Bonjour!
Aujourd'hui, 4 août 2014, nous commémorons un triste centenaire. Il y a cent ans aujourd'hui que la première guerre mondiale a débuté.
Ce sont des événements qui nous ont tous marqués, peu importe notre âge ou notre origine. Un anniversaire encore aujourd'hui ancré dans les mémoires, et des événements qui inspirent encore aujourd'hui les artistes. Chanteurs, acteurs, réalisateurs, et auteurs.
J'ai décidé de commémorer, à ma manière, ce centenaire. En entamant aujourd'hui un recueil de One-shot, de songfics plus précisément. Elles auront toutes un point commun: les chansons sont issues de l'album La République des Météors, d'Indochine, dont le thème principal est la guerre. Ce sont des textes que j'aime beaucoup, emplis d'émotions et de significations. Qui m'inspirent des OS Hetalia. Je ne suivrai pas forcément l'ordre des chansons, je ne les exploiterai pas toutes. La parution sera irrégulière, en fonction de mon inspiration, de ma motivation et du temps que j'aurai pour écrire.
J'ai choisi ma chanson préférée pour commencer, la Lettre de Métal. C'est une chanson inspirée par une véritable lettre de poilu, rédigée en 1917.
Disclaimer : les personnages appartiennent à Hidekaz Himaruya, les textes sont d'Indochine.
Contexte : UA - 1917. Francis écrit à sa famille depuis la tranchée dans laquelle il se terre dans l'attente de la prochaine attaque allemande.
Personnages : FACE Family, principalement Francis et Mathieu.
Genre : Drame. Vous vous en doutez, ce recueil ne sera que rarement joyeux.
Couverture : j'ai posté sur Twitter une image de couverture pour le recueil. Il s'agit du Captain Nicholls et du Major Stewart dans Cheval de Guerre (2010, Steven Spielberg) interprétés par Tom Hiddleston et Benedict Cumberbatch. Toutefois, j'aimerais créer une image pour chaque OS. Pour la lettre de métal, il s'agit d'un fanart (qui ne m'appartient pas) de France et Canada auquel j'ai ajouté le texte de la lettre originale.
J'espère que le concept et les songfics vous plairont.
Je vous laisse avec la première, n'hésitez pas à écouter la chanson en même temps, ça aide.
La Lettre de Métal
Francis Bonnefoy se laisse tomber sur un lit de camp. Sa main gauche est enroulée dans un bandage crasseux où fleurissent des taches de sang. Il tient son exemplaire de la Bible. Dans son autre main, libre, une feuille de vieux papier encore vierge, une plume et un encrier.
A côté de lui, la lumière vacillante d'une chandelle brise les ténèbres mais manque de s'éteindre à chaque courant d'air.
Le front de Francis est humide de sueur. Sa peau est pâle sous la crasse, des cernes soulignent ses yeux. Sa barbe a poussé.
Il tremble.
Il a de la fièvre.
Il est blessé, notamment à la main.
Il s'est soigné comme il a pu. Il n'y a plus de médecin dans la tranchée.
Et il n'y a plus suffisamment de soldats.
Francis sait qu'il n'a pas beaucoup de temps avant qu'on ne l'appelle. Car son état importe peu. Il prendra part à l'assaut, tout à l'heure.
Il sait aussi que ce sera la dernière fois. La dernière fois qu'il quittera cette tranchée, la dernière fois qu'il tiendra une baïonnette, la dernière fois qu'il tuera des Allemands… La dernière fois qu'il respirera.
Il n'a aucune chance de survivre cette fois. Ses jambes l'empêcheront de fuir, de se cacher. Ses mains secouées de tremblements l'empêcheront de se défendre.
Mais il montera quand même sur le champ de bataille. Une dernière fois.
Il n'en reviendra pas. Il le sait.
Alors il a décidé d'écrire. Il va écrire une lettre à Mathieu. Parce qu'il ne veut surtout pas être oublié de sa famille… De ce petit être si jeune qu'il a si peu connu…
A la pensée de son fils, un sourire fleurit sur son visage maigre et sale.
Il n'a pas encore six ans. Il est blond, très timide et très gentil. Il a de grands yeux violets et une boucle de cheveux qui lui retombe constamment sur le nez.
Sa maman était une Canadienne. Mais elle est décédée un peu après la naissance de leur fils.
Heureusement, même si son père est absent, il n'est pas seul. Francis n'a jamais été aussi heureux d'avoir rencontré Arthur, quatre ans auparavant… C'est son nouveau compagnon qui veille sur Mathieu. A Londres. En sûreté. Avec son grand frère d'adoption, le fils d'Arthur. Alfred.
Tous ces noms ne rendent Francis que plus nostalgique.
Le temps lui est compté.
Il prend sa plume et se met à gratter le papier, utilisant le livre comme support de fortune.
Comme je vais bientôt partir
C'est à toi de me lire
Une lettre écrite de moi en souvenir
Car si je reste là-bas
Si je ne reste pas en vie
Tu ne te souviendras jamais de moi
A ces mots qu'il écrit, une larme s'écrase sur sa joue.
Il l'écarte d'un mouvement violent de sa main bandée.
La rage le gagne une fois de plus.
C'est dur. Tellement dur de rester là, dans cette tranchée perdue au fin fond de la Lorraine, si proche des Allemands, si exposée au danger…
Les choses ont changé.
Au début, les soldats étaient fiers de défendre leur pays.
Aujourd'hui rien n'était pareil.
Tout ce qu'ils veulent, tous, c'est survivre. Survivre à leur isolement, à leurs combats, à leurs conditions de vie déplorables, au gaz moutarde, aux armes allemandes, aux infections et au désespoir… Revoir leur famille…
Aujourd'hui ils se battent pour survivre.
Ils n'attaquent plus. Ils se défendent.
Ils montent sur le front quand les Allemands sortent de leur tranchée. Parce qu'il y a plus de place sur la plaine que dans les couloirs étroits de la tranchée pour se battre.
Ils sont tous dans le même état. Et pourtant aucune d'entre eux ne pense à partir. Ils ne veulent pas rentrer comme des traîtres. Ils seront les héros.
Et la désertion ne serait qu'une façon plus rapide de se faire tuer.
Or ils ne veulent pas mourir… Pas en traîtres. C'est pour cette simple raison qu'ils restent, qu'ils continuent de se battre. Ils n'exécutent plus les ordres du gouvernement, désormais. Puisqu'il les a envoyés se faire massacrer. En sous-nombre par rapport à l'ennemi. Avec trop peu d'équipement.
Le métal en Lorraine
Nos corps fendus à la peine
Je te lèguerai ma haine
Car je ne veux pas mourir
Ici on nous envoie à l'abattoir
Mais je ne veux pas trahir
Que tu sois fier de moi
Francis sait que Matthieu est encore petit. Il ne se rend pas compte de ce qu'il se passe. Il n'a pas conscience de ce qu'est la guerre. Mais Arthur sera là pour lui expliquer. Lui dire que son père n'a fait que son devoir, et qu'il n'est pas rentré parce qu'il a eu beaucoup de choses à faire, là-bas, en France.
Plus que tout, Arthur sera là pour lui dire, lui rappeler qui est son père. Alors que Mathieu est si jeune, qu'il aura si vite fait de l'oublier… Cette vague présence paternelle dans son enfance, cet homme blond qui lui a donné tant d'amour mais qui s'estompera au fil des années d'absence… Qui s'est déjà effacée, probablement.
Francis se souvient avec un sourire triste des rêves d'enfant de Mathieu. Comme tous les petits garçons, il a décidé d'être soldat quand il sera grand. Soldat, ou prince, ou roi, pour sauver des jolies princesses.
Il n'y a plus de princesse à sauver. La princesse en détresse de Francis ne peut plus être sauvée. Il ne le peut plus, en tout cas.
La France va tomber. La France est dans un état déplorable en ce moment. Et ce n'est plus Francis qui va la défendre. Après cette nuit, son sort ne sera plus entre ses mains meurtries.
Il a pourtant été un bon soldat, il l'a défendue, cette France qu'il aime tant.
Mais il n'en a simplement plus la force. Il n'est plus qu'un faible soldat fiévreux incapable de tenir correctement son arme. Ce n'est pas avec ça que la France tiendra. Il faillira à son devoir. Si jamais un péril comme l'Allemagne se représentait… Ce serait à la génération future de la défendre. En espérant que ce ne soit pas celle de Mathieu et Alfred.
Ne m'oublie pas mon enfant
Mon enfant de moi
Je ferai mon devoir pour toi
Comme je n'en reviendrai pas
Toi tu me remplaceras
Tu deviendras maréchal ou roi
C'est à Arthur qu'il s'adressera ensuite.
Arthur… Il peut dire sans mentir que l'Anglais est l'amour de sa vie. Sa vie. Qui, à l'image de ce souffle de vie de plus en plus ténu, cette force de vivre qui lui fait défaut, lui manque.
Terriblement.
Arthur… Leurs disputes… Leurs remarques acerbes… Leurs mots doux… Leurs étreintes… Leur amour…
Il n'a qu'une seule envie. S'il le pouvait, si cette fierté ne le poussait pas à rester, il quitterait son pays. Il irait à Londres… Rejoindre Mathieu… Alfred… Et Arthur.
Il donnerait n'importe quoi pour avoir encore l'occasion de les voir. Ebouriffer les cheveux des enfants, les prendre dans ses bras, leur donner l'impression de voler comme les oiseaux entre les mains de Francis, déposer un baiser sur leur front avant qu'ils ne s'endorment. Attraper Arthur par la taille, l'attirer à lui, l'embrasser. Et le contempler rougir si c'est en public.
Le métal en Lorraine
Le sexe à la peine
Je voudrais vous revoir
Encore une dernière fois
Des ordres résonnent dans la tranchée. On appelle les soldats pour la dernière bataille de la majorité d'entre eux.
Francis est obligé de terminer sa lettre. Son écriture se fait encore plus tremblante et indéchiffrable.
Il doit se dépêcher. Ses tremblements s'accentuent. La peur le gagne.
Il va monter au front.
Il va crever.
Il va mourir, et toutes ses pensées seront tournées vers Mathieu. Vers son fils. Jamais ils ne se reverront. Mais le jeune garçon restera dans l'esprit de son père… Jusqu'à la fin.
Autour de lui, les hommes se lèvent, prennent les armes. Leurs visages sont fermés. Leurs uniformes salis s'ornent autant de terre et de poussières que de sang.
Francis ne peut s'empêcher de penser que ce qui l'attend de l'autre côté ne pourra être pire qu'ici.
Il aura déjà vu l'enfer.
La guerre. La Grande Guerre. Le voilà, le véritable enfer.
Et il priera pendant les dernières minutes de sa vie pour que jamais Mathieu ne vive la même chose.
Il termine sa lettre.
De ton père tu sauras
Jamais ne t'oubliera
Une dernière fois la guerre
N'est pas faite pour toi
Il la donne à un officier chargé des lettres des soldats.
Il prend son arme.
On sonne la charge.
oOo
Mathieu est accoudé à la fenêtre de l'appartement du premier étage qu'il occupe avec Arthur et Alfred.
Son regard améthyste s'arrête sur un homme, dans la rue. Il marche. Il a l'air de chercher quelque chose, une maison.
Il porte le même uniforme que celui de Papa lorsque Mathieu l'a vu la dernière fois. Lorsqu'il est monté dans le train, en France.
L'homme s'arrête devant la maison et frappe à la porte. Bientôt, la voix de Madame Elton appelle Arthur depuis le hall.
Arthur éteint la radio et quitte son fauteuil. Il descend dans le hall, Alfred le suit.
Mathieu est déjà en bas.
L'homme à l'uniforme pose un regard sur la famille. La tristesse passe dans ses yeux gris.
-Monsieur Kirkland ?
-C'est moi… répond Arthur.
-J'ai une lettre pour vous… Ainsi que… Les médailles et les affaires personnelles de Monsieur Bonnefoy.
-Qu…
-Je suis désolé. continue le soldat.
Mathieu ne sait pas ce qu'il se passe. Alfred et lui échangent un regard et un haussement d'épaules, perplexes.
Mais le visage d'Arthur se décompose. Les larmes investissent ses yeux émeraude alors qu'il tend la main pour prendre la petite pile d'objets que l'homme lui tend.
Sur le dessus de la pile, une vieille enveloppe.
Arthur déchiffre l'écriture et la donne à Mathieu. Sa voix est hachée de sanglots.
-M… Mathie… Tiens… Une lettre pour toi… De ton papa…
Voilà pour le premier OS. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez.
Merci de votre lecture et à bientôt pour une nouvelle songfic.
