Cher lecteur, chère lectrice,

Bienvenue dans la nouvelle version de Si loin de moi. Cette histoire, j'ai commencé à l'écrire il y a déjà presque 5 ans, et après 29 lettres, j'ai perdu l'inspiration pour en écrire la suite et fin. Le temps a passé, et quand j'ai relu ces écrits qui étaient mes premiers écrits sérieux il y a quelques temps, j'ai senti que j'avais horriblement changé, dans ma manière d'être, ma manière d'écrire, de penser. Je dirai même que l'histoire m'a fait rire tant elle était pleine de clichés et d'incohérences. J'ai donc décidé de la réécrire.

Je n'ai pas tout réécrit, et vous verrez si vous avez lu la première version que ce sont surtout les lettres de Lizzy qui ont changé. Mais après tout, ce sont ces lettres qui racontent l'histoire principale du texte.

Je suis bien consciente que je n'ai fait que remplacer certains clichés par d'autres. Cependant, j'ai essayé de faire agir les personnages de manière plus conforme au canon que dans mon premier texte. Il y a aussi beaucoup de double-sens que dans la première version.

J'espère que Si Loin de moi version 2.0, qui comprendra 30 lettres, toutes déjà écrites et qui devraient être publiées dans les deux jours qui viennent, vous plaira au moins autant que l'ancienne.

Bonne lecture.

Marelle

Lettre 1 : Miss Elizabeth Bennet à Mrs Gardiner.

Longbourn, 27 novembre 1813

Ma très chère tante,

Je ne sais ce que vous allez dire en recevant cette lettre, mais la nouvelle qu'elle contient est si importante que je ne souhaite pas que vous l'appreniez par quelqu'un d'autre que moi. Ma très chère tante, je vais me marier, et avec nul autre que Mr. Darcy de Pemberley. Je suis donc fiancée, et deviendrai Mrs. Darcy le 20 janvier. Je sens que vous devez vous poser des questions. Il est vrai que je ne vous ai guère parlé de lui en des termes très élogieux, et pour être honnête, je pense toujours tout ce que je vous ai écrit. Mais néanmoins, laissez-moi vous raconter toute l'affaire.

Vous vous souvenez sans doute que dans ma dernière lettre, je vous avais parlé de William Collins, le fils d'un cousin de mon père, et par là, l'héritier de Papa. Ce jeune homme, qui est pasteur sous le patronage de Lady Catherine de Bourgh, s'est mis en tête qu'il était de son devoir absolu de se marier, et il a voulu, de manière assez honorable, il est vrai, épouser l'une d'entre nous, afin que Longbourn reste dans la famille, et que nous ayons un endroit où vivre à la mort de notre père. Je crois que son choix se portait originalement sur Jane, mais Maman lui ayant fait comprendre que la chère Jane était destinée à épouser Mr. Bingley (même s'il ne s'est toujours pas déclaré), il a reporté sa préférence sur moi. Je crois vous avoir dit combien cet homme m'est insupportable, avec ses manières obséquieuses, à sa manière, son arrogance, et sa mièvrerie.

Toujours est-il que avant-hier, encouragé sans doute par ma mère, il a plus ou moins clairement annoncé que je devais m'attendre sous peu à une demande en mariage de sa part. Là-dessus, il est parti dans un magnifique panégyrique de sa patronne, Lady Catherine de Bourg, qui bien sûr lui a donné le merveilleux conseil de se marier, et il a conclu en disant que sa future épouse (sur ces mots, il m'a lancé un regard appuyé) aurait l'immense chance de rencontrer et de bénéficier des conseils de cette noble personne. J'avoue avoir un certain désir de rencontrer cette femme qui doit, pour avoir accordé la cure à mon cousin, être soit un modèle de bienveillance et de charité, soit un modèle d'orgueil et de suffisance. J'avoue que connaissant le caractère de mon cousin, et le caractère du neveu de cette lady- qui n'est autre que Mr. Darcy en personne!- je pencherais plutôt pour la deuxième solution. Vous vous doutez bien sûr que, s'il avait eu le temps de la faire, j'aurai refusé son offre: cet homme est stupide et proprement dégoûtant, et l'idée seule de devoir être la mère de ses enfants me donne la nausée.

Jusque-là, vous ne devez pas voir le rapport avec Mr. Darcy. Mais voyez-vous, la ridicule affirmation de Mr. Collins m'a remarquablement agacée. Je suis donc sortie prendre l'air, et perdue dans mes pensées, je ne me suis pas rendue compte qu'une grosse pluie approchait. Lorsque la pluie s'est mise à tomber, je me suis réfugiée sous un arbre isolé au milieu d'un champ, mais n'ai malgré tout guère tardé à être trempée. C'est alors que j'ai entendu le bruit d'un cheval, et quelle n'a pas été ma surprise lorsque j'ai vu apparaître nul autre que Mr. Darcy, qui n'était pour tout dire guère en meilleur état que moi. Sans doute pour la protéger de la pluie et avoir quelque chose de chaud et sec à enfiler lorsque la pluie aurait cessé, il avait retiré sa veste et la tenait pliée contre lui. Je dois reconnaître qu'il y avait quelque chose de très romantique à le voir apparaître ainsi au milieu de la pluie.

Toujours est-il que son premier geste en me voyant trempée jusqu'aux os a été de me prêter galamment sa veste pour me permettre de me réchauffer. Je dois admettre qu'à ce moment-là, je ne savais guère ce que je ressentais. D'un côté, je lui en voulais d'envahir la solitude que j'étais venue chercher dans la nature, d'un autre côté je lui étais reconnaissante de me prêter cette veste qui m'a certainement permis d'échapper à une maladie plus grave qu'un mauvais rhume. J'espérais que le temps s'améliorerait rapidement, malheureusement, il plut pendant presque une heure d'affilée, heure que j'ai donc passé sous un arbre avec Mr. Darcy, aussi loquace qu'à son habitude ou presque. Je crois que les seules questions qu'il m'a posé étaient : « avez-vous assez chaud ? », « n'avez-vous pas trop froid ? », et peut-être une ou deux questions concernant le mauvais temps, et si de telles pluies sont habituelles dans le Hetfordshire.

L'affaire aurait pu en rester là. Mais lorsque la pluie s'est arrêtée, Mr. Darcy a, galamment sans doute, insisté pour me raccompagner à la maison. Lorsque Maman nous a vu arriver ensemble, moi vêtue de sa veste et d'une robe tellement trempée qu'elle laissait deviner ma silhouette, lui tout aussi trempé que moi, après que j'ai disparu pendant près de deux heures, il ne lui a guère fallu plus d'une minute pour crier au scandale, dire que Mr. Darcy m'a compromise et que s'il ne m'épouse pas, je serai déshonorée. Je suppose que c'est désormais vrai puisqu'il a fallu qu'elle aille immédiatement répandre la nouvelle dans tout le voisinage. Vous imaginez bien, très chère tante, à quel point j'étais mortifiée de l'entendre s'emporter et immédiatement obliger mon père à convaincre cet homme de m'épouser.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, Mr. Darcy a accepté sans se faire trop prier de m'offrir le mariage. Je lui ai répondu que je ne le tenais pas pour responsable, que je ne lui en voudrais certainement pas de retirer sa proposition tant qu'il était encore temps, qu'après tout, je ne saurais lui tenir rigueur de ne pas vouloir s'associer à une femme et plus généralement une famille qu'il méprise. A ma grande surprise, il m'a répondu, visiblement étonné, qu'il était loin de me mépriser, bien au contraire, qu'il était d'ailleurs persuadé que je serai parfaite comme maîtresse de son domaine, et que de toute façon, ma mère avait raison, la situation dans laquelle nous nous sommes trouvés était tout à fait compromettante. Si je ne l'avais pas entendu dire en public qu'il ne me trouve pas jolie, je l'aurais presque cru amoureux de moi.

J'ai un instant hésité avant de répondre, car je suis quand à moi certaine de ne pas être amoureuse de lui, au contraire, mais je me suis alors souvenue de la menace de demande en mariage de Mr. Collins qui planait toujours au dessus de ma tête, et du risque de déshonneur qui rejaillirait sur mes sœurs, et j'ai décidé d'accepter la demande de Mr. Darcy.

En toute franchise, Mr. Darcy est le meilleur parti qui puisse se présenter à moi. Comprenez-moi, chère tante : il est riche, ce qui mettra ma famille à l'abri du besoin, notre mariage, garantira celui de Jane et de Mr. Bingley, qui se repose beaucoup sur l'avis de son ami, et entre nous, je dois reconnaître qu'il est bel homme. Comparé à Mr. Collins, il est en vérité plein de qualités : en plus d'être riche et beau, c'est un homme cultivé et intelligent, dont la conversation peut être fort agréable, bien qu'il ne se laisse guère taquiner de mes deux prétendants, il est certainement celui que je pourrai le plus respecter. J'ai donc accepté sa demande en mariage, en le prévenant néanmoins que je n'éprouve aucun sentiment de tendresse envers lui, et qu'il ne devrait pas s'attendre à avoir une épouse complètement en admiration devant lui, qui prendrait le moindre de ses mots pour parole d'évangile. Une fois de plus, il m'a surprise en me répondant avec un fin sourire qu'il ne voudrait pas pour tout l'or du monde que je change mes manières, qu'il cherchait de toute façon dans le mariage une partenaire et non un objet animé. Je suppose que c'est un bon présage pour le futur.

Vous pourriez bien sûr me rappeler ce que Mr. Wickham au sujet de mon fiancé : selon le lieutenant, mon futur mari ne serait pas un homme honorable, mais je dois dire que plus j'y réfléchis, et plus je me rend compte que le récit et les manières de cet officier sont remplis de failles. Est-il normal après tout de noircir le portrait d'un prétendu ancien ami d'enfance auprès d'une quasi-inconnue, après avoir dit qu'il ne voulait surtout pas porter atteinte à l'honneur de feu son parrain en décrédibilisant le fils de celui-ci ? Du reste, si Mr. Darcy était capable d'actions aussi déshonorantes que le prétend Mr. Wickham, pourquoi m'aurait-il offert sa main en mariage, à moi qui n'apporte rien dan ce mariage, alors qu'il m'a à peine compromise ? Si vraiment il était aussi vil que le prétend le lieutenant, n'aurait-il pas profité de la situation dans laquelle nous étions pour porter réellement atteinte à mon honneur et m'abandonner immédiatement après ? Enfin, si mon fiancé était le seul à blâmer dans l'affaire entre lui et Mr. Wickham, pourquoi ce dernier a-t-il fui si précipitamment le bal donné hier à Netherfield et au cours duquel nos fiançailles ont été officiellement annoncées ?

A ce sujet, je dois vous avouer que j'ai remarqué lors de l'annonce officielle que mon fiancé avait sur le visage un air pour ainsi dire plus fier que d'habitude. Je ne comprend guère pourquoi. Cet homme est décidément une énigme qu'il me faudra résoudre si je veux être heureuse dans mon mariage.

Sur ce, je vous embrasse, ma chère tante, embrassez mon oncle et mes jeunes cousins de ma part.

Votre nièce dévouée, Elizabeth Bennet