Bonjour ! Je viens tout juste de m'inscrire sur et ceci est la première histoire que je poste ici. Milord était au départ un one-shot... Un one-shot qui a prit de l'ampleur, de l'ampleur... Tellement d'ampleur que j'en ai écris la suite !
Bien entendu, aucun personnage ne m'appartient, tout est à la souris aux oreilles rondes... Sauf Romy... MUHAHAHA !! Romy est à MOA !!
En espérant que ça vous plaise, voici le premier chapitre,
Mauguine.
"Un homme n'est jamais si grand que lorsqu'il est à genoux pour aiser un enfant."
Pythagore
"Un enfant, c'est la seule véritable garantie d'éternité."
Arlette Cousture, dans Les Filles de Caleb
Et cette petite fille qui joue
Qui ne veut plus jamais sourire
Et qui voit son père partout
Qui s'est construit un empire
Paroles et Musique: Michel Berger 1986
Chapitre 1
Milord…
On peut sécher ses larmes, mais son coeur, jamais.
Marguerite de Valois
13 Janvier 1712.
22 Heures 30
« -- Alors, monseigneur ? On vient s'encanailler ? »
Lord Beckett jeta un regard noir à l'imprudent qui avait osé lui adresser la parole, une moue méprisante sur les lèvres. Il était vrai que malgré ses vêtements déchirés, son air épuisé et sa perruque de travers, il faisait tâche dans le décor miteux de la taverne, petite et peu fréquentée. On voyait immédiatement qu'il était issu de l'aristocratie. Pas étonnant que cet inconnu ait décidé de venir le narguer…
« -- Je ne viens pas « m'encanailler », répliqua-t-il d'un ton glacial. Je suis venu pour profiter d'un peu de calme. Malheureusement, si l'endroit se prête bien à la chose, ses clients, eux, me sont fort désagréables… »
L'homme s'empourpra violemment sous l'effet de la colère et de l'alcool. Qui était donc ce crétin présomptueux pour oser lui parler de la sorte ? Il s'apprêtait à attraper le Lord par le col, mais fut interrompu par le patron qui le ficha dehors à grands coups de pied aux fesses.
L'aristocrate eut un sourire vaguement amusé. Puis il grimaça alors que les évènements récents se rappelaient soudain à sa mémoire. La bataille. Le tourbillon. La victoire de ses ennemis. Lui, réussissant miraculeusement à se raccrocher à un morceau de bois flottant. Sa longue errance, avant d'échouer enfin sur une plage. Et son épuisante marche jusqu'à la ville…
Il calcula qu'il lui restait encore une heure avant de pouvoir atteindre les bureaux de la Compagnie des Indes Orientales. Il soupira. Le reconnaîtrait-on seulement en voyant son allure dépenaillée ? Il grogna de frustration, puis fit un geste du bras pour commander du rhum. Du rhum ! Il eut une nouvelle grimace de dégoût. Il n'y avait pas une semaine, il aurait catégoriquement refusé de boire de cette infâme boisson. Mais il avait soif, et la situation avait changé du tout au tout. De plus, il doutait franchement de pouvoir obtenir du thé dans un endroit pareil…
Le patron arriva quelques instants plus tard, déposant devant lui une chope à la propreté douteuse. Cutler contempla avec dégoût le récipient plein de traces d'origines inconnues, puis se résolut à le porter à sa bouche. Il grimaça dès la première gorgée et faillit s'étouffer, peu accoutumé à la brûlure de cet alcool. Le patron se racla soudain la gorge, attirant l'attention des rares clients de la taverne.
« -- Messieurs, ce soir notre violoniste sera absent. »
Il y eut quelques vagues grognements, plus par habitude que par regret de ce musicien qui torturait les cordes de son instrument pour en tirer des sons qui ressemblaient d'avantage à la plainte d'un chat sauvage qu'à une mélodie.
« -- Mais pour le remplacer, une jeune chanteuse va nous faire l'honneur d'un petit spectacle… »
Il y eut quelques rires gras dans l'assistance, et quelques têtes se relevèrent. Cutler, lui, baissa la sienne, vaguement écoeuré. Il ne doutait pas du genre de spectacle qu'on allait leur offrir… Pourtant, à sa grande surprise, ce furent bien des notes de musique qui s'élevèrent d'un vieux piano au fond de la salle. Puis une voix s'éleva, douce et encore enfantine.
Allez venez ! Milord
Vous asseoir à ma table
Il fait si froid dehors
Ici, c'est confortable…
Il releva la tête, intrigué par ces paroles qui correspondaient si bien à sa situation : un Lord transi de froid qui cherchait refuge dans une petite taverne, miteuse mais où brûlait un bon feu…
Laissez-vous faire, Milord
Et prenez bien vos aises
Vos peines sur mon cœur
Et vos pieds sur une chaise…
Il se dévissa presque le cou pour apercevoir la jeune chanteuse, qui avait visiblement trouvé refuge derrière l'instrument, avec le pianiste. Finalement celui-ci l'en chassa d'une bourrade, livrant la fille aux regards des spectateurs.
Je vous connais, Milord
Vous ne m'avez jamais vue
Je ne suis qu'une fille du port
Une ombre de la rue...
Elle était jeune, ne semblant pas avoir plus de 18 ans. Elle avait des cheveux courts, bouclés, d'une teinte brune avec des reflets roux, et de grands yeux pervenche qu'elle promenait craintivement sur l'assistance.
Pourtant, je vous ai frôlé
Quand vous passiez hier
Vous n'étiez pas peu fier
Dame ! Le ciel vous comblait…
Elle était assez jolie dans son genre, bien que trop fluette et de trop petite taille pour être une vraie beauté… songea-t-il avant de se rappeler que lui-même n'était pas particulièrement grand, et que c'était pour cette raison qu'il affectionnait tant les talons et les grands chapeaux…
A cette pensée, un de ses rares sourires apparut sur son visage fatigué. La jeune fille, dont la voix tremblait encore un peu, aperçut ce sourire et s'y accrocha comme à une bouée, soutenant son regard métallique comme aucun de ses officiers n'aurait jamais osé le faire.
Votre foulard de soie
Flottant sur vos épaules
Vous aviez le beau rôle
On aurait dit le roi…
Il frissonna de nouveau en entendant ces paroles si semblables à la réalité, mais garda le sourire. La jeune chanteuse semblait un peu rassurée d'avoir à faire à un visage aimable et chantait avec plus de force et de justesse. Elle ne se doutait pas de se qui l'attendait…songea-t-il avec un autre sourire… Triste cette fois.
Vous marchiez en vainqueur
Au bras d'une demoiselle
Mon Dieu! Qu'elle était belle
J'en ai froid dans le cœur...
Et de nouveau un rictus amer ! Au menu de ce soir, soupe à la grimace ! pensa Beckett. Lui, amoureux ? C'en était presque risible ! Qu'est ce que c'était, au fond, que l'amour ? Un sentiment pour les lâches et les faibles, la défaite de Davy Jones l'avait bien prouvé… Non, il n'était jamais tombé amoureux… Et il ne le regrettait pas.
Allez venez ! Milord
Vous asseoir à ma table
Il fait si froid dehors
Ici, c'est confortable…
Il chassa ses pensées moroses et essaya de se concentrer sur la musique. La voix de la jeune fille était douce et envoûtante, elle le réchauffait d'avantage encore que le feu qui brûlait dans la cheminée, d'avantage encore que le rhum brûlant…
Laissez-vous faire, Milord
Et prenez bien vos aises
Vos peines sur mon cœur
Et vos pieds sur une chaise…
Il se surprit à glisser une main sous son menton et à fermer les yeux pour mieux écouter la musique. Après de si longues heures de marche, c'était un tel délice de se détendre enfin…
Je vous connais, Milord
Vous ne m'avez jamais vue
Je ne suis qu'une fille du port
Une ombre de la rue...
Il soupira, totalement réchauffé à présent. Il se sentait même si détendu qu'il se demandait si il n'allait pas s'endormir… Ses pensées se brouillaient, se confondaient… Des flashs, des images du passé se mirent à flotter dans sa tête, à mesure que les paroles évoquaient tel ou tel événement…
Dire qu'il suffit parfois
Qu'il y ait un navire
Pour que tout se déchire…
Des navires. Par centaines, les bâtiments de la Compagnie des Indes sortaient du brouillard… Le Bloody Star, le navire le mieux armé des Caraïbes, le Killer Moon, à l'équipage le plus impitoyable, le Death Sky, le plus grand de la flotte, le Dead Brightness, le plus rapide, le Black Flash, le plus léger…
Et en face...Quelques misérables navires… Et pourtant, c'était l'un d'entre eux, le Black Pearl, qui avait emporté la victoire…Un bateau aux voiles noires reprisées jusqu'à la corde, à la coque usée par les tempêtes…
Quand le navire s'en va
Il emmenait avec lui
La douce aux yeux si tendres
Qui n'a pas su comprendre
Qu'elle brisait votre vie
Il se sentait détendu… Détendu mais nostalgique… Il se remémorait avec une intensité douloureuse le moindre petit détail de la bataille… De son ascension au pouvoir…De son adolescence…De son enfance… De sa vie…
L'amour, ça fait pleurer
Comme quoi l'existence
Ça vous donne toutes les chances
Pour les reprendre après...
Un petit garçon pleure, tenant entre ses petites mains celle de sa mère. Une grande main fine aux doigts agiles, mais froids. Désespérément froids… Elle ne respire plus. Le visage du petit garçon se ferme. Le cœur de sa maman ne bat plus. Alors il prend la décision de fermer le sien, à jamais.
Un jeune garçon serre les dents, reçoit sans broncher la gifle d'un homme à l'air méprisant. Il peut voir de la déception dans ses yeux. La déception que Cutler soit si faible…Faible à l'épée, faible dans toutes les activités physiques… Et petit de taille, si petit…Tout juste bon à passer sa vie le nez dans les livres…
« J'ai honte que tu soit mon fils… »
Un jeune homme au regard métallique passe pour la première fois la porte des locaux de la Compagnie des Indes. Il sert les dents, se fait une promesse. Lorsqu'il en ressortira, il sera devenu quelqu'un. Quelqu'un de renommé. Quelqu'un d'important…
Allez venez! Milord
Vous avez l'air d'un môme
Laissez-vous faire, Milord
Venez dans mon royaume…
Cutler sursauta lorsqu'il se rendit compte qu'il s'était assoupi. Il se frotta les yeux, puis massa son bras engourdi. Son regard tomba à nouveau sur la jeune fille aux yeux violets. Elle le fixait toujours, et étrangement, il se sentit gêné. Il se mit à se tortiller sur sa chaise. Qu'avait-elle donc à le regarder comme ça ? Il n'avait pas très fière allure, mais tout de même…
Je soigne les remords
Je chante la romance
Je chante les milords
Qui n'ont pas eu de chance…
Fait encore plus curieux, il s'empourpra. Cela se voyait-il donc tellement…Qu'il avait tout perdu, qu'il était désespéré, qu'il n'avait plus rien…
Regardez-moi, Milord
Vous ne m'avez jamais vue...
Alors il la regarda, avec plus d'attention encore. Il savait juger les gens, et voyait chez elle, au-delà d'une grande timidité, une incroyable force de caractère… Et puis elle avait de ces yeux…
Il tiqua. Que lui arrivait-il donc ? Il fallait qu'il se concentre sur autre chose. N'importe quoi. Et vite. Très vite. Il chercha un souvenir et se remémora malheureusement sans le vouloir la mort de sa mère… La dernière fois qu'il avait pleuré…
Mais vous pleurez, Milord
Ça, j' l'aurais jamais cru.
Il sursauta de nouveau. La jeune fille avait prit une voix étrange… Un peu chevrotante… Il passa alors la main sur son visage, et se rendit compte avec horreur que ses joues étaient trempées. Il s'essuya vivement les yeux d'un revers de manche, rouge de honte et de colère à l'idée de s'être laisser aller à une réaction aussi puérile… Pleurer…
Eh ! bien voyons, Milord
Souriez-moi, Milord
Il lui adressa un sourire un peu incertain… Il avait presque oublié ce que c'était, sourire…
Mieux que ça, un p'tit effort...
La jeune fille, elle, savait ce que ça signifiait. Et elle le montrait avec joie, ses beaux yeux pétillant et brillants comme des améthystes… Elle lui montrait l'exemple…
Voilà, c'est ça!
Allez riez! Milord
Allez chantez! Milord …
Et Cutler lui souriait, à travers les brumes de la fatigue… Un vrai sourire, loin de ses habituels rictus… Il lui souriait…
Ta da da da...
Lui souriait…
Mais oui, dansez, Milord
Lui souriait…
Ta da da da...
Lui souriait…
Bravo! Milord...
Encore, Milord...
Ta da da da...
« -- Monsieur … Monsieur ! »
Cutler sursauta violemment, portant instinctivement sa main à sa ceinture pour chercher son pistolet. Il grogna en se souvenant qu'il l'avait perdu dans la mer pendant la bataille. Il releva la tête, et croisa des yeux pervenche. La chanteuse s'était penchée sur lui et le secouait par l'épaule. Elle ôta rapidement sa main, gênée.
Il se racla la gorge, s'efforçant de reprendre son habituelle voix froide et uniforme.
« -- Oui ? » demanda-t-il d'un ton sec.
La jeune fille se recula, une expression qui hésitait entre la tristesse et la surprise sur son visage trop pâle. Etrangement, il se sentit furieux contre lui-même.
« -- Le patron dit que vous devez payer votre consommation et partir. Nous allons fermer, monsieur. »
Il se leva en tanguant un peu et déposa quelques pièces sur le comptoir. Puis il se dirigea vers la porte, sa main s'arrêtant à quelques centimètres de la poignée. Il était prit d'une irrésistible envie de regarder en arrière, de dire quelque chose, n'importe quoi…
Il jeta un regard hésitant à l'intérieur de l'auberge. La jeune fille rangeait les chaises et les tabourets près des tables de bois, le visage caché par ses boucles brunes. Il ouvrit sa bouche, la referma…
« -- Merci. »
Le mot était sortit tout seul. La fille fit volte-face, surprise. Elle planta ses yeux dans les siens. Il y eut un silence…
« -- Merci ? »
Il grimaça.
« -- Oui… Merci pour… La chanson …
-- Ce n'est rien. Répondit-elle avec un joli sourire. C'est mon métier. »
S'ensuivit un silence embarrassé, soudain rompu par le patron qui s'exclama :
« -- Romy ! Dépêche, j'vais pas attendre toute la soirée qu'on ait fini de te compter fleurette ! »
La jeune fille s'empourpra et Cutler eut un sourire.
« -- Romy, alors ? » demanda-t-il d'une vois un peu moqueuse.
Elle le fixa avec un regard faussement furieux.
« -- Et vous ? Comment dois-je vous appeler ? » Ironisa-t-elle.
Il eut un instant d'hésitation, puis un nouveau sourire. C'était bien la première fois qu'il souriait autant depuis…
« -- Vous ne devinez pas ? »
Il y eut un nouveau silence, un de ces instants fragiles et magiques qu'on a peur de briser. Romy secoua la tête, intriguée. Il se pencha vers elle, se rendant soudain compte qu'ils avaient la même taille. Puis il murmura un mot, un seul au creux de son oreille, savourant les frissons que son souffle faisait naître sur sa peau…
« -- Milord… »
Et pour les allergiques à la langue de Shakespeare…
Le Dead Brightness : L'éclat mort
Le Bloody Star : L'étoile sanglante
Le Killer Moon : LaLune tueuse
Le Death Sky : Le Ciel Mortel
Le Black Flash : L'éclair Noir
Voilà, c'était le premier chapitre ! A bientôt (deux semaines maxi) pour la suite,
Mauguine.
