Avertissement : Les personnages sont bien entendu la propriété de Hiroyuki Takei.
Partie I : Fêtes
Notes : Bonjour à tous ! Ceci est la première fiction que je publie sur Shaman King et il s'agit d'un ensemble d'OS sur différents personnages. J'espère qu'il vous plaira et je vous serai très reconnaissante de me dire ce que vous en pensez. Ce n'est pas la première fiction que j'écris donc ne vous gênez pas pour me dire ce que vous en pensez et ne soyez pas indulgents ! Bonne lecture à tous !
Personnage : Jeanne
Chapitre 1 : Le vendredi de Noël
Tous les vendredis, elle est là, elle l'attend. Ses yeux se perdent tantôt sur le carrousel devant elle, tantôt sur les lignes de son livre. Si vous passiez par là, vous ne pourriez pas ne pas la voir. Vous entendriez la musique joyeuse du manège, vous croiseriez parfois les enfants souriants, vous seriez éclaboussés par l'eau froide de la fontaine, et en passant sous les arbres, vous la verriez, seule et immobile sur son banc. Elle ni bonnet ni gants, juste une écharpe qui semble bien ridicule par rapport au vent froid qui souffle, mais elle n'a pas l'air d'avoir froid.
Peut-être que quelques flocons de neige tomberont ce jour-là. Alors vous verrez les enfants se faire plus rares, mais ils seront toujours présents. Bien emmitouflés et avec d'énormes chaussures à pompons, ils riront aux éclats sur le manège. Quand ils sourient, elle sourit un peu. Pas beaucoup, juste un peu. Un éclat passera dans ses yeux, puis elle reportera son attention sur son livre. Et si les flocons sont trop nombreux, elle rangera ce dernier, pour ne pas l'abîmer, et se contentera de regarder le manège tourner, avec ces lumières et ces guirlandes.
Elle arrive toujours à la même heure, et part avec le soleil. Quand la nuit se couche, elle se lève, elle s'en va. Derrière elle, vous verrez peut-être, les guirlandes sur les arbres s'allumer et les boules de Noël scintiller. Chaque vendredi, elle l'attend. Elle ne peut pas imaginer qu'il ne viendra pas, et pourtant quand elle part, il n'est pas venu. Mais cela ne l'empêchera pas de revenir le vendredi suivant, et le suivant encore.
Elle a toujours un sac avec elle, avec un parapluie. Cependant quand il pleut, elle ne le sort pas, et préfère se réfugier au petit café à côté du parc. De là, elle surveille les lieux en sirotant un chocolat chaud. Son regard est perdu ailleurs, et si vous lui parlez, elle ne vous répondra pas. Dès que l'averse se calme, elle paye, ressort, et retourne s'asseoir sur son banc, toujours le même.
Quand des commerçants se promènent en vendant des ballons, elle lève la tête sur leur passage. Peut-être qu'il s'était là, il lui en offrirait un, de ballon. Un joli vert en forme de fleur, ou mieux encore, bien qu'elle rougisse un peu à cette pensée, l'énorme rouge ressemblant à un cœur. S'il se dépêche d'arriver, les vendeurs ne seront pas encore partis. Mais bien sûr, il ne se presse pas de la rejoindre, puisqu'il ne la rejoindra pas. Alors les commerçants passent, son sourire s'efface, et elle replonge dans sa lecture.
On pourrait croire qu'à force d'écouter la chanson du carrousel, toujours la même, elle en deviendrait folle, mais ce n'est pas le cas. A vrai dire, elle n'y prend pas garde, à cette joyeuse mélodie, de même qu'elle ne prête aucune attention aux patients. De temps en temps, elle ouvre son sac pour en sortir un chocolat, ou une bouteille d'eau. Elle ne vient jamais deux vendredis d'affilée avec le même livre. Pourtant quand elle arrive, elle le commence toujours, et en repartant, ne l'a jamais fini. Et quand elle arrive en retard à son rendez-vous, c'est qu'elle sera passée chez le libraire pour acheter un nouveau livre, ayant oublié ou ayant déjà lu celui qu'elle désirait emporter.
Ce soir, c'est la veille de Noël. On penserait qu'elle prépare le repas, et on penserait mal. Car aujourd'hui, on est vendredi, alors elle est au parc, assise sur son banc, et elle attend. Cependant cette fois-ci c'est différant, car lorsqu'un passant vient la voir, elle lève la tête au lieu de se contenter de fixer les pages de son roman. Et quand il lui parle, elle l'écoute.
- Vous vous faites du mal, Jeanne, il ne reviendra pas.
Elle dévisage l'homme blond devant elle, dont le regard la couve chaleureusement derrière ses lunettes carrées. Il lui tend la main, mais elle ne la prend pas. Ce n'est pas lui qu'elle attend.
L'homme soupire, puis s'en va. Il sait que c'est inutile d'insister.
« Il ne reviendra pas. » Les mots lui font mal. Elle refuse de les croire, essaye de les oublier, mais ils sont comme inscrits dans son esprit, refusant de s'effacer. Quelques larmes se perdent sur ses joues, puis dans son écharpe, mais nul ne pourrait affirmer qu'elle s'en rend compte. Ses grands yeux rouges sont fixés sur le carrousel, mais elle ne semble pas le voir. Ce dernier est rempli d'enfants dont les éclats de rire s'égarent dans le vent.
Le temps passe, et de plus en plus de couples se promènent dans le parc. Il y en a d'autres, comme elle, qui s'assoient sur les bancs et attendent quelqu'un. Mais contrairement à elle, ils finissent par être rejoints, se lèvent et s'en vont flâner, bras dessus, bras dessous. Elle, tous les vendredis, elle a attendu, et tous les vendredis, elle est repartie seule.
Ce jour-là, quand le soleil s'est évaporé pour laisser place à la fraîcheur de la nuit, elle ne s'en est pas allée. Elle est restée là, sur son banc, les yeux dans la vague, à écouter la musique du carrousel. On ne lui prête pas attention, à cette jeune fille aux cheveux blancs perdue seule sur son banc. Il se met à neiger, et les flocons se posent en délicatesse sur son visage et se mêlent à sa chevelure. Ils se fondent avec ses larmes et se lovent dans son cou. Elle a froid mais elle ne bouge pas, elle continue d'attendre.
La nuit est totalement tombée à présent. Elle lève les yeux vers le ciel, et elle distingue quelques étoiles malgré les réverbères allumés environnants, et la lumière provenant du manège et des guirlandes. Et quand elle reporte les yeux à son niveau, elle se rend compte que quelqu'un est assis sur son banc.
- Tu m'as l'air bien triste à la veille de Noël, commente-t-il.
Elle ne sait pas quoi répondre à cela. Les gens continuent de passer devant eux, mais pensent passer devant elle, jeune fille solitaire sur son banc. Ils ne voient pas l'esprit à ses côtés.
- Cela fait longtemps, dit-elle d'une petite voix, que je n'ai plus entendu parler de toi, seigneur Shaman King.
Il tourne la tête vers elle et lui adresse un sourire.
- Tout se déroule-t-il selon tes souhaits ? interroge-t-elle poliment.
- Je ne sais pas si on peut dire ça, répond-il. Disons que le sursis que j'ai accordé à l'humanité n'est pas encore parvenu à son terme.
Une question brûle les lèvres de la jeune fille, mais ces dernières restes closes. Cependant, il semble deviner.
- Tu aimerais savoir s'il va venir, n'est-ce pas ?
- Je croyais que tu ne pouvais plus lire dans les pensées, note-t-elle.
- Je n'en ai pas besoin pour deviner ce qui te tracasse en ce moment, réplique-t-il. Et puis, ne suis-je pas Shaman King ? Je sais tout.
- En tout cas ce n'est pas la modestie qui t'étouffe, se moque-t-elle gentiment.
Il rit doucement, et elle détourne la tête.
- Peu importe ce que tu me diras, je continuerai de l'attendre.
- Je sais, déclare-t-il. Tu l'attends depuis tellement longtemps.
Un silence s'installe entre eux, et tous deux regardent le carrousel tourner, et les enfants sourire et s'amuser.
- Je regrette, tu sais, reprend-elle avec l'envie de se confier. Avant, nous venions souvent ici. C'est d'ailleurs là que nous avons passé Noël, l'an dernier. Un peu avant… qu'il ne parte.
Sa voix se brise sur les derniers mots, et un petit nuage se forme devant ses lèvres. Quand elle parle, il y a toujours un peu de vapeur qui se forme, comme il s'en forme près des visages des enfants sur le manège ou de ceux des parents qui les contemplent en souriant. Mais quand lui parla, il n'y en avait pas.
- Tu n'as pas essayé de le retrouver ? l'interroge-t-il.
Elle hausse les épaules.
- Je suppose… qu'un simple coup de fil à Lyserg m'aurait vite permis de savoir où il était. Je suppose qu'il doit penser à moi, de temps en temps…
- Le vendredi, termine l'esprit pour elle.
- Oui, peut-être… concède-t-elle. C'est le vendredi qu'il faisait le mur pour venir me retrouver sans que ses parents ne le sachent. Quand sa sœur s'en ait rendue compte, elle nous a félicités et nous a aidés en le couvrant. Mais tu le sais déjà.
- Bien sûr, approuve-t-il. Comme je sais que c'est un vendredi, que vous vous êtes disputés, et qu'il t'a quittée.
Elle ne dit rien, se contente d'approuver de la tête. Oui, c'est bien un vendredi qu'il a claqué la rageusement la porte. Elle pensait qu'il lui fallait un peu de temps, qu'ils se reverraient sûrement le vendredi suivant. Mais il n'était pas venu. Elle était allée l'attendre ici, à cette place-même, là où elle avait l'habitude de l'attendre, et il ne l'avait pas rejointe. Pensant qu'il était en colère, elle avait remis leur rendez-vous à la semaine suivante, mais de nouveau elle avait patienté en vain. Alors elle avait pris contact avec sa sœur, qui lui avait appris qu'il avait quitté le pays pour une période indéterminée et qu'elle ne savait pas où il était parti. Il n'avait rien laissé à son attention, pas même une lettre d'explication.
Alors depuis, elle attendait. Elle ne perdait pas espoir qu'un jour, il viendrait la retrouver. Et depuis un peu moins d'un an, chaque vendredi, elle s'asseyait sur son banc, leur banc, et elle priait intérieurement. Et chaque vendredi soir elle était repartie, le cœur déchiré, mais avec l'espoir que peut-être serait-il présent le vendredi suivant. Elle aurait voulu qu'au moins, si ce n'était son amour pour elle qui l'attirerait dans ce lieu, ce serait de la nostalgie.
- Je vais te laisser, j'ai des obligations, la sort de ses pensées le jeune homme à côté d'elle.
Il est très légèrement vêtu, mais il n'a pas froid. Normal, vu qu'il n'était pas vivant.
- A une prochaine fois, Jeanne.
Elle acquiesce de la tête.
- Et joyeux Noël.
- Joyeux Noël à toi aussi, Hao.
Il lui sourit puis disparaît lentement, comme si le vent effaçait sa silhouette. Elle est de nouveau toute seule. Mais aux yeux de la foule, elle l'a toujours été, de toute manière. Elle replonge dans ses pensées, ses yeux redeviennent inexpressifs. Le peu de couleur venu sur ses joues avec la présence de l'esprit s'effaça, rendant son teint plus blanc que la neige qui couvrait désormais l'ensemble du parc.
- Jeanne ?
Son cœur rate un battement. Cette voix, sa voix… Elle se retourne lentement, n'osant espérer qu'il s'agisse bien de lui de peur d'être déçue. Cependant il est bien là, en chair et en os, devant elle. Il a grandi depuis la dernière fois, sans doute parce qu'il boit trois bouteilles de lait par jour. Ses cheveux bleus sont parsemés de neige, et sa grosse écharpe jaune lui cache le bas du visage. Cependant, elle ne doute pas un seul instant qu'il puisse s'agir de lui.
Alors elle se lève brusquement et se jette dans ses bras. Il chancèle un instant, déséquilibré, puis elle le sent lui rendre son étreinte. Les larmes roulent sans interruption désormais sur ses joues, et elle se blottit contre lui.
- Tu m'as… tellement manqué, arrive-t-elle à lui souffler.
Il l'enlace un peu plus fort et dépose un baiser sur son front.
- Pardon.
Un vrai sourire fleurit sur les lèvres de la jeune fille. Il était revenu, il était tout pardonné.
C'était un vendredi, le vendredi de Noël.
