Cette fois, Craig ne pourrait pas lui reprocher de l'éviter tout à fait volontairement (Et peut-être un peu lâchement)
Dès qu'il l'avait croisé dans les couloirs de l'école, Clyde s'était presque jeté sur lui. À saluer gaiement son meilleur ami, comme le gamin avait l'habitude de le faire avant la semaine passée glaçante pour leur pauvre amitié... Balayant ce souvenir assurément douloureux pour tous les deux, l'éternel soupirant de Bebe Stevens avait joué son rôle de meilleur ami irréprochable à la perfection.
En passant négligemment son bras autour des épaules de son pote, lui demandant joyeusement s'il avait passé un bon week-end, et en saluant au passage Token qui discutait avec Craig avant l'arrivée haute en couleurs de ce nouvel élément. Si Token paraissait relativement neutre face à cette montée d'enthousiasme suite à ce qui devait être une simple petite dispute sans intérêt, le fan de cochons d'Inde, lui, semblait pétrifié.
Presque effrayé, hésitant. Ou tout simplement étonné par ce revirement si soudain, cette reprise de contacts purement amicaux si directe, alors qu'avant son cher ami faisait tout pour ne pas croiser sa route. Et encore moins son regard !
Mais cette surprise ne devait sûrement pas être désagréable vu son petit sourire, pas immédiat bien que sincère (Peut-être bien provoqué par cette brève étreinte...) En commentant que Clyde devait pourtant le savoir puisqu'il avait été à ses côtés durant les moments les plus importants de ce week-end.
Affirmatif. Le responsable de bien des péripéties récentes ne pouvait que hocher la tête en feignant de parfaitement maîtriser cette situation tout à coup très délicate. Et remercier le Dieu assez aimable et compréhensif pour avoir fait s'éloigner Token. Sans même prendre la peine de se demander si celui-ci avait d'éventuels doutes au sujet de cette relation devenue très particulière. Et voulait donc laisser ses deux amis très proches en tête-à-tête pour roucouler en paix et fixer le jour de leur mariage qui devait à tout prix être avant celui de Stan et Kyle. Question de fierté...
Quoique, en fait, non. Leur ami si prévenant s'éclipsait simplement pour ne pas se sentir de trop dans cette conversation visiblement intimiste et préférait plutôt aller parler à sa petite amie. Cette hypothèse restait au moins dans le domaine amoureux...
Et Craig se chargeait lui-même de continuer sur cette lancée, maintenant qu'ils étaient seuls. En demandant d'un ton qui se voulait parfaitement détaché, mais sans oser croiser le regard de son complice, si c'était du sérieux le rendez-vous de tout à l'heure.
Une question piège !
Car en fait, cela dépendait de ce que le gamin au bonnet péruvien voulait dire par "du sérieux". Si celui à l'avoir invité ne s'était pas moqué de lui avec une blague de bien mauvais goût. Ou si c'était un vrai premier rendez-vous amoureux en bonne et due forme, bien mémorable, indiscutablement important.
Et bien sûr le seul à pouvoir y répondre était bien incapable de servir une réponse correctement satisfaisante. Le petit regard aussi envoûtant qu'insistant que Craig posait sur lui ne l'aidait en plus franchement pas pour se décider. Puisant dans ses dernières forces pour ne pas faiblir piteusement, Clyde savait qu'il ne pourrait pas éternellement jouer la comédie et faire comme si fouiller dans son casier était la chose la plus passionnante et importante. Alors que ce futur rencart totalement amical avait à ses yeux déjà une grande valeur. Bien plus que tous ces vagues moments passés avec des filles à lui accorder l'honneur de leur présence.
Mais comment l'expliquer convenablement à celui qui allait partager ce moment avec lui ? Sans s'embrouiller, se ridiculiser et encore fuir misérablement. Un tableau final devenu presque habituel, qui finirait par agacer sérieusement son meilleur ami et définitivement briser leur amitié.
Finalement, se tourner une fois de plus vers la facilité faisait ses preuves. Surtout en utilisant en prime ce sourire faussement innocent qui faisait craquer son ami à chaque fois. Et avouer simplement, en le regardant dans les yeux malgré une certaine gêne, que ce n'était pas une blague et l'invitation tenait toujours. Dans un élan de sincérité, Clyde avait même envie de lui avouer qu'il y avait pensé toute la nuit, mais la sonnerie des cours venait de chasser d'un coup cette confidence.
Le destin le tirait peut-être d'un mauvais pas, Craig aurait sûrement trouvé ça un peu bizarre de prendre tant à cœur un vulgaire moment entre amis. Mais, si ses sentiments envers son meilleur ami se confirmaient, il aurait sûrement qualifié ce rendez-vous de merveilleux. Ou, pour parfaitement coller au caractère du concerné, trop beau pour être vrai. Car son compère savait voir la réalité en face et ne se faisait jamais trop d'illusions.
Pourtant, il avait accepté sans hésiter le rencart, en demandant tout de même avant s'ils allaient être seuls. Le genre de question très... Équivoque et lourde de sous-entendus.
Justement, cette question et le futur rendez-vous galant à l'entourer avaient occupé une bonne partie de son esprit durant ces ennuyeuses et barbantes heures de cours. Un sujet d'étude beaucoup plus passionnant que n'importe quelle dissertation ou discours d'un professeur fortement inspiré.
Certes, en mettant de côté tout faux semblant et les formules bonnes à préserver leur sainte amitié, Clyde voulait bien admettre que ce rendez-vous s'apparentait de très près du fameux premier rendez-vous romantique. Comme il avait eu l'habitude d'organiser avec quelques filles à lui plaire mais qualifiées de salopes inintéressantes par son meilleur ami. Des filles toujours assez jolies, bien que pas toujours très correctes avec leur Prince charmant, à le laisser tomber une fois que leur petit ami si naïf avait payé assez pour les caprices et les exigences de la favorite du moment.
Seulement, cette fois il était question de son meilleur ami. Son meilleur ami gay, et surtout amoureux de lui. Un cas bien plus complexe et passionnant. Mais pas le moins du monde désagréable, aussi étrange que cela puisse paraître !
Au contraire, le soupirant sans cesse éconduit de Bebe Stevens imaginait avec un certain plaisir ce moment avec Craig. À passer en avance rapide le moment du trajet et des commandes, pour s'arrêter pile au passage où ils seraient attablés avec leurs consommations, en se regardant yeux dans les yeux, à se dévorer du regard et en se tenant par la main même au moment de se faire mutuellement goûter leur glace...
Non, il avait rendez-vous avec Craig Tucker, pas avec une jeune fille amoureuse et fleur bleue. Son ami serait sûrement ravi, mais probablement pas aussi enthousiasmé que pouvaient l'être toutes celles à le devancer. Le fervent défenseur de cochons d'Inde ne devait pas être si romantique, au contraire il trouvait sûrement ces choses mièvres ridicules à en vomir de dégoût. Certes, Craig adorait plus que tout les cochons d'Inde, des petits animaux tout doux et mignons. Il jouait souvent avec Stripe, le dorlotait tel un parent raide dingue de son enfant, mais ça ne voulait sûrement rien dire. C'était juste un trait de personnalité, une manifestation de tendresse assez atypique, drôle parfois aussi, rien de plus. Même sa passion pour des thèmes assez proches des codes romantiques, tel que l'astronomie ou Jennifer Lopez, ne voulait sûrement rien dire.
Alors, si en plus son cher ami trouvait repoussant les baisers ou les moments de tendresse en couple, Clyde se demandait s'il pourrait un jour apprécier de sortir avec lui... Enfin, tout ceci restait des suppositions et des pensées aussi confuses que désordonnées. Déjà qu'il avait du mal à s'imaginer en couple avec un gars, et encore plus pour savoir comment forcer Craig à se soumettre, une éventuelle embrassade se classait dans les idées à oublier définitivement.
Peut-être aussi que le gamin n'avait pas particulièrement envie de se faire mordre violemment la langue (jusqu'à se la faire couper en deux !) ou recevoir un coup de poing pile dans les dents. Par amour, ou par respect des codes sacrés de leur amitié, le fan de cochons d'Inde n'avait jamais levé la main sur lui. Craig avait beau lui dire que c'était uniquement parce qu'il n'avait pas envie d'entendre ses pleurs insupportables des heures et des heures, Clyde savait très bien la véritable version. Mais certains détails clefs pouvaient briser d'un coup la moindre de ces pistes, déjà que leur amitié était encore fragile.
Ce futur rendez-vous presque amoureux serait donc à classer sous le signe de la prudence. En y ajoutant peut-être rien qu'un tout petit peu de romantisme pouvant passer pour de la maladresse. Pour ça, jouer au prétendu innocent, Clyde savait qu'il excellait. Tout comme il n'était pas trop mauvais pour tenir ses engagements et se comporter comme un meilleur ami digne de ce nom. Peut- être pas au niveau de Stan et Kyle, mais à s'en approcher.
Comme promis, à la pause de midi, Clyde avait retrouvé son meilleur ami pour lui remettre les biscuits lui étant destinés. Un petit cadeau très personnel qui lui avait demandé un certain temps dû à son application, et des pensées aussi collantes que des sangsues. De véritables nuisibles qui avaient décidé de ne pas le laisser en paix tant que Craig ne serait pas convié à ce rencart d'avance très célèbre...
Ces mêmes biscuits à avoir tant ému le fan de cochons d'Inde quand son ami lui en avait parlé au téléphone. Et qu'il prenait à présent avec un sublime détachement, une réaction que Clyde considérait comme étant une pure feinte. Son visage pouvait sembler impassible mais sa main avait légèrement tremblé, signe d'une certaine émotion. Une émotion proche du romantisme ! Un peu.
Est-ce que Kenny, l'unique spectateur de cette scène puisqu'ils étaient dans un coin relativement reculé de la cour, l'avait remarqué ?
En tout cas, le blondinet se gardait bien de le dire ou de faire un commentaire à connotation gay. Et s'il souriait c'était uniquement parce qu'il savait que Craig allait le laisser piocher dans ce petit sac rempli de biscuits. À moins que cette bonne humeur fût liée au magazine qu'il venait de sortir de son sac pour le montrer au plus à même d'apprécier ce genre de lecture.
En tant que référence dans la sphère culturelle mêlant l'érotisme et la pornographie, Kenny avait une fois de plus fait un immense honneur à un autre grand amateur de cet art, qu'il adorait privilégier d'ailleurs. Par solidarité masculine, ou juste pour agacer Craig qui semblait toujours fort contrarié quand son meilleur ami se pâmait devant un magazine pour adultes bourré de filles fortement dévêtues. Et l'ignorait même superbement les jours où Clyde était bien décidé à éveiller du désir chez son compère et lui montrait donc de jolies blondes presque nues. Dans des positions bien sûr très suggestives. Maintenant, depuis que le gamin savait que celui qu'il considérait comme son meilleur pote était gay, cet ami pas si infaillible comprenait mieux ce total désintérêt.
D'ailleurs, comme s'il s'agissait d'une question devenue existentielle, le soupirant sans cesse éconduit de Bebe se demandait si Kenny était au courant. Qu'il savait que Craig était gay. Par déduction, à chaque fois que le grand fan de cochons d'Inde n'accordait pas la moindre attention aux femmes scandaleusement attirantes sur les divers supports que le gamin le plus pauvre de l'école avait en sa possession et pourrait donc lui prêter gratuitement.
Sinon, peut-être que Craig l'avait lui-même mis au courant. Se sentant en confiance face à ce gars ne se définissait pas comme un pur hétéro. Mais à plutôt aimer une personne qui affolait ses sens et savait toucher ses sentiments, qu'importe son genre. Kenny ne se prenait jamais la tête avec de tels détails, à ses yeux, bien inutiles.
Voilà pourquoi Clyde, son ami et client préféré, s'était souvent posé des questions sur la nature exacte de sa relation avec Butters. De temps à autre, Kenny achetait à sa façon (empruntait pour une durée indéterminée, donc) de jolis sous-vêtements féminins. Les plus beaux et chatoyants, ceux en soie, couverts de dentelles, transparents aux bons endroits... Qu'il faisait généreusement admirer à Clyde, tout fébrile en touchant ces étoffes et en imaginant Bebe les porter. Son fournisseur de biens pour adultes s'amusait ensuite à lui faire deviner la taille du bonnet. Et félicitait son ami qui avait toujours un compas dans l'œil dès que le sujet concernait les poitrines féminines. Ainsi, ce petit chanceux gagnait le droit de pouvoir garder en sa possession durant quelques jours ces précieux sous-vêtements pour dames et d'en faire bon usage. Un usage très personnel et intense le long d'une énième séance de plaisir solitaire, durant laquelle son imagination aurait un agréable coup de pouce non négligeable et typiquement féminin.
La précieuse lingerie revenait ensuite entre les mains de Kenny McCormick, qui la rangeait soigneusement dans un mignon petit sac en expliquant que c'était un cadeau pour Butters. Autrefois, Clyde considérait ce commentaire comme une bonne blague au sujet de ce gamin si peu populaire et son intérêt pour quelques sujets habituellement destinés aux filles. Comme cette passion étrange pour Hello Kitty.
Aujourd'hui, Clyde était quasiment sûr qu'ils couchaient ensemble. À l'occasion, Butters devait redevenir avec sûrement beaucoup de plaisir la délicieuse Marjorine. Ou faire ressentir à Kenny toute la puissance du professeur Chaos...
Et avant de se demander comment ils s'arrangeaient pour jouer le rôle de l'homme et de la femme dans leur couple, ce pauvre gamin encore peu habitué aux réflexions trop intenses ayant pour thème l'homosexualité rebranchait son esprit sur un sujet plus sûr. Plus stable et rassurant : Son meilleur ami, Craig Tucker.
À ce sujet, Craig devait davantage s'intéresser à des magazines comprenant exclusivement des modèles masculins. Peut-être même que ces vilaines lectures étaient planquées quelque part dans sa chambre, sous son lit ou au fond de son armoire. Est-ce que son cher ami l'autoriserait à y jeter un œil ? Juste par curiosité. Pour comparer avec ses propres magazines et se cultiver un peu...
En parlant de magazines, avec le spécimen actuel il ne s'agissait pas d'une simple revue pornographique. Mais plutôt d'un numéro spécial consacré à une nouvelle actrice X : Sophia Dutalent. Une française, visiblement. Et surtout, une blonde magnifique. Aux yeux verts pétillants, avec un petit nez tout mignon et possédant un charmant décolleté parfaitement mis en valeur par une marinière volontairement sexy.
Kenny savait que Clyde avait un gros faible pour les blondes, une préférence éveillée grâce à Bebe Stevens. Il lui faisait donc exprès remarquer la beauté des boucles couleur crème de la jeune femme. Et son compagnon de jeux pas vraiment enfantins ajoutait, pour redorer davantage la beauté de cette actrice, que ses seins paraissaient vraiment naturels. Donc encore plus magnifiques !
Malgré sa contemplation purement scientifique, presque béate, de cette créature féminine juste là pour affoler les pulsions de ses futurs fans, Clyde avait cru entendre Craig soupirer d'agacement. Mais avant d'avoir eu le temps de jeter un œil sur son ami et s'enquérir de son état d'esprit, Kenny avait attiré son attention sur un passage de l'interview où Sophia Dutalent évoquait sa bisexualité. Sous entendant que dans ses prochains films elle serait sûrement en compagnie de femmes, mais Clyde y voyait autre chose dans cette remarque...
Si c'était une blague, elle était vraiment plus proche de la provocation que de la subtilité. Kenny faisait-il exprès de parler de bisexualité avec quelqu'un qui justement se posait bien trop de questions au sujet de ses propres attirances... ?
Le concerné ne savait pas très bien comment prendre cette observation, ni même eu le cœur de s'en réjouir. Alors que d'habitude il jugeait instantanément les couples de femmes comme parfaitement parfaits. Là, le grand fan de Bebe Stevens remettait juste sérieusement en doute ses attirances et se demandait si lui aussi devait se qualifier de bisexuel puisqu'il s'était imaginé embrasser son ami et dans des situations romantiques à ses côtés. Peut-être que des moments beaucoup moins prudes seraient appréciables aussi. Quand Craig se laisserait toucher à tous les endroits interdits par leur sainte amitié et que lui-même se montrerait aussi caressant avec cet ami qu'il était censé aimer. Si seulement le gamin au bonnet péruvien pouvait accepter de se faire embrasser, un long baiser avec la langue pour rendre le moment encore plus intense et excitant...
Le petit rire moqueur de Craig avait empêché son esprit de dériver vers des scènes encore plus physiques et sensuelles. Mais si par le plus grand des hasards, s'imaginer sauter son meilleur ami lui avait fait un quelconque effet, le magazine bourré de pensées très saines et normales qu'il tenait entre ses mains lui aurait sauvé la mise.
Pas la peine de s'en faire, son ami adoré se chargeait lui-même de casser l'ambiance avec brio. En lâchant d'un ton bien cinglant que cette fille ne devait sûrement pas avoir d'attirance particulière envers les femmes mais enjolivait la réalité pour faire bander tous les gars déjà à ses pieds.
Une pique sympathique visant à défendre ses consœurs et confrères véritablement concernés par leurs attirances différentes de la norme. À moins que Craig Tucker eut voulu remettre en place son pote d'une façon pas trop violente. En lui faisant quand même bien comprendre que ça ne lui servirait à rien de jouer les ami parfaits, l'inviter à un dîner aux chandelles dans le meilleur restaurant, ou lui faire les yeux doux. S'il n'était pas véritablement attiré par un de ses congénères, le fervent défenseur de cochons d'Inde ne voulait pas perdre son temps avec ce genre de loser. Un gars assez égoïste pour s'amuser à essayer de troubler pour de faux son hétérosexualité en draguant son ami sincèrement amoureux de lui. Et le jeter une fois qu'il aurait eu un moment de plaisir bref et insignifiant. Juste une expérience parmi tant d'autres.
Clyde savait qu'il n'était pas comme ça. Pas ce genre de monstre sans cœur et inhabité par un peu d'humanité. Par contre, son trouble était bien sincère bien qu'encore un peu confus... Mais comment l'expliquer calmement à son complice qu'il évitait volontairement de regarder, sans perdre ses moyens et se rendre pitoyable devant en plus un spectateur.
Mais pas n'importe quel spectateur. Kenny McCormick, un sauveur idéal face à n'importe quel problème, qui ne perdait pas de temps pour briser ce malaise et demander innocemment à Craig pourquoi il accordait tant d'importance à ce genre de sujet qui ne devait pourtant pas le concerner. Et se faire à l'instant rabrouer par ce dernier qui, faute de lui expliquer la raison profonde, lui intimait d'aller se faire foutre.
Un nouveau drame venait d'être évité (Pour le moment...), Clyde se promettait de remercier comme il le fallait ce véritable ange gardien qui en avait seulement le physique. Car après un petit rire espiègle, Kenny s'était replongé dans le magazine. Tandis que l'éternel admirateur de Bebe Stevens, sentant que l'atmosphère s'était assagie, avait enfin osé tourner la tête vers son complice.
Encore assailli de doutes et de questionnements à graviter autour des mêmes sujets, Clyde avait tout de même l'impression que Craig le regardait d'une façon... Bizarre.
Se disait-il mentalement que son pote était vraiment un gros pervers pitoyable, qui s'excitait d'une manière bien minable rien qu'en imaginant deux filles se rouler une pelle. Peut-être même qu'une fois de plus il regrettait amèrement d'être tombé amoureux d'un type pareil.
Ou, dans un registre plus agréable et pas forcément idéaliste (Donc tout à fait possible !), son ami le trouvait particulièrement beau et attirant aujourd'hui. Encore plus que d'habitude !
En effet, un effort vestimentaire était notable. Clyde s'était levé légèrement plus tôt qu'à son habitude pour convenablement se préparer, c'est-à-dire passer un temps fou à la salle de bain dans l'idée d'être encore plus mignon et cool qu'en temps normal. De plaire doublement à son meilleur ami surtout, en évitant de trop y penser sinon ses cheveux allaient davantage se montrer indomptables.
Pour soigner chaque détail, il avait mis des chaussures de marque, obtenue grâce au très bon poste de son père. Un jeans à le mettre particulièrement en valeur (Sans non plus être trop moulant, et donc trop gay), en se faisant la réflexion, un peu trop tard, que ça allait laisser le champ libre à son ami pour pouvoir mater son cul. Comme c'était l'endroit que les gays regardaient en premier, paraît-il. Cette fois, celui à occuper toute l'attention de son meilleur ami gay ne se trouvait pas du tout gêné par tant d'égard. Au contraire, il pouvait simplement se dire que ce vêtement lui allait en effet très bien. Et visiblement plaisait beaucoup à celui qui allait lui tenir compagnie à ce qui pourrait peut-être se définir comme un rencart...
Surtout, le gars officieusement le plus mignon et toujours très fier de son titre avait revêtu une de ses plus belles vestes. Une veste de combat. Celle utilisée dans les grandes occasions très spéciales, comme les rendez-vous amoureux par exemple.
Et Craig le savait. Voilà pourquoi il le regardait avec autant d'attention, pour ne pas dire d'insistance. À carrément le dévorer des yeux sans s'en priver au lieu de se montrer un minimum discret. En croquant lentement dans un biscuit, avec un soupçon d'érotisme très palpable, à chaque coup d'œil posé sur une partie du corps de son ami. Étudier attentivement cet endroit sûrement aussi délicieux et délectable que ce petit gâteau, et remonter ses yeux vers ceux de son complice qui commençait à avoir brusquement étrangement chaud...
Craig le testait. Il voulait voir si cette fois encore son cher ami fidèle allait se comporter comme une vierge effarouchée et fuir misérablement sans une once de fierté. Mais pas du tout, Clyde soutenait son regard et toute la pression à entourer sa petite personne. En tant qu'objet des fantasmes actuels de son meilleur ami, il ne faiblissait pas. Toute cette envie lui plaisait malgré sa totale opposition à l'amitié dénuée de sexualité, sans sous-entendus louches. Et pas seulement parce que Kenny se trouvait à ses côtés pour le défendre si jamais Craig se jetait sur lui pour le violer.
Pas du tout en fait. Clyde se sentait simplement extrêmement bien, à évoluer progressivement dans cette tension sexuelle. Plus du tout gênante ou stressante. Ni même inquiétante.
Sans un mot, le gamin découvrait juste qu'il aimait beaucoup être désiré ainsi par son ami. Et, loin de rester sagement là à se faire déshabiller mentalement, il accentuait le trouble à l'aide de quelques sourires en tout genre.
Les rictus un brin provocateurs paraissaient beaucoup amuser son compère, qui faisait exprès d'entrouvrir sa bouche pour lui montrer un petit bout de langue bien assez imposant pour faire légèrement rougir Clyde. Ces rougissements avaient d'ailleurs été parfaits pour que celui-ci affiche des sourires se voulant beaucoup plus innocents. Mignons surtout, vu les petites rougeurs naturelles à colorer le visage de son ami. Et qui permettaient au soupirant de Bebe Stevens d'affirmer que son meilleur ami se classait en tête des choses les plus mignonnes lorsqu'il rougissait de la sorte. Ça mettait en valeur la couleur si particulière de ses yeux et ses taches de rousseur...
Hélas, avant que Clyde puisse davantage analyser les détails adorables émanant de son compère quand celui-ci était ému, son sujet d'étude lui avait vivement faussé compagnie. Pour une fois que ce n'était pas Clyde Donovan qui filait à l'anglaise... En à peine quelques secondes, Craig avait détourné son regard, attrapé son sac, et disparu à grandes enjambées de leur petit coin tranquille. Brisant en même temps l'étrange jeu de séduction qui avait pris forme, à encore sérieusement remuer le plus étranger face à toutes ces choses gays mais finalement pas si désagréables. Le petit sourire béat que Clyde servait à Kenny pouvait fatalement le trahir, son complice et lui. Une chance que le blondinet se retrouvait davantage amusé par le départ précipité du fan de cochons d'Inde, et illustrait la chose en expliquant que Craig devait sûrement être fort indisposé. Pour faire bonne figure, et parce qu'il adorait se moquer gentiment de son meilleur pote, Clyde renchérissait en ajoutant que le magazine l'avait peut-être gravement choqué. Trop de femmes dénudées et de paroles choquantes !
Suite à toutes ces bonnes plaisanteries, le gamin jouait le jeu et riait avec Kenny. Mais sa bonne humeur était uniquement provoquée par son rendez-vous à venir.
Un rencart avec Craig. Ça promettait donc beaucoup aux vues des récents petits dérapages dépaysants mais plaisants de leur amitié...
