Pour sa dernière année de scolarité, Jack Frost avait décidé de s'éloigner de sa famille et de son Maine natal afin d'intégrer un pensionnat moyennement réputé, mais qui vaudrait mieux de toute façon au l'établissement qu'il avait alors fréquenté. Certes, il était ce qu'on appelle un élève "populaire", que certains enviaient et que d'autres haïssaient, et que tout le monde connaissait quoi qu'il arrive. Il était celui qu'il fallait inviter aux soirées, celui à qui il fallait parler si on voulait être bien vu, celui que les filles s'arrachaient. Mais Jack s'était lassé de tout ça. Il s'était lassé des sourire hypocrites qu'on lui faisait et des regards aguicheurs que les filles lui lançaient. N'importe qui aurait pu tuer pour avoir ce qu'il avait alors qu'il l'aurait volontiers abandonné.

Et il était là, debout devant le coffre de sa voiture, à regarder l'immense bâtiment qui se dressait devant lui. Ca ne lui faisait rien. Ni chaud, ni froid. Il regardait cette bâtisse qui l'abriterait pour toute l'année, et ça ne lui faisait rien de plus que de savoir que 20% des mammifères étaient des chauves-souris. Il attrapa son sac, ferma sa voiture et monta les quelques marches qui précédaient l'entrée de son pas nonchalant. L'intérieur, qui ressemblait à un hall d'hôtel première classe, n'attira pas non plus son attention. Il se dirigea directement vers la porte vitrée sur laquelle brillait le mot "Accueil". Le bureau semblait vide. Il frappa trois coups. Pas de réponse. Il ouvrit la; porte.

-Il y a quelqu'un?

Un vieil homme ventripotent à la barbe fournie entra tant bien que mal dans la petite pièce.

-Ah, vous devez être Jack Frrrost! Je me trrrompe?

-Euh...non.

-Parrrfait! Je suis Monsieur Norrrth, dirrrecteur de Moonrrrise Institute. Voilà ton emploi du temps et un plan de l'école, au cas où tu te perrrdrrrais. Ton compagnon de chambrrre pas encore là, mais tu peux aller déjà installer. Tiens, ta clé. Et clé des douches. Tu avoir chambrrre 48. Question?

Jack pris la clé entre ses dents, marmonna un "Non, merci" et sortit. Sa chambre était située avec toutes les autres dans un bâtiment de plein pied qui encerclait une étendue d'herbe derrière le bâtiment principal, comme une couronne de pierre. La 48 était en plein milieu, il devait donc traverser la pelouse au milieu d'autres élèves qui se retrouvaient en petit groupes après ces deux mois sans nouvelles. Pour une fois, il ne serait pas assaillis de toute part par des personnes qu'il connaissait à peine. Mais il ne put s'empêcher de remarquer quelque filles aux chevelures multicolores qui s'étaient retournées sur son passage. Il arriva enfin à sa chambre. La porte simple, recouverte de peinture rouge sur laquelle brillaient les chiffres dorés 4 et 8, semblait neuve. D'où la surprise de Jack quand il l'ouvrit. Deux lits simples de chaque côté d'un fenêtre avec une petite commode au pied de chacun, un petit meuble à côté de la porte, et une zone vide entre les deux. Rien de plus. Jack resta un moment comme ça, les bras ballants, sans savoir quoi faire. Un toussotement le fit se retourner.

-T'es Jack?

-Tu es...(il jeta un coup d'œil à son descriptif de chambre) Aster Bunnymund?

-Ouais. Ca te dérangerait de bouger de l'entrée?

Sans un mot, Jack se décala. Aster Bunnymund était tout simplement immense. Une carrure d'athlète soulignée par un t-shirt gris dont les manches courtes dévoilaient des tatouages maoris et une tignasse brune qui lui tombait devant les yeux. Il balança son sac sur le lit de droite.

-Bon, tu viens, on va au garde meuble.

-Pour quoi faire?

-Combler le vide.

Après avoir fermé la porte à clé ("Tu peux pas faire confiance à grand monde ici" d'après Aster Bunnymund), les deux garçons se dirigèrent vers un autre bâtiment, un peu à l'écart. Une sorte de grand hangar où étaient entassés des meubles en tous genres, triés par catégorie. Aster se jeta sur une télévision et une console de jeu, et fit signe à Jack de trainer un sofa et un mini frigo jusqu'à un chariot.

-Ils mettent tout ça en libre service?

-Ouais, enfin rien ne sort d'ici. Mais il vaut mieux être bien servi pour survivre un an!

Ils attachèrent la télé sur le frigo, lui même attaché sur le sofa, lui même attaché sur le chariot. Alors qu'ils serraient les nœuds, une voix féminine les interrompit.

-Bunny, c'est quand tu veux.

Jack se retourna pour voir à qui appartenait la voix en question. Son colocataire se leva pour aller serrer une rousse échevelée dans ses bras. A les voir, ça faisait un moment qu'ils ne s'étaient pas vu. Lorsqu'il le lâcha, elle lui mit une droite. Aussi simplement que ça.

-T'avais dit que t'appellerais, espèce de lâcheur. Tu sais ce que c'est de devoir être H24 avec trois énergumènes?

Pour toute réponse, il éclata de rire et se retourna vers Jack.

-Jack, c'est Mérida. Mérida, mon coloc' de cette année.

Elle le détailla des pieds à la tête, puis de la tête aux pieds, en s'attardant sur ses muscles saillants. Elle sourit, un petit sourire en coin que Jack connaissait bien. Un sourire qui voulait à peu près dire "beau gooosse".

-Et bah, ils se sont pas foutu de toi, t'as vu le canon? Même s'il a des cheveux un peu bizarres, je suis pas fan des teintures...

Jack soupira. Ca faisait longtemps qu'on ne lui avait pas fait de remarque sur ses cheveux. Certes, des cheveux blancs à 17 ans, ça ne passait pas inaperçu, mais plus personne n'y faisait vraiment attention dans son ancien lycée...mais ça, c'était avant.

-C'est leur couleur naturelle, répondit-il dans un soupire d'exaspération.

-Ah ouais? Alors pourquoi tes sourcils sont noirs?

-Pourquoi on dirait qu'un piaf a fait ton nid dans tes cheveux?

Ils se toisèrent un moment, puis la rouquine éclata de rire.

-T'es vraiment bien tombé, Bunny! Bon aller, je vous aide?

Aster Bunnymund accepta qu'elle pousse le chariot (chariot qui devait peser cinq fois le poids de la jeune fille) pendant que les garçons portaient une table. Et le petit groupe retraversa la pelouse vers la 48. Ils durent tout faire passer par la fenêtre qui jouxtait la porte, mais tout passa. Mérida s'affala sur leur canapé pendant que Bunny s'assit face à la porte close. Jack s'approcha de la rousse et lui demanda.

-Il fait quoi, là?

-Il repeint la porte.