- Et que s'est-il passé ? Demanda brusquement Sherlock.

- Il y a eu …une disparition, répondit Ferguson qui tripotait d'une manière inconsciente l'anneau qu'il portait à l'annulaire gauche.

Greg était crevé et le fauteuil de John lui faisait les yeux doux depuis qu'il était arrivé, il s'y installa donc et répéta :

- Une « disparition » ?

- Un de nos pharmaciens … Michael. Il n'a pas donné signe de vie depuis presque une semaine maintenant. Il m'avait euh, contacté pour me faire part d'évènements qu'il trouvait étranges mais. Il soupira avant de reprendre. Mais je dois avouer de pas avoir traité ce qu'il me disait sérieusement.

- Combien de « pharmaciens » sont employés à Cheeseman ? L'interrompit Sherlock.

- Euh, je ne sais pas. Je ne fais pas partie de la firme. En fait, je suis le seul Ferguson à ne pas travailler sur le « vivant » (4), sans faire de vilain jeu de mot. Le « mouton noir » de la famille si vous voulez.

- Hummmm, je vois, mais vous avez certainement une petite idée, insista Sherlock.

- Cheeseman est la « tête pensante » de Muirhead, reprit Ferguson. Je dirais qu'on y emploie une quarantaine de pharmaciens et sans doute autant de médecins.

Greg, dont le mot « disparition » avait activé son mode Inspecteur de NSY, demanda :

- La disparition de ce Michael … ?

- Dodd, Michael Dodd, précisa Ferguson.

- Sa disparition a été rapportée à la police ?

- Oui, dès que j'ai su qu'il n'était pas venu travailler le lundi matin. Sa voiture était devant chez lui. La police n'a rien trouvé de suspect dans son appartement, ou dans la voiture. Il s'est juste … volatilisé.

- Je suis désolé d'avoir à vous dire, ça, répondit Greg, mais ça arrive. Les disparitions ne sont pas toutes d'origine criminelle. Parfois, sous le coup du stress ou d'un problème personnel, les gens, euh, organisent leur disparition et –

- Hautement improbable, le coupa Sherlock sèchement, pas s'ils sont amants et jeunes mariés et, je suppose, ce que l'on pourrait appeler « heureux », ajouta t-il sur un ton chantonnant et vaguement moqueur.

Un lourd silence s'installa après cette annonce. Ferguson et Greg fixaient Sherlock comme s'il lui avait poussé une seconde tête.

Sherlock fronça les sourcils puis comprit et poussa un soupir bruyant. Il allait encore falloir qu'il explique ce qui était pourtant évident ! Il se tourna vers Greg qui, bouche ouverte en un O de surprise, avait tout du poisson sorti de l'eau :

- Près d'une centaine de médecins et de pharmaciens travaillent pour à Cheeseman mais il connait l'un d'eux par son prénom, alors qu'il reconnaît n'avoir aucun lien avec l'entreprise fondé par son grand-père, et il est celui qui a prévenu la police de la disparition. Sans mentionner l'alliance, flamboyante neuve, à son annulaire qu'il touche à chaque fois qu'il prononce son nom.

Tout ce que Greg trouva à répondre fut un pathétique :

- Sherlock, les personnes de mêmes sexes ne peuvent pas se marier en Grande-Bretagne.

Le froncement de sourcil de Sherlock s'accentua.

- Vraiment ? Et pourquoi ? Les homosexuels ne sont ni moins ni plus stupides que les hétérosexuels et –

- Non, non, ce que je veux dire c'est qu'officiellement, les premiers mariages ne devraient être possibles qu'en 2014, sans doute pas avant l'été (5) et … mais qu'est-ce que je raconte moi !

Il se tourna vers Ferguson qui fixait toujours Sherlock.

- C'est vrai ? Vous et ce docteur Dodd, vous êtes … ensemble ?

Ferguson hocha la tête.

- Je vous l'ai dit … le mouton noir de la famille. Notre union est secrète. L'alliance … c'est juste pour marquer notre union civile mais oui, nous nous marierons dès que ce sera possible. Je ... je l'aime et ce n'est pas mon frère qui -

- Détail, le coupa Sherlock brusquement.

- Sherlock, gronda Greg.

- … de quoi vous a-t-il parlé que vous avez jugé étrange, mais non digne d'intérêt, reprit Sherlock.

Greg porta la main à ses yeux. Ce type était indécrottable, pensa t-il. Aussi subtil qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine.

- Euh, c'est … c'est vraiment ridicule. Digne d'un film de série B. Des cobayes disparus, puis réapparus, des fichiers qui auraient été ouverts alors qu'il était le seul à y avoir accès. Juste … vous savez, des incidents … des incidents ! Cria t-il, soudain. Nous avons les mêmes à la morgue, se calma t-il. Ca arrive lorsqu'il y a des semaines hectiques et que nous sommes tous sur les dents, nous faisons des … erreurs. Juste des erreurs …

Sa voix s'était réduite à un murmure.

- Vraiment ? Répondit froidement Sherlock avant de se diriger vers la porte de l'appartement. Vous pouvez partir monsieur Ferguson. Envoyez-moi par courriel un récit condensé, mais précis, de tous ces « incidents », je verrai si le tout mérite mon attention. Bonsoir.

Se trouvant ainsi congédié, Ferguson se leva péniblement et sorti de l'appartement, sans un dernier regard pour ses occupants. Il n'y avait plus rien de l'imposant ailier de rugby contre lequel Greg avait combattu quelques heures plus tôt dans son allure.

- Qu'est-ce que vous pensez de cette histoire ? Demanda Greg dès que Ferguson fut sorti. Je vais devoir avertir les gars dans le Sussex.

Sherlock qui avait pris son violon et s'était installé devant une des fenêtres ne lui répondit pas. Greg soupira et continua.

- Il a l'air affecté mais dans la plupart des cas de disparition, hors les fugues d'ado, c'est un proche qui est dans le coup.

Un air mélancolique emplit la pièce.

Greg secoua la tête.

- Bon, bah, je vais vous laisser.»

La musique changea pour un air plus rapide, presque enfiévré.

Greg poussa un dernier soupir et sortit du 221 B Baker Street.

Il y avait au moins une chose positive dans tous ça, pensa t-il en montant dans sa voiture : il était encore vivant.


John avait certain que sa tête allait éclater.

« J'ai l'impression d'avoir la gueule de bois alors que je n'ai même pas eu le plaisir de boire une seule goutte d'alcool, gémit-il.

Il était attablé dans le salon, sa pauvre tête posée sur ses bras, l'assiette de son petit déjeuner placée le plus loin possible de lui. Rien que l'odeur lui donnait la nausée. Et bien entendu, c'était ce matin là que choisissait le grand Sherlock Holmes, l'ascète des limiers de Londres, pour dévorer tout ce qui lui tombait sous la main !

- Ne compte pas sur moi pour te plaindre, lui répondit Sherlock qui lorgnait sur l'assiette abandonnée.

John soupira et poussa l'assiette vers son colocataire.

- Tu es un idiot, laissa tomber Sherlock après en avoir dévoré le contenu.

- Merci, marmonna John, tout à fait ce que j'ai envie d'entendre ce matin, vraiment.

- Tu es un idiot, réitéra Shelrock, non seulement parce ce que tu insistes pour faire partie de cette ridicule équipe de football et –

- De rugby, marmonna John. Equipe de rugby.

- … et, continua Sherlock, pour laisser des médecins légistes te soigner. Comme si j'allais confier ma vie à quelqu'un comme … comme Molly Hooper ! AH !

Ouais, ça n'avait peut-être pas été sa plus fine décision, pensa John, mais bon sang quel beau match ç'avait été !

John se leva et poussa un cri lorsqu'il posa le pied part terre.

- NOMDEDIEU DE … DE … de Screugneugneu, coassa John en en rasseyant lourdement.

- Tu vois, c'est ce que je disais : tu es un idiot dit Sherlock. Se mettre dans un état pareil juste pour courir après une petite balle ronde –

- Ovale, le ballon est ovale, grinça John tout en lui lançant un regard noir.

Il récupéra ses béquilles et, cahin-caha, alla dans la cuisine pour se servir un café. Noir et brûlant. Il pourrait peut-être même avoir un petit « accident » – avec des béquilles, c'est si vite arrivé – et laisser tomber son mug sur la chemise de haut-couturier d'un certain détective.

- … Ronde ou ovale, c'est vraiment la chose la plus stupide que tu aies pu faire, dit Sherlock et, il sourit à John, tu as envahi l'Afghanistan.

John sourit en repensant à leur première rencontre. Ok, la chemise Paul Smith l'avait échappé belle. Il était revenu dans le salon lorsqu'il entendit les pas de quelqu'un dans l'escalier. Quelqu'un qui avait l'air bigrement pressé.

- SHERLOCK ! Cria Greg en entrant dans l'appartement. Sherlock, j'ai besoin de vous. MAINTENANT.

- Oh, vraiment, et à quoi dois-je cet empressement soudain pour ma présence Inspecteur ?

- C'est Dodd, Michael Dodd. Il a été retrouvé.

- Dodd ? Demanda John. Qui est-ce -

- Mort, le coupa Sherlock.

- Mort, oui. Exsangue ! Complètement vidé de son sang le pauvre type. Et avant que vous ne me le demandiez, oui, nous avons aussi Ferguson.

- Ferguson ? Intervint une nouvelle fois John. Le docteur Ferguson l'ailier droit de St Bart's ?

- … ou plus exactement, continua Greg comme s'il n'avait pas entendu John, l'hôpital l'a. Il a été hospitalisé en urgence, trop tôt pour savoir s'il va s'en sortir. Il a lui aussi été vidé de son sang. Pas de traces d'infraction. Fenêtres closes. Pas une goutte de sang par terre ou … ou nulle part ailleurs. Un vrai casse-tête, grogna Greg en se grattant la base du cou. Je vois d'ici les gros titres de la presse à scandale : un vampire à Londres ! Bon alors, vous venez ? »

A suivre …

(1) Non m'sieur dame, la merlette n'est pas la femelle du merle, c'est une figure héraldique. La merlette représente un étrange petit oiseau de profil, sans bec ni patte, utilisé le plus souvent en nombre. Le royaume du Sussex où se déroule l'action de cette fic' (et de la nouvelle d'ACD) est parfois représentée par un blason de six merlettes d'or sur fond azur. Mais j'ai aussi choisi ce titre en raison de la signification symbolique des merlettes en art héraldique. Il y a plusieurs interprétations. Selon quelques auteurs, elles signifient les ennemis vaincus et défaits (si elles sont de gueules, elles représentent l'ennemi tué sur le champ de bataille si elles sont de sable, elles représentent l'ennemi dans la captivité). Selon d'autres, elles désignent les croisades (leur bec et leurs pattes coupées marquent les blessures qu'on y a reçues). « Croisades », ennemis vaincus … exactement ce que vont vivre nos héros préférés !

(2) Rober Ferguson, négociant en thé et ancien camarade de Rugby du docteur Watson, vient consulter Sherlock Holmes sur l'étrange drame familial qui le touche. Sa seconde femme, une péruvienne, a été surprise en train de mordre le cou de son fils, encore tout bébé. Elle a aussi battu sauvagement son fils ainé, âgé de quinze ans et né d'un premier mariage, Jack. Se pourrait-il qu'il abrite sous son toit un vampire ? Vous trouverez la nouvelle ici : http(point de suspension)(double slash)(trois w)(point)diogene(point)ch(slash)IMG(slash)pdf(slas h)conan(tiret du 8)doyle(tiret du 8)vampire(tiret du 8)du(tiret du 8)sussex(tiret du 8)im(point)pdf.

(3) On prête en effet à Winston Churchill la petite phrase suivante : « Le secret de ma longévité ? Des cigares, du whisky et pas de sport ». Il est mort à l'âge avancé de 91 ans mais d'une crise cardiaque, difficile de savoir s'il faut le prendre comme exemple.

(4) Si j'en crois wikipédia : « La pharmacologie est une discipline scientifique du vivant, subdivision de la biologie, qui étudie les mécanismes d'interactions entre une substance active et l'organisme dans lequel il évolue ».

(5) Le mariage « gay » a été légalisé le 17 juillet dernier en Grande Bretagne (très exactement pour l'Angleterre et le Pays de Galle) mais ne devrait être « opérationnel » qu'en 2014.