Il traînait les pieds dans les couloirs. Il était seul, et pourtant, il se faisait bousculé par tout un tas d'élèves bruyants et excités qui allaient à contre sens, presque en courant. Tous pressés de rejoindre leur chez-eux, de voir leur famille, de dormir dans leur chambre, d'être accueillis dans la chaleur d'un foyer. Mais Sasuke ne les voyait pas, ne les entendait pas, ne les sentait pas, ne voulait pas tout ça. Parce que le simple fait d'accepter leur existence insinuerait en lui des sentiments qu'il a oublier, qu'il veut oublier. Il serait jaloux, triste, envieux, désespéré, et plus que tout, il aurait cette boule au ventre qui ronge tout appelée Solitude. Tous connaissaient son histoire. Tous savaient d'où il venait, et ce que son frère avait fait. Cet enfant plein de vie avait tuer toute sa famille pour se suicider, laissant juste son jeune frère qui l'avait vu faire, dans l'incompréhension. Les gens n'ont cessé d'entouré le jeune orphelin, de le prendre en pitié. Puis, avec le temps, certains devinrent jaloux de toute cette attention portée au brun à cause d'un vulgaire nom et d'un stupide meurtre. Certains l'adoraient, le vénéraient, le mettaient sur un piédestal, d'autres le haïssaient, le provoquaient. Mais personne ne restait indifférant, personne ne le prenait pour un simple inconnue. Lassé de se surplus d'attention et de ce que cela engendrait en lui, Sasuke s'était renfermé sur lui même. Il faisait ce qu'on lui demandait, sans s'y opposer. Il effaçait les présences inutiles. Et Kami-sama, qu'il y en avait des présences inutiles ! Il n'exprimait plus ses sentiments, le visage impassible et le regard vide. Jamais un sourire, jamais une expression trop extravagante. Hausser ou froncer les sourcils, et de légers rictus moqueurs de temps à autre, pas plus. Sa voix était plate, sans émotion. Tout en lui exprimait clairement une chose : l'indifférence. Certain prenaient ça pour du mépris. Peu importe. Sasuke ne connaît personne. Il ne s'intéresse à personne. Il erre dans ce monde sans voir. Il agit comme une machine, exécutant tout ce qui est attendu de lui à la perfection. Ne parlant que quand cela est réellement utile, autant dire le moins possible. Il était renfermé, perdu dans son monde et sa solitude, attendant la fraction de seconde qui signerait la fin de sa vie. Il ne s'occupait d'aucune manière particulière, pas d'activités, pas de préférences, il ne se plongeait pas dans la musique, ne perdait pas son temps à lire, et encore moins à écrire. Il était vide. Seize ans, à la veille du bac scientifique et de longues études prometteuses devant lui, à la tête d'une fortune monstre, et déjà vide. Il se demandait parfois s'il vivait encore, tellement les journées était inutiles, sans importance. Comment faisait-il pour marcher, encore aujourd'hui ? Si personne ne le tirait vers la haut, il se serait allonger dans un coin de rue et se serrait laissé dépérir. Peut-être même aurait-il oublier de respirer, qui sait ?

Comme tous les soirs, n'ayant rien d'autre à faire, il se rend sur le toit du lycée. C'est bête de laisser cette porte ouverte, mais au moins, il n'a pas à supporter cet horrible orphelinat. Personne ne l'a jamais adoptés, tous repoussés par son côté froid. Il arrive enfin au dernier étage. Il n'y a plus personne, le lycée va fermé et les femmes de ménage vont s'activer, comme tous les soirs. Il passe la porte et la referme, sans un bruit. Et comme à son habitude, il se dirige vers le bord, du côté du couché de soleil.

Mais il se fige. Là, devant lui, quelqu'un. Qui peut bien venir ici à une heure pareille, à par lui ? Il hésite à faire demi-tour, mais se décide finalement à venir au côté de cette personne s'accouder au muret. La personne, du peu qu'il en a vue en passant, se tient droite, son regard plonger dans l'infini du ciel. C'est un garçon, du même âge que lui, vraisemblablement, blond aux yeux bleus, la peau hâlé. Une brise vient remuer les cheveux de Sasuke qui les remets à leur place. Il regarde le soleil descendre petit à petit, comme tout les soirs. L'autre ne semble pas l'avoir remarqué et ne bouge pas.

Mais très vite, trop vite au goût de Sasuke, le soleil disparaît, ne laissant que la nuit étoilée. Il se retourne donc, toujours les coudes sur le muret et soupire en laissant sa tête tomber en arrière pour fixer les astres. Finalement, il ramène son regard sur le garçon qui n'a toujours pas bougé. Un vent frais se lève et provoque un frisson à Sasuke.

- Tu n'as pas froid ?

L'autre fronce les sourcils et baisse son regard vers Sasuke. Il le fixe dans les yeux un long moment avant de secouer la tête en souriant comme s'il venait de penser une connerie et relève les yeux au ciel. Cela faisait trois jours que Sasuke n'avait pas prononcer un mot hormis les quelques politesses habituelles, puis, quand enfin il prend l'initiative de s'intéresser à quelqu'un, on l'ignore. Elle est belle celle-là !

- Je t'ai posé une question.

Sa voix reste calme, plate, inexpressive. Cette fois, le garçon le regarde avec surprise, écarquillant les yeux. Il ouvre enfin la bouche.

- Heu… Tu… Tu me vois ?

- Évidemment, baka. Je ne suis pas aveugle.

L'autre resta interdit devant cette réponse. Sasuke, intrigué par cette étrange attitude, décide de s'intéresser de plus près au jeune homme.

- Comment tu t'appelles ?

- Na… Naruto…

- Sasuke.

- Enchanté, Sasuke, répondit Naruto avec un grand sourire.

Soudain, Sasuke se sentit étrange. Depuis quand son nom n'avait-il pas été prononcé aussi simplement, avec chaleur, sans pitié, sans haine, sans rien d'autre qu'une chaleureuse intonation, comme un accueil, comme si on l'attendait là, pour ce qu'il était, pas pour son nom ou se qu'il avait vécu, juste pour lui.

Le silence reprit ses droits. Sasuke en avait oublié sa question de départ. Ils regardèrent tout les deux le ciel étoilé pendant un temps indéfinissable, qui semble, à leurs yeux, n'avoir ni commencement ni fin. Naruto avait toujours son sourire aux lèvres, une étincelle dansant au fond des yeux.

Puis, quand Sasuke sentit la fatigue le gagner, il partit, comme tout les soirs. Et l'autre se jura d'être là le lendemain.

Et il y fut. Encore et encore. Tout les soirs, Sasuke passait, ils se disaient bonsoir et contemplaient le ciel. Naruto était toujours là le premier, inlassablement debout, sans bouger, et regardait toujours Sasuke partir. Celui-ci s'accoudait toujours à ses côtés, lui tournant le dos pour voir le coucher de soleil, puis se retournaient, toujours accoudé, et levait les yeux sur la voûte céleste. Au fil des jours, ils commencèrent à échanger quelques mots. Ils apprenaient pas à pas à se connaître. Ou plutôt, Sasuke lui confiait ses malheurs, ses heures sombres, et Naruto monologuait sur des récits et autres anecdotes, évitant toujours dans dire plus sur sa vie. Il avait toujours ce sourire et laisser des éclats de rires remplir la nuit à ses propres blagues. Sasuke ne manquait pas de lui faire remarquer son manque de neurone à l'aide de jolis surnoms affectueux tels que baka, dobe, ou usuratonkashi. Mais ses insultes éveillaient un fou rire chez Naruto qui lui renvoyait la balle avec des teme et des baka. Sasuke se rendait peu à peu compte de ce qui venait de se créer entre eux. Il avait enfin un « ami ». C'était si étrange. Il n'en avait jamais eu. Et un soir, Naruto lui confia que, d'aussi loin qu'il s'en souvienne, il n'en avait jamais eu non-plus. C'est ce jour là que Naruto vit le premier sourire sur le visage pâle de Sasuke. Depuis quand, depuis quand n'avait-il pas fait une chose aussi simple ? Évidemment, ce n'était pas un sourire flamboyant, comme ceux de son camarade, s'était mince, presque imperceptible. Juste le coin des lèvres qui se soulève et celles-ci un peu plus fines encore qu'à leur habitude. Naruto s'en émerveilla, puis, se reprenant, lui fit remarquer que monsieur l'insensible se ramollissait, ce qui lui valu un énième grognement accompagné d'un regard noir. Sans qu'ils s'en rendent compte, les regards se faisaient plus tendres, certaines paroles plus douces. Leurs rencontres dans le secret de la nuit respiraient le calme, elles étaient paisibles, souvent coupées de long silence où ils reprenaient leur contemplation des astres. Naruto ne changeait jamais de place, et Sasuke ne semblait même pas le remarquer. Ils n'avaient jamais eu un seul contact, et se n'était pas pour déplaire à l'un ou à l'autre. Sasuke n'a jamais été une personne très tactile.

Les jours s'écoulaient, gouttes se fondant dans la flaque de leur vie. Les jours devinrent des semaines, les semaines devinrent des mois. Rien ne venait tourmenter leur quotidien ou changer leurs habitudes alors qu'ils se découvraient, se confiaient.

Ce soir là, c'était un soir comme les autres. Les discussions diverses et variés, quelques rires, de légers sourires, deux trois insultes… Des silences. Encore un silence. Sasuke venait de confier sa répugnance pour les contacts physiques. Naruto le fixait en souriant tristement. Alors, Sasuke se sentit fou quand il fut pris de l'envie de prendre la main de cet être en face de lui. Il la devinait douce, chaude, apaisante. Alors sa main parti toute seule, concrétiser cette folie. La tête légèrement penché sur le côté, son regard sombre sur cette main à la peau hâlée, Son bras se tendant lentement pour saisir le membre. Naruto le regardait dans les yeux, un sourire triste sur les lèvres. Il aurait voulu lui tendre cette main, prendre la sienne. Mais Sasuke sursauta très légèrement et retira sa main quand celle-ci, au lieu de rencontrer la peau du jeune homme, disparu derrière. Il leva un regard qui devait être interrogateur sur Naruto.

- Je suis mort, Sasuke.

Celui-ci essayait de prendre les mots, de les mettre dans le bon ordre, de trouver un sens, un vrai sens. Il cherchait la blague, mais Naruto était trop sérieux en disant cela. Il cherchait une explication dans le regard de l'autre. Mais la réalité ne semblait pas lui venir, il ne semblait pas comprendre une phrase aussi simple.

- Je suis mort.

Les mots furent comme des gifles. Son estomac se tordit, il sentit quelque chose en lui se briser.

Naruto soupira, puis, sans lâcher son sourire, fit un pas, puis un autre pour se retrouver aux côtés de Sasuke, tourné vers l'horizon, son regard ne distinguant que quelques mèches corbeaux et le début de la nuque de Sasuke, se perdant dans sa veste noire. Alors, il expliqua. Sasuke ne se retourna pas, ne l'interrompis pas une seule fois.

- Je ne sais pas pourquoi, mais je erre ici. Personne ne me voyait jamais, avant toi. Je ne t'avait rien dit, je ne voulait pas que… Que tu me regarde différemment. Au début, je trouvait ça merveilleux de pouvoir passer partout, tout entendre, tout découvrir. Mais très vite, je me sentit seul. Je ne me souviens plus de ma vie d'avant. Je ne suis même pas sûr d'avoir eu une vie avant. Je crois que, quand je suis mort, je devait avoir à peu près ton âge. Je ne saurait pas te dire depuis combien de siècle je me balade dans se monde. J'ai eu le temps d'en faire plusieurs fois le tour, d'apprendre tout un tas de choses inutiles. Je me souviens même de l'année ou je me suis mis en apnée pendant onze mois. De toute façon, je ne respire pas vraiment. Je ne sais pas ce que cela fait d'avoir l'air qui passe dans ses poumons. Je ne sais pas non-plus ce qu'est le froid ou le chaud. Je ne ressens rien, je vois tout sauf moi. Je ne peux pas me voir moi-même. Je ne peux pas non-plus toucher les objets qui m'entourent. Aucun moyens d'exprimer ma présence. Je ne sais pas ce qu'est ce que vous appelez les odeurs. Je ne connais pas la douleur. En vérité, je ne touche même pas le sol, et je pourrais aller sur le Soleil que je ne brûlerais pas les yeux. Et puis un jour, je suis venu ici voir le coucher de soleil. Et tu est venu toi aussi. Je n'ai pas compris quand tu m'as parlé. Puis finalement, même si tu ne parlait pas, tu savait que j'existais, alors je suis revenu. En fait, je reste ici depuis quelques temps. Je n'ai rien d'autre à faire.

Sasuke se tourna et fixa lui aussi l'horizon. Et, sans réfléchir, il se mit à parler de ce que faisait toute ces sensations inconnues à Naruto. Il ne cherchait pas plus d'explications, il avait eu sa preuve. Il décrivit également à Naruto ce à quoi il ressemblait. Il prenait le temps de tout lui raconter.

Mais assez vite, l'heure ou Sasuke avait l'habitude de partir arriva. Alors il se décolla du muret, se dirigea d'un pas lent mais assuré vers la porte. Une fois devant, il s'arrêta, et se tourna vers Naruto qui ne s'était même pas retourné pour le regarder partir, comme il le faisait tout les soirs. Et il se dit qu'il était vraiment fou ce soir quand il tendit sa main vers Naruto.

- Viens.

Mais Naruto ne se fit pas prier. En quelques enjambés, il rejoignit Sasuke, et ensemble, ils rentrèrent à l'orphelinat.

Naruto passa ses journées à découvrir le brun et son environnement. Il passait ses journées à ses côtés, commentant tout et n'importe quoi. Il monologuait et occupait l'Uchiwa pendant les cours ou celui-ci s'ennuyait. Naruto restait également la nuit, regardant le visage détendu de Sasuke qu'il trouvait tout simplement adorable quand il dormait. Naruto parvenait maintenant à lui soutirer des micro-sourires et des ricanements légers grâce à certaines répliques bien placées qui pouvaient surgir n'importe quand. Si bien que beaucoup de gens se retournaient en entendant le si impassible Sasuke « rire » tout seul. Les filles se disputaient les mérites de se relâchement de la part du jeune homme, ce qui les rendaient encore plus pathétiques qu'avant et incitait Naruto à commenter encore et encore les « pouffiasses » qui entouraient Sasuke. Ils avaient beau passer leur journée ensemble, ils continuaient tout de même à se rendre sur le toit pour leur étrange rituel. Alors que n'importe qui se serait lassé d'avoir la même personne à ses côtés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, eux au contraire en étaient que plus heureux. Ils étouffaient leur ennuie avec la présence de l'autre, et Sasuke n'eut aucun mal à s'habituer à l'invisibilité du blond. Il n'avait jamais réessayé de le toucher. Pas que l'envie l'en manque, loin de là, mais plutôt parce qu'il avait peur de se rappeler cette dure réalité, cette phrase si simple et si douloureuse. « Il est mort ». Il se contentait de sa présence. Mais il ne pouvait s'empêcher d'imaginer. Imaginer le contact de sa peau avec la sienne. Imaginer son odeur. Imaginer Naruto dans la vie de tout les jours, bien réel, bien vivant. Puis, vint le jour de la discussion sur une chose qui préoccupait particulièrement Sasuke vis à vis de son ami. Ils étaient, comme à leur habitude, à regarder les étoiles, le nez en l'air, et c'est sans baisser son regard sur Naruto que Sasuke posa la question :

- Dis, Naruto… Et pour, les sentiments ?

Pas besoin de plus pour que Naruto comprenne exactement où voulait en venir son ami. Il gardait également le regard planter dans le ciel pour lui répondre.

- Je ne sais pas trop. Je ressens tout autant qu'un autre, je crois. Il m'arrive d'être triste, mélancolique, joyeux, dégoûté, en colère… Je pense même pouvoir aimer. Mais je n'en sais rien, à vrai dire, ce sentiment n'a pas vraiment de signification à mes yeux. Après tout, personne ne m'a jamais aimé et je n'ai jamais eu personne à aimer.

- Hn.

- Et toi, tu as déjà aimé ?

- Mes parents, je crois. Et mon frère, avant… l'incident. Et puis… non, je crois que c'est tout. Sinon, je n'ai jamais trouver personne à aimer, qui semblait le mériter.

- Oh…

Ils ne parlèrent plus de ça. La vie continuait, ils appréciaient chaque instant. Sasuke était en apparence plus ouvert, mais en réalité, il n'avait jamais été aussi renfermé. Son monde été réduit à Naruto. Il refusait toujours de croire que Naruto pouvait ne pas exister. Mais il n'en parlait à personne. Il n'y avait que lui et Naruto. C'était leur Univers avec le ciel et les étoiles au bout du regard.

Un soir, Sasuke était, comme à son habitude, allongé dan son lit sur le dos, le regard sur le plafond blanc, mains sur le ventre, les yeux fermés. Naruto était installé sur la tête de lit, jambes croisés, et fixait Sasuke. Tout était comme d'habitude. Ils étaient là, à écouter le silence qui bourdonne dans les oreilles. Puis, sans un mot, Sasuke se redressa. Il se tourna vers Naruto et le regarda dans les yeux. Le temps était comme figé. Ils auraient pu rester toute la nuit à se regarder ainsi, l'un impassible, l'autre souriant. Sasuke savait, il savait que c'était impossible. Toucher Naruto, c'est comme effleurer une étoile. Et pourtant… il se rapproche, se penche, les yeux fermés. Il voudrait les sentir, que Naruto ne soit pas qu'une illusion. Il aimerait tellement… Il voudrait goûter ses lèvres contre les siennes. Il voudrait sentir cette main dans son dos. Il voudrait sa présence. Et à ce moment là, les yeux fermés et si proche de la seule personne qu'il a laissé entrer dans son monde, il ne s'est jamais senti aussi seul. Alors il ouvre les yeux, et colle leurs fronts, Sans vraiment le faire. Il plonge son regard onyx dans ce bleu si changeant qu'il connaît par cœur. Ensemble, ils tourne leur regard vers leurs mains, et les lient, croisant les doigts, effleurant effleurant. Ils se cherchent. Ne se trouvent pas. Aucun mot ne trouve sa place. Ils finissent allongés l'un à côté de l'autre, continuant à chercher un quelconque moyen de contact. Et s'endorment dans les bras l'un de l'autre. Si proches et si loin en même temps. A la porté du regard, mais pas des mains. Naruto est son étoile. Celle qu'il cherchera tout les jours. Celle qui vivra plus longtemps. Celle qu'il espère rejoindre dans le ciel.

Son étoile.