Disclaimer : heu…
Pacifiste
Il est minuit passé. Non, deux heures du matin. Je n'ai vraiment pas vu le temps passer, comme à chaque fois que je me concentre sur un projet scientifique. J'ai faim. Peut-être que je peux encore me faire livrer une pizza à cette heure-ci.
Ah, la pizza… Enfant, je n'aimais pas beaucoup ça. En fait, je n'aimais rien de ce que les gosses de mon âme aimaient. J'étais un petit garçon solitaire qui préférait se cacher dans son coin et observer les insectes plutôt que de jouer et me bagarrer avec les autres. Je me sentais seul, différent même. Tous les garçons de mon âge voulaient jouer les gros durs, moi pas. C'est pour ça qu'ils me rejetaient tous.
A huit ans, j'ai fait un exposé sur les fourmis devant toute la classe. J'ai annoncé que si notre société s'inspirait de la leur, on pouvait réduire les frais d'hôpitaux ainsi que la pollution et améliorer le confort de tous les humains. J'étais tout fier de mon projet mais personne n'y a rien compris. Tout le monde a rigolé et m'a appelé « L'Homme-fourmi » pendant une semaine.
La prof, elle, m'a convoquée après les cours. Elle m'a annoncé que mon exposé était au moins du niveau collège et que si, comme je le lui ai répété dix fois, personne ne m'avait aidé à le préparer, il fallait absolument que je saute une classe. C'est comme ça que j'ai sauté plusieurs classes. Tout le monde m'appelait le « petit intello » et je ne me suis jamais senti vraiment proche de ces ados plus âgés que moi, pas plus que des profs, dont l'un m'a un jour carrément dit, je le cite, « arrête de te la péter ». Comme si j'avais choisi d'être trop intelligent pour mon âge ! Je travaillais, je rêvais tout seul dans mon coin et je pensais qu'un jour, je trouverais ma place quelque part.
Il y a eu la fac, mes recherches… Et puis, j'ai rencontré Janet. Elle, c'était la fille chaleureuse et extravertie, celle que tout le monde aimait et qui parlait à tout le monde, et moi, l'intello maladroit, incapable de tenir une conversation normale. On dirait vraiment un couple improbable, pas vrai ? Et pourtant, le courant est passé. Je vous épargne les détails de notre rencontre. Toujours est-il que quelques années plus tard, on travaillait en binôme : je faisais des recherches et elle s'occupait de me trouver des fonds et d'organiser mon agenda.
Jan a trouvé le moyen de me faire rencontrer des gens incroyables, dont Tony Stark et Nick Fury. Oh, je sais ce que vous pensez : qu'est-ce qu'un grand rêveur comme moi pouvait trouver à ces deux personnes qui ne font pas vraiment dans l'humanitaire ? Eh bien, disons que j'appréciais leur intelligence et leur détermination, et que pour le reste, je me suis parfois légèrement trompé à leur sujet. Ça arrive à tout le monde, non ?
Avec Fury, j'ai aidé à concevoir une prison miniature. J'ai consacré énormément de temps et de passion à ce projet parce que je pensais vraiment pouvoir aider et réhabiliter les criminels qui y séjourneraient. Mon idée était que ce serait bénéfique pour tout le monde. Avec Stark, j'ai travaillé sur Ultron, un robot de mon invention. C'est là que j'ai connu mon premier coup dur : Tony l'a vendu sans mon autorisation.
Ça m'a vraiment dégoûté. J'ai pensé à prendre ma retraite et partir au bout du monde mais Jan m'en a dissuadé. Elle m'a dit, je me souviens encore, « C'est pas parce qu'on a eu des problèmes qu'il faut se décourager. Tu as un esprit hors du commun, alors sers-t-en. Essaie autre chose ! »
C'est tout Janet, ça. Des fois, quand elle vous parle, on a l'impression d'être la personne la plus importante au monde. Je lui ai fait part de mon intention d'aller étudier le vibranium au Wakanda en la remerciant et en lui disant qu'elle allait me manquer. A ma grande surprise, elle a décidé de me suivre, elle qui aime plus que tout le shopping et les mondanités. A ce moment-là, j'aurais dû me rendre compte qu'il y avait quelque chose de spécial entre nous.
On a passé du temps là-bas. J'y ai fait certaines des découvertes les plus intéressantes de mon existence. Cependant, je ne sais pas quels sont les meilleurs souvenirs que je garde de là-bas, les découvertes des particularités chromosomiques des insectes locaux ou les moments d'intimité qu'on avait tous les deux. Parfois, elle me forçait à faire une pause pour prendre un café, on bavardait et on plaisantait. Dans ces moments-là, j'avais vraiment envie de l'embrasser.
On est rentrés aux States. Ensuite, il y a eu la grande évasion. Je n'ai osé le dire à personne mais ce fut un des moments les plus vexants de mon existence. J'avais aidé à concevoir cette prison, après tout. Je pensais vraiment que personne ne pouvait s'en échapper. Pire encore, j'avais consacré du temps à certains des prisonniers qui s'y trouvaient et je pensais vaguement qu'ils m'épargneraient à ce moment-là, ou du moins qu'ils m'ignoreraient. Ce jour-là, mes idéaux en ont pris un coup.
Janet était toute excitée à l'idée de faire partie des Vengeurs. Moi pas. Pour une fois, je me sentais cent fois plus réaliste et moins rêveur qu'elle. Je n'avais d'atomes crochus avec aucun des membres de l'équipe à part elle. Je me sentais incapable de penser comme eux. Dans ces conditions, comment pouvait-on faire semblant d'être une équipe ?
Je vous ai déjà parlé de mes relations avec Tony, le play-boy inventeur milliardaire et philanthrope autoproclamé. J'appréciais toujours autant son intelligence mais son manque flagrant d'humanité m'énervait parfois. Avec Hulk, c'était pire, ou plus simple, je ne sais pas. Ses deux activités préférées consistaient à manger et à écrabouiller, ce qui réduisait singulièrement les conversations. Ironie du sort, j'avais de l'admiration pour Bruce Banner à cause de tout ce qu'il a découvert mais je n'ai jamais vraiment pu parler avec lui. Avec Œil-de-Faucon aussi, les conversations étaient plutôt limitées. Je n'ai absolument rien contre ces trois-là, simplement on n'a jamais été sur la même longueur d'ondes.
En revanche, le courant passait à peu près avec Captain America. On n'avait pas beaucoup de points communs mais il a toujours eu un côté « vieux sage » que j'admirais en secret. Un jour, il est venu frapper à la porte de mon labo et m'a proposé de me coacher pendant les entraînements. Je crois que c'était une façon polie de me dire qu'il trouvait que je n'assurais pas assez pendant les combats mais c'est comme ça qu'il m'a fait progresser. C'était un très bon professeur, exigeant mais compréhensif. On s'entendait bien malgré nos différences.
J'avais le même genre d'entente polie avec T'Challa, à ceci près que lui ne parlait que lorsqu'il trouvait cela absolument indispensable, c'est-à-dire rarement. Thor, c'était le contraire : il parlait beaucoup. Au début, je pensais que je n'avais absolument aucun point commun avec lui, jusqu'à ce qu'il avoue par hasard qu'il avait un énorme béguin pour une auxiliaire médicale de New York. Lui n'osait pas dire « je t'aime » à sa Jane, je n'osais pas non plus dire « je t'aime » à ma Jan. Dans le fond, peut-être qu'on se ressemblait un peu…
Et puis, il y a eu le jour où Ultron a pété un câble. Je n'arrive pas à me sortir de la tête que si j'avais été plus prévoyant, cela ne se serait pas produit. Il aurait pu tous nous tuer ce jour-là. Il a failli avoir Thor, ainsi que sa copine qui se trouvait par hasard dans le bâtiment. Non seulement je suis nul dans mon non-couple, mais en plus je manque de détruire celui des autres.
J'ai longtemps rongé mon frein, et puis j'ai décidé de tourner la page. De toute façon, je n'avais rien à faire parmi eux. Maintenant, je suis content d'être parti. Il n'y a plus personne pour m'interrompre au beau milieu d'une expérience ou pour me dire que la violence est la solution à tout. Je peux travailler sans être dérangé. Bon, peut-être que mon labo du manoir me manque. Peut-être que j'aimerais bien que Jan se glisse dans mon dos et m'enlace sans prévenir comme elle le faisait parfois. Bon, d'accord, elle me manque.
Elle est sûrement en train de s'amuser avec d'autres personnes. Je n'y peux rien. Jan est comme un papillon, on ne peut pas l'empêcher de butiner à droite et à gauche. Tout ce que je peux faire, c'est espérer qu'elle revienne voleter de mon côté.
A suivre...
