Un OS écrit dans le cadre des Nuits du FoF, de trois à quatre heures du matin sur le thème « Pile ».
Je voulais écrire un truc genre sur la guerre de Tchétchénie, mais en fait non. Du coup c'est sur la France, et c'est vachement dramatisé. Mais bon.
Bonne lecture !
Ça s'empile
Ça s'empile, ça s'empile.
On pourrait vouloir dire ça s'entasse mais non. C'est notre cerveau qui est en chaos, pas ça. Ça arrive coup sur coup, chacun son tour,
BAM
BAM
BAM
, et ça s'empile.
Ça s'empile sur ton dos comme les dossiers sur le bureau de Roy.
Ça s'empile,
Maes mort dans une fusillade très rock'n'roll : BAM
Alphonse qui perd ses jambes en regardant un feu d'artifice, en vacances avec Winry : BAM
Roy mobilisé en Syrie, et pas sûr de revenir : BAM,
Touché-coulé, échec au roi, sauf que c'est pas un jeu.
Ta respiration est lourde, mais c'est tout. Rien ne dépasse, rien ne tombe, tu ne trébuches pas sur ce malheur là, c'est bien proprement empilé et ordonné sur ton dos.
Tu vas rentrer en Allemagne, alors ? Une pile de papiers à remplir pour te trouver un appartement, c'est tellement infime, ça te fait tellement chier. Des choses à préciser.
Oui, je suis jeune et sportif, oui je suis capable de prendre un appartement au sixième étage sans ascenseur, mais vous comprenez, mon frère est en fauteuil. Ce qui lui est arrivé ? Il a participé à la fête nationale d'un autre pays et BAM.
Ça s'empile,
Le regard compatissant des gens sur toi, sur ton frère : BAM,
Et puis merde. Tu crains que la pile peu stable finisse bel et bien par s'effondrer. T'ensevelir. Et tu penses à ceux autour de toi, ceux sur qui ça retomberait, ceux pour qui ça s'ajouterait à leur pile, tu penses à Alphonse,
Deux jambes de perdues, un frère dépressif, BOUM, pile trop lourde, explosion.
Tu penses à Winry,
Un amant handicapé à vie, un ami d'enfance dépressif, BOUM, pile trop lourde, explosion.
Tu penses à Roy,
Un meilleur ami mort, un amoureux dépressif, BOUM, pile trop lourde, explosion.
Et ça te déprime, toutes ces piles de malheur ici, qui te font bien te rendre compte de combien, une fois le monde tombé là-dedans, toi, tu dois lutter, combien t'as pas le droit de faire ça, pas le droit de les laisser tous dans la merde, combien t'es bien obligé d'être fort et c'est vraiment mal fichu, hein ?
Tu ouvres ton téléphone, un message de Winry, qui t'annonce les résultats du premier tour en France et tu entends les cris de joie de tes voisins, et,
Ça s'empile, ça s'empile.
Quand est-ce que la pile s'écroulera ? Au second tour ? Au prochain attentat ? Cette pile sur ton dos, parfois, pendant quelques instants tu l'oublies, parce que, juste, il reste tant de choses à faire, et puis la vie continue (pour la plupart). Alors tu te demandes si on peut d'habituer à ça. Si ça peut devenir notre élément normal, et tu te demandes si tu préfères t'habituer et vivre normalement sous ta pile maudite, ou bien t'effondrer, te relever et mourir en te battant contre la banalisation de la haine.
En attendant, la routine est fidèle, tu réfléchis, mais la seule chose qui se passe, c'est que,
Ça s'empile.
