Version courte et édulcorée d'une fiction postée sur un autre site (où elle est strictement réservée aux majeurs).

Chapitre I

L'intervention se terminait : les malfrats étaient menottés et emmenés par les agents vêtus de leurs gilets pare-balles. Il y avait eu deux blessés parmi les malfaiteurs, aucun parmi les forces de l'ordre : ni blessé, ni mort non plus parmi les civils qui s'étaient trouvés pris entre deux feux. C'était un succès. Et une fois encore, ils le devaient en grande partie à Charlie et à ses calculs. Don se tenait à la porte de la banque où son frère avait annoncé que les braqueurs frapperaient ce jour-là. C'était une bande parfaitement organisée et terriblement dangereuse, menée par un ancien chef de section de commando marine. Cela faisait des semaines que l'équipe planchait sur ce cas et ils avaient bien cru qu'ils leur échapperaient. En trois ans, la bande avait déjà écumé soixante-douze villes dans treize états : elle restait sur place une à deux semaines, multipliant les attaques dans ce laps de temps, puis s'évanouissait totalement pour réapparaître quelques semaines ou mois plus tard dans une autre ville, un autre état. Lorsqu'elle était arrivée à Los Angeles, la première attaque avait été particulièrement meurtrière : des agents s'étaient malencontreusement trouvés sur place lors de l'agression et le bilan était tragique : trois policiers tués et cinq blessés, quatre morts et douze blessés parmi les civils présents. Etait-ce ce massacre qui avait changé leur mode opératoire ? En tout cas, la bande n'avait plus donné signe de vie durant deux semaines et l'équipe de Don, qui s'était vue confier le dossier, n'avait rien de plus à se mettre sous la dent. Puis, contrairement à son habitude, le commando avait à nouveau frappé à Los Angeles, trois attaques rapprochées, violentes qui, heureusement, n'avaient cette fois-ci pas fait de victimes. Don en devenait enragé ! Il n'avait rien : personne ne savait où logeaient les malfaiteurs, personne ne les connaissait, personne ne disait rien ! C'est alors qu'il avait mis Charlie sur le coup et celui-ci, par recoupements et analyse des attaques précédentes avait mis au point un schéma.

Confiant dans les capacités de son frère, Don avait alors tendu cette embuscade dans laquelle toute l'équipe venait de se faire prendre. Il se tenait dans l'encadrement de la porte de la banque, sous le porche monumental, son arme pendant au bout de son bras, et regardait, la fierté au cœur, son équipe qui emmenait ceux qu'il était maintenant convenu d'appeler les prisonniers. Il vit alors Charlie s'avancer vers lui : son petit frère avait suivi l'opération depuis le car de commandement installé plusieurs rues plus loin. Une concession qu'il avait réussi à arracher à Don suite à l'aide qu'il leur avait apportée. En le voyant approcher, Don eut un sourire qui éclaira son visage un peu sévère et il leva le pouce en signe de victoire. Charlie sourit à son tour et se précipita vers lui.

Il n'avait pas fait trois pas qu'il eut l'impression de plonger dans un cauchemar. Il y eut tout d'abord une détonation et il vit son frère porter la main à son bras droit en poussant un cri de douleur, tandis que son arme tombait sur le sol. Avant que quiconque ait réellement réalisé ce qui ce passait, un homme sortit de l'ombre et son bras vint entourer le cou de l'agent du F.B.I tandis qu'il élevait une arme à hauteur de sa tempe.

- Laissez-moi passer où il est mort !

En quelques secondes, tous les agents présents réagirent et le preneur d'otage se trouva entouré d'hommes pointant leurs armes dans sa direction. Il ne semblait pas en avoir cure. Charlie, quant à lui, s'élança vers l'avant en criant :

- Don ! Non !

Il sentit alors qu'on le retenait fermement : Colby l'empêchait d'aller plus loin.

- Reste-là Charlie ! Laisse-nous faire, tu ne pourrais que compliquer la situation !

- Mais c'est mon frère !

- Je le sais très bien. Mais tu dois nous faire confiance. Nous sommes les mieux placés pour résoudre ça, alors tiens toi à l'écart !

Charlie convint qu'il ne pouvait pas être d'une grande aide dans le cas présent et il consentit à reculer de quelques pas, se plaçant derrière les tireurs. Colby fit signe à deux agents de veiller à ce que le mathématicien n'intervienne pas. Il se méfiait des réactions épidermiques de Charlie. Celui-ci n'avait pas la retenue d'un agent : ses sentiments guidaient, trop souvent au gré de son frère et de ses équipiers, ses actes.

David tentait de parlementer avec le forcené qui retenait son chef en otage.

- Que voulez-vous ?

- Je veux partir d'ici et je vous donne trente secondes pour m'ouvrir le passage où il meurt !

- Vous savez très bien que nous ne pouvons pas vous laisser partir avec un otage.

- Alors tant pis pour lui !

- Et si vous le tuez, vous êtes mort !

- Et alors ? Vous croyez vraiment que je vais vous permettre de m'enfermer à vie dans une prison fédérale ? Ou rester quinze ans dans le couloir de la mort jusqu'à ce qu'un beau jour on vienne me planter une aiguille dans le bras ? Vous appelez ça vivre vous ? Je préfère encore être mort. Alors croyez-moi si je vous dis que je ne plaisante pas !

Comme les autres agents présents, David supputait ses chances de réussir à convaincre l'homme de relâcher son otage. Don, lui, ne bougeait pas, il sentait le sang couler entre ses doigts crispés sur sa blessure au bras et il se maudissait de n'avoir pas été plus prudent. Il reconnaissait l'homme qui le retenait : c'était le chef du gang, un individu redoutable, qui tenait de son passé dans l'armée une connaissance approfondie des armes et du combat. Il était évident qu'il ne plaisantait pas et qu'on devait prendre son ultimatum très au sérieux. Ce qui hantait Don, ce n'était pas la possibilité qu'il puisse mourir là, sur ces marches, mais le fait que Charlie assiste à cela. Il aurait voulu qu'on emmène son petit frère loin de là pour lui épargner ce qui risquait de se passer : il en resterait traumatisé à jamais. Mais il savait aussi que Charlie n'accepterait vraisemblablement pas de quitter les lieux sans lui.

Ils étaient dans une impasse : les agents ne pouvaient pas laisser passer le malfaiteur et celui-ci n'avait pas l'intention de reculer : plutôt la mort que la prison !

*****

Devant la détermination de l'homme, David ne savait pas comment réagir. Il entendait, dans son oreillette, les indications des tireurs d'élite postés sur les toits avoisinants : aucun n'avait pour le moment d'angle permettant d'assurer la sécurité de l'otage. L'homme n'était pas un amateur : il se dissimulait parfaitement derrière son bouclier humain de manière à ne laisser aucune prise sur lui. Que faire ? Le laisser partir était hors de question : il n'aurait rien de plus pressé que d'abattre son otage une fois en sécurité. D'un autre côté, Don semblait sérieusement blessé, il perdait du sang en abondance et devait recevoir des soins au plus vite. David tentait de se remémorer tous les conseils lors de telles situations mais il se sentait impuissant.

- Ecoutez, de toute façon, vous savez que nous ne vous laisserons pas partir avec un blessé. Alors je vous propose un échange : moi contre lui !

L'homme partit d'un bruyant éclat de rire.

- Vous me prenez vraiment pour un amateur, c'est ça ? Je croyais pourtant vous avoir démontré qu'il n'en était rien.

- David, ne l'écoute pas ! Foncez ! arrêtez-le ! De toute façon, il ne me laissera pas en vie.

- Nooon !

Le cri de Charlie parvint jusqu'à eux.

- Et fais emmener mon frère d'ici !

- Vous vous croyez où là ? Vous voulez vraiment jouer au héros ? Pourquoi pas ? Je vous avais donné trente secondes, elles sont largement passées : deuxième avertissement !

Un nouveau coup de feu claqua et Don hurla de douleur : son agresseur, d'un mouvement si rapide qu'il avait surpris tout le monde, venait de lui tirer une balle dans la cuisse. Le sang jaillit à flots. Charlie jeta une clameur de désespoir en se lançant en avant, aussitôt stoppé par les deux agents auxquels Colby avait fait signe de veiller sur lui.

Cet homme allait tuer son frère ! et c'était sa faute ! Pourquoi avait-il fallu qu'il lui permette de se trouver face à lui, sachant à quel point il était dangereux ? Pourquoi n'avait-il pas prévu qu'il se dissimulerait et prendrait un otage pour tenter de s'en sortir ? Pourquoi… ? Tous ces pourquoi tournaient en boucle dans sa tête et le rendaient fou. Il lui semblait que tout son être n'était focalisé que sur la vue de son frère, le visage blafard, un rictus de douleur tordant sa bouche, et tout ce sang qui coulait de son bras et de sa cuisse.

- Il faut faire quelque chose, David ! Il va mourir ! Je t'en prie ! Vous devez le sortir de là !

David était atterré : il ne s'était pas attendu à cette réaction. Il s'en voulait de ne l'avoir pas pressentie : l'homme était en effet prêt à tout.

- Alors ? Maintenant j'ai assez ri ! Si dans dix secondes vous n'êtes pas partis, ce n'est pas dans la jambe que je tirerai !

- Je crois que j'ai un angle ! C'est un peu risqué mais…

La voix du tireur lui parvint comme à travers une brume épaisse : devait-il permettre ce tir ? Devait-il au contraire céder au chantage ? Son regard allait du visage baigné de larmes de Charlie au visage blême du blessé qui faisait des efforts surhumains pour dominer sa douleur puis survolait les visages angoissés et furieux des agents présents.

- David, tu dois faire quelque chose, lui intima Colby arrivé à sa hauteur.

- Je sais, mais j'ai peur de faire une erreur.

- Tu sais ce que Don ferait à ta place ?

- Il ne cèderait pas ?

- Exact.

- Mais si jamais…

- J'ai un angle ! la voix l'interrompait à nouveau. Il jeta un regard éperdu autour de lui : pourquoi fallait-il que ça lui arrive ? Pourquoi devait-il, lui, prendre cette décision ? A nouveau ses yeux croisèrent les yeux suppliants de Charlie et il détourna le regard. Il prit une profonde inspiration.

- Allez-y !

Il y eut un premier coup de feu, aussitôt suivi d'un second.

Comme à travers un prisme déformant, Charlie vit l'arme du preneur d'otage tomber à terre et l'homme s'effondrer à son tour, un petit trou juste au milieu du front. Une fraction de seconde il fut soulagé, une fraction de seconde seulement.

Soudain, presque au ralenti, Don à son tour plia les genoux et glissa au sol où il ne bougea plus. Charlie resta un instant tétanisé puis il s'élança en hurlant tandis que les autres agents s'empressaient à leur tour.

- Appelez une ambulance !

- Un médecin, vite !

- C'est pas vrai !

- Il a tiré ?

Les exclamations s'entrecroisaient, se superposaient et une sorte de panique avait remplacé le calme précédent. Charlie arriva près de son frère en même temps que David.

- Qu'est-ce qu'il a, ce n'est rien, n'est-ce pas ? C'est à cause de sa blessure à la jambe ?

Son ton était suppliant : par pitié, il fallait que l'on confirme son hypothèse.

Mais David levait vers lui un regard vide et il vit les larmes rouler sur le visage gris de l'agent qui tenait la tête de Don dans ses mains. A ses côtés, Colby restait prostré, son arme gisant inutile à côté de lui.

- Non, non… Je vous en prie…

Charlie s'approcha encore un peu et c'est à ce moment-là qu'il aperçut le trou béant dans la tempe de son frère : avant de s'effondrer son agresseur avait eu le temps de tirer à son tour !

Il hurla de nouveau et se précipita sur le corps inerte qu'il saisit dans ses bras. Il se mit alors à le bercer en répétant sans arrêt :

- Don ! Don ! non, pas toi ! Je t'en prie, non ! Pas ça !

Autour de lui le temps semblait suspendu, personne ne parlait et l'horrible réalité lui parvint : son grand frère, son idole venait de mourir sur ces marches ; il l'avait laissé tout seul, parti comme il l'avait fait si souvent, en laissant le petit frère encombrant derrière lui, sans se soucier de ce qu'il pouvait ressentir. Et tout ça, par sa faute.

Il leva les yeux vers le ciel et son hurlement de désespoir fit frémir tous ceux qui l'entourait.

- NOOOONN !!!