Première année : coup d'éclat

Je vois bien que mon frère n'en croit pas ses oreilles.

Ni ses yeux, lorsqu'il me voit me diriger vers la table des Serpentards qui applaudissent timidement. Moi-même, je ne sais pas ce qui m'a pris. Albus, Albus, Albus, pourquoi faut-il toujours que tu te compliques les choses ? Etais tu obligé de demander au choixpeau de te mettre chez les Serpents, toi qui viens d'une famille de Lions ? Fils de celui qui a mis la plupart des anciens pensionnaires de cette maison à Azkaban, de surcroit. Mais qu'est-ce qui t'a pris Alby ? Envie de te rebeller ? De prouver ta différence, ton individualité, de rabattre le caquet de ceux qui depuis ta naissance te rabâche sans arrêt que c'est « incroyable comme tu ressembles à ton père ! » ?

Non.

Simplement, envie de m'amuser un peu. Après tout, Poudlard ce n'est que sept ans dans une vie. Et puis, Griffondor, vraiment… C'est d'un banal ! Il y en a bien quelques-uns dans la famille qui ont échappés à la règle, mais si peu ! Et jamais à Serpentard, évidemment. Alors bon, forcément quand ce bon vieux choixpeau m'explique que ma place est aussi bien chez les verts et argents que chez le rouge et or… foutu esprit de contradiction ! Une simple pensée –et encore, l'esquisse d'une pensée !- et voilà que le vieux bout de tissu me met dans la fosse au reptiles… merci bien.

Je cesse de tergiverser et m'assieds entre deux filles qui viennent d'être réparties et qui me font les yeux doux. Je n'ose pas lever les yeux vers mon frère. Est-ce qu'il me déteste, maintenant ? Je ne veux pas ! James, mon Jamesie, mon frangin : ce n'est pas toi, c'est moi...

« -Les premières années, suivez-moi. » dit la voix nasillarde de celui qui doit-être le préfet de ma maison. C'est tellement étrange de se dire que maintenant, Serpentard est mon nouveau chez moi… Je n'y tiens plus, il faut que je lève la tête. Je m'exécute donc subtilement. Et croise le regard bleu clair de mon frère, assis à la table de Griffondor. Chez les lions, les conversations semblent aller bon train. Certains me jettent des regards curieux, à la limite de l'indécence, et d'autre s'efforce à me tourner le dos, pensant sans doute soutenir James dans cette épreuve difficile. Après tout, hé ! Un Potter à Serpentard ! Ce n'est pas à toutes les rentrées que l'on doit voir un tel coup d'éclat ! James soutient mon regard et contre toute attente, me fait un clin d'œil. Tu me connais trop bien frangin. Tout mon corps se détend et je lui souris avant de me tourner vers la fille assise à côté de moi.

« -Salut ! » je lui dit en prenant un air décontracté. Elle n'en revient vraisemblablement pas, la pauvre, et s'étouffe avec son verre de jus de citrouille. Je lui tends une serviette comme si de rien n'était et elle me fait un sourire timide.

« -Salut. » Il lui faut un moment pour que son visage perde ses rougeurs. « Je m'appelle Amanda Buckley.

-Albus Potter. » Je sais, je sais. Elle sait. Ils le savent tous, mais je ne veux pas qu'on se mette à dire que je suis malpoli ou trop imbus de ma personne pour me présenter !

« -Je suis sûre que ça va bien se passer. Ne t'inquiète pas. » Je tressaille en entendant ses mots et la regarde à nouveau. Amanda. Elle est plus intéressante que ce que je pensais. En deux phrases elle a réussi à me dire exactement ce que je voulais entendre. Néanmoins je prends l'air le plus digne que j'ai en magasin.

« -Je n'ai pas peur. » La fille me regarde, compatissante.

« -Je vois. »

:::::::::::::::::::...:::::::::::::::::::...

Amanda a une sœur, je ne tarde pas à l'apprendre pendant l'année. Elle est belle, elle est intelligente, elle fait un peu peur et elle est à Serpentard. En quatrième année. J'attends devant la salle de potion avec ma cousine Rose qui a le même âge que moi. Une lionne. La plupart des Serpentards me regarde d'un air mauvais, et les lions préfèrent nous ignorer tout en nous jetant des regards en coin toutes les deux minutes. Quand je pense que Griffondor est supposée être la maison des courageux ! Mon œil… Il a suffi que Fred (mon cousin vénéré en quatrième année…) aille dire deux mots à ceux qui me menaçaient et me lançaient de mauvais sorts pour que du jour au lendemain, on me laisse tranquille… Ah, la famille. Ça a du bon parfois.

Souvent, même.

Revenons-en à nos serpents. Voilà justement Elena qui s'avance, entouré de son petit groupe d'amis. Ils retournent à la salle commune. Elena, la sœur d'Amanda. Elena, mon guide spirituel.

« -Potter, qu'est-ce qui est arrivé à ton visage ? » Elena, la seule à remarquer que je me suis lancé un sortilège de bonne mine pour cacher les marques de coups qui ont plu sur ma pauvre tête il y a quelques heures. Oui, Fred est gentil de me protéger des lions, mais il oublie souvent qu'il n'a aucune autorité sur les Serpents. Encore moins sur les Serpents de 80 kilos…

« -Rien. » je lui réponds en souriant et en levant la tête. Reste fier Alby, reste fier.

« -Ne me prends pas pour une débile, Potter. » je vois bien qu'elle est ennuyé. Comprenez bien, Elena Buckley a quand même une réputation à tenir. Elle ne peut pas s'arrêter dans un couloir pour parler à un première année, surtout si celui-ci s'appelle Albus Potter. J'en suis toujours à mes réflexions quand elle me prend violemment par le bras et me tire à travers le couloir, ignorant royalement les regards perçant que dardent sur elle les serpents alentour. Je me laisse faire. Ce n'est pas vraiment comme si j'avais le choix, Elena est batteuse dans l'équipe de ma maison, et elle a plus de force dans le bras droit que j'en ai dans tout le corps… je crois qu'elle m'amène à l'infirmerie. Mes soupçons se confirment quand nous arrivons à destination. Nous nous arrêtons devant la porte et elle se décide enfin à lâcher mon bras, avant de se tourner vers moi et de s'incliner légèrement en avant pour arriver à ma hauteur. J'essaie de garder mon calme et de prendre un air blasé, tout en m'appuyant contre le mur.

« -C'est toi qui va avoir des ennuis maintenant. » lui dis-je. « Tu n'es qu'en quatrième année. Les élèves des années supérieurs vont te traquer et te punir. » Je la vois arquer un sourcil, et son visage se détend. Elle se met à exploser de rire.

« -Un vrai Serpentard ! Je vois que le choixpeau ne s'est pas trompé en fin de compte… » elle se passe une main dans ses cheveux lisses et longs (les mêmes que ceux de sa petite sœur.) avant de me regarder avec plus de sérieux. « Potter. Je t'aime bien. Ma sœur t'aime bien, et je pense que tu es à ta place dans notre maison. Je t'aiderai, jusqu'à mon départ de Poudlard. » C'est à mon tour d'arquer un sourcil. Depuis quand les serpents font-ils preuve de solidarité ? Il est où, le chacun pour soi ? Je lui fait le remarque, et elle lâche un long soupir.

« -Potter, tu es comme les autres. Quand on parle de Poudlard, on ne voit que les disputes entre maisons, les courageux Griffondors contre les perfides Serpentards… Il est temps de voir un peu plus loin. Ou plutôt, de revenir aux sources… Poudlard est une école de Magie, on y apprend tous les mêmes choses et nous sommes tous répartit dans des dortoirs en fonction de nos personnalités. Depuis quand deux personnes qui n'ont pas les mêmes goûts ne peuvent pas devenir amis ? » Elle soupire une nouvelle fois. « Laisse tomber. Ne t'inquiète pas pour moi, l'année prochaine je serais préfète et personne ne s'en prendra à moi. Quant à toi… disons que si je suis de bonne humeur, considère que je t'aiderai à chaque fois que tu auras des ennuis. »

Et la voilà qui part. Elle se retourne une fois à l'angle du couloir, histoire de vérifier que j'entre bien dans l'antre de l'infirmière. Ce que je fais.

Pour la première fois de l'année, je me dis que j'ai eu raison d'aller à Serpentard.


Deuxième année : Le meilleur !

Je commence à trouver mes marques. Amanda à ma droite, un garçon de mon âge et dont je j'ai oublié le nom à ma gauche, nous regardons ce qui était quelques minutes plus tôt la salle de potions. Bon je dois avouer que cette fois-ci, c'est peut-être ma faute.

« -Une véritable œuvre d'art. » murmure Amanda à mon oreille en essayant de cacher ses rougeurs. Je regarde autour de moi et constate en effet que je me suis bien débrouillé. Une simple goutte de sang de pitiponk dans la potion de mon voisin (un poufsouffle alors bon… aucun risque que l'on me soupçonne.) et son chaudron a explosé, répandant une substance visqueuse qui a envahi toute la pièce et qui laisse une odeur ignoble. Je tiens à dire pour ma défense que je n'ai pas fait preuve de méchanceté gratuite à l'égard de celui qui devra nettoyer tout ça (à savoir le Poufsouffle). Le dénommé Anthony Jefferson a tenter de courtiser ma chère cousine Rose, crime qui ne pouvait rester impuni. Et mon cousin Fred m'a chargé de détruire la salle de classe, dans laquelle il aurait dû avoir un examen de Potion l'heure suivante. C'est ce qui s'appelle un combo : je rétablis l'honneur bafoué de ma cousine et je rends service à mon cousin préféré. Que dire de plus ?

Combo !

Le professeur est en train de crier sur la fautif qui a causé cet « incident » et nous déclare ensuite que le cours est suspendu. C'est-à-dire que nous n'avons plus cours de la matinée. Albus, parfois, tu es un véritable génie. Un maître dans l'art de la manipulation. Un dieu.

« -Regarde ou tu marches, Potter. » Je me ressaisi avant de me prendre un mur. J'ai reconnu cette douce voix. Elena. E-le-na. Je me tourne et lui fait un sourire charmeur, qui n'a évidemment aucun effet sur elle.

« -Buckley. Bien le bonjour ! » Elena me souris et se tourne ensuite vers sa petite sœur qui la regarde, éperdue d'admiration.

« -Amy, maman nous a envoyé un colis. Viens dans mon dortoir ce soir, on ne s'est pas fait une soirée entre nous depuis longtemps. » Je me retiens de demander si je peux venir. Quoi ? Ça vous choque ? Albus Potter en manque d'affection, voilà !

« -Potter. Tu es un idiot. » Pardon ?

« -Pardon ? » je lui demande, mon sourire se fanant un peu. Elle pourrait me remercier ! Elle suit les mêmes cours que Fred en potion et grâce à moi elle va éviter un contrôle.

«-Je sais que c'est toi qui a fait exploser ce chaudron. » Je jette un coup d'œil à Amanda qui me fait un signe discret de la tête. Du genre je-te-promets-que-je-lui-ai-rien-dit-me-frappe-pas-s'il-te-plaît. Je reprends mon calme et lui dit avec tout le sang-froid qu'il me reste :

« -Je ne vois pas de quoi tu parles. » Elena me fait un clin d'œil et me souris de manière sournoise. Elle s'avance encore un peu et approche sa main de mon visage. Ses doigts sont à quelques centimètres de ma peau. Je sens presque la chaleur de sa paume contre ma joue. Elle va me toucher !

Elle me donne une pichenette.

« -C'est écrit sur ton visage. »

Sur mon visage ? Qu'est-ce qu'il a mon visage ? Je me tourne vers Amanda qui se retient vraisemblablement de pouffer de rire depuis une bonne demi-heure. Sa sœur nous regarde avec indulgence. Elle commence à s'éloigner, tout en disant à voix suffisamment forte pour que tout le monde entende :

« -Tu es allergique au sang de pitiponk, Potter. Ta tête est en train d'enfler et je ne pense pas que c'est à cause de ton égo surdimensionné. Va soigner ça à l'infirmerie avant les essais de Quidditch. » Il faut du temps pour que l'information arrive jusqu'à mon cerveau. Quidditch. Essais… est-ce que ça veut dire ce que je crois ? Un peu plus loin, Elena se tourne et me fait un clin d'œil.

« -Tu un bon poursuiveur, non ? » Je ne prends même pas le temps de réfléchir.

« -Le meilleur !

-Parfait. 17 heures, se sois pas en retard ! » Et elle repart, suivie de sa petite cours. E-le-na.

« -J'y serai. » je murmure.

Tremblez, pauvre Griffondors ! Il y aura bientôt un autre Potter sur le terrain de Quidditch, et il sera à Serpentard !


Troisième année : Eh merde…

« -Tu veux bien sortir avec moi ? »

Eh merde…

Je regarde avec plus d'attention la personne qui est en face de moi et me dis que si Merlin ne m'avait pas fait avec autant de charme et d'humour, je n'en serai peut-être pas là aujourd'hui. Dans la bouse d'hippogriffe. Et là, je tiens à apporter une précision. Je veux dire que je suis à la fois métaphoriquement et littéralement dans la bouse d'hippogriffe. Je veux dire que je me suis fait punir par le professeur McGonagall pour avoir transformé le couloir du deuxième étage en marécage et que je suis en ce moment même dans une clairière de la forêt interdite avec une Serdaigle d'un an mon aîné (collée pour je ne sais quelle raison.) qui vient de me faire une déclaration d'amour.

Mais que fait Hagrid ?

Un ronflement sonore répond à ma question silencieuse. Hagrid dort, le dos appuyé contre un arbre. Le traître.

« -Alors ? »

Alors je me dandine sur place, mal à l'aise. Comment dire à une fille qu'on ne connaît pas et dont on ne se souvient plus du nom qu'on ne veut pas sortir avec elle ? Je vais essayer de dire la vérité pour une fois.

« -Non. »

Mauvaise idée. Ses lèvres se mettent à trembler et j'ai peur qu'elle s'évanouisse dans la bouse si jamais je ne fais pas un effort supplémentaire. Je bafouille et me rapproche d'elle, voulant me passer une main dans les cheveux pour me rassurer, ce que j'évite de faire –je suis presque certain que les excréments d'hippogriffes ne font pas de bons soins capillaires.

« -Ce que je veux dire… » je tente –et qu'on ne dise pas que je ne fais aucun effort ! « C'est qu'on ne se connaît pas du tout, et je ne veux pas sortir avec une fille que je n'ai jamais vu avant, tu comprends ? »

Elle comprend. Je crois. Et le reste de la retenue se passe dans le silence, elle qui s'embourbe dans le fumier et moi qui m'amuse à remplir le gros sac d'Hagrid de bouse. La fille me regarde faire en pouffant, et je me souviens de ce que papa m'a dit concernant le géant. Celui qui l'a aidé à découvrir le monde de la magie. Qui l'a porté dans la forêt interdite, contraint par Voldemort. Et je crois bien que pour la première fois depuis que je suis à Poudlard, mon père me manque. Je me souviens encore de la lettre qu'il m'a envoyée lorsque je lui ai annoncé que j'étais un Serpentard. Serpentard a gagné un excellent élève. Je suis fier de toi. Que dire de plus ?

Je retire la bouse d'Hippogriffe du sac du garde-chasse, sous les yeux stupéfaits de la Serdaigle qui est témoin d'une scène inimaginable. Albus Potter ayant des remords. Quelle journée ! Discrètement, je prends ma baguette que le géant a gardée dans sa grosse main velue et je lance un sortilège de nettoyage à l'intérieur du sac. Hagrid grogne un peu dans son sommeil alors que lui remet la baguette dans la main, et je retourne dans la bouse. Char-mant.

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Quelques heures plus tard, je me promène dans les couloirs avec James qui veut bien me montrer un nouveau passage secret. Nous nous arrêtons un moment, certains d'avoir entendu des bruits de pas derrière nous. Je me retourne et je vois s'avancer la princesse des serpents. E-le-na.

Elena. Maintenant en sixième année, elle m'impressionne encore plus qu'à notre première rencontre, il y a quelques années. J'entends James grogner à côté de moi. Oui, mon frère ne partage pas ma fascination pour Elena. Pour lui, elle n'est qu'une Serpentard hautaine et froide, imbue d'elle-même et qui a une tendance agaçante à toujours se mêler des affaires des autres. Chose que je n'avais jamais remarquée. Je veux dire, selon moi Elena est comme un miracle. Une apparition qui se produit en moyenne trois fois par jour, matin, midi et soir quand nous sommes tous réuni dans la grande salle. Parfois elle apparaît (elle apparaît toujours en fait) au détour d'un couloir. Et quand j'ai la chance de croiser son regard, elle m'adresse souvent un sourire qui de temps en temps est accompagné d'un signe de main. Dans ces moments-là je ne peux pas m'empêcher de frissonner.

D'ailleurs j'ai la chair de poule là tout de suite. Elena m'a souris et continue à s'avancer dans ma direction (et celle de James, mais sa présence est très accessoire en ce moment même.)

« -Mini Potter. » elle me fait un signe de tête puis se tourne vers mon frère. « Potter Junior. » La scène à l'air de l'amuser. « Mini Potter, il paraît qu'aujourd'hui tu as appris ce qu'était la culpabilité. » Je dois faire une tête d'ahuri parce qu'Elena s'interrompt et explose d'un rire cristallin. Elle approche sa main de mon visage et m'ébouriffe les cheveux. « C'est bien. »

Ah bon ?

Ah. Bon.

Et elle repart.

« -De quoi elle parle ? » me demande mon frère qui n'a strictement rien compris.

« -De bouse d'Hippogriffe. » je lui réponds en me passant une main dans les cheveux, là où quelques secondes plus tôt se trouvaient celle de la princesse des Serpents. James est encore plus perdu, et son visage fermé me donne envie de me tordre de rire.

Je vais dire la vérité plus souvent. C'est tellement plus intéressant.


Quatrième année : E-le-na

E-le-na.

Mon apparition personnelle. La princesse de Serpentard est en septième année et elle ne fait qu'embellir, elle ne fait que briller d'avantage alors qu'elle va bientôt disparaître. Autour de moi les gens crient et s'affolent. S'ils savaient ! Les gars, ne vous inquiétez pas pour moi, je vais bien ! Quelques os cassés et une légère commotion cérébrale, tout au plus. Je ne sens même pas la douleur, j'ai tourné mes pensées vers le miracle qui a fait tourner mon monde pendant quatre ans. Qui s'en va dans deux semaines. Deux semaines ! Et puis plus rien. Je crois que je commence à voir flou. Non, non, non ! Alby, ne pleure pas ! Je crois que je commence à m'affoler, est-ce que c'est bien normal de ne plus rien sentir quand on a fait une chute de vingt mètre sur un balais après s'être pris un cognard de l'équipe adverse ?

Je ne veux pas mourir !

Je crois que je ne peux plus bouger. Oh Merlin. La seule chose que je sente ce sont les gouttes salées qui coulent dans mes cheveux et qui me chatouillent le haut des joues. Al ! Tu es en quatrième année, tu ne peux pas pleurer devant les membres de ta maison et ceux de Poufsouffle ! Ce n'est pas parce que la douleur a commencé à irradier ton dos que c'est forcément mauvais signe…

N'est-ce pas ?

J'ai arrêté d'entendre les autres, je ne vois que des tâches flous qui s'agitent, des formes assez vagues qui doivent être des bras bouger dans tous les sens à la recherche d'une personne compétente. Sauf que l'infirmière n'a pas assisté au match aujourd'hui. Le temps d'aller la chercher, il sera peut-être… Je recommence à paniquer et ma respiration s'accélère.

Jusqu'à ce que quelqu'un pose une main réconfortante sur ma tête (le seul endroit qui ne me fasse pas souffrir.). Je me sens tout de suite apaisé, je recommence à respirer normalement. La main me caresse doucement les cheveux, tendrement, comme le ferait maman si elle était là (quoi que je pense que maman serait plutôt allé chercher Pomfresh par la peau des fesses…). Je me sens bien. Enfin, mieux.

« -Potter. »

Je crois qu'on m'a appelé, mais je n'en suis pas sûr. Je préfère ne pas me poser de question et fermer les yeux, profitant de la main douce que quelqu'un passe dans mes cheveux. J'ai l'impression que la voix qui dit mon nom s'intensifie, que la personne qui m'appelle se fait plus pressante, que peu à peu les doigts se crispent sur ma tête.

« -Albus ! » Si j'avais pu, j'aurais sursauté. C'est la voix de sa Majesté la princesse des Serpentards qui m'a appelé par mon prénom. J'ouvre peu à peu les yeux (je ne me souvenais pas les avoir fermés) et penche difficilement la tête en arrière pour vérifier l'hypothèse que j'ai à peine osé formuler dans mes pensées. Elena se tient là, et ses jambes sont devenu l'oreiller le plus confortable que j'ai jamais eu la chance d'avoir. Une de ses mains est posée sur ma tête et elle me regarde avec inquiétude.

« -Tu ne dois pas dormir. » elle me dit en se forçant à sourire. « Attend que l'infirmière arrive. »

« -Elena. » je murmure. Quoi ? Il fallait bien que je profite de mon état de demi-conscience pour l'appeler par son prénom, comme elle l'a fait avec moi ! On a beau être pratiquement mort, on garde le sens des priorités, croyez-moi ! Elena n'a pas l'air choquée. En même temps je vous rappelle qu'elle a presque un cadavre en face d'elle alors elle doit avoir d'autres chats à fouetter.

« -Que personne ne l'approche ! Il faut l'immobiliser immédiatement » crie l'infirmière qui est enfin arrivée et qui pousse les élèves qui m'entourent. « Potter, vous m'entendez ? » J'acquiesce. « Bien. Voulez-vous qu'un élève vienne avec nous à l'infirmerie ? »

Je tourne la tête et regarde Elena qui a passé une nouvelle main dans mes cheveux. E-le-na. Je vais dire son prénom quand j'aperçois dans la foule des yeux bleu clair. Je me concentre un peu plus et reconnais mon frère, James, qui est resté un peu en arrière. James. Il a dû comprendre que la présence d'Elena était suffisante pour me rassurer.

« -James. » je dis à Pomfresh, qui suit mon regard et fait un signe de tête à mon grand frère pour qu'il nous suive. Il a l'air surpris, et je sens avec regret que ma tête ne repose plus sur les genoux d'Elena. Pendant que la vieille Pompom me fait léviter jusqu'au château, Jamesie se penche sur moi, une expression interrogatrice sur le visage.

« -Tu n'aurais pas préféré que ce soit la Serpentard qui t'accompagne ? » Je lui rends l'esquisse d'un sourire avant de répondre d'une voix cassée :

« -Un miracle par jour, frangin. Un seul miracle, c'est la règle. »

James secoue la tête et semble se dire que décidément, il ne me comprendra jamais. J'étouffe un rire. James est la personne qui me comprend le mieux.

Quelle ironie !


Cinquième année : Amanda Buckley, une cinquième année

Je pensais en toute honnêteté que cette année serait fade en comparaison des autres. Plus d'apparitions. Plus de Miracle. Plus d'Elena. Bon c'est vrai, je l'avoue, sa présence me manque. Je ne peux pas m'empêcher de l'attendre dans la Grande Salle, de la chercher au détour d'un couloir. Quand je fais une bêtise ou quand je réponds à un professeur, quand je sèche, je m'étonne encore de ne pas entendre sa voix me dire « Potter, tu es un idiot. »

« -Albus. Bonjour. » me dit Amanda quand je m'assois à côté d'elle pour le petit-déjeuner. Amanda rougit toujours quand elle m'adresse la parole. Physiquement elle ressemble de plus en plus à sa sœur, c'est vrai. Elle est fine, ses épaules sont assez larges, ses cheveux fins arrivent en cascade dans son dos, et quand elle sourit ses yeux se plissent exactement comme ceux d'Elena. Mais Amanda n'est pas une Princesse. Je sais, j'ai l'air ridicule en disant ça mais je ne trouve pas d'autre explication ! Amanda est gentille. Elle est douce. A notre table, elle doit être la personne que je préfère, vraiment ! A ma connaissance elle n'a jamais fait de mal à qui que ce soit, elle n'a jamais prononcé un mot plus haut que l'autre et elle est éperdue d'admiration pour sa grande sœur. Ce qui, je pense, est le nœud du problème. Amanda n'est pas charismatique. Elle n'a pas d'aura, elle est un peu... fade. Enfin, je la trouve fade. Ce qui n'est pas le cas du Serdaigle qui lui fait les yeux doux depuis le début du repas.

« -Alors… » je commence en souriant de toutes mes dents. « Comment ça se passe avec Benjamin Ford ? » Amanda recrache son jus de citrouille et me regarde avec de grands yeux affolés. Visiblement elle ne comprend pas ce que je veux dire. Je veux dire qu'elle ne comprend vraiment pas ce que je veux dire, elle ne fait pas semblant pour me mener en bateau ou parce qu'elle est gênée…

« -Tu n'as pas remarqué la façon dont il te regarde ?

-N-non… » me dit-elle, tremblante. J'hausse un sourcil.

« -Il est pourtant pas mal, non ? Selon vos critères de filles, vous iriez bien ensemble tous les deux. » Je crois qu'Amanda va pleurer. Quoi ? Qu'est-ce-que j'ai fait, encore ? Elle se lève en hâte, renverse la moitié de son assiette sur la table et part en courant dans la direction de notre salle commune. Les gens qui ont remarqué son manège me regardent, la plupart avec compassion. Je dois avouer que tout ce qui est en train de se passer m'échappe. Cependant, j'ai comme un léger sentiment de déjà-vu. Depuis la table des Griffondors Roxanne me fait un geste furieux de la main pour que je la rejoigne. Tout penaud, j'attrape une brioche et m'approche de l'arène des lions, où je m'assois entre ma chère cousine et ma jolie petite sœur qui est en troisième année maintenant.

« -Albus Potter, qu'est-ce-que tu as encore fait ? » siffle celle qui était quelques secondes auparavant ma cousine préférée. J'hausse un sourcil, ne comprenant pas ce que j'ai fait de mal… cette fois.

« -Rien du tout. Elle est parti sans que je sache pourquoi.

-De quoi vous parliez ?

-Benjamin Ford. Je disais qu'ils iraient bien tous les deux. » Visiblement ma réflexion a plus d'effets que ce que j'imaginais… A ma droite, Lily s'étouffe avec son petit pain. A ma gauche, Roxanne se tape le front sur la table et semble sur le point de vouloir faire la même chose avec ma tête, en beaucoup plus violent. « Quoi ? qu'est-ce que j'ai…

-Albus ! C'est évident enfin ! Amanda est folle de toi, et ce depuis votre première année ! Qu'est-ce que tu crois qu'elle ait ressenti en entendant le garçon dont elle est amoureuse depuis cinq ans lui conseiller de se mettre en couple avec un autre ? » Sur ce, ma cousine me plante et sort de table en m'arrachant ma brioche des mains.

Je commence à saisir.

Roxanne a raison évidement. Je veux dire, bien sûr, je me doutais un peu qu'Amanda était attirée par moi, ce qui est normal étant donné mon charme, mon intelligence et mon humour hors du commun… Mais bizarrement je n'avais jamais pensé au fait qu'elle pourrait être blessée si je l'encourageais à sortir avec quelqu'un. Une pensée sournoise me traverse l'esprit. Si j'ai réussi à la faire pleurer en sous entendant qu'elle irait bien avec Ford, comment a-t-elle vécu le fait que je sois si fasciné par sa grande sœur ?

Je commence à me taper le front sur la table des Griffondors, sous le regard interloqué de ma petite sœur. Soudain, je sens une main saisir mon épaule et me forcer à me redresser. C'est James !

« -Va lui parler.

-Pour lui dire quoi ? » je demande piteusement. James sourit calmement et me tapote affectueusement la tête.

« -La vérité. »

Ah oui. C'est vrai, j'avais oublié que parler honnêtement pouvait s'avérer plus utile que de s'empêtrer dans ses propres mensonges… Je respire un grand coup et me lève de table, avant de me précipiter en dehors de la Grande Salle. Un peu plus loin, je repère un élève de Serpentard, de deux ans mon cadet.

« -Eh toi ! » L'élève se retourne prestement et semble sur le point de mouiller son pantalon. « T'aurais pas vu Amanda Buckley, une cinquième année ? » L'élève secoue la tête négativement.

Bon...

Je vais devoir chercher moi-même !


Sixième année : Comment Elena a rencontré son époux

« -Tu vas t'évanouir ? »

Je trouve qu'Amanda est beaucoup trop directe depuis qu'elle n'est plus amoureuse de moi.

« - Elle n'a que 19ans.

-20 ans, en fait.

-20 ans… » je répète. Merlin est tellement cruel. « Avec qui ? » Non pas que cela ait la moindre importance, Elena se marie avec qui elle veut. Mais je ne sais pas pourquoi, quand je souffre il faut toujours que j'en rajoute, histoire de pouvoir continuer à me plaindre.

« -Un moldu, Barnabé Larousse. » Un moldu.

Barnabé Larousse.

Un français ! Barnabé ! Elena ne peut pas se marier avec une grenouille, que dis-je, un crapaud ! Un batracien… Elena Larousse, ça sonne moins bien qu'Elena Buckley. Et puis quoi encore ? Elle va faire la plus grosse erreur de sa vie et Amanda est là, qui sourit comme une idiote.

Reprends-toi, Al.

« -Elle l'a rencontré comment, ce Barnabé ? » Je sais, mon accent français est terriblement mauvais et je ne fais rien pour l'arranger. Amanda commence à taper du pied sur le sol et en a visiblement marre de subir mon interrogatoire.

« -J'en ai ras le chaudron de tes questions, Albus ! » Qu'est-ce que je disais ! « Tu veux venir ou pas ? » Plaît-il ?

« -Plaît-il ?

-Elena m'a dit que tu pouvais venir au mariage si tu voulais. Je ne pense pas que ce soit une idée particulièrement bonne mais bon… du moment que tu respectes quelques règles.

-Des règles ? Quels genres de règles ?

-Elena n'a pas dit à Barnabé qu'elle était une sorcière. En fait, ils… »

Je dois avouer que j'ai décroché. Elena va se marier à un homme qui ignore tout de la magie, et elle ne compte rien lui dire ? Elle veut vivre à la molue, dans sa campagne pourrie emplie de batraciens baveux et malodorants ? Mais quelle idée…

Qui lui ressemble assez, je dois dire.

Donc, comment Elena Buckley rencontra Barnabé Larousse. Je pense qu'il faut commencer par expliquer ce que mon miracle personnel a fait après avoir reçu son diplôme de Poudlard. Il faut savoir que les Buckley sont une famille de sorciers assez traditionnels, travaillant au département de Justice Magique depuis plusieurs générations. Il aurait donc été normal que l'aînée prenne la suite de son père et aille étudier deux ans à l'Institut de Magie Supérieur avant de reprendre le flambeau familial.

Vous y croyez, vous ?

Elena non plus. C'est ainsi que pendant le mois de juillet qui suivit la fin de l'année scolaire, elle travailla à la fois à l'animalerie du Chemin de Traverse et en tant que serveuse le soir dans un restaurant moldu. Pourquoi ? Pour s'acheter un billet d'avion en direction du sud de la France. Ni vu ni connu… c'est donc ainsi que le 5 août, Elena Buckley échappa à la surveillance de ses parents et s'enfuit au-delà de la Manche, chez les crapauds.

Dé-gou-tant.

Je sais, je ne suis pas particulièrement objectif. Ou en étais-je ? Ah, oui. Sud de la France. Arrivée là-bas, la voilà qui prends son sac à dos et décide de visiter les nombreux petits villages qui pullulent un peu partout en bas de l'hexagone. Mais voilà, il faut bien manger, et on ne nourris pas son homme (ou sa femme) d'amour et d'eau fraîche. Enfin, pas à ce moment-là du récit. Elena, la belle Elena, s'arrête dans un petit village appelé Bellevue. Par chance il se trouve que la seule fleuriste du village a besoin d'aide depuis qu'un poney lui a arraché le pouce (histoire véridique !) et Elena est toute indiquée pour l'aider dans sa tâche.

Faut-il vraiment que je continue ?

Barnabé Larousse travaille avec ses parents qui tiennent l'auberge du village. Sachant qu'il n'y a pas plus de 200 habitants à Bellevue et que ce type doit être le seul à avoir à peu près le même âge qu'Elena, le calcul est vite fait.

Je crois que je vais vomir.

« -Je ne viens pas. » Amanda me regarde, presque compatissante.

« -Sage décision. »


Septième année : le vieux centaure

Je ne sais pas encore à quel point Poudlard va me manquer. Assis dans la calèche qui m'amène à la gare de Pré-au-Lard, j'essaie de me souvenir de mes premiers instants passés à l'Ecole de Magie, en vain. Tout se mélange dans ma tête.

« -Serais-tu d'humeur nostalgique, Potter ? » me demande narquoisement mon voisin, un certain Jeffrey, petit ami d'Amanda qui ferait mieux de continuer à lui récurer les amygdales comme il le faisait quelques secondes plus tôt s'il ne veut pas se retrouver avec la baguette enfoncée dans le nez. Je me contente de lui lancer un regard hautain avant de murmurer pour moi-même :

« -Un peu. »

Je crois qu'Amanda m'a entendu. Amanda. J'ai eu de la chance de l'avoir à mes côtés toutes ces années. Je ne peux pas dire que nous avons partagé énormément de choses elle et moi (si ce n'est notre admiration inconditionnelle pour sa sœur) mais néanmoins elle aura fait partie de mon quotidien. Toujours à l'écoute quand je concédais à lui parler de mes problèmes, toujours la première à me couvrir quand je faisais les 400 coups avec mon frère… Sacrée Amanda quand même. Comme Elena a laissé tomber la tradition familiale c'est à elle de suivre les traces de son père, ce qui n'a pas l'air de la ravir. Cependant je ne pense pas qu'elle se laissera faire. C'est quand même une Buckley…

« -Regardez ! » hurle quelqu'un dehors. Je sursaute en entendant le cris et passe ma tête à travers la fenêtre de la calèche, curieux de savoir ce qui cause tout ce remue-ménage. Amanda et son abruti de petit-ami font de même. Je dois avouer que le spectacle me laisse pantois. A travers les arbres de la forêt, nous pouvons apercevoir une dizaine de centaures qui nous observent avec attention, majestueux et arrogants. Si je me souviens bien, Hagrid m'avais dit en quatrième année qu'ils ne se montraient plus depuis la bataille finale, furieux contre les sorciers qui avaient laissé Voldemort détruire une partie de la forêt et tuer la moitié de leur clan.

Un truc dans ce genre-là quoi…

Des centaures, donc. Je me demande ce qu'ils font là. Soudain, j'ai l'impression de suffoquer quand un des leurs me transperce du regard. Bon sang ! Pourtant je ne vois que le blanc de ses yeux, celui-ci n'a pas de pupille. Un aveugle ? Je le vois qui s'approche de ma calèche qui a continué d'avancer. A côté de moi, Jeffrey s'est mis à trembler et Amanda s'est décollée de la portière et semble vouloir se faire toute petite. J'hésite à faire de même –il faut dire que le courage n'est pas vraiment la qualité la plus courante à Serpentard. En définitive, j'aurais vraiment choisi la bonne maison, je peux au moins me dire ça pour me consoler…

« -Pourquoi est-ce qu'on s'est arrêté ? » demande Jeffrey, dont la voix est devenue aussi aiguë que celle de ma petite sœur. En effet, nous sommes à l'arrêt et je constate que toutes les autres calèches ont pris de l'avance sur nous, nous abandonnant seuls avec les centaures. Ma tante Hermione a beau m'avoir répété des milliards de fois que ce sont des êtres pacifiques, j'ai quelques doutes en voyant la façon dont ils tiennent leurs arcs…

Mais où sont les professeurs quand on a besoin d'eux ?

« -Albus Potter. »

Je crois que l'aveugle a dit mon nom. Qu'est-ce que je fais ? Et pourquoi, par Merlin, faut-il toujours que ça tombe sur moi ? Et puis comment, par Morgane, connait-il mon nom ?

J'ai peur qu'il perde patience.

« -Oui ? » je demande, sans savoir si je dois m'adresser à lui de façon formel ou non… Cela ne semble pas le déranger, et je le vois m'adresser un sourire qui se veut encourageant. S'approchant d'avantage de la calèche, il penche la tête légèrement en avant, avant de dire de sa voix rocailleuse :

« -Cela fait de nombreuses années que je veux te rencontrer. »

Ah. Evidemment.

« -Peux-tu descendre un instant, afin que nous puissions discuter en toute tranquillité à l'abris des oreilles indiscrètes ? » Je laisse mon regard couler sur Amanda et Jeffrey qui me regarde d'un air dubitatif. A mon avis ils ne sont pas vraiment en état d'écouter quoi que ce soit, mais je garde ma réflexion pour moi-même. J'ai tendance à perdre tout sens de la répartit quand je suis en présence de créatures faisant quatre fois mon poids. Surtout si elles sont armées. Surtout si elles sont armées et ont tendance à donner des coups de sabots.

Courageusement, je descends de la calèche et constate que les sombrales se sont remis en marche comme si de rien n'était, m'abandonnant à mon sort. Le vieux centaure semble remarquer mon trouble –fait surprenant sachant qu'il ne voit plus rien –et me pose une main qui se veut rassurante sur mon épaule.

« -Tu ne seras pas en retard.

-Qu'en savez-vous ? » je lâche.

« -Je sais beaucoup de choses. Les étoiles ont plus à nous apprendre que ce nous voulons bien croire. »

Logique…

« -Je voulais te voir avant que cela commence. » Je hausse un sourcil, ne comprenant rien à ses phrases sibyllines.

« -Avant que quoi commence ? » Le centaure soupire et se met à marcher dans la même direction que les calèches, m'invitant à le suivre d'un geste de la main. Du coin de l'œil, je vois le reste du troupeau (est-ce-que ça se dit, au moins ?) nous suivre, toujours caché par les arbres de la forêt interdite.

« -Le monde va bientôt subir une des plus grandes épreuves qu'il ait jamais à affronté. Les étoiles sont formelles. Et toi, jeune humain… » il darde son regard transparent sur mon visage qui a sûrement perdu pas mal de couleurs « Toi, et deux autres des tiens, vous aurez un rôle primordial à jouer. Les sorciers ne seront pas les seules victimes de ce mal. C'est pourquoi, si un jour vous avez besoin d'aide, vous trouverez toujours un refuge parmi les miens. C'est tout ce que je voulais te dire, Albus Potter, avant que tu ne partes de Poudlard pour de bon. Tu peux y aller maintenant. »

Je m'apprête à dire quelque chose quand je le vois lever la main dans ma direction afin de me faire taire.

« -Le silence n'a jamais trahit personne. Pars maintenant. »

Je m'exécute soigneusement, veillant même à ne pas écraser la moindre brindille au passage. Je n'ai rien compris. Les centaures séniles, ça existe ?

« -Bonne chance, Albus Potter. »

J'ai bien peur que non.

Première année à l'Institut Supérieur de Magie

Je vais être super en retard aujourd'hui, ne cherchez pas à savoir pourquoi, je devrai vous tuer. Je parcours Hyde Park depuis 20 minutes en long, en large et en travers pour trouver la satanée bouche d'égout qui me permettra d'accéder à la Mine (l'autre nom de l'Institut). Et je dois dire que même si cela fait plusieurs mois que je fais ce chemin, je ne trouve pas ! Je vais abandonner quand je vois une fille d'à peu près mon âge en train de se taper la tête contre un tronc d'arbre et de jurer en ce qui ressemble à du français. Je m'approche discrètement et l'entend murmurer quelque chose à propos de Merlin. Une sorcière ! Sûrement aussi perdue que moi…

« -Eh… » La fille se tourne brusquement vers moi et ses cheveux se coincent dans une branche. Elle retient une grimace et me lance un sourire d'excuse que je lui rends, avant de l'aider à décrocher ses cheveux. Je galère un peu, et constate que sa chevelure est parsemée de feuilles et de brindilles. Honnêtement, j'ai le sentiment que ce n'est pas la première fois qu'elle se fait agressée par un arbre, si vous voyez ce que je veux dire… Après plusieurs minutes de lutte, j'arrive enfin à la délivrer. Elle fronce alors les sourcils et souris en même temps (ce qui est plutôt étrange…) tout en me disant dans un anglais parfait malgré un accent français bien perceptible.

« -Merci. » Elle se dandine sur place, cherchant visiblement un moyen de me demander si je suis un sorcier sans pour autant me poser la question directement. Je la devance, comprenant la difficulté de la situation.

« -T'inquiète. Je suis un sorcier moi aussi. Tu cherches la Mine, c'est ça ?

-C'est ça ! » me répond elle, visiblement rassurée. Je lui propose donc de chercher ensemble l'entrée, lui faisant part des indications que m'avait données mon frère la veille de mon premier jour de classe. Tous les deux nous marchons dans le parc, à la recherche des toilettes publiques près du grand chêne, derrière lesquels se trouve une plaque d'égout qui nous permettra de rentrer dans l'Institut. J'apprends qu'elle s'appelle Julie et qu'elle est à Londres depuis une semaine. Elle étudiait en France et a décidé de venir à la Mine qui est le meilleur centre d'apprentissage d'Europe. Je suis surpris lorsqu'elle me dit qu'elle est en deuxième année d'étude des créatures magiques (c'est-à-dire la même classe que ma cousine Rox). Je lui réponds que je suis en première année pour devenir auror. Elle semble étonnée, et je lui demande pourquoi.

« -Drôle d'idée de vouloir passer sa vie à combattre des mages noirs. » me dit-elle.

« -Drôle d'idée de vouloir passer sa vie à prendre soin des dragons. » je lui réponds. Elle rit et hausse les épaules d'un air blasée. Vérifiant qu'elle ne me voit pas, je la détaille un peu plus. Je ne peux pas m'empêcher de la comparer à Elena. Elle est de taille moyenne. Un joli corps, une bouche pleine, des yeux rieurs. Ses cheveux sont longs et bouclés, presque broussailleux. Ils tombent comme une masse entre ses reins. Sa peau est mate, bien qu'un peu pâle, sûrement du au temps pluvieux auquel nous avons eu droit depuis une semaine. En gros, cette fille est assez banale. Mais… Je m'aperçois qu'elle a quelque chose. C'est peut-être sa façon de renverser la tête en arrière quand elle rit. Ou alors le fait qu'elle semble dire la première chose qui lui passe par la tête sans vraiment y penser.

« -Je crois que c'est là. » dit-elle en essayant de paraître sûr d'elle. En effet. Elle a une petite voix quand elle se sent gênée, mais garde la tête haute. Les mains croisée sur sa poitrine, elle s'adosse à un arbre et attend que j'agisse le premier. Je me fais la réflexion que ce doit être angoissant d'arriver en cours d'année. J'ouvre la bouche d'égout et lui tend la main, qu'elle regarde suspicieusement.

« -Je t'assure que je ne suis pas un psychopathe. Il faut vraiment rentrer là-dedans.

-Ce n'est pas une blague ?

-Ce n'est pas une blague. » Julie continue cependant à fixer ma main, puis le trou de la bouche d'égout, puis mes yeux, et rebelote. Je commence à perdre patience mais m'efforce à garder mon calme.

« -On va être en retard. »

Bon, en réalité nous sommes déjà en retard, mais elle n'a pas besoin de le savoir.

«- Allez, fais-moi confiance. » Les épaules de Julie se contractent lorsque je prononce ces mots et je regrette presque aussitôt d'avoir dit cette phrase. Au moment où je m'apprête à abandonner, elle semble se ressaisir et m'empoigne la main, avant de sauter dans le vide.

Et nous glissons.

Quelle poigne elle a, cette Julie !

D'ailleurs… Alors que nous descendons dans la pénombre à toute vitesse, nos mains toujours scellées, je me fais la réflexion que j'aime bien la sonorité de son nom. Ju-lie. Je secoue la tête. Ça ne sert à rien de séparer les syllabes, c'est un prénom entier. Pas besoin de calculer, d'analyser, de séparer –Ju du -lie. Il suffit de laisser couler…

Julie.

Oui, vraiment, j'aime bien…