21 septembre 1992

I peine douze heures, le groupe de dissidents Los Aguilas Azules a intensifié sa pression sur le gouvernement colombien. Depuis plusieurs mois déjà, le peuple sorcier de la Colombie manifeste de façon régulière contre des piètres conditions de vie, demandant au ministère de la Magie de travailler pour eux plutôt que s'emplir les poches de Gallions sur le dos de son peuple. Los Aguilas Azules, dont personne ne connaît l'identité des membres, exerce des moyens de pression pour encourager monsieur Juan Villelobos, le ministre de la Magie, à bouger. Depuis hier, ils entravent les opérations de la branche colombienne de la banque Gringotts, bloquent l'accès aux stations de Portoloins internationaux, et ont mis un terme à toute exportation de produits colombiens –

— Non !

La professeure McGonagall, interpellée par le cri de son voisin de table, se pencha pour lire l'article de la Gazette par-dessus son épaule.

— Gilderoy, je ne savais pas que vous vous souciiez à ce point de la politique colombienne !
— Pardon ? Ah, oui oui, bien sûr, depuis que j'ai sauvé à mains nues un village colombien des attaques d'un loup-garou, Juan Villelobos est un grand ami à moi. D'ailleurs, je viens de me rappeler que j'ai oublié de lui envoyer une copie autographiée de mon autobiographie, si vous voulez bien m'excuser…

Gilderoy plia avec hâte le journal et quitta la table des professeurs, ne prenant même pas la peine de terminer son verre de jus de citrouille. Il grimpa quatre à quatre les marches qui le séparaient de son bureau, ignorant les regards étonnés des quelques élèves qu'il croisa en chemin.

Une fois dans son bureau, il claqua la porte derrière lui en se dirigea à grands pas vers l'armoire sous sa fenêtre. Il en ouvrit la porte à la volée et en sortit la première fiole qui lui tomba sous la main. Vide. La deuxième. Vide aussi. Et les autres ; vide, vide, toutes vides !

— Non ! s'exclama-t-il pour la deuxième fois de la matinée.

Mais cette fois, il n'y avait personne pour l'entendre et s'enquérir des raisons de son désarroi. Qui n'avait en vérité rien à voir avec les problèmes du ministre de la Magie de la Colombie, que Gilderoy ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam, mais bien avec du shampoing. Du shampoing fabuleux, qui lui faisait des cheveux doux comme de la soie. Du shampoing qu'il importait de la Colombie. Et dont il avait apparemment vidé la dernière bouteille qu'il avait en réserve.

Il se permit cinq minutes de désespoir, les coudes posés sur son bureau et les mains dans les cheveux – si doux ! – avant de se donner quelques claques mentales et de se redresser. Bon. Ce n'était pas pour rien qu'il avait été à Serdaigle : il était intelligent, ingénieux, et plein de ressources. Il allait créer son propre shampoing, le temps que les problèmes en Colombie se calment. Ce ne pouvait pas durer éternellement, ils finiraient bien par se rendre compte que leurs clients ne pouvaient pas survivre longtemps sans leurs produits capillaires. Gilderoy avait entièrement confiance en leur système de priorités.

Le professeur passa donc la semaine suivante, entre ses cours, sa correction et ses séances de réponses aux lettres de ses fans, à la confection du shampoing. Certes, il aurait pu – certains diront même qu'il aurait – demander un coup de main à ses collègues. Mais Gilderoy Lockhart n'avait besoin de l'aide de personne ! Il était largement assez compétent pour confectionner quelque chose d'aussi simple qu'une bouteille de produit pour les cheveux.

Il descendait dans les cachots demander des ingrédients de potion au professeur Rogue, courait cueillir des plantes rares dans les serres du professeur Chourave, empruntait plusieurs livres sur le sujet à Madame Pince. Tout en racontant à qui restait immobile assez longtemps pour l'écouter qu'il se préparait à un long voyage, car il ne faisait aucun doute que Juan Villelobos ne tarderait pas à faire appel à lui pour qu'il se débarrasse de ces vilains Aguilas Azules. Probablement à mains nues.

Le dimanche soir, finalement, le shampoing fut prêt. Gilderoy admirait sa magnifique couleur jaune – peut-être un peu plus fluo que d'habitude, mais ça ne pouvait que vouloir dire que le produit fonctionnerait encore mieux que l'original – en s'autofélicitant à voix haute. Il n'hésita pas avant de s'emparer de la petite bouteille et de se glisser dans la douche, mouillant ses beaux cheveux et les couvrant d'une copieuse couche du liquide jaune.

Et maintenant, il n'avait plus qu'à attendre dix minutes que le produit miracle fasse son effet.


Le lendemain, aussitôt Gilderoy eut-il mis un pied dans la Grande Salle que tous les yeux se tournèrent vers lui – comme d'habitude. Il marcha vers la table des professeurs, la tête haute, adressant de larges sourires à droite et à gauche – comme d'habitude. Il prit place entre Minerva et Filius et tira vers lui une assiette et un scone. Comme d'habitude.

— Gilderoy, vous… vos cheveux ! bégaya Minerva.

Le professeur de défense contre les forces du mal se passa une main dans les cheveux – doux comme de la soie.

— Oui, qu'est-ce qu'ils ont ?
— Eh bien… leur couleur ? On dirait…
— Le drapeau de la Colombie, oui. Je me suis dit que si une figure aussi populaire et connue dans le monde sorcier que moi-même affichait son soutien pour ce malheureux pays, mes fans ne pourraient que me suivre.

Gideroy termina sa tirade par un autre grand sourire et se repencha vers son assiette, dans laquelle il voyait un reflet flou de sa chevelure, douce comme de la soie, mais maintenant rayée jaune, bleu et rouge. Il avait envie de soupirer et de s'arracher les cheveux, mais il ne fallait surtout pas que qui que ce soit se rende compte que le grand Gilderoy Lockhart avait fait une erreur.

De toute manière, il ne doutait pas de ses capacités à confectionner un antidote parfait.