Disclaimer: I DO NOT OWN KAZE TO KI NO UTA
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Only two or three chapters. Seulement deux ou trois chapitres.
« Que fais-tu? »demanda Gilbert d'un ton un brin désinvolte. Il ne paraissait pas tellement intéressé par ce que son camarade de chambre pouvait faire- son corps était légèrement en retrait, ses bras un peu en arrière, la chemise mal boutonnée, l'air froid et presque impassible- mais son regard, d'un vert profond, et sa lèvre inférieure qu'il mordait prouvaient que la présence de Serge, dans les bois, l'intriguait.
N'était-il pas en train de pratiquer l'équitation à cette heure-ci, comme la plupart de leurs camarades? Lui, si bon élève, sècherait-il les cours?
Serge était assis sur l'herbe, sous un arbre, se protégeant ainsi du soleil quoique fort désiré après un hiver rigoureux. Les rayons éclairaient sa peau de bronze, ses cheveux presque noirs en leur donnant des reflets roux magnifiques, et quand il avait penché sa tête pour voir qui approchait, ses yeux semblaient animés de flammes rouges. Rouge comme l'amour et la passion.
Gilbert ne put le nier. Il comprenait pourquoi tant de gens appelaient Serge un « apollon ». Il était beau et gentil...enfin, c' était ce que Serge essayait de lui faire croire.
« Gilbert?...Comment vas-tu? Euh...en fait, je travaille. » Il fit un signe de la main pour montrer le livre, la feuille, l'encre et la plume sur ses genoux puis sourit. Son sourire semblait empreint de fatigue, ce que ne manqua pas de remarquer le blond.
« Travailler? Tu n'es pas avec les autres, ni dans la chambre que je sache. »
« Ah, il fait tellement beau que j'en profite. Et puis, je dois composer. »
« C'est ton travail aujourd'hui? »
« Oui, monsieur Louis Renet et moi avons discuté. Il m'a dit que j'étais très bon au piano mais qu'il fallait que je me surpasse parce que j'allais bientôt commencer à stagner. » sa frustration-et sûrement petite vexation-passa comme un éclair sur son visage mais il parut ensuite plus fatigué qu'énervé. Les lèvres de Gilbert dessinèrent un sourire. Il leva un bras afin de le poser sur l'arbre le plus proche de celui de Serge.
« Et donc, tu as choisi de composer? »
« Oui...Voilà...Même si je ne suis pas du tout un grand artiste comme Chopin ou Beethoven ... C'est même plus difficile que je ne l'aurais cru. »
« Il y a de l'inspiration tout autour de toi. »
Serge fut surpris de sa réplique. Il regarda tout autour d'eux, comme s'il cherchait à comprendre la signification de ces mots. La nature était grande et belle, en pleine fête avec toutes ces plantes-fleurs, feuilles, fruits, herbes- qui poussaient et s'épanouissaient sans contrainte, et ces minuscules bêtes qui grimpaient et courraient de ci et de là. Le vent soufflait, léger et printanier, comme si en cette saison, il était un ami et non un ennemi glacial.
Serge respira un bon coup puis retourna son regard sur Gilbert. Avec les rayons du soleil qui illuminaient son visage, il avait l'air d'un ange. Ses boucles douces et dorées rappelaient la soie couleur ambre.
« Merci, Gilbert. Je crois que ça m'aide. C'est aussi pour ça que je suis venu ici. »
« Hm. Tans mieux pour toi. »
« ...Oui. »
« Connaissant monsieur Louis Renet, tu vas probablement devoir jouer ta pièce devant tout le monde, peut-être à la prochaine visite de parents. »
« Aïe, ayayaï! » Serge se mordit la lèvre basse, l'air un peu paniqué, son imagination déjà en marche. « C'est une chose de jouer des œuvres connues d'une belle manière, c'en est une autre de présenter le sienne. »
« Tu vas devoir te surpasser, monsieur le pianiste. Qui sait, tu seras peut-être invité à jouer dans les maisons de la noblesse parisienne si tu les séduis? »
« Ah, ça serait pas mal, » fit Serge à la fois amusé et un peu rouge. Il hésitait à considérer les mots de Gilbert comme un compliment mais c'était presque tout comme. « Je suis allé à Arles cette semaine et j'avais été invité dans la maison d'une charmante famille, les Calment. Leur fille Jeanne m'avait offert des pâtisseries que j'ai malheureusement oublié dans le salon commun et qu'on a volé. » Il soupira. « Dommage, je les aurai goûtés et partagés avec toi ici si tu avais voulu. »
Gilbert se troubla en l'écoutant, puis il eut un mouvement de honte. C'était lui qui avait pris ses gâteaux ce jour là. Il avait « entrepris » une diète après une ultime déprime à cause du manque de nouvelles d'Auguste, mais son estomac avait tellement crié famine qu'il avait mangé la première chose comestible trouvée. Et c'était les délicieuses pâtisseries de Serge.
Il n'en ouvrit pas la bouche pour autant. Il haussa les épaules.
« Je n'aurais pas été intéressé, de toute façon, » répondit-il d'un ton semi-moqueur. «Je ne vois pas pourquoi je viendrais les chercher auprès de toi. Il y en a pleins de douceurs à la cuisine.»
« Oui mais tu n'as pas le droit de les prendre en dehors des repas. »
« Je m'en moque. Je fais ce que je veux. »
Serge poussa un soupir mais ne dit rien en retour, il ne désirait point à nourrir le feu de la colère de Gilbert, ni le piquer au vif.
« D'accord...J'aimerais juste qu'un jour...on s'assoit ensemble comme de vrais amis et qu'on puisse manger et discuter tranquillement. »
Le regard perçant de Gilbert se fixa sur le brun; l'expression de son visage était indéchiffrable. Serge, qui souriait, sentit ses lèvres s'affaisser. Gilbert là faisait naitre une certaine frayeur en lui. Ce mystère peint sur ses traits, l'indécision de ses sentiments, l'incompréhension...il lui avait donné un vrai coup de doigts sur la tête.
« Gilbert...? »
« Je hais les mensonges. Ne cherche pas à me convaincre avec les tiens. »
La surprise fut aussi fulgurante qu'une soudaine attaque d'un aigle sur une petite bête pacifique.
« Quoi...? Je ne te mens pas! Je... »
Gilbert fronça des sourcils.
Soudain, un bruit d'un bois qui se brise sec retentit. Les deux garçons tournèrent leur tête vers l'endroit où ils détectèrent une présence. Sauf, que seul Gilbert sembla trouver l'intrus. Le poison de l'inquiétude traversa les veines de Serge, il regarda son compagnon encore.
« Gilbert, est-ce...? »
Gilbert lui retourna un regard seulement furtif puis courut à l'intérieur des bois comme si une voix l'appelait. Serge se leva d'un bond, l'encre, la feuille, et la plume projetées au sol, perdant tout leur intérêt. Une douleur-le chagrin-lui pinça le cœur. À côté de la gracile silhouette de l'ange blond, une autre personne, plus grande, se trouvait avec lui.
xxx
Serge entra dans la salle de musique. Il n'y avait personne, elle était déserte depuis des heures. D'un pas lourd, le garçon s'avança jusqu'au piano qui trônait devant la grande fenêtre. La fin du jour le noyait dans une sorte de mélancolie qu'il supportait mal aujourd'hui. Ses sentiments pour Gilbert paraissaient doubler d'intensité après chaque rencontre. Le garçon aux yeux émeraude exerçait sur lui un pouvoir extraordinaire.
« Ce n'est pas bon de penser comme ça, » se dit-il, les yeux fermés. «Gilbert a choisi de vivre de cette façon...et je n'y peux rien. J'aimerais tellement pouvoir l'aider mais il me rejette tout le temps. Je ne veux que son bien...pourtant. » Il serra les poings, l'injustice lui serrant le cœur. Il avait besoin de quelque chose pour se détendre et l'oublier un moment. Un peu de musique et d'exercice lui ferait du bien.
S'installant sur le siège en bois de chêne et recouvert de damas aux couleurs pastel, Serge laissa glisser ses doigts sur les touches comme il laissa ses sentiments le guider. Ce n'était pas du Chopin qu'il jouait en ce moment, mais son humeur l'avait guidé vers sa propre composition qu'il lui avait donné tant de mal.
Une plante grimpante qui cherche à rencontrer les premiers du soleil...des roses qui envoient leurs suaves effluves aux nez des promeneurs enchantés...les myosotis qui cherchent le regard d'une jeune fille...
Le son doux des touches jetèrent des ondes positives sur Serge, il se sentait bien. Mieux. Comme si la peine s'effaçait petit à petit...et dire que celui qui lui avait inspiré cet air serein mais entrainant était aussi celui qui le blessait chaque jour un peu plus! La vie était remplie de paradoxes.
Quand il arriva à la partie la plus compliquée de sa composition, un bruit soudain le ramena à la réalité. Serge ouvrit promptement les yeux, et se tourna vers la fenêtre. Un sursaut de peur et de surprise le fit bondir de sa chaise. Une ombre venait juste de passer. Ou plutôt une silhouette blanche, apeurée. Puis plus rien.
Il exécuta quelques pas vers la fenêtre, afin de mieux comprendre. Son rythme cardiaque s'était accéléré. Était-ce un fantôme? Un esprit errant? Des frissons le parcoururent. L'école était vieille, après tout; on pouvait s'attendre à tout.
« C'est ta composition? »
Serge se retourna, un cri de stupeur lui échappa la bouche. Ah...Il s'agissait seulement de Louis Renet. Le professeur venait juste d'entrer dans la salle.
« Monsieur... »
« Ce n'était pas mal du tout! Je t'en félicite...j'aurais dû seulement patienter avant d'entendre ton œuvre... »
« Oh ce n'était pas grand chose! »
« Tu sous-estimes tes capacités, Serge. Quand j'ai entendu tes premières notes, j'ai tout de suite été transporté dans un autre...monde. C'était magnifique. J'espère que tu raviras tes auditeurs tout autant que je l'ai été. »
Tant de louanges firent rougir l'élève jusqu'à ses racines (cela signifiait qu'il l'avait écouté depuis un moment). Mais un sourire de satisfaction et de bonheur ne s'en dessina pas moins sur son visage.
« Merci, Monsieur. Je ferais de mon mieux. »
« Très bien mais repose toi aussi. Le diner a commencé depuis quelques minutes, va rejoindre tes camarades pour manger. Trop travailler peut rendre malade. »
« D'accord, je pars dans quelques minutes monsieur. »
Louis Renet hocha de la tête avant de faire demi-tour. Cependant, avant de quitter la salle, il dit:
« Un admirateur t'observait depuis tout à l'heure...j'ai dû l'effrayer en l'apercevant... » Il sortit.
Serge voulut lui demander qui l'avait regardé et écouté. Mais il garda ça pour lui-même.
xxx
Le diner, convivial, presque copieux, avait quelque peu rasséréné Serge. Il avait mangé un potage chaud et velouté, rempli de légumes colorés et savoureux, de la bouillabaisse, et une part de gâteau au chocolat préparé par un pâtissier, ami du directeur de l'école. Ce fut pourquoi le jeune garçon rejoignit sa chambre, le cœur moins rempli d'anxiété qu'il ne l'avait craint.
La chambre paraissait tout de même triste. Les fleurs, serrées les unes contre les autres dans un vase jaune, qu'il avait choisi avec tant de soin semblaient à présent fanées, comme si l'automne avait déjà chassé l'été. La lumière manquait. La fenêtre, ouverte, laissait le vent souffler-certes-légèrement mais bien assez pour qu'une sensation de solitude et d'abandonné saisisse tout son être. Serge trembla de froid et se dirigea d'un pas lent et lourd vers son bureau.
Les deux lits n'étaient toujours pas défaits. Il alluma une lampe, prit place face à sa table et se mit au travail. Les mathématiques, la géographie, l'histoire. Il y avait de quoi l'occuper. Il ferma les yeux un moment, et serra les poings. Absolument tout devait les occuper, lui et son esprit. La petite bête insidieuse du désespoir ne devait pas pénétrer dans ses pensées.
Au bout de quelques minutes, s'étant raisonné, Serge sentit son calme revenir. Ses exercices furent terminés en quelques instants, il ne resterait plus que le français à finir pour le jeudi suivant. Il sourit, content et satisfait de lui.
Le garçon se leva de sa chaise et fit plusieurs pas vers la fenêtre. Dans le vase où mourraient les fleurs, il prit la plus petite, celle qui paraissait si fragile, mais si désespérée de vivre encore. Il la souleva jusqu'à qu'il puisse la voir. Il s'agissait d'une rose, encore peu éclose, mais qui avait dû annoncer avant d'être cueillie, un rouge éclatant. Ses pointes étaient restées pâles, cependant; comme si on l'avait vidée de son sang.
Tandis que l'esprit de Serge vagabondait dans des abysses d'images et de comparaisons, son corps avait l'air de vivre de lui-même. Il marcha vers le lit de Gilbert et laissa la petite rose tomber sur la couverture blanche.
Vers minuit, il se coucha enfin, après qu'on eut fit l'appel. Le sommeil vint à lui en peu de temps.
Gilbert retourna dans leur chambre, à ce moment-là. S'il avait été éveillé, Serge n'aurait plus été tellement surpris de son apparence, même si un léger sentiment de peur et de dégout l'aurait envahi. Les cheveux, le corps, les vêtements, tout, étaient dans un état lamentable. Sale. La chemise déchirée. Les boucles d'or désordonnées, recouvertes de terre et de poussière à certains endroits. Le col tâché de quelques gouttes de sang qui permettaient de penser que le pauvre garçon avait dû encore se laisser maltraiter. Un bleu s'était même formé à la commissure gauche de ses lèvres.
N'ayant presque rien avalé depuis des heures, il peinait affreusement à marcher et à chercher refuge dans son lit. Un léger ronflement attira son attention dans la pénombre de la chambre. Serge. Ça ne pouvait être que lui. L'Apollon qui l'enchantait de sa musique.
Il n'avait pu s'empêcher de songer à lui et sa composition. L'avait-il aidé avec ses suggestions, ses idées? C'était ce qu'il aimerait croire. Mais que valait l'avis d'une créature comme Gilbert? Quoique faible, il se traina jusqu'au lit de Serge et, de sa main tremblante et presque effrayée, le secoua. Plusieurs fois ne suffirent pas. Serge resta endormi. Morphée le gardait réellement et jalousement.
Une montée de désespoir et de tristesse pointa dans la poitrine de Gilbert. Pendant une dizaine de secondes, la douleur le rendit incapable de bouger. Il respirait mal, et des sifflements comme ceux d'un train furent perceptibles dans l'air de la chambre.
La solitude le tuerait un jour, se dit-il, les larmes remplissant chaque coin de ses yeux. Ses jambes tremblaient tellement que ce fut comme si c'était elles qui l'obligèrent à tomber dans le lit et à s'allonger contre un Serge chaleureux, heureux, reposé, innocent. C'était lui le véritable ange, pensa-t-il encore alors qu'il laissait sa douleur physique et mentale le noyer dans la mélancolie. En étant proche de Serge, il pensait être proche de ce paradis dont les portes ne semblèrent plus vouloir s'ouvrir pour lui. Le dos de Serge était chaud, presque brûlant, pour ses doigts, lui qui tremblait de froid. Pour un peu, il demanderait à Serge de le serrer très fort et de le consoler jusqu'à que ses peines s'évanouissent.
Le sommeil le saisit bientôt.
A suivre
