En temps normal, je hais les sorties scolaires. Tous les adolescents sont sensés adorer ce qui les dispense un tant sois peu d'une ou plusieurs heures de cours, mais il m'arrive quelque chose chaque fois que je quitte l'enceinte de l'établissement dans lequel je suis inscrit actuellement. Quand ce n'est pas à l'intérieur de l'établissement. Mais ce jour là, nous visitions le théâtre régional, et honnêtement, c'est un bien meilleur choix que la Maison Blanche qui avait constitué ma sortie de l'année précédente, ainsi que ma dernière journée dans ce collège, et avait également failli être mon dernier jour en liberté. Alors que nous écoutions le guide parler, un administratif était passé devant nous. J'aurais juré qu'il n'avait qu'un seul œil, mais lorsque j'avais fait part de ma découverte à l'un de mes camarades de classe, il m'avait regardé comme si je devenais fou. J'aurais pu oublier l'incident si quelques minutes plus tard, alors que ma classe s'éloignait vers une autre salle ennuyeuse, l'homme ne m'avait pas fait signe de le rejoindre, puis tenté de me tuer avec une massue. Je ne sais comment, je me suis retrouvé avec les mains et les vêtements couverts de sang, tandis qu'il se recroquevillait à terre en gémissant. Bien entendu, nul n'a cru à ma version, et j'ignore toujours ce qui s'est passé, mais les autorités -et l'école- ont jugé mon comportement trop violent, et recommandé à ma mère de me faire rencontrer un psychiatre. Obligé serait un terme plus exact, étant donné que malgré les nombreux avertissements et incidents ayant marqué mes jeunes années, elle était toujours passé outre les directives scolaires. Le diagnostique était tombé : Trouble de l'Hyperactivité avec Déficit de l'Attention. Sans blague. Comme si je ne m'en étais jamais douté. Cette découverte ne fut une surprise pour aucun de nous deux, mais la mention dans mon livret scolaire ajouté à ma dyslexie faisait de moi un élève peu apprécié. J'étais donc heureux de pouvoir contempler les splendeurs d'un théâtre à l'italienne, malgré les reniflements méprisants et les rires de mes camarades de classe. Je détestais ce collège, mais il était le second depuis mon entrée en cinquième, et ma mère n'avait eu ni l'envie ni l'énergie de m'en trouver un meilleur. Le guide nous fit asseoir dans les fauteuils de velours -vous ne trouverez jamais siège plus confortable. Nous étions au premier rang, le nez sur l'avant scène. C'était la première fois que je me retrouvais là. Ma mère nous prend chaque année un abonnement pour voir des pièces diverses et variées et pas forcément de très bon goût ni d'excellente qualité, mais nous nous retrouvons toujours à la première galerie. Minimum. Je fixais la scène avec envie tout en écoutant le guide nous retracer l'histoire du théâtre et nous parler de l'architecture.
-Tu baves, White, lança Tonio Esperanzo.
Je roulais des yeux et le fusillais du regard. Je haïssait ce type depuis mon arrivée et il me le rendait bien. Il portait un profond mépris à tout ce qui est culturel, trouvait un malin plaisir à parodier les œuvres que nous étudions en classe -je n'aurais rien dit si ses parodies avaient été bonnes, mais elles sont parmi les choses qui devraient être châtiées par la justice divine, sérieusement-, et il tentait de se foutre de ma gueule continûment. Il est difficile de railler quelqu'un qui n'en a franchement rien à faire dans les bons jours et vous fusille du regard sans répondre dans les mauvais.
-...le décor sur le plateau n'a pas encore été démonté car la troupe jouera également ce soir. Peut-être pouvez-vous deviner de quelle pièce il s'agit ?
Au vu du décor on ne peut plus sobre d'une maison datant du XVIIème siècle et des bûches en coulisse que je pouvais voir depuis mon fauteuil, la réflexion fut aisée.
-The Crucible.
-Excellent, jeune fille.
L'assemblée d'abrutis éclata de rire et je roulais une nouvelle fois des yeux sans répondre. Pour un théâtre d'état à l'italienne, cette mise en scène était pathétique, sans aucun parti pris. Sincèrement, le mec qui dirigeait la troupe n'aurait-il pas pu choisir de prendre le texte avec ses sous-entendus et la transposer à l'époque du McCarthisme plutôt que de rester à Salem ? La pauvreté du répertoire américain me désespérait. A choisir, j'aurais préféré être né au Royaume Uni ou en France, voire en Italie, pays dont la culture théâtrale et l'histoire était bien plus étendue. J'en voulais terriblement à mon grand-père d'avoir quitté l'Europe un siècle plus tôt –ou peu s'en faut. Le reste de la classe se leva, me laissant le loisir de profiter du calme olympien et de la sérénité de la salle.
-Tu nous avez caché ce détail, White.
Tonio vint de se planter devant moi, et je commençai à me demander si je n'allait pas –pour une fois- prendre le risque de me faire renvoyer pour quelque chose dont j'aurais été réellement responsable, à savoir briser le nez d'un abruti de mexicain. Je jetais à regard à Josh, derrière moi. C'était un véritable colosse et je savais que s'il venait se poster à mes côtés, Tonio me ficherait une paix royale et me laisserait profiter de la sortie. Mais il haussa les épaules.
-Pas envie, Cassie.
Je détestais quand il m'appellait comme ça, mais j'avais toujours laissé courir, car cela signifiait qu'il était dans un bon jour. Ce mec était schizophrène, au sens littéral. Je n'étais pas sûr que quelqu'un d'autre que moi ait posé le diagnostique, mais un médecin aurait sans doute confirmé mon intuition.
-Toi, en revanche, tu ne nous as jamais caché que tu étais débile.
Un bras intercepta son poignet avant que son poing ne rencontre mon visage.
-Tu risques de tâcher la moquette, Esperanzo. Prends le à revers et prouve lui que tu as tort en agissant comme un adulte, pas un gamin.
Tonio me jaugea du regard avant de rejoindre l'autre groupe, derrière les coulisses. Mon sauveur, alias Peeta McKenny, me lança un regard argenté désespéré.
-Tu ne devrais pas le provoquer.
Je haussai un sourcil.
-Excuse moi ? Il est venu en premier. Tu aurais du me laisser le réduire en charpie.
Peeta leva les yeux au ciel en secouant la tête d'un air affligé. Il avait un réel talent diplomatique, méprisait la violence et était mon meilleur ami. A mon instar, il souffrait également d'hyperactivité et en était à sa cinquième école depuis le début de sa scolarité. Moins blond que moi, le cheveux court, musclé, il se contentait de soupirer chaque fois que je citais Shakespeare et de lever les yeux au ciel lorsqu'il voyait mes vêtements du jour.
-Viens, soupira Peeta, allons rejoindre les autres.
-Attends ! Nous avons la salle et la scène à notre disposition ! Nous n'allons pas partir sans en avoir profité !
Peeta possède des yeux vraiment très expressifs et il vous est facile de deviner ce qu'il pense. En l'occurrence, il avait penché la tête, se mordait l'intérieur de la bouche et me fixait, affligé. Je savais qu'il pensait « Sérieusement, mec ? ».
-Tu es impossible.
Je haussais les épaules, posais mes mains sur le tapis noir de l'avant scène et me hissais en hauteur. Je m'éloignais, levais les yeux vers les cintres et les projecteurs et effleurais la table de bois clair. Puis je me retournai et posais mon regard sur la salle et en eu le souffle coupé. Un jour, me jurais-je, je me tiendrais sur cette scène, et j'y jouerai une pièce exceptionnelle.
Un sifflement m'arracha à mes rêveries, et je levais les yeux pour voir une femme entrer.
-Eh bien eh bien, on fait des bêtises, mes petits ?
Je pensais que Peeta allais se tourner vers moi pour m'adresser un regard meurtrier et m'ordonner de descendre aussitôt, mais il bondit également sur la scène.
-Recule, et fonce dans les coulisses.
-Qu'est-ce que tu racontes ? demandais-je, interloqué.
-C'est un monstre !
Je la regardais attentivement. Certes, elle était vraiment laide, et avait l'air bien trop vieille pour faire partie de l'administration mais…
-Allons, jeunes sangs-mêlés, inutile de fuir.
Je n'appréciais pas du tout de me faire traiter de sang-mêlé. Je ne suis pas entièrement américain et je revendique rarement mes origines allemandes –disons que je revendique mes origines européennes sans préciser le pays, histoire oblige-, mais nul n'est autorisé à m'insulter.
-Je ne fuirais jamais, rétorquais-je.
Nul n'insinue que je suis un lâche. La… chose –je faisais entièrement confiance à Peeta, je ne l'avais encore jamais vu terrifié- éclata de rire.
-Vous me facilitez trop les choses.
Puis elle fondit sur moi. Enfin, sur nous, et nous nous écartâmes. Sans que je sache comment, je cru soudain voir ce que mon propre ami voyais, et hoquetais. Elle avait des jambes d'âne, et je vis du feu briller dans les mains. Je fus glacé de terreur, et cherchais le bouton pour actionner le rideau de fer. Les théâtres sont d'ordinaire sécurisés, mais… Je bondis vers le panneau de règlages, déclenchais l'abaissement du rideau, et évitais une gerbe enflammé en quelques secondes à peine. Je débordais inexplicablement d'énergie. Mon pantalon se déchira et je jurais. J'avais mis beaucoup de temps avant de trouver ma taille, et il avait coûté relativement cher. Peeta était aux prises avec la chose, et avait saisi une des planches de bois destinées à imiter un bûcher. Il tentait de la frapper mais elle était trop rapide pour lui. Je me portai à sa rescousse, elle m'envoya sans effort m'écraser douloureusement contre le mur, puis s'apprêta à attaquer mon ami.
-Peeta !
Il gisait au sol et je n'avais pas le temps d'aller chercher une planche. En désespoir de cause, je fondit à mon tour sur la créature. Elle hurla, hurla, sans que je comprenne pourquoi. Mon professeur d'anglais appelait mon nom et mes camarades tambourinaient au rideau de fer. Un technicien vint à leur rescousse et ils découvrîrent le triste spectacle. Un accessoire était brisé, Peeta demeurait inconscient, et une vieille femme hurlait, les yeux révulsés.
-Nom de dieu, White, qu'est-ce qui cloche chez toi ?
Ils étaient estomaqués, bouche bée. Pour la énième fois, je me posais la même question.
Ma mère recracha une bouffée de fumée.
-Tu aurais pu faire attention, Cassandre !
J'avais, sans surprise, une nouvelle fois été renvoyé, et nous avions de prime eut un nouveau rendez vous avec un psychologue, condition pour que l'administration du théâtre ne porte pas plainte.
-Je n'y suis pour rien, murmurais-je.
Elle tira de nouveau sur sa cigarette, me regardant à peine.
-Vais-je réellement devoir te chercher une nouvelle école ? se plaignit-elle.
-Je peux toujours aller parcourir les routes, répliquais-je.
-Au moins tu ne perdrais pas ton temps.
Je serrais mes poings brûlants, enragé. Ma mère était une femme magnifique, d'origine germanique –aryenne, aurait-on dit à une certaine époque, grâce à ses longs cheveux blonds pâles et ses yeux clairs, sauf qu'ils étaient verts et non pas bleus. Elle possédait des formes pulpeuses, un visage grâcieux et un maintient idyllique. J'avais hérité d'elle sa couleur de cheveux et la grâce de son visage –même si le mien était un peu moins fin-. Elle était persuadée de mettre au monde une fille et avait gardé le prénom choisi durant sa grossesse. On me prenait fréquemment pour une fille, comme lors de l'incident de tantôt au théâtre, puisque je n'avais pas encore mué. Bon sang, j'étais un gamin de douze ans avec des boucles blond pâle que je portais longues parce que c'était l'une des seules choses que j'avais trouvées pour que ma mère s'intéresse un tant soit peu à moi, et des yeux, euh, d'une couleur foncée indéfinie. La beauté de ma mère lui conférait une certaine aura dans son lieu de travail, qu'elle méprisait. Elle semblait n'avoir jamais le temps pour moi, encore moins lorsque je m'attirais des ennuis.
-Mon cher Cassandre, dit-elle en tapotant son objet de mort contre un récipient pour en faire tomber la cendre, tu vas devoir te contrôler. Bientôt, plus aucune école ne voudras de toi.
-Je n'y suis pour rien ! me révoltais-je. Un monstre a surgi, et nous a attaqué avec Peeta, mais il ne peut pas confirmer ma version puisqu'il est à l'hôpital, inconscient. Ils ont simplement tous décidé que j'avais des tendances pyromanes et traumatisé une grand-mère qui devrait être à la retraite lorsqu'elle était venue pour m'arrêter !
Ma mère me regarda, vraiment.
-Racontes-moi donc ce qui s'est passé, mon chéri.
Je déglutis difficilement, avant de lui narrer mon après midi ayant tourné au cauchemar. Les yeux verts de ma mère sur moi me troublaient. Elle ne me fixait jamais de la sorte sans que je sois sur scène. Elle avait décidé dès que j'avais été assez âgé pour avoir une activité extra-scolaire de me faire entrer dans un groupe de théâtre. Je m'y étais plié, semaine après semaine, car c'était seulement lorsque je parlais d'art dramatique qu'elle me portait de l'intérêt. Je m'y étais découvert du talent, et une véritable passion. Honnêtement, je n'avais pas l'intention de vivre en continuant à chercher d'autres créatures dans le genre de la mamie psychopathe. Lorsque j'eus fini mon récit, ses yeux brillaient.
-Tu es un véritable héros, Cassandre Weiss.
Je frissonnais. Femme d'affaire, elle avait fait naturaliser notre patronyme afin qu'il ressemble plus à un nom américain. J'aurais eu tendance à penser qu'elle aurait aimé ne pas se fondre dans la masse, mais à priori, cela ne concernait pas nos origines. Heidi Weiss était donc devenue Heidi White. Elle posa sa cigarette et vint m'entourer par derrière de ses bras chauds. Je perçus son parfum de menthe.
-J'ai toujours su que tu ressemblais à ton père !
Sa voix était douce et agréable comme le miel. Mon père avait foutu le camp à ma naissance, comme des millions d'autres lâches sur cette terre médiocre, mais elle continuait à en parler avec adoration. Elle aimait plus que tout passer sa main dans mes boucles.
Le téléphone de la maison sonna à trois heures du matin. Je ne dormais pas encore –comme tous les hyperactifs, lorsque je pratique une activité qui me plaît, je ne vois pas le temps passer, hors j'étais en train de lire La Mégère Apprivoisée, et ma dyslexie me brûlait les yeux. Essayez donc de lire de l'anglais britannique ancien alors que les lettres se mélangent sans arrêt. Je bondis hors de ma chambre, légèrement sous tension, et décrochai le combiné.
-Cassandre ? Dis-moi que c'est toi !
-Peeta ?
Bien que je fus soulagé de le savoir de nouveau conscient, je restai estomaqué.
-Je confirme, dis-je. Tu n'es pas à l'hôpital ?
Un silence me répondit, et je commençais à paniquer.
-Qu'est-ce qu'il se passe ? Où es-tu ? Je vais venir te chercher. Comment ont-ils pu te laisser sortir ?
-Je… me suis enfui.
Je restai sans voix. Mon meilleur ami est le garçon le plus réfléchi que je connaisse, il n'aurait jamais agi ainsi sans avoir au préalable tout planifié à la minute près.
-Il y avait un nouveau monstre. Crois-moi, Cassandre, je…
Sa voix se brisa, et je le devinais près d'éclater en sanglots. Je l'imaginai, dehors, les yeux fous de terreur, et une douleur sourde enfla dans ma poitrine.
-Où es-tu ?
-Pas loin de l'école primaire, balbutia-t-il.
Il était encore sous le choc et devait à peine tenir debout.
-Eh, calme-toi, fit inconnue une voix à l'autre bout du fil.
Mon ami et moi nous étranglâmes en cœur.
-Tiens, mange ça, ça te fera du bien, reprit la voix.
-Peeta ?
Il s'agissait d'un adolescent, au son de sa voix, un garçon. Je hurlais le nom de mon meilleur ami dans le combiné, le cœur tambourinant dans la poitrine, mais la connexion avait été coupée.
-PEETA !
-Cassandre !
Ma mère descendait les escaliers en robe de chambre, furieuse.
-Que fabriques-tu donc ?
-Il faut que j'y ailles, lançais-je.
Je pris mon manteau, mon portable, et fonçais dans l'entrée.
-Tu vas de nouveau jouer les héros ?
Elle semblait apaisée. J'eus un haut le corps, mais ne m'arrêtais pas, et courut jusqu'à l'école primaire, soutenue par la même étrange force déjà ressentie dans l'après midi. Il pleuvait à torrent et je me retrouvais bientôt trempé. J'arrivais sur les lieux et faillit défaillir en apercevant mon meilleur ami dans un pyjama d'hôpital soutenu par un jeune homme au visage disgrâcieux et plein d'acné portant une casquette d'une équipe de rugby dont je me fichais totalement. Ils tournèrent la tête vers moi.
-Toi aussi ! s'exclama le type.
-Quoi, moi aussi ? cinglais-je.
Je commençais réellement à fatiguer, de ces sous entendus et des bizzareries éprouvées. J'avais eu ma dose pour aujourd'hui.
-Aide-moi à le soutenir.
Personne ne me donne d'ordre, sauf un metteur en scène. Je haussais les sourcils et contemplais le parfait inconnu, dubitatif.
-Pas vrai, marmonna-t-il d'une voix chevrotante. Tête de mule, pire qu'une variante de satyre aux jambes d'ânes. Deux à emmener, et à amener vivants. 'M'avais pas prévenu de ça, Grover.
Je glissais un bras sous l'épaule de mon ami.
-Viens, on va rentrer et je vais appeler ton père.
L'étrange adolescent sursauta.
-Hein ? Oh non, vous n'allez nulle part ! Pas sans moi !
J'allais protester mais il brandit une branche devant moi.
-Tu veux vraiment passer une autre journée comme celle-là, et continuer à être renvoyer des établissements pour des motifs inconnus ?
Je perdis aussitôt l'usage de la parole. Comment pouvait-il être au courant ? Il ne nous connaissait pas !
-Allez, m'exhorta-t-il. On va prendre un taxi.
J'ai toujours de l'argent sur moi, soit. Je songeais à ma mère. Elle était concentrée sur son dossier le plus important de l'année, et serait sans doute soulagée de ne pas avoir à chercher une autre école.
-Où ?
-A la colonie des sangs-mêlés.
Deux fois en une seule journée, on m'appelait un sang-mêlé. Je commençais réellement à perdre patience.
-Quel âge tu as ? me demanda-t-il brusquement.
-Douze ans.
Bizzare pour bizzare, j'avais tout autant intérêt à répondre à ses questions si je voulais avoir les réponses aux miennes.
-Pas possible, grogna-t-il. Bon, tu restes là encore un an, ou tu viens avec moi ? Ton père ou ta mère ne s'inquiétera pas outre mesure, de toutes façons, il ou elle devait s'y attendre.
-Vous êtes vraiment flippant, commenta Peeta en sortant de sa torpeur.
Puis il se tourna vers moi, une lueur excitée brillant dans ses yeux.
-Cassandre, c'est là-bas qu'est notre place. Je le sais. Je n'en peux plus… Il faut que je t'avoue quelque chose.
Je me figeais et il chancela. Je le rattrapais et donnait mon assentiment au garçon d'un signe de tête. Il s'éloigna en boitant étrangement, et je considérai à appeler ma mère depuis mon portable avant de me raviser. Elle était ravie que je joue les héros, j'allais donc lui montrer ce qu'était un héros. Première règle : ne jamais donner de nouvelles de façon à ce que tout le monde pense que nous sommes morts. Bien sûr, nous réssussitons toujours au moment où on s'y attends le moins.
-Qu'y a-t-il, Peeta ?
-Je vois… des choses. Comme la créature de toute à l'heure. Depuis que je suis enfant, je vois des horreurs, des meurtres, des catastrophes et des créatures auxquelles personne ne prête attention. Les psychologues ont estimé que c'était la perte de ma mère qui m'avait traumatisé, mais ça ne s'est jamais arrêté.
Je restai un instant muet, blessé dans mon orgueil qu'il n'ait pas eu suffisamment confiance en moi pour m'en faire part avant.
-Je veux avoir les réponses.
Il tremblait.
-Combien pauvre sont ceux qui n'ont point de patience, observais-je.
-Shakespeare ?
-Othello.
Il poussa un soupire mi-amusé, mi-exaspéré, et je laissait échapper un rire. Nous étions deux gamins, sous la pluie, prêts à suivre un sans doute dangereux adolescent dans la nuit pour comprendre les bizzareries de notre vie. Aussi stupide était-ce, je songeais que j'étais sans doute un sang-mêlé, et que quoi que cela veuille dire, ce terme détenait les réponses à ma vie chaotique.
