J'entre dans la Grande Salle. Il est encore tôt pour le déjeuner, la table des Gryffondors est presque vide d'élèves de septième année. Seule Lily Evans, une pimbêche que je ne peux pas sentir, mange en solitaire dans l'espoir d'éviter ainsi la présence des Maraudeurs. Elle me jette un regard de biais avant de retourner à sa purée. Beurk ! Je déteste ça.
C'est donc pour cette double raison que m'installe loin d'elle et me sert copieusement de haricots verts. Bon, ce n'est pas le summum de la gastronomie, mais c'est déjà plus digeste que cette infâme bouillie pour bébé.
J'ai l'habitude. Depuis mon entrée à Poudlard, je fonctionne ainsi et m'en accommode fort bien. Nous sommes au mois de novembre. Les élèves se sont habitués à me voir seule, fuyant la compagnie. Evans avait bien essayé au début de l'année de m'intégrer dans le petit cercle des filles de mon dortoir, mais ce fut peine perdue. Je lui avais fait comprendre par une hostilité bien sentie que je ne désirais en aucun cas sa présence, et elle m'a laissée tranquille.
On me considère comme une sans amis. Je le suis, et m'en porte tout aussi bien. Personne ne connaît mon passé. Je suis arrivée en septembre, ai été envoyé à Gryffondor. Point. Personne ne sait d'où je viens, ni pourquoi j'ai atterrit ici. Tant mieux. Qu'ils continuent à l'ignorer, ça me convient parfaitement ! Pour eux, je doit être et demeurer Ambre Ponny, et c'est tout.
En somme, tout serait vraiment parfait si une épine, voire même une poutre ou un tronc de baobab, n'était venue se ficher dans mon pied. Les Maraudeurs. Je les hais, je les hais, je les hais ! Pourquoi ? Ce n'est pas vos affaires. Je les hais, c'est tout. C'est un secret partagé avec moi, moi, et moi.
N'oublie pas que le cours de Défense Contre les Forces du Mal a été reporté à aujourd'hui, dit soudain une voix devant moi.
Je lève le nez. Je vous le donne en mille, c'est encore cette greluche d'Evans qui n'a pas compris que je voulais être seule ! Elle cherche la mort ou quoi ? Calme Ambre, calme…
Merci, dis-je d'une voix sèche, mais j'étais au courant. Ce n'est pas parce que je circule rarement dans les couloirs du château que je ne sais pas ce qui s'y passe. D'ailleurs, je t'ai trouvée un peu faible hier…Que six baffes à Potter…Craquerais-tu ?
Ce ne sont pas tes affaires !
Elle s'en va d'un air outré, définitivement désespérée par mon caractère de cochon. Je la suis du regard en ricanant…avant de blêmir. Les Maraudeurs entrent à leur tour. Je me dépêche de terminer mon repas tout en les observant du coin de l'œil. Un instant – mais cela ne peut être qu'une illusion – il me semble croiser le regard de l'un d'entre eux, Remus Lupin, le moins terrible. Il a une étincelle dans les yeux, étincelle dont je ne parviens pas à deviner la raison.
Je n'ai plus faim…Le seul fait de savoir ces affreux bonhommes assis à quelques mètres de moi m'écoeure. Abandonnant mon assiette pourtant encore à moitié pleine, je me lève d'un pas rageur et sors de la salle.
Il me reste une demie heure à tuer avant le début du cours de DCFM. J'ai assez de temps pour retourner au dortoir et…rien faire. Telle est mon activité favorite, et je m'y emploie avec ferveur pendant environ vingt-cinq minutes. Mon but est de chasser ces maudits Maraudeurs de ma tête. J'y arrivais presque lorsque Shana, idiote en titre du dortoir, est entrée avec ses deux crétines d'amies pour glousser et se vanter que , son chéri d'amour, l'avait regardée ! Vous m'entendez ? Re-gar-dée ! Quelle gloire ! C'est sûr, elle est l'amour de sa vie, plus rien ne pourra les séparer ! L'imbécile ! Empoignant mon sac, et sous les grognements outrés des dindes que j'ai bousculées, je descends l'escalier en retenant ma fureur et fonce vers la classe de DCFM.
Je ne suis pas la première. Evans est déjà là, et jacasse avec ses amies. Je remarque en passant qu'elle a bien pris soin de s'asseoir côté mur, au premier rang, le banc derrière elle étant occupé par deux de ses amies. Elles font brusquement silence à mon entrée. Je ne les gratifie même pas d'un regard et continue mon chemin.
Comprenez que la classe comporte deux travées, donc trois colonnes de pupitres. Je m'assied moi aussi au premier rang, côté mur, à l'exact opposé d'Evans. Je puis même m'offrir le luxe de mettre les pieds sur le banc, la place voisinant la mienne ne sera occupée que par le dernier des retardataires.
Pas aujourd'hui apparemment. Une fois n'est pas coutume, les Maraudeurs sont arrivés en avance. Evans pousse un sifflement hostile, tandis que je serre les poings sur mon malheureux crayon qui tombe en miettes. Heureusement, ils disparaissent vite de ma vue et partent s'asseoir au dernier rang de la colonne Evans.
La place est libre ?
Je retire ce que j'ai dit. Seuls trois sur quatre sont partis s'asseoir au dernier rang. Remus Lupin, lui, sollicite bizarrement l'honneur de se mettre à côté de moi.
Il y a d'autres bancs au premier rang, je grogne sans même lui accorder un regard.
Comble de malchance, le professeur entre à ce moment-là, suivi par la foule des élèves. Lupin profite de la cohue pour pousser mes jambes du banc et s'y installer, fier comme un coq.
Je ne vais pas te manger, m'assure-t-il avec un sourire.
Je vais le tuer, je vais le tuer…
Bien, maintenant que vous êtes tous arrivés, commence ce cher enseignant (il n'a pas besoin de faire l'appel, mais juste de voir si la place voisine à la mienne est libre), nous allons entamer un nouveau chapitre sur lequel il est nécessaire de passer un peu plus de temps. Ce chapitre n'était pas au programme l'année dernière, et est devenu obligatoire pour le programme de vos ASPICs, je vous expliquerais pourquoi tantôt…Qui peut m'expliquer qui sont les Furiens ?
Alors que j'étais très absorbée à transvaser le contenu d'une bouteille d'encre dans une autre, j'en fait tomber mes deux récipients de stupéfaction. Les…les quoi il a dit ? Les Furiens ? Mais qu'est ce que ça vient faire ici ?
Miss Ponny apparemment ?
Et voilà, je me suis faite remarquer. Me voilà obligée de répondre…Pourquoi moi ? Evans et Lupin essayaient tous les deux de toucher le plafond !
Les Furiens sont appelés les Gardiens de la Paix. Selon la légende, ils disposent de grands pouvoirs issus des éléments.
Exact. A cela près que contrairement à ce que vous semblez croire, il ne s'agit pas d'une légende. Les Furiens existent bel et bien. La raison pour laquelle ce chapitre vous est cette année imposé est qu'en décembre, notre école accueillera une petite délégation de ces créatures, et ce jusqu'en juin. La plus élémentaire des courtoisies impose que vous ayez un minimum d'informations sur leur race avant de les rencontrer…Je vous propose donc, par groupe de deux, de travailler sur un aspect bien précis de cette créature, et me rendre dans un mois un dossier…
Automatiquement, Lupin se tourne vers moi en souriant tandis que commence un incroyable bruit. Je lève les yeux au ciel.
Crève, dis-je. Va voir ailleurs si j'y suis.
Pour plus de facilité, continue le professeur, je vous suggère de former les partenariats avec votre voisin de table…
Tu n'as plus le choix, murmure alors mon voisin en cherchant à capter mon regard.
Hey ! Lunard ! Tu viens ?
Direct de Peter Pettigrow, en duplex depuis le coin opposé de la classe. Il est assis aux côtés d'une boutonneuse au moins aussi moche que lui, laquelle paraît consternée de devoir quitter sa place.
Merci Queudver, répond Lupin en souriant (mais c'est quoi ça ? Il passe son temps à sourire ou quoi ?), mais je suis déjà avec Ambre.
Pettigrow prend un air déçu tandis que Lupin recommence à se concentrer sur moi. Le brouhaha devient vraiment trop fort. J'ai mal aux oreilles, et plaque mes mains des deux côtés de ma tête.
Ça ne va pas Ambre ? demande aussitôt Lupin d'un ton inquiet (hourra ! Il a arrêté de sourire comme un niais ! Quoiqu'il doit en être un.)
Manque de chance, je suis coincée contre le mur.
Laisse-moi passer, dis-je d'une voix sifflante.
Hors de question. Dis-moi d'abord ce qui ne va pas, ensuite on prévient le prof, et après je t'emmène à l'infirmerie.
Toi ? M'emmener à l'infirmerie ? Tu rêves !
Il n'a pas le temps de réagir que je me lève. Sous le regard éberlué du prof, je monte sur la table faisant obstacle à ma fuite. En deux minutes, je suis dehors. Cap sur l'infirmerie !
