1 Prisonniers de Poudlard

Albus Dumbledore avait mal à la tête, ce matin. Une terrible douleur, comme si on laminait son cerveau et qui l'empêchait de réfléchir convenablement, même son thé paraissait sans saveur. Les potions de Severus, son maître des potions, n'avaient plus aucun effet sur lui. Des choses sortaient de son crâne, des pensées maussades et mortelles, des pensées qu'il aurait voulu garder à l'intérieur de lui. Il ne pouvait retenir ses sombres desseins, ils déferlaient comme un fleuve furieux qui débordait de son lit et s'insinuait dans tous les interstices qui se trouvaient dans son bureau et ses quartiers pour ramper dans le château.

Il devait bouger, on avait besoin de lui, rumina l'homme en enfilant sa robe de sorcier en retenant une grimace de fatigue qui s'était installé dans son corps depuis plusieurs jours déjà, voir des semaines.

-Le temps est maussade ce matin, se fit la réflexion un certain jeune homme dont le regard vert sondait le ciel devenu gris alors qu'il ouvrait les volets de son appartement située à Pré-au-Lard. Là il pensait profiter de sa journée de congé pour retourner dans son lit et paresser jusqu'à pas d'heure. Manque de chance, un volatile s'agrippa sur le rebord de sa fenêtre et tapota sur la vitre avec son bec. Faire semblant de ne pas le voir était impossible.

Harry intercepta la chouette d'Hermione, la caressa quelques secondes puis retira le pli qu'elle lui avait envoyé. L'oiseau se laissa faire sans rechigner puis sautilla sur un perchoir où il savait trouver d'excellentes graines de chez Chouette-Rapace.

"Tu es attendu à Poudlard, voilà trop longtemps que tu n'es pas passé me voir, dois-je te rappeler que tu as promis de venir voilà deux mois de cela. Tu as intérêt à rappliquer aujourd'hui, je sais que c'est ta journée de congé, Harry. Et pour une fois sois à l'heure"

Oui, bon c'est vrai qu'elle avait raison, il retardait le moment d'aller lui rendre visite et avec un mot comme celui-ci il ne pouvait plus refuser l'invitation délicate et pleine de douceur de son amie. Le jeune homme soupira puis se prépara en prenant son temps. Trois quart d'heure plus tard il ferma la porte de son petit appartement à clef puis transplana jusqu'à Poudlard.

-Tu vois je suis venu, fit Harry, jeune auror de vingt-cinq ans, en s'adressant à son amie qui terminait de ranger ses copies sur une pile déjà conséquente. Il est chouette ton bureau, bien rangé, pas comme le mien, un vrai foutoir je te raconte pas !

-Harry, déjà élève ici tu étais bordélique, et crois-moi le mot est bien choisi. Cela dit je suis contente de te voir, tu m'as trop manqué.

-Comment tu vas ? demanda sérieusement le jeune sorcier. D'après Ron tu en fais trop, comme d'habitude. Il s'inquiète pour toi.

-Ron exagère, je me porte comme un charme.

-Tu sais que ça ne l'empêchera pas de se faire du souci, hein ?

-Je suis professeur à Poudlard, Harry, ce n'est pas comme si je risquais ma vie tous les jours.

-Toi et moi on le sait, mais pas lui apparemment, il doit croire que tes étudiants te torturent méchamment, sourit le sorcier. Et avec Snape et Drago, ça se passe comment ?

-Drago est charmant, on est devenu des amis, ce que Ron ignore sinon il viendrait me faire la leçon, quand à Snape il reste égal à lui-même.

-Ouais, j'imagine.

-Si tu vois Ronald, dis-lui qu'il cesse de se prendre la tête. Je vais bien.

-Je le lui dirai demain, enfin s'il réussit son match de quidditch sinon il ne sera pas à prendre avec des pincettes.

-Et toi ton boulot, comment tu t'en sors ? interrogea Hermione en se levant.

-Si tu prends en compte le fait que je suis auror depuis cinq ans déjà, ironisa Harry Potter.

-C'est vrai, se moqua la jeune femme. Je crois que je commence à fatiguer.

-Justement, je suis là pour te changer les idées aujourd'hui. Alors pas de copies à corriger.

-Oh ! tu as vu ? s'exclama Hermione en regardant vers l'unique fenêtre de son bureau située au deuxième étage du château. Quel brouillard, c'est étonnant !

-Oui, quand je suis parti de chez moi, à Pré-au-Lard, il arrivait des collines. C'est incroyable la vitesse à laquelle il est arrivé ici. Cela dit c'est normal, non ? On est dans une région de brouillard.

- Aussi épais je n'avais jamais vu.

Harry regarda son amie, une question qui n'avait aucun rapport avec le brouillard le taraudait.

-Je peux te poser une question ? murmura le gryffondor, tu n'es pas obligé de me répondre...

-Je connais ta question, souffla la jeune femme en se tournant vers Harry, tu te demandes pourquoi Ron et moi ça n'a pas marché ?

-Oui, je trouve ça trop...enfin c'est comme si je ne vous connaissais plus, pourtant vous étiez si proche, je n'y comprends plus rien.

-Il n'y a rien à comprendre, nous n'étions pas prêts...

-Il n'y aurait pas quelqu'un d'autre dans ta vie ?

Hermione croisa ses bras sur sa poitrine comme si elle avait un besoin urgent de se protéger de la clarté de Harry. Bon sang ! Il n'y avait que lui pour mettre les pieds dans le plat.

-Non mais vraiment je ne vois pas ce qui te fait dire ça ! s'exclama le professeur d'étude des moldus. Tu crois que vraiment j'ai le temps pour ça ?

-Je ne te juge pas, tu fais ce que tu veux de ta vie...

-Encore heureux ! marmonna la sorcière entre ses dents.

-Clairement je t'ennuie avec mes questions, ricana le jeune homme. Je vais te laisser maintenant, on se verra au déjeuner, Albus m'attend chez lui pour boire le thé et ensuite ma journée sera pour toi.

Quand l'auror disparut de son bureau, Hermione relâcha son souffle. Elle n'avait pas véritablement menti, il n'y avait absolument rien entre Drago et elle, même si elle perdait complétement ses moyens quand elle le croisait dans les couloirs. L'homme qu'il était devenu était vraiment charismatique et ses yeux ensorceleurs, un hymne à la luxure qui s'accordaient sur un air de musique endiablé. Elle devait oublier ce serpentard, et le plus tôt sera le mieux.

Le château de la célèbre école de sorcellerie Poudlard, se trouvait complétement cerné de brume maintenant. Un brouillard épais aux reflets gris et noirs qui n'augurait rien de bon. Les arbres alentours ressemblaient à des fantômes qui agitaient leurs longs bras décharnés pour attraper des choses invisibles. Les sons au dehors étaient assourdis, étouffés, presque inexistants. Jamais à Poudlard on avait vu un brouillard aussi intense, aussi menaçant, comme si tout était figé dans le temps.

Surnaturel était le mot pour désigner l'état du paysage autour du château.

Les étudiants s'agitaient, inquiets et superstitieux. De la brume sombre n'amenait jamais une bonne nouvelle dans ces contrées.

-Albus ? tenta Minerva McGonagall en voyant le vieil homme s'asseoir dans son fauteuil comme un somnambule qui aurait perdu tous ses repères. Était-il malade ? se demanda-t-elle en lorgnant sur son visage pour voir s'il n'avait pas de la fièvre.

-C'est un mauvais présage, murmura le directeur de Poudlard en passant sa main sur son front moite et douloureux. Ça ne nous mènera rien de bon.

-Ce brouillard ? Voyons c'est ridicule ! Ce sont des superstitions dangereuses et puériles, mon cher ami.

L'homme cligna des yeux. Il était sûr de ce qu'il avançait. Il avait déjà été témoin de ce phénomène quand il était encore un petit enfant de quatre ou cinq ans. Autant dire que cela remontait à loin. Cependant il se souvenait encore du grand malheur qui s'était abattu sur le monde magique. Minerva ne pouvait savoir, elle n'avait pas connu ça.

-Qu'on ferme immédiatement les portes du château, cria le vieil homme en se tournant vers les nombreux portraits qui jalonnaient les murs de son bureau avec un regard un peu fou. J'interdis aux étudiants de quitter Poudlard pour quelques raisons que ce soit sous peine de punitions sévères.

La directrice des gryffondors poussa un hoquet d'étonnement et de peur mêlé.

Le vieil homme retomba dans son fauteuil, il n'en pouvait plus tellement il était épuisé. Et s'il se souvenait bien, là aussi il avait eu un mal de tête horrible quand il était enfant, le même jour où le brouillard était apparu. Une coïncidence ?

Minerva s'approcha de l'homme qui tentait de montrer bonne figure pour ne pas inquiéter son amie.

-Je ne crois pas que nous devrions en arriver là, Albus. Ceci n'est pas dangereux, retenta la dame au chignon impeccable en désignant la brume au dehors, interrompue par l'entrée retentissante d'Argus Rusard, essoufflé et échevelé, l'œil heureux de voir qu'enfin son directeur mettait au pli les élèves de cette école. Quelle bonne idée de les enfermer dans le château !

-Toutes les issues sont bloquées, monsieur le directeur, dit-il avec satisfaction et jubilation. Les elfes et moi y avons personnellement veillé.

-Très bien, fit Dumbledore en jetant un énième regard au dehors par la fenêtre de son bureau alors qu'un tremblement le secoua des pieds à la tête.

-Nous voilà prisonniers, gronda Minerva McGonagall. J'en connais à qui ça ne va pas plaire, ajouta-t-elle en pensant à un certain serpentard, maître des potions, qui allait voir rouge de rester dans l'enceinte du château avec des élèves surexcités.

La brume s'intensifia si cela était encore possible. Elle avait rampé comme un serpent vicieux jusqu'au pied de Poudlard et maintenant elle partait à l'assaut de ses murs. Le vieil homme réprima un second violent frisson puis regarda son amie quitter son bureau de sa démarche droite et outragé.

-Professeur ? s'étonna Harry quand il pénétra chez le vieil homme qui avait regagné ses appartements. Que se passe-t-il ?

L'auror s'avança près du directeur. Oui quelque chose n'allait pas, jamais il n'avait vu Albus aussi concentré, aussi inquiet et terrorisé. Son regard était ailleurs, comme s'il était parti dans un autre monde, et pas quelque chose de joyeux d'après les multiples rides sur son front qui se chevauchaient.

L'homme ne répondit pas, occupé qu'il était à réchauffer ses rhumatismes devant un bon feu de cheminée. Ses pensées voyageant pendant l'année de ses quatre ans. Cherchant une réponse à ses délires et à ses questions.

Harry s'approcha du sorcier et tapota sur son épaule pour le faire sortir de sa torpeur.

-Oh, c'est toi, Harry ! Prends un siège et viens près de moi.

-Seriez-vous souffrant ? Vous avez mauvaise mine là !

-Non, non, je ne suis pas malade...peux-tu me dire quelle heure il est ?

-Onze heures quarante-cinq...

-C'est encore trop tôt.

-Encore trop tôt pour quoi faire ?

-Rien, n'écoute pas mes divagations, Harry. Cela dit nous devrions nous rendre dans la grande salle, j'ai une annonce à faire.

La salle à manger était déjà pleine à craquer quand ils arrivèrent. Tous attendaient de savoir pourquoi toutes les issues du château avaient été bloquées. Les fantômes ayant fait passer la nouvelle plus vite qu'un boulet de canon lancé à toute vitesse.

-Que ce passe-t-il ? demanda Harry en s'asseyant près de Minerva qui s'était tournée vers lui. On dirait qu'il se prépare quelque chose et je dois dire que je n'aime pas trop ça.

-Albus a fait fermer les issues de Poudlard, le renseigna la directrice des gryffondors.

-Mais pourquoi ? Ça n'a pas de sens !

-Le brouillard.

-Quoi le brouillard, qu'est-ce qu'il a à voir avec cette décision ?

-Silence ! fit Albus qui fut obéi sur le champ par les étudiants, toutes maisons confondues. Dorénavant il sera interdit à quiconque de sortir de ce château. Il sera interdit d'utiliser quelque magie que ce soit pour ouvrir une porte, une fenêtre ou une cheminée sous peine de sévères punitions. Ceci est aussi valable pour les visiteurs et les professeurs.

Harry hoqueta d'indignation. Le voilà qui se retrouvait prisonnier de Poudlard.

-Quand a-t-il pris cette décision ? demanda, impérieux, le maître des potions en s'adressant à son tour à la vieille dame.

-Ce matin, il est inquiet...

Albus se rassit, toujours aussi perturbé. Ses rides s'étaient creusées plus profondément. Il ne comprenait plus rien, impossible que ça recommence, cela ne se pouvait pas.

-Je vous veux dans mon bureau dans une heure. Tous, ajouta-t-il en regardant Harry et les professeurs.

Tout le monde opina ainsi que l'auror. Le jeune homme savait que le directeur de l'école avait une sacrée bonne raison d'avoir fermé Poudlard. Maintenant il voulait la connaître, cette raison. Il le connaissait assez pour savoir qu'il devait y avoir un danger potentiel même si lui n'en n'avait pas encore conscience.

Chacun prit place où il le pouvait dans le bureau du directeur. Aucune parole ne fut prononcée tant que le vieil homme ne se tourna pas vers eux. Le brouillard l'obsédait de plus en plus, comme s'il se laissait avaler par lui. Des questions passaient en coup de vent dans sa tête auxquelles il n'avait toujours pas de réponse.

-Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, le château est fermé. Personne ne sort et personne n'entre. Il est difficile de vous en expliquer les raisons, ou si, mais vous allez me prendre pour un vieux fou.

-Ce ne sera pas la première fois, bougonna Snape. Est-ce que vous ne pourriez pas nous en dire plus, ou du moins essayer ?

-Mes souvenirs remontent à très loin, je ne sais pas...c'est floue.

-Et combien de temps va durer cette retraite forcée ? questionna Minerva McGonagall. Les parents vont s'inquiéter, Albus.

-Croyez-moi, les parents auront autre chose à penser, répliqua Albus. Nous devons d'abord protéger Poudlard et tous ceux qui y vivent.

-C'est si grave que ça ? demanda le jeune homme aux yeux verts.

-Plus grave encore, Harry. Ce brouillard n'est pas ce qu'il semble être. Il y a des choses dedans...des choses immondes.

-Si vous nous disiez de quoi il s'agit on pourra se préparer, intervint Hermione un peu nerveuse pour ce quelque chose d'étrange et horrible qui se trouvait dans la brume, d'après le vieil homme.

-Il se passe au dehors des forces qu'on ne peut contrôler, miss Granger. Des forces maléfiques qui sont là pour vous embrouiller l'esprit.

-Ouais, des forces maléfiques, on connait déjà, non ? ironisa Harry en pensant à Voldemort.

-J'allais dire comme monsieur Potter, fit Snape, on peut les vaincre, comme les autres.

-Non, fut catégorique Albus. Cela n'a rien à voir avec Tom.

-Et elles ont un nom, ces forces maléfiques ? interrogea Pomona Chourave.

-Est-ce que le mal a besoin d'un nom ? soupira le maître des potions, agacé.

-Ca peut aider, rétorqua la femme, légèrement vexée.

Snape grogna et Harry sourit, rien n'avait changé et c'était tant mieux.

Tous se turent, attendant la réponse d'Albus Dumbledore dont le regard était à nouveau dirigé vers la fenêtre. Comment avait-il fait pour ne rien voir ? Il aurait dû se rendre compte d'un changement, même imperceptible.

Il n'avait rien vu venir et pourtant il aurait dû. Maintenant il était trop tard pour tout arrêter.