Chapitre 1 : visions

Une jeune fille hurlait. Partout autour d'elle des hommes, des femmes, des enfants gisaient sans vie tandis qu'un homme se tenait dans l'ombre, un sourire aux lèvres. L'adolescente s'effondra avant de se mettre à irradier d'une lumière aveuglante, puis plus rien. Le long silence de la mort avait laissé place au son des gémissements sans fin des blessés.

Je me réveillais en sursaut, le cœur battant la chamade, le front en sueur et les mains tremblantes. Encore ce cauchemar. J'entendis des pas précipités se diriger vers moi. Avec soulagement, je reconnu Michiru. Son air inquiet me laissait à penser que j'avais crié.

« Encore ton rêve ? me demanda-t-elle.

- Oui.

- Tu as besoin de quelque chose ?

- Non. »

Mes réponses étaient laconiques et froides. Je ne voulais pas m'adresser à elle de cette façon, mais c'était plus fort que moi. Mon corps était à bout. Cela faisait une semaine que je ne dormais plus, la moindre de mes pensées était tournée vers ce cauchemar, cette vision. Qui était cette fille ? Cet homme ? Que signifiait ce massacre ? Un nouveau silence allait-il s'abattre sur la terre ? Toutes ces questions sans réponse allaient finir par me rendre folle.

Je soupirais, enfouissant mon visage dans mes mains. Mais à peine avais-je les paupières fermées que les images de ce rêve me revenaient à l'esprit. Je sentais la présence de Michiru à mes côtés. Si elle n'avait pas été là, je ne sais pas quel aurait été mon état. Sans que je sache vraiment pourquoi, la savoir près de moi m'avait toujours apaisé. Depuis que je la connaissais, j'étais beaucoup moins hargneuse et bien moins susceptible. Quant à elle, j'avais l'impression qu'elle s'épanouissait de jour en jour. Elle qui était si froide, qui ne laissait rien deviner d'autre que ce qu'elle voulait montrer, elle s'ouvrait au monde, abandonnant son masque. Ces pensés m'arrachèrent un maigre sourire qui dissipa ma fatigue durant quelques précieuses secondes. Cependant, cela ne l'empêcha pas de revenir aussi rapidement qu'elle avait disparue, m'accablant à nouveau. J'avais l'impression que si un camion me roulerait dessus en cet instant, cela n'aurait pas plus d'effet que ce que je ressentais en cet instant. Je soupirais à nouveau et me laissais aller contre le dossier du canapé. Après quelques minutes, je me relevais brusquement, faisant sursauter Michiru qui était restée.

« J'ai besoin de prendre l'air, déclarais-je.

- Je viens avec toi. Hors de question que tu restes seule dans cet état !

- J'ai l'air fatiguée à ce point ?

- Un cadavre serait plus frais…

- Jolie comparaison, remarquais-je dans une piètre tentative d'humour.

- Tu es sûre que tu ne veux pas te reposer ?

- A quoi bon ? dès que je ferme les yeux, c'est la même chose.

- On trouvera ce que tout cela veut dire » me dit-elle avec conviction. J'avais l'impression qu'elle essayait de se rassurer tout autant que moi à travers ces paroles.

Je lui répondis d'un faible sourire avant de sortir. L'air frais du matin fouetta mon visage. C'était agréable. Derrière quelques immeubles en contrebas, je pouvais distinguer la mer. Elle semblait agitée, tout comme le vent. C'était un mauvais présage.

« Une tempête se prépare, remarqua Michiru tandis que nous descendions la rue.

- Hum…

- Tu penses qu'il y a un lien ?

- J'en ai bien peur.

- On va voir ?

- Tu crois que ce sera là maintenant ?

- Tu ne vois pas les signes ?

- Si ton miroir était fiable, je t'aurai proposé d'y jeter un œil…

- Comment ça s'il était fiable ?

- La dernière fois que tu y as vu quelque chose, on a failli y rester, dis-je en riant. Essayant par là de détendre l'atmosphère Note de l'auteur : je fais allusion à l'épisode 169 même si ça remonte à loin '

- Imbécile, murmura-t-elle en souriant. Alors, tu comptes rester là à dormir ou nous y allons ?

- Crois bien que si je pouvais dormir, je le ferais. »

Je dépensais de l'énergie dans ces plaisanteries inutiles, mais si je ne m'occupais pas l'esprit, il était certain que je craquerais. Je crois que les seules choses qui me tenaient encore debout étaient mon entêtement naturel et ma fierté. Je ne voulais pas tomber !

Michiru et moi étions presque à la plage. A chaque pas mon appréhension augmentait. J'en étais désormais certaine, il se tramait quelque chose là-bas. Un regard échangé avec Michiru me montra qu'elle en était convaincue également. Après quelques mètres nous y fûmes. L'ambiance était irréelle. Il n'y avait personne, la mer était silencieuse et des nuages de sable dansaient à travers les rochers. Si les lieux ne m'étaient pas si familiers, je me serais demandé si j'étais encore sur terre. Pendant plusieurs minutes nous cherchâmes une quelconque présence hostile sans que rien ni personne ne se montre. Mais alors que nous allions rebrousser chemin, un homme apparut. Grand, plutôt bien bâti, des yeux couleurs d'acier parfaitement accordés à ses cheveux aux reflets métalliques, il m'était familier. Il ressemblait à l'homme de mon rêve. Cependant, j'étais certaine que ce n'était pas lui. Nous nous fixâmes quelques secondes. J'avais la très nette impression qu'il se moquait de nous. Puis soudain, il mit un genou à terre et inclina le buste avant de nous saluer avec une ironie non feinte.

« Princesses… »