Sanguine, mon frère!
Disclaimer: The elder scrolls IV Oblivion appartient à Ubisoft et Bethesda Softworks. Je ne fais que me baser sur le monde qui y a été développé et je ne gagne pas d'argent pour ça…
Note : Oblivion étant l'un des univers les plus riches que je connaisse, j'ai essayé d'intégrer à cette histoire un maximum d'éléments tirés du jeu. Les lieux, par exemple, sont tous présents dans le jeu, ainsi que certains des personnages.
Chapitre 1 : à jamais dans le noir.
« Ce soir, le Chêne et la Crosse accueillera le barde Sa'firhi et ses danseuses exotiques, venus de la lointaine Elsweyr faire une tournée unique à travers Cyrodiil. Venez nombreux écouter ses chansons et admirer les chorégraphies mystérieuses des danseuses du ventre khajiites ! A partir de vingt heures et pendant toute la nuit. »
Cette affiche placardée sur les murs de Chorrol avait attiré un nombre impressionnant de clients à l'auberge du Chêne et de la Crosse. Le soir venu, l'établissement abritait entre ses murs plus de la moitié de la population de cette région boisée de l'Empire. Des habitants de Chorrol, des fermiers de plusieurs colonies, des chasseurs, des bûcherons, des aventuriers… La foule se massait devant le chanteur khajiit à la voix de velours, installé sur une scène au fond de la salle principale. Il n'était cependant pas le principal sujet d'attraction : ses trois danseuses, légèrement vêtues, alternaient mouvements lascifs et folles acrobaties, ce qui laissait pantois une grande partie de l'assistance masculine. Pour l'occasion, les murs de lambris sombres de l'auberge avaient été décorés de guirlandes et de tapisseries bariolées. Des chandelles brûlaient par dizaines sur les tables, le comptoir et la rampe de l'escalier menant à l'étage. Elles brillaient suffisamment pour faire reculer la pénombre qui régnait d'ordinaire en ce lieu, mais ajoutaient aussi la chaleur de leurs flammes à l'atmosphère déjà surchauffée. La gérante, Talasma, une khajiite, n'épargnait pas sa peine pour servir une clientèle aussi nombreuse. Malgré cette surcharge de travail, elle rayonnait et profitait autant du concert que des bénéfices qu'elle engrangeait.
Sur la passerelle à l'étage qui faisait le tour de la salle, à une table isolée et dépourvue de l'éclairage généreux du rez-de-chaussée, étaient regroupés sept individus, chacun d'une race différente de Cyrodiil. Quiconque les observerait n'y verrait qu'une joyeuse bande, partageant le vin et le repas servis par Talasma et se réjouissant du spectacle. Peut-être même l'indiscret sentirait-il son cœur se réchauffer en voyant ces personnes de différentes cultures s'amuser toutes ensembles. Comme il se tromperait !
A un bout de la table rectangulaire, une khajiite en robe noire et aux tresses ornées de rubans dorés bavardait avec chacun des membres de la petite assemblée, partageant anecdotes amusantes et remarques flatteuses.
A sa gauche, un elfe des bois riait en l'écoutant. Il portait les cheveux longs et la tenue d'un chasseur local. Jamais son sourire ne quittait ses lèvres. Sa bonne humeur ne l'empêchait pas de jeter fréquemment un coup d'œil méfiant autour de la table.
Face à lui se tenait une elfe noire aux cheveux roux, droite sur sa chaise, les yeux baissés sur son assiette. Elle ne semblait pas faire attention aux gens qui l'entouraient et gardait les sourcils froncés. C'était une belle femme.
En milieu de table, adossé contre un des murs, un impérial regardait distraitement la scène en bas. Il jouait avec son couteau. Ses cheveux rasés et ses cicatrices au visage lui donnaient un air effrayant.
A côté de lui, une nordique blonde et musclée lampait sa bière avec un plaisir évident. Son visage carré ne manquait pas de charme. Elle était de loin la plus grande à cette table… et la plus assoiffée !
Lui faisant face, une rougegarde en robe de mage découpait lentement la viande dans son assiette, tout en écoutant parler les convives, un petit sourire aux lèvres. Tout en elle, depuis ses mouvements jusqu'à son regard, respirait la délicatesse.
A l'autre bout de la table était assis le dernier membre du groupe. Caché sous une longue cape à capuche, il était penché au-dessus de son plat et semblait essayer d'éviter la lumière de l'unique bougie sur la table.
En vérité, personne n'aimerait croiser ces sept larrons. Ils se considéraient comme une famille, une fratrie ayant les deux mêmes parents : Sithis et la Mère de la Nuit. Des frères et des sœurs de la Confrérie Noire. Des assassins…
« Pour une fête, je trouve notre invité d'honneur bien silencieux ! s'exclama la khajiite. N'es-tu pas content, Médéric ? Tu as rempli ton premier contrat et tu es donc un frère officiel de la Confrérie Noire.
- Eteignez cette bougie ! gémit une voix sous la cape au bout de la table.
- Et puis quoi, encore ! s'indigna l'impérial aux cheveux rasés en plantant son couteau dans le bois du mur. C'est la seule lumière qu'on ait ! Il fait déjà tellement sombre que je ne suis pas sûr de manger dans ma propre assiette…
- Tant que tu bois pas dans ma chope, t'as rien à craindre de moi ! déclara la nordique en lui tapant sur l'épaule.
- Cesse de pleurnicher, Médéric ! Tu as déjà affronté des lumières plus fortes que cette chandelle ! fit l'elfe noire à la silhouette encapuchonnée (sa première phrase de la soirée).
- Oui, réjouis-toi un peu d'avoir envoyé ta première âme à Sithis ! renchérit l'elfe des bois. Te voilà dans notre grande famille ! D'ailleurs, on devrait te vouvoyer et t'appeler « cher frère », désormais.
- Alors ça, ça me ferait mal ! intervint l'impérial. Pour moi, tu seras toujours le même morveux, Bec-de-Lièvre ! ».
A ces mots, l'invité d'honneur saisit son couteau et le lança à la vitesse de l'éclair vers celui qui venait de l'insulter. L'homme ne bougea pas d'un pouce lorsque la lame vint se planter à un centimètre de son oreille. Il la sortit du mur où elle s'était enfoncée et commença à se nettoyer les ongles avec la pointe. Le dénommé Médéric émit un sifflement rageur et s'enferma dans un silence boudeur. On célébrait son premier assassinat. Tandis que ses confrères reprenaient le repas, il réfléchit à tout le chemin qu'il avait parcouru pour en arriver à ce stade. Il était déçu. Il pensait que son intronisation au sein de la Confrérie serait plus solennelle, avec des serments et des rituels. Pas un dîner à l'auberge du coin ! N'ayant rien d'autre à faire, il se réfugia dans ses souvenirs.
Dix-huit ans auparavant, un premier malheur ébranla la vie de Médéric : sa naissance. Ses parents, deux riches brétonniens habitant Skingrad, loin au Sud de Chorrol, étaient également de lointains cousins. Les mariages entre nobles finissaient toujours par corrompre le sang des différentes lignées, trop peu renouvelé. C'est sans doute pourquoi Médéric était né défiguré par un bec-de-lièvre. Sa lèvre supérieure fendue jusqu'à la base du nez avait plongé sa mère et son père dans la honte. Pendant ses six premières années d'existence, le jeune brétonnien avait vécu dans le manoir familial sans jamais en sortir. Seuls ses parents et le vieux serviteur connaissaient l'enfant. Médéric était choyé et ne se doutait pas de ce que pouvaient ressentir sa mère et son père à l'idée que son existence devienne publique. On ne sait pas qui eut l'horrible imagination de ce qui allait se passer, ni d'où l'idée est venue. Toujours est-il qu'une belle journée d'été, le père de Médéric appela un carrosse et fit sortir son fils en cachette pour l'emmener en voyage. Cette première sortie émerveilla le garçon. Pour la première fois de sa vie, il put apercevoir les vignobles entourant Skingrad, puis la forêt immense entourant le lac Rumare, avec la Cité Impériale au loin. Le carrosse suivit la Route d'Or jusqu'aux nord du lac et s'arrêta à l'auberge de Roxey. Là, à la nuit tombée, père et fils partirent dans les bois. Le chemin fut long et prit la moitié de la nuit. Trop fasciné par ces nouveaux décors pour se poser des questions, Médéric suivit son géniteur jusqu'à une vieille ruine de pierres blanches, perdue entre les arbres. Une bonne partie s'enfonçait dans la colline et une porte de marbre semblait donner sur un tunnel. Le père prit l'enfant par la main et ils entrèrent tous les deux. Il faisait très sombre dans ces ruines d'un lieu appelé Anga. L'homme conduisit son fils au plus profond de ce labyrinthe souterrain et lui ordonna de l'attendre qu'il vienne le chercher. Puis, il repartit le plus vite possible, ferma la lourde porte de pierre derrière lui et ne revint jamais.
Médéric aurait du mourir de faim ou de soif dans ces catacombes plongées dans les ténèbres. Son père n'avait pas prévu un détail qui allait sauver la vie du garçon : les ruines d'Anga étaient déjà habitées. Depuis leur entrée jusqu'au départ du noble de Skingrad, les deux intrus avaient été observés à leur insu. Quand il devint évident à Médéric que son père ne reviendrait pas, ils apparurent. Anga était le refuge des Oubliés, des fidèles de Namira, seigneur des ténèbres et du désespoir, qui s'étaient retirés du monde pour se complaire dans leur tristesse et dans la noirceur abyssale des tunnels de ces ruines. L'enfant fut terrorisé en voyant leurs silhouettes courbées s'approcher de lui dans le noir.
« Tu n'as rien à craindre de nous, petit ! fit l'un d'eux. Nous sommes les habitants de ces lieux, les Oubliés.
- On dirait qu'on t'a abandonné, mon pauvre enfant… ajouta une autre voix. Pourquoi ?
- N'est-ce pas évident ? dit un troisième. Il a un bec-de-lièvre.
- Comment savez-vous ça ? demanda Médéric. On n'y voit rien, ici !
- À force de vivre dans les ombres, on apprend à ses yeux à pouvoir les percer. Je le répète : tu n'as pas à avoir peur de nous ! Nous aussi avons été rejetés par les gens du dehors. Trop laids, trop étranges, trop différents pour eux. Ta lèvre fendue n'est pas la pire des monstruosités que cachent ces souterrains ! Seul Namira nous accepte tels que nous sommes et nous lui rendons hommage en fuyant à jamais la lumière du soleil.
- Suis-nous ! A ton tour, deviens un Oublié de Namira ! Avec nous, tu pourras être toi-même, sans jamais être jugé. ».
On lui tendit une main à quatre doigts. Avec un peu de répulsion, Médéric la prit. Ainsi commença sa nouvelle vie à Anga, loin de toute lumière.
Six années passèrent encore. Les Oubliés, bien que mélancoliques et dépressifs par nature, formaient un groupe soudé. Ils chassaient la vermine des lieux (un cadeau de Namira) pour s'en nourrir. L'eau ne manquait jamais dans ce labyrinthe humide. Les ruines s'enfonçaient suffisamment sous terre pour y conserver une température idéale. Médéric s'habitua à l'absence de lumière au bout d'un an. Etait-ce à force d'y vivre, ou bien un sombre cadeau de Namira ? Quelle que soit la réponse, il acquit à son tour la faculté des Oubliés à se diriger dans les ténèbres comme s'il était en plein soleil. Sa présence ramena un peu de vie dans les catacombes abandonnées. Un enfant a besoin de jouer. Le garçon aimait se glisser dans l'ombre derrière les Oubliés et les surprendre d'un grand « Bouh ! ». Il devint un expert à ce jeu. Ses déplacements étaient si silencieux qu'il réussit un jour à suivre un des Oublié pendant des heures, juste dans son dos, sans être remarqué une seule fois. Quand l'enfant se lassa de ces plaisanteries, il trouva un autre jeu. Anga regorgeait de recoins sombres, d'alcôves dans les murs, d'espaces exigus entre deux colonnes ou de tunnels ténébreux. Médéric s'amusait à s'y cacher, parfois après avoir subtilisé un objet appartenant à un des fidèles de Namira, qu'il observait le chercher partout. Il pouvait s'écouler des jours avant qu'on ne le retrouve. Par jeu, il devint un véritable maître de la discrétion. Cela détournait ses pensées de l'abandon qu'il avait subi. Contrairement aux autres, il ne ressassait pas le passé à tout bout de champs. Son existence lui suffisait. D'une certaine manière, il était heureux avec les Oubliés. Ces jours de paix auraient pu continuer longtemps, mais le destin en décida autrement…
Un jour, alors qu'il avait douze ans, Médéric entendit un bruit qui se répercuta dans les couloirs sombres. Un bruit qu'il n'avait entendu qu'une seule fois depuis son arrivée à Anga. La porte de pierre s'était ouverte. D'autres bruits suivirent : d'abord un froissement, puis des pas sur le sol dallé. Quelques Oubliés partirent voir de quoi il s'agissait. Ils revinrent bien vite : un homme habillé comme un mage et un soldat se déplaçaient vers la salle principale des ruines ! Rongé par la curiosité, Médéric partit espionner sur la pointe des pieds. Il trouva les intrus devant l'autel de Namira installé par les Oubliés. Le soldat portait une torche. Sa lumière brûlait les yeux de l'enfant, trop habitué aux ombres si douces. Il entendit leurs paroles :
« Une vieille nécropole Ayléide ! s'exclama le mage. On dirait qu'elle a déjà été visitée, hélas ! Quelqu'un célèbre un culte daedrique, à en juger par l'autel.
- Je hais ces fanatiques ! cracha le garde. Seuls les Neuf Divins méritent notre dévotion. Je devrais mettre le feu à cette chapelle impie ! ».
Médéric retint son souffle. Il n'était pas le seul à avoir assisté à l'échange. Le plus vieux des Oubliés, qui était aussi un prêtre de Namira, poussa un cri. Le soldat se retourna en dégainant son épée. Il pointa sa torche sur les Oubliés. La lumière leur était tout aussi insupportable qu'à Médéric. En apercevant leurs difformités, le garde leva son épée. Le garçon ferma ses paupières le plus fort possible pour ne pas regarder la lumière si douloureuse et se jeta sur l'homme. Malgré son faible poids, il réussit à renverser le soldat. Celui-ci riposta d'un coup de botte dans l'estomac de Médéric. Il l'envoya au sol, tout près de la lame qu'il avait laissé tomber. Sans réfléchir, l'enfant au bec-de-lièvre s'en saisit et la plongea dans le ventre du garde. L'homme regarda Médéric de ses yeux exorbités, un filet de sang coulant de la commissure de ses lèvres, puis il fit tomber la torche qui s'éteignit en même temps que lui en touchant le sol. Le mage avait assisté au combat, qui n'avait pas duré plus d'une dizaine de secondes, sans bouger, tant sa surprise était grande. Une fois seul dans le noir, il balbutia : « Je… je ne voulais pas vous dé… déranger ! Je vais p…partir, maintenant ! ». Médéric l'observa. S'il s'échappait, rien ne l'empêcherait de revenir avec d'autres soldats. La haine monta en lui et inonda son esprit de son feu ravageur. Il se glissa en silence derrière le sorcier, comme il le faisait pour jouer avec les Oubliés, et transperça le cœur de l'intrus survivant avec l'épée de son garde du corps.
Personne ne lui en voulut à Anga. De l'avis de tous, il avait bien agis. Cependant, les fidèles de Namira s'inquiétèrent de ce qui se passerait si quelqu'un de l'extérieur venait chercher les deux disparus. Une grande discussion s'engagea entre eux.
« Il faudrait sortir les cadavres. Si on les trouve loin d'Anga, personne ne viendra nous causer des problèmes.
- Pas si sûr. On pourrait venir enquêter. Après tout, ils ne sont pas morts de cause naturelle.
- Si d'autres viennent, intervint Médéric, nous pourrons les tuer comme ces deux-là !
- Non ! Nous ne tuerons qu'en cas d'extrême nécessité. Quant à toi, Médéric, tu vas nous remettre cette épée. Désormais, en cas de problème, tu resteras caché au plus profond des ruines et tu nous laisseras faire. ».
A contrecoeur, le garçon s'exécuta. Il erra de longues heures dans les souterrains. La rancœur d'être ainsi mis à l'écart ne cessait de le tourmenter. Un subtil changement dans l'air le fit s'arrêter. Son cœur commença à battre plus fort. Il se retourna brusquement. Une silhouette en robe noire à capuche se tenait derrière lui. Elle fit un pas en arrière, apparemment surprise d'avoir été remarquée.
« Qui êtes-vous ? s'écria l'enfant, sur ses gardes.
-Mon nom est Ba'ruka, répondit une voix chaude et féminine. Je suis venue pour te parler.
- Qu'est-ce que vous voulez ?
- Aujourd'hui, tu as tué de sang froid un vieil homme qui voulait simplement étudier ces ruines. Alors qu'il allait partir sans faire de mal à personne, tu as passé ton épée à travers son corps et volé sa vie.
- Il nous menaçait tous ! se défendit Médéric. D'autres auraient pu venir après lui.
- D'autres viendront sûrement. Cet homme était un membre important de la guilde des mages. Ses collègues viendront certainement vérifier pourquoi il ne revient pas. Ils ne seront pas seuls : des soldats les accompagneront. Mais laissons les détails de côté ! Ce n'est pas le plus important.
- Parlez pour vous ! Les Oubliés sont en danger ! Je dois aller les prévenir !
- Et que feront-ils ? Jamais ils ne sortiront de ces catacombes. Ils se plaisent trop dans les ténèbres, avec leur tristesse et la vermine pour seule compagnie. Non, les mages viendront, découvriront votre culte et vous extermineront jusqu'au dernier. ».
La femme en noir avait prononcé ses paroles comme si elle savourait la pensée d'un tel massacre. Médéric gémit et s'assit par terre. Elle avait raison. Les fidèles de Namira ne pourraient jamais quitter Anga. Ils préfèreraient mourir. Son interlocutrice s'accroupit à côté du garçon. Sur un ton plus doux, elle lui dit :
« Tu veux protéger Anga, n'est-ce pas ? Es-tu prêt à tout pour cela ? A tuer encore, s'il le faut ?
- Oui ! répondit Médéric sans hésitation.
- Bien ! fit Ba'ruka en se relevant. Mon organisation va évacuer les corps et faire en sorte qu'on les retrouve loin d'ici. Tout le monde croira à une attaque de bandits. En échange, je veux que tu me suives.
- Vous voulez dire… dehors ? Sortir d'Anga ?
- Oui. Je veux que tu retournes à l'extérieur avec moi, mais rassure-toi : en acceptant de prendre le même chemin que moi, une puissance plus grande encore que Namira veillera sur toi… ».
Médéric se releva lentement, sans quitter la femme des yeux. Pendant la conversation, les Oubliés s'étaient rassemblés autour d'eux sans les interrompre, attirés par la voix de Ba'ruka. Elle les toisait de toute sa hauteur. On aurait dit qu'elle n'avait aucun mal à les voir dans le noir. Ils étaient soucieux. Fallait-il laisser cette femme prendre l'un des leurs en échange de la tranquillité qu'elle leur offrait ? L'enfant décida à leur place. Il rassembla ses maigres affaires, avant de retourner voir l'étrange Ba'ruka. Il hocha la tête et tous les deux traversèrent les couloirs de la nécropole pour atteindre la sortie. Tout du long, il put entendre les Oubliés murmurer dans les ténèbres des prières à Namira pour protéger Médéric. C'était leur façon à eux de lui dire adieu. Ils avaient trop souffert à l'extérieur pour supporter la douleur d'une séparation larmoyante. La femme en robe noire souriait pour elle-même.
Ba'ruka était une Annonciatrice, l'un des cinq membres du conseil dirigeant la Confrérie Noire, une très ancienne guilde de tueurs à gage. Elle était khajiite, comme s'en aperçut Médéric en sortant des ruines. Sa tête de lionne était couronnée d'épaisses tresses mêlées de rubans d'or. Elle avait cet air digne propre aux grands fauves. Elle devait être d'un certain âge, car son museau commençait à blanchir. Il faisait nuit lorsqu'ils quittèrent Anga. Le garçon retrouva avec nostalgie les étoiles, l'odeur de la forêt, le bruit des insectes et le vent frais du soir. Ils descendirent la pente boisée jusqu'à la route impériale qui faisait le tour du lac Rumare. Au centre se dressait l'ombre immense de la tour d'or blanc, au milieu de la Cité Impériale. Un carrosse noir attendait. Les deux compagnons y entrèrent et l'attelage se mit en marche. Leur voyage dura jusqu'au petit matin. Ils s'arrêtèrent finalement à quelques lieues de Chorrol, la grande ville située au pied des montagnes de Jerall, entourée par la Grande Forêt. Le soleil commençait à se montrer. La lumière de l'aube brûlait cruellement les yeux de Médéric. Il suivit la khajiite à travers bois, jusqu'à une cuvette rocheuse un peu au Nord de Chorrol et dans laquelle se jetait une cascade. L'enfant n'avait jamais vu de spectacle plus idyllique. Un tout petit lac bordé de sable s'était formé au fond de la dépression, qu'entourait diverses fleurs et arbustes. Ba'ruka le tira de sa contemplation en souriant. Ils longèrent la cuvette et se rapprochèrent de la cascade. Ce n'est qu'arrivé à trois mètres de l'eau qui se déversait que Médéric distingua le tunnel et la porte qui le fermait, bien cachés derrière la chute. « La caverne du Roc Noir ! annonça la femme en robe noire. Un des nombreux sanctuaires de la Confrérie Noire. Puisse ce lieu devenir ton nouveau et plus cher foyer ! ». A l'intérieur, la grotte se divisait en deux tunnels. Ba'ruka suivit l'un d'eux et aboutit à une autre porte. Celle–ci était ornée d'un crâne rougeoyant décoré d'une main noire sur le front. En dessous, une femme portant un couteau contemplait des hommes agenouillés à ses pieds. « Sithis, le Père de la Terreur, le seigneur du néant ! expliqua la khajiite en montrant le crâne. Quiconque désire la mort de quelqu'un lui adresse une prière, à lui ou à la Mère de la Nuit, son épouse, que tu vois au bas de la porte. Nous, la Confrérie Noire, sommes alors chargés d'exécuter ce contrat impie. En entrant dans cette organisation, dans cette famille, tu pourras devenir l'un de nos précieux assassins. Je te promets alors que plus personne n'approchera Anga et les Oubliés. Maintenant, entre et accepte l'étreinte de la Mère de la Nuit ! ».
Pendant les six autres années qui suivirent, Médéric fut entraîné à l'art du meurtre. Ses capacités à la discrétion étonnaient tous les membres du Sanctuaire. Elles compensaient largement sa faible constitution de brétonnien. Son entraînement aux armes l'avait habitué aux dagues et aux épées courtes pour tuer rapidement, efficacement et silencieusement. Bien que le Sanctuaire ne fût pas très bien éclairé, c'était encore trop pour lui. Il lui fallut bien longtemps pour se familiariser avec la lumière chiche, mais ces années passées dans le noir total le faisaient toujours craindre un éclairage vif. Ba'ruka, en tant que partie dirigeante de la Confrérie, ne venait pas souvent au Sanctuaire. Elle en laissait la responsabilité à une elfe noire du nom de Hliri Daani. Cette dunmer souriait aussi rarement qu'un poisson ne vole. Ce fut un entraîneur sévère pour Médéric, mais elle lui apprit beaucoup de choses sur le maniement du couteau. Sous ses ordres se trouvaient quatre autres assassins.
Feylan, l'elfe des bois, était un archer émérite et un pisteur extraordinaire. D'un naturel bon vivant et aimable, c'était un tueur au sang-froid remarquable. Il se sentait mieux en pleine nature qu'en intérieur. Il avait été approché par la Confrérie après avoir massacré des chasseurs qui braconnaient dans le bois où il avait élu domicile.
Qualda, la nordique, était à la Confrérie ce que la catapulte est à une armée. Entendez par-là l'artillerie lourde ! Cette femme musclée et féroce maniait la hache avec une force et une dextérité particulièrement efficaces. Ce n'était cependant pas une tueuse sans cervelle. La ruse dont elle pouvait faire preuve la rendait aussi discrète que n'importe quel autre assassin.
Marcus Garrus venait tout juste d'intégrer la Confrérie Noire lorsque Médéric était arrivé. C'était un impérial cruel et une ordure notoire, ainsi qu'un maître épéiste. Il adorait tuer, de préférence en maniant ses deux épées longues à la fois. On disait qu'il avait rejoint les enfants de Sithis après avoir assassiné un mendiant qu'il trouvait trop collant.
Junia Rosa la rougegarde devint assassin alors que Médéric n'avait que quinze ans. Cette magicienne connaissait l'alchimie aussi bien que les sortilèges de destruction. On la voyait le plus souvent calme et sereine, mais derrière cette façade se cachait une adepte de Sithis qui adorait déchaîner sa puissance magique. Fascinée par les sortilèges mortels, elle pouvait réduire en cendre une victime innocente par simple curiosité.
Ces six personnes, Ba'ruka, Hliri, Feylan, Qualda, Marcus et Junia, devinrent comme une troisième famille pour Médéric. D'ailleurs, n'étaient-ils pas tous des enfants de Sithis et de la Mère de la Nuit ?
« Médéric ! On te parle ! chuchota Junia.
- Hein ? fit le jeune homme.
- Je te demandais de nous raconter comment s'était passé ton premier contrat ! répéta Ba'ruka.
- Je dois dire qu'il m'a impressionné, dit Hliri. Pour un apprenti, il s'en est sorti comme un véritable assassin. ».
Les compliments de l'elfe noire étaient aussi rares que sa bonne humeur. Médéric se sentit gêné. Ce contrat lui avait parut si simple. Il y a cinq jours, Hliri l'avait convoqué. Le brétonnien ne s'attendait pas à recevoir sa toute première mission, et pourtant…
« Te voilà prêt pour exécuter la volonté de la Mère de la Nuit ! déclara l'elfe. Je t'ai suffisamment entraîné au combat, Feylan aux arts du vol, et quant à passer inaperçu, tu nous surpasses tous. Mais ce n'est pas qu'une question de capacités. Médéric… te sens-tu prêt à assassiner quelqu'un au nom de Sithis ?
- Je crois que oui.
- Alors, comme pour tous les apprentis que j'ai formé, je t'accompagnerai. Si jamais les choses se passent mal, j'interviendrai.
- Je suis assez grand pour me débrouiller tout seul ! ronchonna Médéric.
- Ce n'est pas un jeu ! gronda-t-elle. Une victime a été désignée, un contrat signé. Le Père de la Terreur réclame son âme et il l'aura, quoi qu'il en coûte. Ta proie vit à Skingrad. Ta ville natale.
- Je n'ai jamais eu le temps de la visiter, commenta distraitement le jeune homme.
- Tu dois tuer Lazare Milvan. ».
Si Médéric ressentit quoi que ce soit, il n'en montra rien. Que le destin était ironique ! Après avoir essayé de le perdre au fond d'Anga, son propre père allait être sa première victime en tant qu'assassin.
« Et… à propos de sa femme ?
- Elle est morte, il y a plusieurs années. Depuis, Lazare passe le plus clair de son temps dans sa demeure, à se morfondre. Il donne toujours des réceptions, malgré tout. La prochaine sera un bal masqué, le moment idéal pour te faufiler jusqu'à lui et le tuer. Le contrat exige que cela passe pour un accident. Junia a préparé un poison qui ne tuera Lazare que deux ou trois heures après ingestion. Les symptômes seront identiques à ceux d'une crise cardiaque. Tu dois t'assurer de le lui faire boire. D'après Junia, le poison reste efficace, même dilué dans un verre. Tu as toutes les informations. Quand tu seras prêt à partir, préviens-moi !
- On peut y aller dès maintenant.
- Pas encore ! objecta Hliri. C'est ta première mission et à cette occasion, je t'ai laissé un présent dans ta chambre. Va voir ! ».
Intrigué, le brétonnien se rendit dans ses appartements. La pièce était meublée du strict nécessaire : un coffre, une table, deux chaises, un lit… et sur le mur, une grande tenture arborant l'empreinte d'une main noire. Ce qui attira l'œil du jeune homme se trouvait plié sur la couverture de son lit. Il retint un cri de joie. La combinaison des frères de la Nuit, un ensemble en cuir noir comme une ombre, disposant de multiples poches secrètes et dispositifs d'autodéfense, enchantée pour permettre à son porteur de se fondre dans les ténèbres, n'attendait plus que d'être revêtue. Il la prit dans ses bagages, ainsi que sa dague elfique préférée, et rejoignit Hliri. Tous deux partirent à cheval vers Skingrad, voyageant de nuit pour ne pas être remarqués et éviter à Médéric la morsure du soleil. Après deux jours de trajet, ils arrivèrent en vue de la ville fortifiée et de ses vignobles. Elle n'avait pas changé depuis que le jeune homme l'avait vue pour la dernière fois. De hautes maisons carrées en pierres, des rues pavées et spacieuses, un grand fossé partageant la cité en deux, des volubilis poussant sur les murs… La nuit venait juste de commencer. Des passants s'attardaient encore dans les rues bien éclairées par les lampadaires et la pleine lune. Hliri et Médéric laissèrent leurs chevaux à l'écurie municipale et entrèrent en ville. Ils tournèrent à gauche, vers la partie de la cité réservée aux commerces et aux riches habitants.
« Je vais maintenant t'apprendre une chose ou deux qui pourraient t'être très utiles pendant tes prochaines missions, déclara la dunmer.
- Quoi donc ? Le tir à l'arc ? La recherche de renseignements ? L'alchimie ?
- Non. Quelque chose de bien plus utile : comment bien s'habiller pour aller à une fête ! ».
Gunder, le tenancier du magasin « les Marchands Coloviens », s'était couché depuis belle lurette et se trouvait plongé dans des rêves sans queue ni tête, dont il ne se souviendrait certainement pas à son réveil. Réveil qui arriva bien plus tôt que prévu, lorsque quelqu'un frappa plusieurs grands coups à la porte du magasin. Le nordique se leva, grommelant et de très mauvaise humeur, puis descendit ouvrir. Sur le pas de la porte se tenaient une elfe noire aux yeux farouches et un jeune bréton qui ne savait plus où se mettre. Tous les deux paraissaient avoir effectué un long voyage. La dunmer prit la parole d'une voix autoritaire :
« Dépêchez-vous, marchand ! Sa seigneurie a besoin de vêtements frais.
- Sa seigneurie ? répéta Gunder.
- Oui. Sire Médéric de Bruma est un proche parent de la comtesse. Il a fait un long trajet pour venir à Skingrad. Ses habits de voyage ne conviennent pas à un homme de son rang dans une si belle ville. Montrez-nous ce que vous avez de mieux et vous serez largement dédommagé pour le dérangement. ».
Le nordique regarda tour à tour ses clients. La femme se comportait comme un de ces arrogants serviteurs de nobles, c'était certain, mais l'autre ? Sa soi-disant « Seigneurie » n'avait pas l'air à l'aise, pour un proche de la comtesse de Bruma. D'habitude, ces gens-là le traitaient comme un objet du décor. Il s'aperçut alors de la malformation qui défigurait le sire. Il se sentit rassuré : il devait avoir affaire à un de ces rejetons issus de mariages trop souvent consanguins. Une certaine marque associée à la noblesse, si on peut dire. Il fit entrer les deux voyageurs dans son échoppe.
Hliri joua son rôle à la perfection. Elle trouva à Médéric un splendide costume de soie aux couleurs automnales, orné de fils d'or et d'argent, complété par un masque coûteux qui lui cachait entièrement le visage. Pour sa part, elle acheta une longue robe de velours bleu et un simple loup noir qui mettait en valeur ses yeux rouges. Ils payèrent grassement le marchand et le quittèrent de bien meilleure disposition qu'à son réveil. Ils remontèrent la rue en direction de la maison de Lazare Milvan. Bien qu'il n'ait fait ce trajet qu'une seule fois, en sens inverse qui plus est, Médéric les y guida sans se tromper. Sa toute première mission venait de commencer. Son cœur battait à tout rompre.
« Tu as déjà une idée de comment tu vas procéder ? demanda Hliri.
- J' y ai réfléchi pendant le voyage. Lazare va se faire servir à boire par un serviteur. Il n'est pas du genre à le faire lui-même. Il y a de grandes chances pour que les serviteurs portent un masque eux aussi, afin de ne pas dépareiller la fête. Si j'arrive à prendre la place de l'un d'eux, je pourrai empoisonner la coupe de Milvan et la lui servir.
- Bien vu. La question est : comment vas-tu t'y prendre pour échanger ta place avec un serviteur ?
- Je verrai sur place ! » affirma Médéric.
La dunmer secoua la tête devant ce manque d'organisation. Elle était cependant fière qu'il ait trouvé une manière de procéder aussi astucieuse. Ils arrivèrent devant la demeure de Lazare Milvan, un haut bâtiment à un coin de rue dont s'échappaient brouhaha et musique. Le vieux serviteur qui s'était occupé de Médéric dans sa jeunesse accueillait les invités. Le jeune homme ressentit un pincement au cœur en passant devant lui. A l'intérieur, le grand salon était rempli de gens masqués. L'éclairage aux bougies n'était pas trop violent pour Médéric, heureusement. Les deux assassins repérèrent leur cible au fond de la salle : l'air morose, le maître des lieux buvait verre après verre, sans parvenir à entrer dans l'esprit de la fête. Il portait un loup blanc qui n'empêchait personne de savoir qui il était. Médéric chercha qui lui servait son vin. Il s'agissait d'un serviteur plus grand que lui, portant un masque intégral. Hliri s'éloigna pour se joindre aux festivités, mais elle gardait un œil discret sur son apprenti.
Médéric attendit que le serveur s'éloigne de Lazare pour l'accoster.
« Dites-moi, demanda-t-il d'une voix qu'il espérait la plus noble possible, quels vins avez-vous en cave ?
- Principalement ceux de la région, messire ! répondit le serviteur. Nous avons d'excellents vins de Tamika de plusieurs années et la nouvelle cuvée des frères Surilie vient également d'arriver.
- Oserais-je vous demander une faveur, mon brave ? J'aimerais beaucoup voir vos bouteilles.
- Bien sûr, messire ! J'allais justement chercher le vin de maître Milvan. Veuillez me suivre, je vous prie. ».
Le jeune homme suivit le serveur jusqu'à une porte située dans un recoin sombre de la bâtisse. Ils descendirent dans la cave. Le serviteur, un passionné de bons vins, lui montra les différentes cuvées. L'apprenti assassin l'écouta en affichant un faux intérêt. Le sous-sol était plongé dans la pénombre et personne n'était en vue. Il attendit que l'homme masqué lui tourne le dos pour saisir une bouteille au hasard et la lui écraser sur la nuque. Une fois assommé, Médéric déshabilla le serviteur et le traîna derrière un grand tonneau, hors de vue. Il échangea sa tenue et son masque, prit la bouteille que Lazare avait demandée et que le serveur avait mis de côté, puis remonta les marches. Les vêtements qu'il portait étaient un peu grands, mais personne ne faisait attention aux serviteurs dans ce genre de réception. Avant de sortir de la cave, il sortit la fiole de poison de sa manche et versa le contenu dans la bouteille. Parmi les invités, personne ne remarqua le changement. Médéric se dirigea vers Lazare. Hliri avait pris place à côté de lui. Elle conversait avec lui de choses agréables, mais rien ne faisait sourire l'homme aigri. Le jeune homme servit le breuvage empoisonné à son père, sans que ce dernier ne lui adresse le moindre regard. Lazare approcha la coupe de ses lèvres…
Il s'arrêta au dernier moment. Médéric, resté près de lui, se sentit paniqué. Que se passait-il ? Au lieu de boire, il baissa son verre et regarda son contenu.
« Le vin… Mon dernier bonheur depuis que ma femme est partie. Celui-ci est une vieille cuvée de Tamika, un vrai petit trésor. Et pourtant, je donnerai mille de ces bouteilles pour un seul moment avec ma défunte épouse…
- Vous voir si triste me plonge dans le désarroi, sire Milvan ! lui dit Hliri.
- Je ne voudrais pas vous voir mélancolique, chère amie, alors que cette fête bat son plein ! Tenez ! fit Lazare en tendant son verre à l'elfe noire. Goûtez ce breuvage ! Il effacera la peine que j'ai causée chez vous. ».
Cette fois, Médéric paniqua complètement. Hliri resta bouche bée une fraction de seconde, avant de se ressaisir.
« Non merci, messire. Je ne bois jamais d'alcool.
- Ce vin est plus qu'un simple alcool ! protesta le maître des lieux. C'est un chef-d'œuvre gustatif ! Vous m'offenseriez en n'acceptant pas une simple gorgée. ».
La dunmer était coincée. Son apprenti réfléchit à toute vitesse et trouva une solution. Il fit mine de partir et se prit volontairement les pieds dans le tapis. Il trébucha et renversa la bouteille sur la robe de Hliri. Elle profita de cette diversion pour se lever, l'air outrée, tandis que Lazare abreuvait d'insulte « l'imbécile de serveur ».
« Le personnel compétent est décidément de plus en plus rare ! dit l'elfe noire. Pardonnez-moi, cher ami, mais je dois me changer. Pourquoi ne pas goûter à ce vin et me donner vos impressions quand je reviendrai ?
- Comme il vous plaira. Quant à toi, cracha Milvan en se retournant vers son fils, disparais ! ».
Médéric s'éclipsa en se confondant en excuses. Lazare but alors une longue gorgée de vin pour se calmer. Désormais, il était condamné. Le jeune homme retourna à la cave. Pendant qu'il reprenait ses habits de « sire Médéric de Bruma », il pensa à ce qu'il venait de faire. Bien qu'il ne ressente plus rien pour ses parents depuis de nombreuses années, une part de lui hurlait sa faute. Il la fit taire et remonta. Il sortit de la maison, sa mission accomplie, et se rendit au point de rendez-vous avec Hliri, à l'extérieur de la ville.
L'elfe avait remis ses habits de voyage. Médéric se sentit stupide de ne pas avoir pensé à quitter ses beaux atours. Il repensa à sa combinaison d'assassin qu'il n'avait même pas eu à revêtir. Hliri lui adressa un hochement de tête et, chose incroyable, un de ses très rares sourires.
« Beau travail ! A présent, quittons Skingrad en vitesse !
- On n'attend pas de savoir s'il est mort ?
- Je te fais confiance. Junia est suffisamment versée dans l'alchimie pour nous concocter un poison efficace. Tu l'as bien versé dans sa coupe, n'est-ce pas ? demanda soudain la dunmer, suspicieuse.
- Bien sûr ! Tu me prends pour qui ? répondit Médéric, vexé.
- Pour un apprenti dans sa première mission ! rétorqua-t-elle. En tout cas, ce fut une réussite ! ».
Telle fut l'histoire que raconta Hliri à ses collègues attablés au Chêne et la Crosse. Aux dernières nouvelles, les funérailles de Lazare s'étaient déroulées sous une pluie battante. Peu de personnes y assistèrent. Les médecins avaient conclu à une défaillance du cœur. Sans doute la douleur d'avoir perdu sa femme y était-elle pour quelque chose, murmurait-on dans les tavernes avant de passer à un sujet plus joyeux. Ba'ruka applaudit avec distinction, Feylan leva son verre au nouveau membre de la Confrérie, Qualda donna une grande tape sur l'épaule de Médéric, Junia lui sourit une nouvelle fois et Marcus daigna admettre que son jeune collègue deviendrait peut-être un assassin passable. Le nouveau frère de cette famille particulière se sentit gonflé de fierté. Finalement, un simple repas au restaurant valait bien tous les rituels initiatiques du monde !
A suivre…
Premier chapitre d'une première fanfiction. Si vous voulez me laisser des commentaires, n'hésitez pas ! Je serais ravi de les lire. Je compte faire environ six chapitres, mais il se peut que je déborde. A bientôt pour la suite !
