Kinship
Chez les Nomades de l'Air, le concept de famille était pris au sens très large : tous les Nomades n'appartenaient qu'à une seule et unique famille, ils étaient tous frères et sœurs. L'amour universel, quoi. Au point de dissoudre les liens du sang.
Aang n'avait jamais remis le système en question. Mais à certaines occasions, il avait ressenti une légère pointe d'envie quand il voyait les gamins du Royaume de la Terre, de la Nation du Feu et des Tribus de l'Eau avec leurs parents, leurs fratries, leurs grands-parents et toute la tripotée d'oncles, de tantes et de cousins.
Lui aussi, parfois, il aurait voulu avoir une famille. Mais il n'en avait pas. Du moins, pas par le sang. Il s'en était bricolé une, avec les personnes qu'il appréciait vraiment, profondément.
Gyatso tenait la première place, bien sûr, même après cent ans. Parce qu'il avait toujours fait de son mieux pour faire sourire le jeune Avatar, pour lui permettre de rester un tout petit peu plus longtemps un garçon de douze ans alors que les autres moines insistaient pour qu'il endosse au plus vite les responsabilités qui n'auraient pas dû être les siennes avant qu'il n'ait seize ans. Quand Aang se demandait à quoi devait ressembler un père, il repensait toujours à la gentillesse et à la patience de Gyatso.
Katara… Katara était spéciale. Dans une certaine mesure, elle tenait le rôle de la petite maman du groupe, grondant dès que quelqu'un éternuait de travers, se mettant dans tous ses états pour la lessive ou l'argent des courses, consolant au moindre signe de malaise. Mais pour Aang… elle était plus que ça. Elle était… elle était comme l'un de ces esprits féminins évoqués dans les contes fabuleux, dansant dans le ciel et charmant les dieux et les mortels. Face à une telle créature, comment l'Avatar aurait-il pu résister ?
Sokka ressemblait un peu à Bumi, avec son côté inventeur vaguement cinglé. En fait, vu son sens de l'humour et son énergie folle, il aurait pu être un Maître de l'Air. Sauf qu'il manquait un peu la placidité au mélange. Mais bon, ce n'était pas ce qui était attendu de lui. Ce qu'on demandait à Sokka, c'était de lancer des commentaires absurdes, de faire en sorte que tout le monde revienne en vie de la bagarre contre l'ennemi et de se montrer inébranlablement loyal envers ses proches. D'agir en grand frère, quoi.
Toph, c'était la petite sœur que personne n'avait demandé : insupportable, la tête aussi dure que les pierres qu'elle manipulait, toujours prête à voler le projecteur et à vous tomber dessus comme un sac de briques. En résumé, une chieuse – même si c'était indigne de la part d'un moine de penser de la sorte. Mais une chieuse qu'il n'aurait échangé pour rien au monde : Toph était une dure à cuire, et il avait besoin de se faire remettre les idées en place de temps en temps, il fallait le reconnaître. Elle était une ancre indestructible – comme la terre.
Zuko était une histoire plutôt compliquée. Parce qu'au début, il avait quand même passé un sacré bout de temps à courir après Aang pour le livrer à Ozai. Et puis, il ne fallait pas oublier le fait qu'il était l'arrière-petit-fils de Roku, donc d'une certaine façon, celui d'Aang, vu qu'il était la réincarnation de Roku… Ouaip, c'était compliqué. Mais dans l'ensemble, là où Sokka jouait le rôle du grand frère blagueur et sympa, Zuko jouait le frère aîné réaliste qui se chargeait de dégonfler les rêves trop audacieux sans aucune pitié. C'était vache, mais après tout, c'était de Zuko qu'il s'agissait.
C'était ça, la famille que s'était constitué le dernier Maître de l'Air. Une famille de bric et de broc, avec des membres dépareillés qui éprouvaient les plus grandes difficultés à s'accorder. Mais qui y réussissaient en dépit des vents contraires.
C'était la famille d'Aang. Et il avait vraiment, vraiment beaucoup de chance d'en avoir une pareille.
